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Bulletin N° 258 | Septembre 2006

 

 

KURDISTAN IRAKIEN : LE DRAPEAU KURDE FLOTTE DESORMAIS SEUL SUR TOUS LES BATIMENTS PUBLICS ALORS QUE LE PARLEMENT KURDE ENTAME L’EXAMEN DU PROJET DE CONSTITUTION KURDE.

Le parlement kurde a entamé le 24 septembre l’examen d'un projet de Constitution kurde dans lequel il revendique notamment la ville de Kirkouk, et le droit à l'autodétermination dont l’exercice effectif sera fonction des circonstances. Région autonome de l'Irak depuis 1991, le Kurdistan se définit dans le projet de Constitution comme « une région fédérée faisant partie d'un Etat irakien fédéral, républicain, parlementaire, démocratique, basé sur la diversité politique (multipartisme), sur l'alternance pacifique du pouvoir et sur le principe de la séparation des pouvoirs ». Dans la définition des limites du Kurdistan, le projet de Constitution inclut la province de Kirkouk, revendication historique des Kurdes. Sous le régime de Saddam Hussein, de dizaines de milliers de Kurdes avaient été expulsés de Kirkouk au profit d'une population arabe. Aux termes de l'article 140 de la Constitution irakienne, il doit y avoir un recensement puis un referendum dans la province de Kirkouk pour décider si cette région rejoint la fédération kurde d'Irak. Le projet de Constitution kurde revendique aussi des villes et districts des provinces de Ninive, de Diyala et Wasset, peuplés de Kurdes et non inclus dans le Kurdistan fédéré actuel.

D'autre part, pour empêcher toute éventuelle future division au sein d'une région kurde qui a connu des conflits armés internes, le projet de Constitution stipule qu'il n'est « pas permis de créer une nouvelle région autonome au sein de la région autonome du Kurdistan ».

Enfin, le projet reconnaît au peuple kurde le droit à l'autodétermination. Il souligne que le peuple kurde « a choisi une fédération libre avec l'Irak tant que celui-ci respecte sa Constitution fédérale, son système fédéral parlementaire, démocratique, ainsi que les droits individuels et collectifs » de ses citoyens. Le Kurdistan pourra revoir ce choix « si la Constitution fédérale est violée ou si l'option fédérale est abandonnée ». De même, il pourra revoir ses options « en cas de politique de discrimination raciale » de l'Irak ou « si les séquelles de l'ancien régime » de Saddam Hussein sont maintenues, ce qui est une allusion en particulier à la politique d'arabisation qui a été pratiquée à Kirkouk.

De plus, après une décision en ce sens du gouvernement kurde, le drapeau kurde flotte seul sur les bâtiments publics du Kurdistan irakien. « Le drapeau kurde doit être hissé sur tous les bâtiments publics et les institutions gouvernementales de la région autonome du Kurdistan irakien », a ordonné le gouvernement du Kurdistan, ajoutant que « dans les régions où le drapeau baassiste était arboré, nous ordonnons qu'il soit ôté et remplacé par le drapeau kurde ». Dans la province de Souleimaniyeh, bastion du président irakien Jalal Talabani, le drapeau irakien figurait parfois au côté du drapeau kurde sur les bâtiments officiels. Mais il n'avait pas droit de cité dans la province d'Erbil, fief du président du président du Kurdistan, Massoud Barzani. « Ce drapeau (baassiste) date de 1963 et, depuis, ont été commis tous les massacres, les meurtres collectifs et les crimes », c'est pourquoi « il est impossible de hisser ce drapeau au Kurdistan car il reflète une des périodes les plus noires de l'histoire de l'Irak », avait déclaré en mars 2005 M. Barzani. En avril 2005, Jalal Talabani avait prêté serment en tant que président sur le drapeau irakien, mais il avait exprimé le souhait d'un changement d'emblème national. « Il y aura certainement un nouveau drapeau, car la bannière actuelle est celle de Saddam Hussein », avait-il indiqué peu après son élection.

Les autorités turques, toujours suspicieuses des visées indépendantistes des Kurdes d'Irak, ont réagi d'un ton modéré. « C'est en priorité aux Irakiens de s'inquiéter de ce développement », a affirmé sèchement le chef de la diplomatie turque Abdullah Gül à la télévision. « Il est évident que cette affaire constitue un nouveau maillon vers l'indépendance des Kurdes », a de son côté estimé Sedat Laçiner de l'Institut des études stratégiques (USAK). « Même si les Kurdes ont fait marche arrière, en provoquant une controverse ils ont obtenu que le monde débatte de leur emblème et de leur lutte d'indépendance », affirme l'analyste. Lors d'une réception à Ankara devant de nombreux journalistes, le nouveau chef d’état-major des forces terrestres turques, le général Ilker Basbug, avait mis en garde fin août : « Que pensez-vous de Kirkouk? Il faut faire très attention à ce qui se passe là-bas ». Il entendait ainsi attirer l'intérêt des médias et rappeler que la défense des intérêts turcs prétextant les Turcomans irakiens constituait une « ligne rouge » pour Ankara.

