Le 11 novembre, des élections parlementaires ont été organisées dans toutes les provinces et régions de l’Irak, y compris au Kurdistan.
Les citoyens irakiens ont été appelés à élire pour un mandat de quatre ans 329 députés pour le Parlement fédéral unicaméral de Bagdad.
Le premier enseignement du scrutin : le taux de participation a été de 56,11 %, contre 41 % aux élections de 2021. Le taux, souvent inférieur à 50 % dans les provinces chiites et à Bagdad, s’est élevé au Kurdistan à 77,4 % à Duhok, à 71,65 % à Erbil, à 65,02 % à Kirkouk et à 60,15 % à Suleimanieh. Dans la province mixte kurde-arabe de Nineveh (Mossoul), il a été de 65,9 %. L’électorat arabe sunnite s’est également largement mobilisé dans les provinces à majorité sunnite avec des taux dépassant les 65 %.
Au total, sur les 21 404 291 électeurs enregistrés, 12 003 143 se sont rendus aux urnes. Plus de 9 millions d’Irakiens en âge de voter ont omis de s’inscrire sur les listes électorales. Si l’on tient compte des non-inscrits, pour la plupart chiites, seuls 38 % des Irakiens en âge de voter ont pris part au scrutin. On ne sait pas quel a été l’impact sur les taux d’abstention et de non-inscription de l’appel au boycott de l’influent leader chiite Moqtada al-Sadr, dont la liste était arrivée en tête lors des élections parlementaires de 2021.
Plus de 7 000 candidats et près d’une centaine de partis et de coalitions de partis étaient en lice pour 329 sièges de députés. Selon les résultats annoncés le 17 novembre par la Haute Commission Électorale Indépendante, la liste de la Coalition de reconstruction et du développement du Premier ministre est arrivée en tête avec 1.317 446 voix, soit 11,08 % des suffrages exprimés. Elle obtient 46 sièges, contre 2 sièges aux élections de 2021 pour le petit parti d’al-Soudani.
Arrive en seconde position, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) avec 1.099.826 voix, soit 10,09 % des suffrages, et s’affirme en fait comme le premier parti d’Irak et du Kurdistan, la coalition de M. al-Soudani n’étant qu’un regroupement de plusieurs partis chiites. Malgré sa belle performance en voix par rapport aux élections de 2021, où elle avait obtenu 781.670 voix, le PDK n’obtient que 27 sièges contre 33 sièges en 2021, en raison du nouveau mode de scrutin défavorable aux Kurdes. Ainsi, un député chiite de la coalition du Premier ministre irakien est, en moyenne, élu avec 28.640 voix, pour un député chiite de la coalition de l’ex-Premier ministre Nouri al-Maliki 24.498 voix tandis qu’un candidat kurde du PDK a besoin de 40.734 voix pour décrocher un siège de député.
Le PDK est arrivé premier à Duhok où il a obtenu 9 sièges (sur 12), à Erbil où il a obtenu 9 sièges (sur 16), et à Nineveh (Mossoul) 5 sièges (sur 34). À Suleimanieh, il n’a gagné que 2 sièges, 1 seul siège à Kirkouk et 1 siège à Diyala. Comptant sur 3 députés chrétiens, 1 yézidi et 1 kurde feyli élus sur quota, le PDK affirme bénéficier au total de 32 sièges.
L’Union patriotique du Kurdistan (UPK), autre formation historique kurde, a obtenu 548 296 voix, soit la moitié des voix du PDK. Elle a obtenu 15 sièges, contre 16 en 2021, dont 8 sièges (sur 18) dans la province de Suleimanieh, 4 à Kirkouk, 3 à Erbil et 2 sièges au sein d’une coalition à Mossoul.
En 3e position arrive une nouvelle formation issue du Parti Gorran (Changement), appelée Halwest (Position), qui est créditée de 5 sièges, dont 3 à Suleimanieh et 2 à Erbil. Suit l’Union islamique du Kurdistan (Yekgirtû), qui, avec 166 904 voix, obtient 4 sièges, comme en 2021, dont 2 à Duhok et 2 à Suleimanieh. Un autre parti islamique, Komal, obtient un siège dans le gouvernorat de Suleimanieh. La Nouvelle Génération, qui en 2021 avait créé la surprise en obtenant 9 sièges, n’obtient cette fois-ci que 3 sièges, souffrant sans doute du discrédit consécutif aux démêlés judiciaires de son leader.
Dans la province hautement symbolique de Kirkouk, les Kurdes, en raison de leurs divisions, ont totalisé 251 945 voix mais obtenu seulement 5 sièges (contre 6 en 2021), dont 4 pour l’UPK et 1 pour le PDK. Les deux listes turkmènes obtiennent ensemble 98 896 voix et 2 sièges. Les 3 listes arabes totalisent 180 687 voix et 5 sièges, dont 3 pour la coalition al-Taqaddum (Le Progrès) de l’ex-président du Parlement, Mohamed al-Halboussi, 1 pour la coalition arabe et 1 pour la coalition Azim.
252 candidats s’étaient en lice pour les 13 sièges du gouvernorat de Kirkouk, dont 1 siège de quota réservé aux chrétiens. Pour la première fois, une liste étiquetée Alliance pour la cause yézidie s’est présentée dans le gouvernorat de Nineveh (Mossoul) et elle a obtenu 49 197 voix et 1 siège.
