PRESENTATION
Français

PROGRAMME
Français

LISTE
Intervenants
INTERVENANTS
Hamid Bozarslan
Gerard CHALIAND
Fuad HUSSEIN
Najmaldin O. KARIM
Pierre Jean LUIZARD
Danielle Mitterrand
Adnan MUFTI
Kendal Nezan
Siyamend OTHMAN
PRESSE
Arabic News
Associated Press
I Herald Tribune
Jeudi 28 novembre 2002
Mouna Naim
Mouna Naim 2
Marc SEMO
IMAGES

VIDÉO
Vidéo

C O N F E R E N C E   I N T E R N A T I O N A L E
Quel avenir pour les Kurdes en Irak ?

Le vendredi 29 novembre 2002
Organisée par : l`Institut kurde de Paris


L'avenir et la situation économique du Kurdistan irakien depuis le soulèvement de 1991 à nos jours

Par Adnan MUFTI (*)



Mesdames, Messieurs,

Tout d'abord je vous remercie pour l'organisation de cette conférence qui nous réunit après tant d'années et surtout en ce moment plein d'incertitudes et si crucial que nous traversons. Je vous remercie et je sais que votre participation accorde toute son importance à la question kurde et à ses droits ainsi qu'à l'avenir du peuple irakien et sa lutte depuis des décennies pour une vie démocratique et les droits de l'homme.

Pour mieux connaître la situation économique du Kurdistan avant le soulèvement de 1991, je voudrais vous rappeler les points suivants :

1/ L'économie de Kurdistan a été détruite à cause de la destruction de 4500 villages et petites villes et la déportation de ses habitants dans des camps obligatoires.

2/ Toutes les usines étaient en pannes à cause de la guerre Iran-Irak, celle du régime de Bagdad contre les Kurdes et la guerre du Golfe.

3/ Dès la prise de contrôle du Kurdistan, le régime de Bagdad a retiré tout l'argent en vidant toutes les banques de la région sans compter le pillage des biens publics par les collaborateurs du régime.

4/ Après les négociations de 1991 entre le régime et les Kurdes, le pouvoir de Bagdad a retiré l'ensemble toute l'infrastructure administrative du Kurdistan, il a imposé un embargo économique sur nos régions et il a cessé de payer les salaires des fonctionnaires.

5/ Sans prendre en considération les principes de régulation monétaire, le régime a fabriqué de nouveaux dinars en grande quantité et cela a fait chuter le cours de la monnaie irakienne par rapport aux autres monnaies. Tandis qu'au Kurdistan a été créée une nouvelle économie suscitée par cette situation spéciale : l'ancien Dinar (prohibé par le gouvernement Irakien) et qu'on appelle le Dinar Suisse est devenu la monnaie de la région.

6/ Les pays voisins de Kurdistan, plein de méfiance devant cette situation nouvelle, n'ont pas collaboré avec nous, ce qui a ajouté un nouveau problème aux deux autres à savoir ceux des deux embargos imposés par la communauté internationale et de régime de Sadam Hussein.

C'est dans cette situation que nous avons décidé de faire des élections libres et démocratiques à l'issue desquelles un Parlement a vu le jour et les sièges ont été partagés entre l'U.P.K, le P.D.K. et cinq sièges attribués aux Assyriens. Pour faire face à cette nouvelle situation économique, le Parlement a désigné un gouvernement.

Je diviserais cette période économique en trois parties distincte :

A- période de 1991/1994 (le Gouvernement Unifié ) durant lequel nous avons réalisé les travaux suivants :

1/ La réorganisation du commerce et le transit entre la Région autonome, l'Irak et les Pays voisins. Cela a permis des entrées financières dans les caisses du Gouvernement qui a pu subvenir aux premières urgences.

2/ En Collaboration avec les Organisations Internationales et les O.N.G, le Gouvernement Régional a pu reconstruire des villages détruits et encourager le retour de ses habitants. Ce retour a eu pour effet une production agricole et la reconstruction des cheptels animaliers.

