En apprendre plus sur Rojava
Cynisme
Une trahison. Il n’y a pas d’autre mot pour qualifier l’attitude de Donald Trump à l’égard de ses alliés kurdes. On ne sait si le retrait américain de la zone frontalière sera confirmé : cette perspective rencontre une forte opposition au sein de l’administration américaine. Mais l’intention du Président n’est pas douteuse : il veut abandonner les Kurdes à leur sort.
Rappelons-nous. Quand les alliés ont voulu empêcher les terroristes de l’Etat islamique de s’installer dans leurs terres de conquête, il a fallu trouver des soldats capables d’affronter les islamistes sur le terrain. Les puissances occidentales ne souhaitaient pas déployer des troupes au sol, en dehors de quelques centaines de combattants des forces spéciales : elles se sont tournées vers les Kurdes. Dans leur intérêt, bien sûr, mais aussi dans celui des Occidentaux, ces soldats courageux se sont retrouvés en première ligne. C’est en grande partie grâce à leur abnégation et à leur efficacité que les enclaves créées par Daech sont tombées une à une.
Et voici que pour toute reconnaissance, les Etats-Unis, mollement désapprouvés par les Européens - notamment les Français, pourtant proches des Kurdes -, envisagent très sérieusement d’abandonner purement et simplement leurs alliés aux coups de l’armée turque. Cynisme et double jeu : tels sont les principes qui gouvernent cette trahison annoncée. Nul simplisme dans ce diagnostic. On sait que la Turquie, depuis des lustres, redoute plus que tout la constitution d’un embryon de Kurdistan autonome à sa frontière, qui servirait de point d’appui et de référence à la forte minorité kurde présente sur son sol. Mais cette affaire complexe est justiciable d’une négociation entre les parties, qui assurerait la sécurité de nos alliés. On prévoit la désertion. Elle resterait comme une tache sur l’honneur des démocraties.
Le Monde| Par Jean-Pierre Stroobants Envoyé spécial | 15/10/2019
Les Vingt-Huit se sont contentés de « défendre des positions nationales fermes » en matière de livraisons d’armes vers Ankara, suspendues par Paris et Berlin.
lefigaro.fr | Par Georges Malbrunot | 13/10/2019
Alors que l’offensive militaire turque contre le Nord-Est syrien a provoqué le déplacement en six jours de 130.000 personnes, selon les Nations unies, l’annonce d’un retrait américain de 1000 soldats renforce les craintes d’une résurgence des opérations de Daech et d’un nettoyage ethnique antikurde par les rebelles arabes islamistes, supplétifs de la Turquie.
Libération | 14/10/2019 |
La France menace de suspendre ses livraisons d’armes, Donald Trump d’asphyxier l’économie turque, Angela Merkel appelle à cesser les combats… et Recep Tayyip Erdogan semble, lui, plus déterminé que jamais à poursuivre son offensive contre les Kurdes dans le Nord-Est syrien. Pourquoi le président turc tremblerait-il davantage, puisque le Conseil de sécurité de l’ONU s’est montré incapable, à défaut de voter une véritable résolution, de se mettre d’accord sur une simple déclaration ? Et qu’après de «forts encouragements» à interrompre les opérations militaires, le secrétaire à la Défense américain a finalement annoncé le retrait d’un millier de soldats…
Pour l’heure, les «conséquences» promises en représailles à Ankara par la communauté internationale restent lettre morte. Celles subies par les Kurdes sont en revanche bien réelles : dimanche, un convoi de femmes et d’enfants, encadrés par des miliciens kurdes, a été pris pour cible par l’aviation turque alors qu’il fuyait les combats. Autre conséquence inquiétante : les prisonniers du camp d’Aïn Issa, à 50 kilomètres de Raqqa, ont été abandonnés à leur sort par leurs geôliers kurdes. Parmi eux : des membres des familles de jihadistes, auxquels se mêlent des cellules dormantes de Daech. Sans surprise, l’impuissance politique et diplomatique face à l’offensive turque en Syrie est payée au prix fort. A défaut de l’avoir empêchée, la communauté internationale doit désormais tout faire pour éviter qu’advienne le désastre humanitaire annoncé. Et qu’à l’horreur s’ajoute le déshonneur.