Dans le système électoral irakien, sur les 329 sièges à pourvoir, 83 sont réservés aux femmes, qui dans le cadre de ce quota de 25 %, peuvent être élues avec bien moins de voix que leurs collègues masculins. 9 sièges sont réservés aux minorités religieuses, dont 5 pour les chrétiens, 1 pour les yézidis, 1 pour les shabaks, 1 pour les mandéens et 1 pour les Kurdes feylis.
Les listes des partis du Kurdistan totalisent ensemble 65 sièges en tenant compte de 2 députés kurdes yézidis, 1 député kurde feyli et les 5 députés chrétiens élus sur quota.
Sur le plan irakien, la liste de la coalition chiite menée par le Premier ministre, arrivée en tête, obtient 46 sièges. Elle est suivie par la coalition al-Taqaddum (Le Progrès) de l’ex-président du Parlement Mohamed al-Halboussi, qui obtient 27 sièges.
On remarque la percée électorale des partis issus de milices chiites pro-iraniennes. Parmi les membres de ces factions regroupées au sein du Cadre de coordination pro-iranien, la coalition État de droit dirigée par l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki a remporté 29 sièges ; la faction Asaïb Ahl al-Haq, organisation de Qais al-Khazali (désignée comme terroriste par les États-Unis), 28 sièges ; et l’organisation Badr, dirigée par Hadi al-Amiri, 21 sièges. (AFP, 17 novembre).
La représentation des femmes est en net recul. Elle passe de 95 députées en 2021 à 84 députées en 2025. Les députées femmes représentent ainsi 25,4 % des membres du parlement fédéral irakien. Seules 25 femmes ont pu se faire élire sans quota contre 53 en 2021.
Les dirigeants du Cadre de coordination se sont réunis dès l’annonce des résultats officiels. Ils affirment être en position de force pour nommer le nouveau Premier ministre, qui selon l’usage doit être un chiite, tandis que le poste, plutôt honorifique, de président de la République est réservé à un Kurde et celui de président du Parlement à un Arabe sunnite.
Dans la matinée du 18 novembre, au cours d’une conférence de presse à Duhok, au Kurdistan, où il se trouvait pour un colloque, le Premier ministre al-Soudani a annoncé que sa coalition de reconstruction, disposant de 46 sièges, allait rejoindre le Cadre de coordination, lui assurant ainsi une nouvelle majorité des sièges au Parlement suffisante pour former le prochain gouvernement. Il affirme que sa volonté d’être candidat n’était pas une question d’ambition personnelle mais de responsabilité « pour mener à bien sa mission ».
Ces négociations pourraient durer des semaines, voire des mois, pour trouver un compromis global entre chiites, sunnites et Kurdes.
Par ailleurs, le 25 novembre, un drone a attaqué les installations du complexe gazier de Khor Mor, dans la province de Souleimaniyeh. L’attaque a causé des dégâts matériels importants dans ce complexe appartenant aux Émirats arabes unis.
L’approvisionnement en gaz des centrales électriques de la Région du Kurdistan a été interrompu. Selon un porte-parole du régulateur électrique du Kurdistan, l’interruption a provoqué une perte de puissance de 2 600 mégawatts, représentant 80 % des capacités de la région.
Les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont condamné immédiatement cette attaque contre le champ gazier, une infrastructure vitale, qui menace la stabilité du pays et « la sécurité de son peuple ». Le directeur adjoint du cabinet de la présidence du Kurdistan, tout en appréciant ces messages de sympathie, a appelé le Royaume-Uni à agir pour faciliter l’activation du système anti-drone de Khor Mor.
En effet, pour protéger cette infrastructure essentielle contre les attaques récurrentes de drones lancés par des milices chiites pro-iraniennes, les responsables de sécurité ont acheté à une compagnie britannique un système anti-drone, défensif, qui brouille les drones agressifs. Ce système a été livré, mais ne fonctionne toujours pas parce que le gouvernement britannique n’accepte pas le certificat d’utilisation finale présenté par le gouvernement régional du Kurdistan, et Bagdad refuse de délivrer un tel certificat, indispensable pour son activation.
Dans un message sur X, le Premier ministre du Kurdistan a appelé ses partenaires américains et occidentaux à fournir l’équipement de défense nécessaire pour protéger nos infrastructures civiles et « à nous soutenir pour prendre une action sérieuse pour dissuader ces attaques contre notre peuple. » (Rudaw, 26 nov.)
De son côté, le gouvernement irakien a condamné cette attaque et promis de diligenter une enquête. Les enquêtes sur les attaques précédentes, menées conjointement avec les autorités kurdes, ont bien identifié les auteurs, mais Bagdad a refusé de révéler leurs identités de peur de représailles des milices chiites et de leurs commanditaires iraniens.
Le nouvel envoyé spécial américain pour l’Irak, Mark Savaya, a déclaré, le 26 novembre : « Soyons sans équivoque : il n’y a pas de place, dans un Irak totalement souverain, pour de tels groupes armés (…). Chaque groupe armé illégal et ses soutiens seront suivis de près, confrontés et tenus comptables » (de leurs actes). Il réaffirme que les États-Unis soutiennent « un Kurdistan fort à l’intérieur d’un Irak uni et stable (…). Nous encourageons Bagdad et Erbil à approfondir leur coopération sécuritaire et à travailler étroitement pour sauvegarder les infrastructures économiques et énergétiques vitales. » (Rudaw, 26 novembre).
Le Premier ministre irakien a tenu une réunion d’urgence de sécurité à l’issue de laquelle il a annoncé sa décision de former une commission d’enquête de haut niveau composée des représentants du gouvernement fédéral et de ceux du gouvernement du Kurdistan, chargée d’identifier et de poursuivre les responsables de l’attaque de drone contre le complexe gazier.