3/ Remise en état et redémarrage de certaines usines comme celles de TASLUJA, SARÇINAR et la FABRIQUE de tapis.

Malgré les problèmes évoqués, l'économie de Kurdistan a repris le cours de son développement.

B/ Seconde période de 1994 à 1997 (période des deux administrations et de la guerre), durant laquelle :

1/ Beaucoup d'Organisations Internationales et Non Gouvernementales n'ont pas terminer leurs projets, les pays limitrophes leurs compliquant la tâche en les empêchant d'entrer ou de sortir du Kurdistan.

2/ Les activités commerciales et le transit avec les pays voisins ont diminué, mais dès 1995 la vente de pétrole irakien de contrebande avec la Turquie via Braim Khalil a créé une grande activité commerciale. L'embargo imposé par Bagdad sur le Kurdistan concernait aussi le pétrole et c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de rouvrir les puits de pétrole de Shiwashok dans la région de Koya. En 1996 et pour la première fois, les ingénieurs kurdes ont pu construire une raffinerie au Kurdistan qui assure aujourd'hui 30 % des besoins de la région.

C : Troisième periode 1997 à nos jours, période de la réconciliation et celle de programme 986 : C'est une période importante et grâce aux points suivants la région a fait des progrès considérables :

1/ Le programme pétrole contre nourriture connue sous le nom de "résolution 986" selon laquelle 13 % des revenus de la vente mensuelle du pétrole sont dépensés en nourriture et médicament pour la région de Kurdistan. C'est la première fois que la pauvreté a commencé à diminuer.

2/ L'accord de Washington signé par messieurs TALABANI et BARZANI en présence de Madeleine ALL BRIGHT ministre des affaires étrangères Américaines de l'époque. La paix est revenue au Kurdistan et grâce aux efforts des deux parties, quatre ans plus tard le Parlement s'est réuni avec la totalité de ses membres le 4 octobre /2002. Dans un délai de neuf mois de nouvelles élections devraient avoir lieu, une stabilité politique et un point de vue commun entre l'U.P.K. et leK.D.P. ont permis l'obtention d'un meilleur profit de la résolution 986 dans la Région.

3/ Les bénéfices de la résolution 986 ont permis au Gouvernement des avancés économiques dans le domaine agricole, l'élargissement des réseaux de canalisations des eaux et des réseaux électriques vers des centaines de villages et villes, ainsi que le développement du réseau routier. En six ans le nombre des écoles et des hôpitaux a largement dépassé celui que l'état irakien a construit de 1921 à1991.

4/ L'économie du Kurdistan a vu des progrès dans les domaines du commerce, de l'agriculture et de l'industrie. Grâce à la liberté économique et à la libération du marché, le progrès est visible dans la construction de l'habitat, l' hôtellerie et le tourisme. La production des usines augmente, s'améliore en qualité et suit la demande des marchés.

Aujourd'hui beaucoup de compagnies turques et iraniennes travaillent au Kurdistan. Et durant les trois dernières années plusieurs foires et expositions turques et iraniennes ont été organisées à Sulaimani et Erbil.

5/ Pour faciliter les échanges commerciaux, nous avons simplifié les démarches administratives d'un côté et avons supprimé les taxes douanières sur les productions industrielles. Les nouvelles lois autorisent les compagnies étrangères à exercer leurs activités au Kurdistan, contrairement aux lois d'Irak qui jusqu'ici les interdisaient.

6/ Les banques exercent leurs activités pour permettre aux citoyens de déposer leur argents et obtenir des crédits.

7/ Malgré la chute du dollar par rapport au dinar et la perte des revenus douaniers perçus en dollars, le Gouvernement paye les salaires sans retard.

8/ Les municipalités avec les conseillers élus lors des dernières élections et avec l'aide du ministère de la Ville assurent et gèrent leurs budgets sans oublier le rôle de Gouvernement qui est celui d'embellir les villes.