Aucun groupe n’a revendiqué cette attaque, mais un porte-parole du Premier ministre du Kurdistan, Aziz Ahmed, a pointé du doigt « les terroristes irakiens habituels qui émargent sur le budget du gouvernement fédéral. »
Situé dans le district de Chamchamal, le champ gazier Khor Mor est exploité par Pearl Petroleum, un consortium de Dana Gas et Crescent Petroleum basés aux Émirats arabes unis. Dans un communiqué publié le 26 novembre, Dana Gas a indiqué que la production de gaz avait été arrêtée pour « éteindre le feu et évaluer les dégâts ». La situation est revenue à la normale quelques jours plus tard.
L’enquête risque de durer longtemps, car en pleine négociation pour la formation d’un nouveau gouvernement, le Premier ministre sortant et candidat à sa succession ne veut pas fâcher telle ou telle milice chiite et ses alliées d’un département iranien, ni critiquer l’Iran, commanditaire habituel de ce genre d’attaques contre les intérêts américains et kurdes.
Sur un autre plan, le ministre de la Planification irakien a annoncé les résultats du recensement général de la population effectué le 20 octobre 2024.
Selon ces données, l’Irak compte désormais 46 118 793 habitants. La population de la Région fédérée du Kurdistan s’élève à 6 519 129 personnes, soit 14,13 % de celle de l’Irak. Les femmes représentent 49,61 % de la population de la Région du Kurdistan.
Avec 2 517 534 habitants, le gouvernorat d’Erbil abrite 38,62 % de la population de la Région ; ceux de Souleimanieh et d’Halabja cumulés 2 401 724 habitants, et celui de Duhok 1 599 871 habitants.
La société kurde est désormais à 85 % urbaine et 15 % rurale. Dans le reste de l’Irak, 68 % des habitants vivent dans les villes, 32 % dans les campagnes.
La population kurde vivant dans les territoires situés hors de la Région du Kurdistan (Kirkouk, Mossoul, Khanaqin, etc.) peut être évaluée à plus de 2 millions de personnes.
Les Kurdes en Irak sont ainsi plus de 8,5 millions.
À noter aussi que le gouvernorat de Bagdad, avec ses 9 780 429 habitants, comprend près du quart de la population irakienne.
Le nouveau régime syrien continue de marquer des points sur le plan diplomatique dans le processus de sa reconnaissance internationale.
Après des visites dans les principales capitales du Moyen-Orient, puis à Moscou, et à New York, le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa a été reçu, le 10 novembre, à la Maison Blanche par Donald Trump. Il s'agit, souligne la presse, de la première rencontre bilatérale d'un chef d’État syrien aux États-Unis depuis l'indépendance du pays en 1946.
Le président syrien, qui dirigeait il y a un an encore le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), ancienne branche syrienne d'al-Qaïda, était sur la liste noire américaine du terrorisme et frappé de sanctions par l'ONU. Le 6 novembre, le Conseil de sécurité avait levé les sanctions contre al-Charaa, saluant, dans une résolution préparée par les États-Unis, l'engagement des nouvelles autorités à "lutter contre le terrorisme". La veille de sa visite "historique" à Washington, son nom a été retiré de la liste noire américaine du terrorisme, faisant de cet ex-djihadiste désormais un interlocuteur, voire un partenaire des Américains et des Européens.
La rencontre avec le président Trump a eu lieu, loin des caméras de télévision, dans une discrétion inhabituelle. À l'issue de ces entretiens, la Syrie a été cooptée comme nouveau membre de la Coalition internationale de lutte contre Daech.
Dans le cadre de ce partenariat, les Américains vont installer des bases militaires en Syrie, notamment à Damas, et jouer un rôle de facilitateurs entre le nouveau régime syrien et Israël afin de parvenir à un accord de paix entre ces deux pays techniquement encore en guerre. Aucune information n’a filtré sur la question de l’intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS) dans l’armée syrienne et des relations entre celles-ci et Damas.
Les Kurdes syriens craignent de servir de monnaie d’échange ou de variable d’ajustement dans les négociations et marchandages entre Washington, Ankara et Damas. Pour conjurer un tel sort, ils essaient de renforcer leur unité, en principe scellée par l’accord signé entre Partie de l’unité démocratique (PYD) au pouvoir dans le Rojava et le Conseil national kurde syrien (ENKS), qui regroupe une dizaine de partis kurdes syriens d’opposition. Des discussions sont engagées avec des représentants des Druzes, des Alaouites et des chrétiens, pour former sinon un front, du moins une alliance face au pouvoir central contrôlé par les islamistes arabes, afin de faire évoluer le régime vers un système décentralisé garantissant les droits de toutes les composantes de la mosaïque syrienne.
L’autre volet important de la politique kurde syrienne est de chercher à s’assurer du soutien et de la solidarité des Kurdes des pays voisins, en premier lieu ceux du Kurdistan irakien et de Turquie.
Dans cette optique, une réunion importante a eu lieu le 20 novembre à Duhok, au Kurdistan irakien, entre l’ancien président du Kurdistan et chef du PDK Massoud Barzani et une délégation kurde syrienne menée par le général Mazloum Abdi, accompagné par Mme Ilham Ahmed, co-présidente du Département des relations internationales de l’Administration autonome kurde syrienne. Le président du Conseil national kurde syrien et l’un de ses collègues ont également assisté à cette réunion, ainsi que l’ancien maire de Diyarbakir et ancien député Osman Baydemir. La réunion avait pour but de donner, dans cette période critique, un message d’unité à l’opinion publique kurde et internationale.