Les difficultés du développement économique :

A/ La résolution 986 avec 13 % des revenus du pétrole a un rôle fondamentale dans le développement de la région, mais l'application de ce programme est lente. Les frais des Organisations des Nations Unies sont très importants, des centaines de millions de dollars sont bloqués dans les banques européennes ainsi que des projets importants comme celui d'un hôpital de 400 lits à Sulaimania et d'autres à Erbil et à Duhok.

B/ L e G ouvernement du Kurdistan n'a aucun pouvoir sur la gestion des revenus, c'est l'Etat irakien avec les Nations Unies qui décident du choix des personnes et celui des produits à acheter. Pour des raisons politiques, le régime irakien n'accepte pas la construction des infrastructures au Kurdistan.

C/ Selon la résolution 986 aucune somme n'est accordée au développement des infrastructures du Kurdistan.

D/ Le dinar que nous utilisons à savoir le dinar suisse, et celui de Bagdad ont une grande différence et cela nous pose beaucoup de problèmes qui restent sans solutions.

Cette monnaie n'a aucune légitimité et elle est créée par le marché. Malgré la demande du marché et l'augmentation de la quantité des échanges via la résolution 986, l'envoie de l'argent des Kurdes de l'étranger pour leurs familles au pays, nous ne pouvons pas fabriquer de nouveaux dinars. La population pense que le dinar reprendra sa valeur initiale et a tendance à le conserver. Ceci a récemment provoqué une pénurie dans le marché et a fait chuter le cours du dollar de 35%.

E/ Un autre aspect de ce problème est l'instabilité de la région : le conflit entre le régime Irakien et les N. U. qui provoque des menaces d'invasion de l'état Irakien pousse les gens à faire du commerce au lieu d'investir à long terme.

L'avenir de l'économie de Kurdistan

A/ Si la situation actuelle se prolonge :

La résolution 986 doit être améliorée avec l'attribution de sommes plus importantes pour l'infrastructure du pays, en particulier la construction d'usines.

1/ Il faut unifier l'ensemble des revenus du Kurdistan dans un même programme et aider l'économie du pays pour améliorer les services publics.

2/ Trouver une solution pour le problème du dinar et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement de Sulaimania et celui de Erbil ont pris la decision de payer une partie des salaires en dollar et d'imposer cette monnaie. Mais la faiblesse du dollar face au dinar et la fragilité de la situation politique pousse la population à se méfier et dérègle la continuité de ce programme.

B/ Dans le cas où un changement surviendrait en Irak et qu'un régime démocratique et fédéral s'installerait

1/ Il est nécessaire que le programme établi par la résolution 986 continue pendant un certain temps et que le nouveau gouvernement reprenne le relais pour assurer l'intérêt du peuple irakien et leretour à une vie normale. Par la suite, l'état doit assurer la distribution de la nourriture pendant une certaine période.

2/ Le Gouvernement central doit collaborer avec le Gouvernement Régional et aider ce dernier à accomplir son programme. Il doit aussi profiter de l'expérience du Kurdistan pour construire l'avenir de l'Irak. Il faut également assurer pour l'Irak d'après Saddam une économie libre et un marché ouvert au monde.

3/ Il faut retirer la monnaie actuelle et fabriquer une nouvelle monnaie.

4/ Avec sa richesse pétrolière, l'Irak pourra vite résoudre ses problèmes. Mais il ne faut pas négliger son développement dans les domaines industriel, agricole, commercial et touristique.

Nous ne devons pas oublier que durant la guerre Iran-- Irak le régime de Bagdad a posé dix millions de mines dans l'ensemble du territoire du Kurdistan Irakien et cela tue des innocents d'un côté et empêche l'exploitation des terres agricoles de l'autre.

(*) Vice-Premier ministre et ancien ministre des finances du Gouvernement régional du Kurdistan (Suleimanieh)