Le général Abdi a remercié le président Barzani pour ses efforts sans relâche en faveur de l’unité kurde et exprimé sa reconnaissance pour le Kurdistan irakien qui tout au long de ces années a ouvert sa frontière et ses portes aux Kurdes de Rojava, leur assurant une ouverture sur le monde extérieur et une voie d’approvisionnement vitale.
Le général Abdi et sa délégation se sont rendus ensuite à Erbil où ils ont été reçus par le président de la Région du Kurdistan, Nechirvan Barzani. Ce dernier a réaffirmé son soutien à "nos frères kurdes syriens dans leur lutte pour l’obtention de leurs droits" et rappelé que la paix et la stabilité de la Syrie nécessitent la mise en place d’un système décentralisé respectueux de l’identité et des droits de toutes les composantes de la société syrienne. (Rudaw, 20.11.2025).
De son côté, dans un appel lancé le 24 novembre et largement diffusé sur les médias sociaux, le leader religieux suprême de la communauté alaouite, Ghazal Ghazal, qui est aussi président du Haut conseil alaouite de la Syrie et de la Diaspora, a exhorté ses coreligionnaires à manifester pacifiquement pour dénoncer la menace de nettoyage ethnique qui pèse sur leur communauté et réclamer un statut fédéral pour la Syrie. Il a demandé le soutien des Druzes et des Kurdes pour ces revendications de fédération. (Rudaw, 24 novembre).
Dans un message urgent adressé à l’ONU, il alerte sur "les attaques barbares" des tribus bédouines arabes sunnites, soutenues par des éléments du régime, contre les quartiers alaouites de la ville de Homs.
La situation dans la province voisine à majorité druze de Sweida reste toujours agitée. Des affrontements opposent régulièrement des forces d’autodéfense druzes à des milices sunnites affiliées à l’armée syrienne, cela malgré le cessez-le-feu conclu en juillet dernier.
Dans un reportage publié dans son édition du 6 novembre, le journal Le Monde rappelle le retour en force de l’organisation de l’État islamique dans le nord-est de la Syrie sous contrôle kurde.
Le 22 novembre 2025, les FDS, avec le soutien de la Coalition, ont mené un raid dans le quartier de Zalzala, dans la ville de Marat, au nord-est de Deir ez-Zor, soulignant les efforts continus et ciblés pour démanteler l’infrastructure de Daech. Des rapports de la mi-novembre ont confirmé l’engagement des FDS dans des opérations contre le groupe, qui avait profité de l’instabilité pour intensifier ses attaques. Les chiffres fournis par les FDS indiquaient une augmentation significative des attaques dans le nord-est de la Syrie, avec 117 attaques recensées entre janvier et août 2025, contre 73 durant toute l’année 2024, démontrant la nécessité de poursuivre le rôle des FDS.
Plus tard dans le mois, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH/SOHR) a documenté une opération conjointe des FDS et des forces de sécurité intérieure dans la campagne de Hassaké, où des dizaines de personnes soupçonnées d’appartenir à Daech ont été arrêtées et des armes saisies, soulignant l’ampleur des réseaux clandestins encore actifs dans et autour du Rojava. Un autre rapport de l’OSDH en provenance d’Al-Boukamal, dans l’est de Deir ez-Zor, a relevé de nouveaux graffitis de Daech menaçant que « l’État islamique arrive », faisant partie d’un schéma d’intimidation visant à déstabiliser des zones administrées soit par le gouvernement intérimaire, soit par les FDS. Pour les responsables kurdes du Rojava, ces incidents ont renforcé leur argument selon lequel une coopération internationale soutenue avec l’AANES et les FDS est indispensable si la Syrie veut éviter un nouveau cycle de résurgence jihadiste.
Dans les territoires kurdes syriens occupés par la Turquie, les milices proturques continuent de sévir.
Les abus les plus graves ont à nouveau été rapportés depuis Afrin. Le 3 novembre, l’OSDH a rapporté que des groupes pro-turcs avaient saisi et brûlé environ 5 000 oliviers appartenant à des villageois kurdes déplacés et imposaient des « taxes » arbitraires sur la récolte d’olives, une source de subsistance essentielle pour la population originelle d’Afrin. Un rapport de suivi, le 5 novembre, a décrit comment ces factions forçaient les agriculteurs à céder jusqu’à la moitié de leur production d’olives sous divers prétextes, s’apparentant à un pillage systématique des biens kurdes.
Le 22 novembre, des membres d’une faction de « l’Armée nationale » ont arrêté un Kurde du village de Borj al-Qas, dans la campagne d’Afrin, parce que son fils avait travaillé comme enseignant pour l’AANES et se trouvait désormais en fuite. Le père a été transféré à la prison militaire d’Azaz, et la famille aurait été sommée de payer 10 000 dollars pour sa libération.
Par ailleurs, les négociations avec Damas n’ont guère progressé en novembre.
À la mi-novembre, le commandant des FDS, Mazloum Abdi, a profité d’une interview détaillée avec Enab Baladi pour réaffirmer les priorités kurdes dans les négociations avec Damas. Abdi a souligné que les FDS sont une force multiethnique ayant combattu aux côtés de la Coalition internationale dirigée par les États-Unis pendant plus d’une décennie, et qui sont désormais « la plus grande force organisée de Syrie », insistant sur le fait que toute intégration dans l’Armée arabe syrienne doit respecter les sacrifices des combattants des FDS et protéger les acquis politiques et sécuritaires du Rojava. Il a lié les arrangements militaires à des questions plus larges de décentralisation, de reconnaissance des Kurdes comme peuple autochtone et de garanties pour le retour sûr des déplacés dans des zones telles qu’Afrin et Ras al-Aïn, soulignant que les droits kurdes et le droit au retour constituent des fondements non négociables de tout règlement.
Malgré ces démarches, des responsables kurdes ont averti fin novembre que Damas temporisait et tentait d’affaiblir la position kurde. Un haut cadre du PYD, Aldar Khalil, a déclaré que toutes les discussions entre les FDS et Damas avaient été arrêtées sans explication, après que des responsables syriens eurent accepté verbalement des mesures clés, telles que la formation d’une division des FDS, l’intégration des Asayish au ministère de l’Intérieur et la nomination d’un chef d’état-major kurde, pour ensuite refuser de signer tout document écrit. Khalil a soutenu qu’un accord contraignant devait être conclu tant que les forces américaines restent dans la région, accusant Damas de faire pression sur les zones de l’AANES en fermant des routes principales, en fermant l’aéroport de Qamishli et en bloquant des services civils essentiels dans une tentative de « nous pousser hors de Syrie ». Il a également noté que les tentatives visant à attiser les tensions arabo-kurdes à Raqqa et Deir ez-Zor avaient largement échoué, reflétant la résilience du contrat social local sous l’AANES.
Le leader kurde a appelé la communauté internationale à donner au Rojava une chance égale dans ses efforts et projets pour la reconstruction et le développement de la Syrie. (Rudaw, 19 novembre).
La Commission de solidarité nationale, de fraternité et de démocratie de la Grande Assemblée nationale de Turquie (TBMM), créée en août dernier pour le suivi du processus de négociation entre le gouvernement turc et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), après avoir auditionné de nombreux acteurs de la vie politique, des universitaires et des représentants des ONG, a décidé, lors de sa réunion du 21 novembre, d'envoyer une délégation parlementaire transpartisane à l'île-prison d'Imrali pour y rencontrer le leader emprisonné du PKK. La motion a été votée à la majorité des voix des 51 membres de la Commission, grâce au soutien du parti au pouvoir AKP, de son allié MHP et du parti pro-kurde DEM. La principale formation de l’opposition parlementaire, le Parti républicain du peuple (CHP), a choisi de ne pas participer.
À la suite de ce vote, une délégation parlementaire formée de trois députés (1 AKP, 1 MHP et 1 DEM) s’est rendue, le 24 novembre, à l’île-prison d’Imrali, au large d’Istanbul, où le leader du PKK est détenu depuis 26 ans, afin d’évaluer ses positions sur le processus de désarmement du PKK, sur le retour et l'intégration à la société de ses combattants et sur une feuille de route pour la normalisation des relations kurdo-turques. C’est la première fois qu’une délégation parlementaire rend officiellement visite à Abdullah Öcalan, qui jusque-là n’avait pu rencontrer que des responsables des services de renseignement turcs (MIT), des militaires ou, de temps à autre, des députés kurdes ou pro-kurdes à titre individuel.
La visite de la délégation parlementaire s’est déroulée dans la plus grande discrétion et elle n’a pas donné lieu à des déclarations à la presse si ce n’est un bref communiqué de la présidence de l’Assemblée nationale turque affirmant que la visite « a permis d’aboutir à des résultats positifs ». Selon ce communiqué, les députés et M. Öcalan ont notamment abordé les modalités de la dissolution du PKK et du dépôt des armes ainsi que la mise en œuvre d’un accord d’intégration des forces kurdes au sein de l’armée syrienne. Le contenu précis et détaillé de cet entretien sera présenté à la prochaine réunion plénière de la commission, qui doit ensuite formuler des propositions et des recommandations pour l’Assemblée nationale, en vue de prendre les mesures législatives pertinentes pour la poursuite et le succès de ce processus. Les partis politiques vont faire parvenir à la commission leurs propositions d’ici la mi-décembre et le rapport de la commission devrait être finalisé à la fin de 2025 si le calendrier est respecté.
Lors de leur audition par la commission, des universitaires et des ONG avaient déjà présenté des propositions. Human Rights Watch et ses organisations partenaires ont insisté sur la mise en œuvre de réformes structurelles comme la refonte de la législation antiterroriste afin d’en supprimer les dispositions abusives, l’abandon des poursuites politiquement motivées contre les élus kurdes, garantir le droit de manifester et reconnaître « le droit à l’espoir » pour les prisonniers purgeant des peines de réclusion à perpétuité aggravée. Pour les ONG kurdes, la paix ne peut pas se limiter au désarmement : elle doit impliquer au minimum le démantèlement de l’arsenal juridique turc qui criminalise depuis la création de la République turque la vie politique kurde.
Avant la visite à Imrali, et sans doute pour mieux préparer les esprits, le PKK avait, le 17 novembre, annoncé le retrait de ses combattants de la région stratégique de Zap, située à la frontière turco-irakienne, séparant le Kurdistan du Nord du Kurdistan du Sud. « Le 16 novembre au soir, nos forces susceptibles de déclencher un conflit dans la région de Zap ont effectué un retrait vers d’autres zones appropriées », affirme le PKK dans un communiqué diffusé par son agence de presse Firat. « Ce retrait dans la région de Zap constitue une contribution concrète et significative au développement et au succès du processus de paix et de société démocratique initié par le leader kurde Abdullah Öcalan. Il démontre une fois de plus notre engagement envers ce processus », souligne le communiqué. Cette région, théâtre depuis des décennies d’affrontements avec l’armée turque, revêt une importance symbolique pour le PKK car elle abritait initialement son quartier général avant son transfert plus à l’est, dans les monts Qandil, et y maintenait jusqu’à récemment une forte présence, relève l’AFP (17 novembre).
Le PKK, qui avait déjà en octobre retiré du Kurdistan de Turquie tous ses combattants, a déclaré le 30 novembre à l’AFP, par la voix de l’un de ses dirigeants, le commandant Amed Malazgirt, qu’il « n’ira pas plus loin dans les négociations avec Ankara ». « Nous avons fait ce qu’on nous a demandé. C’est au tour de l’État turc. En cinq ans il y a eu des discussions mais aucune avancée concrète (…). Désormais nous attendons que l’État turc prenne des mesures et c’est à lui de faire les (prochains) pas », ajoute ce porte-parole, qui déclare : « Nous avons deux revendications. Premièrement, la libération du leader Apo (Abdullah Öcalan). Faute de quoi le processus ne réussira pas. La deuxième est la reconnaissance constitutionnelle et officielle du peuple kurde en Turquie ». Dans le contexte politique turc très polarisé, où les médias officiels présentent toujours A. Öcalan comme le chef de l’organisation terroriste PKK, sa libération paraît une perspective éloignée. Même malgré une décision définitive de la Cour européenne des droits de l’homme ordonnant la libération immédiate du leader kurde Selahattin Demirtaş, détenu depuis 2016 pour délit d’opinion, cet ex-candidat à la présidence de la République, qui avait lors des élections de 2015 obtenu plus de 6 millions de voix, reste toujours derrière les barreaux (AFP, 4 novembre).
Désormais les Turcs dits « blancs », c’est-à-dire occidentalisés et laïcs, sont aussi dans le collimateur du régime. Après des maires et des conseillers municipaux du Parti républicain du peuple (CHP), des avocats et des journalistes turcs suspectés d’opposition font l’objet de poursuites. Ainsi, le 26 novembre, Fatih Altaylı, célèbre journaliste et présentateur de télévision, a été condamné à plus de quatre ans de prison. Cette affaire « marque une nouvelle étape dans l’agonie de la liberté de la presse en Turquie, où 85 % des médias nationaux sont entre les mains du pouvoir », observe Le Monde (26 novembre). La machine judiciaire turque, qui tourne à plein régime, a même émis, le 7 novembre, 37 mandats d’arrêt pour « génocide » contre les principaux dirigeants israéliens, dont le Premier ministre Netanyahou, le ministre de la Défense Yoav Gallant, le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et le chef d’état-major Eyal Zamir. Israël dénonce « un coup de pub du tyran Erdoğan » (Le Figaro, 8 novembre). Lequel « tyran » se pose en défenseur des opprimés à travers le monde », sauf bien sûr ses voisins kurdes, et depuis peu ses « frères de souche » (soydas) les ouïghours, qui selon Le Monde « ne sont plus les bienvenus ». En se rapprochant de la Chine, le pouvoir turc a changé sa politique migratoire envers les membres de la minorité musulmane du Xinjiang, qu’il protégeait pourtant historiquement. Les cas d’expulsion d’ouïghours se multiplient, comme le révèle une enquête de Human Rights Watch, reprise par le quotidien français dans son édition du 13 novembre.
Sur le plan diplomatique, la Turquie a reçu deux visiteurs de marque : le pape Léon XIV, venu célébrer le 1700e anniversaire du concile de Nicée, où a été décidé le Credo, la profession de foi énonçant les principaux éléments de la croyance des chrétiens, en compagnie du patriarche orthodoxe de Constantinople, Bartholomée. Arrivé à Ankara le 27 novembre, le pape y a rencontré le président Erdoğan, puis s’est rendu à Istanbul où il a été chaleureusement accueilli par le patriarche orthodoxe, avec lequel il s’est rendu en hélicoptère à Nicée, sur l’emplacement de la basilique où s’était tenu le concile de Nicée, sur les rives de la mer de Marmara, pour y célébrer une messe œcuménique. Le pape a aussi visité la Sainte-Sophie, transformée par le régime turc en mosquée, ainsi que la Mosquée bleue en compagnie du grand mufti, avant de partir pour le Liban. Depuis le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens en 1915 et l’expulsion de plus d’un million de Grecs d’Anatolie vers la Grèce, il ne subsiste plus que quelques milliers de chrétiens dans ce pays qui fut pendant plus d’un millénaire l’Empire byzantin chrétien. Le patriarche orthodoxe de Constantinople, leader religieux suprême des orthodoxes du monde, est appelé « le patriarche grec du Phanar », du nom du quartier d’Istanbul où il réside, par les autorités et les médias turcs, comme s’il s’agissait d’un simple prélat de paroisse.
L’autre visite hautement symbolique était celle effectuée le 30 novembre par le leader kurde Massoud Barzani à Cizîra Botan, capitale pendant plus de cinq siècles d’une principauté kurde brillante, l’un des foyers majeurs de la civilisation kurde. L’occasion était un colloque sur le poète kurde du XVIe siècle, Melayê Cizîrî, aussi célèbre au Kurdistan que Hafez en Iran ou Goethe en Allemagne. Barzani, honorant l’invitation officielle des organisateurs du colloque, dont l’université de Şirnak et le gouvernorat de cette province frontalière, y a assisté. Après le colloque, il s’est rendu à la célèbre mosquée-Medresa Sor (la Médersa Rouge), université médiévale qui a formé nombre de savants et de poètes kurdes ; sur la tombe de Melayê Cizîrî ; sur celle mythique de Mem et Zin, les Roméo et Juliette kurdes dont la tragique histoire d’amour se serait déroulée à Cizîr ; puis à la mosquée emblématique du Prophète Noé (Nûh), dont, selon le Coran, l’arche aurait échoué sur le mont Cûdi (Djoudi), situé non loin de Cizîr et Şirnak (Şernex) dont le nom signifie ville de Noë.
Un lieu de pèlerinage dont, comme beaucoup d’amoureux de la littérature et de l’histoire kurdes, Massoud Barzani semble avoir longtemps rêvé. Une foule nombreuse et émue se pressait sur son passage, d’après les récits des médias. Les forces de sécurité turques ont empêché de nombreux citoyens kurdes de s’approcher du leader historique kurde. Les deux co-maires de Cizîra Botan ont même été privés d’accès au colloque consacré au poète le plus célèbre de l’histoire de leur ville.
La visite de Barzani, très appréciée par la population de part et d’autre de la frontière, a néanmoins été sujette à des polémiques dans la classe politique turque. Le chef du parti d’extrême droite Devlet Bahçeli a reproché au gouvernement d’avoir laissé Barzani venir en Turquie avec des gardes du corps armés, comme si celle-ci n’était pas en mesure d’assurer sa sécurité. Que des leaders d’autres pays en visite soient, en règle générale, accompagnés de leurs propres gardes du corps, c’est un usage diplomatique de routine. Mais qu’un leader kurde bénéficie d’un tel traitement, cela paraît inconcevable pour les nationalistes turcs.
L’Iran subit la pire sécheresse depuis six décennies. Les réservoirs d’eau alimentant plusieurs grandes villes, dont la capitale, sont au plus bas au point où l’hypothèse de l’évacuation de Téhéran est envisagée et publiquement débattue. Selon les experts, cette situation désastreuse est à la fois liée au réchauffement climatique mais aussi à la très mauvaise gestion des ressources hydrauliques du pays.
La deuxième ville du pays, Mashhad, fait également face à une grave pénurie et à un rationnement d’eau. Sur les 31 provinces que compte l’Iran, 15 n’ont pas reçu la moindre goutte de pluie depuis octobre, et les 19 grands barrages du pays sont actuellement à sec, rapporte l’agence de presse iranienne Mehr (Le Monde du 13 novembre ; New York Times du 9 novembre).
Les infrastructures construites dans les années 1960 sont mal entretenues, entraînant « un gros problème de gaspillage ». Il y a d’énormes pertes d’eau dans les canalisations, relève Bernard Hourcade, directeur de l’équipe de recherche sur l’Iran au CNRS. Pour lui, « il existe une véritable mafia de l’eau, un certain nombre de gens ont des intérêts à accaparer l’eau ».
92 % de l’eau est utilisée pour l’agriculture. Certaines plantations, comme le coton, nécessitent des ressources hydriques considérables. On connaît les dégâts irréversibles causés à la nature par la culture intensive du coton en Asie centrale soviétique, où le lac Aral a fini par être asséché. C’est désormais le sort qui attend le lac Ourmia, au Kurdistan iranien.
La pénurie d’eau cristallise tous les mécontentements. Elle s’ajoute à la guerre, à la grave crise économique et sociale, à l’incurie du gouvernement, au grand désespoir de la population qui, après les manifestations « Femme, Vie, Liberté », descend désormais dans les rues avec un nouveau slogan : « Eau, électricité, vie ! » (RFI, 13 novembre).
Face à cette vague de mécontentement et de fronde qui se généralise dans le pays, le gouvernement iranien a un recours quasi-routinier à la répression, notamment au Kurdistan.
Tout au long du mois de novembre, les forces de sécurité iraniennes ont procédé à de vastes arrestations arbitraires de Kurdes à travers le Rojhelat, visant souvent des activistes ou des citoyens ordinaires sans respecter la procédure légale. Le Réseau des droits humains du Kurdistan (KHRN) a enregistré au moins 35 citoyens kurdes arrêtés par le ministère du Renseignement ou par le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) en novembre. La plupart des détenus étaient maintenus au secret dans des centres de détention à Senna ou à Ourmia, sans accès à des avocats et sans pouvoir contacter leurs familles.
Le 5 novembre, des agents du renseignement du CGRI à Saqqez ont arrêté un groupe de sept hommes kurdes – identifiés comme Mansour Soltani, Mahmoud Amani, Khalil Shabani, Mehdi Majidi, Fardin Salehi, Farzad Rahimzadeh et Zahed Moradi – et les ont emmenés sans mandat judiciaire et sans explication. Les autorités ont refusé de révéler aux familles l’endroit où les hommes étaient détenus ou les raisons de leur arrestation.
Le 9 novembre, des agents du ministère du Renseignement à Saqqez ont arrêté deux militants environnementaux respectés, Mohammad Ali Veysi et Sirwan Khoda-Karami, sans présenter d’autorisation légale. Veysi a été arrêté sur son lieu de travail et Khoda-Karami à son domicile ; tous deux, connus pour leur travail de conservation de la faune, ont été immédiatement transférés vers des lieux inconnus. Malgré les demandes urgentes de leurs familles, les autorités ont refusé de révéler où ils étaient détenus ou quelles charges, le cas échéant, pesaient contre eux.
Le lendemain, le 10 novembre, les forces de sécurité ont mené un raid dans une maison à Kamyaran pour arrêter Ramin Mohammadi, un Kurde ancien membre du parti d’opposition Komala. Mohammadi avait pourtant démissionné du parti et était revenu en Iran en 2018 dans le cadre d’une amnistie, subissant alors des semaines d’interrogatoire par les services du renseignement à Senna. Néanmoins, le 10 novembre, des agents du CGRI ont fait irruption dans sa maison de village et l’ont arrêté de force sans mandat. Son arrestation renouvelée, envoyait un message clair: même les Kurdes supposément pardonnés ou non-politisés pouvaient être arrêtés à tout moment.
Les groupes de défense des droits humains ont également signalé que les leaders communautaires et religieux kurdes n’étaient pas épargnés : le 3 novembre, les forces de sécurité à Jwanru, dans la province de Kermanshah, ont mené un raid avant l’aube pour arrêter Mamosta Zana Hosseini, un éminent religieux sunnite kurde et imam de village, sans mentionner d’accusations précises. Hosseini, un religieux de 59 ans, était en mauvaise santé et a pourtant été arraché de son domicile à 3 heures du matin.
Un aspect inquiétant de la répression de novembre a été le nombre de détenus kurdes qui ont effectivement disparu sous la garde de l’État, leurs familles ne recevant aucune information sur leur sort. Les autorités iraniennes maintenaient régulièrement les Kurdes arrêtés au secret, refusant d’indiquer leur lieu de détention ou leur état de santé pendant des semaines. Un premier cas est celui de Salar Khalifehzadeh, un Kurde de 33 ans originaire de Mahabad. Il a été arrêté par des agents en civil du ministère du Renseignement sur son lieu de travail le 27 octobre ; depuis, il n’y a toujours « aucune information concernant son sort ou son lieu de détention », selon l’enquête de Hengaw.
De même, le 12 novembre, deux Kurdes, Mohammad Rashidzadeh de Baneh et Mostafa Qawsi, ont été arrêtés par les forces de sécurité alors qu’ils voyageaient ensemble sur la route Piranshahr–Mahabad, puis rapidement transférés vers un centre de détention du ministère du Renseignement à Ourmia. Pendant les près de deux semaines qui ont suivi, aucun détail n’a émergé sur leur état ou leur statut légal : la famille de Rashidzadeh n’a reçu aucune information malgré ses nombreuses démarches. Le sort de Qawsi restait tout aussi inconnu dix jours après son arrestation.
Novembre 2025 a également été marqué par une nouvelle vague d’exécutions de prisonniers au Kurdistan et dans le reste de l’Iran. Dans plusieurs cas, des détenus kurdes condamnés sur la base d’accusations douteuses ont été exécutés en secret. Le 19 novembre, par exemple, les autorités iraniennes ont exécuté Mohammadreza Hosseini, un prisonnier kurde, dans la prison centrale d’Ilam. Hosseini avait été condamné à mort pour « meurtre prémédité », et son exécution a eu lieu à l’aube sans annonce publique préalable.
Dès le lendemain, Farshid Jamiari, un Kurde originaire de Kermanshah, a été exécuté dans la prison centrale de Qazvin pour des accusations liées à la drogue. Plus tard dans le mois, le 29 novembre, Mohammad Karim Moradi, un prisonnier kurde de Kermanshah, a été pendu dans la prison centrale de Dizelabad à Kermanshah après avoir passé quatre ans dans le couloir de la mort. Moradi avait été arrêté initialement pour meurtre et condamné à mort par un tribunal révolutionnaire iranien.
Aucune de ces exécutions n’a été annoncée officiellement dans les médias d'État, une pratique courante pour éviter l’attention publique. Selon les données compilées par l’ONG Hengaw, les Kurdes ont été touchés de manière disproportionnée par la frénésie d’exécutions iranienne en 2025, représentant environ 15 % de toutes les exécutions du pays, avec au moins 231 Kurdes exécutés sur environ 1 503 au total à la fin novembre – un taux supérieur à leur part dans la population iranienne, et nettement plus élevé que pour d’autres minorités.
Sur le plan diplomatique, l’Iran a esquissé un début de rapprochement avec la France. Ainsi, il a libéré deux otages français, Cécile Kohler et Jacques Paris, détenus depuis mai 2022.
Ils ont été transférés à l’ambassade de France à Téhéran, où ils vont résider en attendant l’issue du procès d’une Iranienne poursuivie en France pour terrorisme. Le verdict doit être rendu fin janvier 2026.
La ressortissante iranienne a été élargie en même temps que les deux otages français et transférée à l’ambassade iranienne à Paris. Il s’agit donc d’un troc entre les deux pays.
Mais face à l’impasse dans les négociations sur le dossier nucléaire, Téhéran, qui craint de nouvelles frappes israéliennes, semble tenté de jouer la carte française pour relancer le processus. Selon Le Monde du 28 novembre, la République islamique perçoit la France comme un interlocuteur plus fiable que ne le sont les États-Unis pour relancer de nouvelles discussions. Téhéran tente ainsi de gagner encore du temps sans rien céder sur sa volonté de conserver son programme et ses capacités nucléaires. En attendant, l’Iran refuse toujours un accès à ses sites nucléaires bombardés, sans accord conclu avec l’AIEA (Le Figaro, 14 novembre).