Pendant ce temps, les partis politiques et les groupes religieux représentés au Parlement irakien se sont, le 24 septembre, entendus pour ouvrir le débat sur une proposition chiite qui autoriserait la création de régions fédérales en Irak, alors qu’ils avaient à plusieurs reprises reporté ce débat sensible. Cet accord est intervenu au lendemain d'un compromis conclu avec les sunnites, minoritaires dans le pays, qui ont obtenu la création d'un comité parlementaire chargé de modifier la Constitution. Ils se sont entendus pour geler jusqu'à 2008, au plus tôt, la création éventuelle de toute nouvelle région dans le cadre de la constitution fédérale adoptée il y a un an. Les chiites, majoritaires au parlement, revendiquent, comme les Kurdes, de pouvoir former une nouvelle région autonome regroupant plusieurs provinces dans le Sud. Les sunnites s'opposent à cette revendication car ils rêvent encore d’un Etat central fort et craignent de se voir déposséder, dans un Irak fédéral, des champs de pétrole. Outre le report de 18 mois dans l'application de cette loi, les sunnites ont obtenu qu'une commission parlementaire soit formée dès le 25 septembre pour examiner de possibles amendements à la Constitution fédérale. Ils espèrent pouvoir faire voter des modifications qui permettraient par exemple de restreindre la création de régions autonomes.

En attendant, le fédéralisme peine à intégrer la culture politique des dirigeants irakiens. Ainsi, le Premier ministre du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, n’a pas hésité à dénoncer la tentative du gouvernement central irakien de « saboter » les efforts kurdes pour développer les ressources pétrolières. Le chef du gouvernement a, le 28 septembre, affirmé que les Kurdes s'opposeront avec détermination à toute tentative de les priver du droit de développer leur propre industrie pétrolière, et a averti que toute interférence extérieure dans ses affaires ne pourra que raviver les appels à l'indépendance du Kurdistan. « Le peuple du Kurdistan a choisi d'être volontairement partie de l'union avec l'Irak sur la base de la Constitution », a souligné M. Barzani dans un communiqué. « Si les ministres à Bagdad refusent de se conformer à cette Constitution, le peuple du Kurdistan se réserve le droit de reconsidérer son choix », a-t-il averti. La réaction du Premier ministre kurde fait suite à une interview accordée par le ministre irakien du Pétrole, Hussein Chahristani, dans laquelle celle-ci affirme que ses services examineront les termes de tout contrat pétrolier signé par les autorités kurdes. « Je suis indigné par les efforts de M. Chahristani pour saboter l'investissement étranger dans le secteur pétrolier du Kurdistan », a affirmé M. Barzani. « Le gouvernement régional du Kurdistan oeuvre pour développer son industrie pétrolière, un secteur d'activité d'où le régime précédent nous avait écarté pour punir notre peuple », a-t-il poursuivi. Selon M. Barzani, la Constitution irakienne donne au gouvernement régional, autorité sur le pétrole et le gaz puisqu'ils ne font pas partie des « pouvoirs exclusifs du gouvernement fédéral ». D'importantes réserves de pétrole ont déjà été découvertes en diverses régions du Kurdistan et les experts s'attendent à de nouvelles découvertes. Des compagnies turque, portugaise et norvégienne se sont engagées dans des activités de prospection dans les trois provinces kurdes autonomes et au moins une découverte importante a été faite à ce jour.

ERBIL : PREMIER CONGRÈS MONDIAL DES ÉTUDES KURDES.

L’Institut kurde de Paris en partenariat avec l’Université de Salahaddine, avec le soutien du Gouvernement régional du Kurdistan et du ministère français des Affaires étrangères, a organisé, du 6 au 9 septembre, le premier congrès mondial des études kurdes à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. L’événement, une première de son genre, a réuni dans le centre culturel de l’Université de Salahaddine, la plupart des chercheurs et académiciens qui ont dédié leur travail à la connaissance du peuple kurde, en étudiant son histoire, sa culture, sa langue, sa situation sociale et politique. Venus d’une dizaine de pays, aussi bien d’Europe que des Etats-Unis, mais également d’Iran et de Turquie, les intervenants ont pris part à ce congrès qui s’est déroulé en kurde et en anglais. Le colloque a eu pour ambition de faire l’inventaire des nombreux domaines des études kurdes, de discuter des perspectives et de formuler des propositions concrètes pour l’avenir. Le congrès a également fourni l’opportunité pour les participants de se connaître, d’échanger des idées et de tisser des relations de travail et de coopération entre les chercheurs kurdes et occidentaux.

Le congrès s’est ouvert par des allocutions du président de l’université de Salahaddine le Dr. Mohammed Khoshnaw et du Dr. Mohammed Ihsan, ministre des affaires extrarégionales du Kurdistan irakien, qui ont tous les deux souhaité la bienvenue aux intervenants et aux participants de ce premier congrès mondial. Puis, le président de l’Institut kurde de Paris, le Dr. Kendal Nezan a souligné dans son introduction non seulement la curiosité intellectuelle mais également le courage civique de ces chercheurs qui ont souvent fait l’objet d’harcèlement politico-administratif, de poursuites judiciaires et voire d’emprisonnement pour ce qui concerne les chercheurs en Turquie. Il a ainsi salué le sociologue turc Ismail Besikçi qui a passé une douzaine d’année en prison pour avoir mené des études académiques sur la société kurde, mais aussi les universitaires qui n’ont pas pu être présents à ce congrès pour des raisons d’agenda ou de santé.

La première table-ronde sur le thème des « Études kurdes en France : langue et littérature » a été présidée par le Dr. Joyce Blau, professeur émérite des universités, qui a enseigné le kurde pendant une trentaine d’années à l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO). Le Dr. Pierre Lecoq, professeur à l’Ecole pratique des Hautes études à Paris, a, dans cette table-ronde, présenté la place du kurde dans la grande famille des langues iraniennes. Le Dr. Lecoq a souligné que le zazaki et le gorani ont souvent été liés à la région caspienne. « Les linguistes reconnaissent depuis longtemps que les langues voisines se sont mutuellement influencées. Mais une convergence similaire dans le kurde est surprenante puisque cette langue est aujourd’hui parlée à une importante distance du persan et du kermani. Il n’y a qu’une façon d’expliquer cela : lorsque le kurde a acquis cette forme, il a été parlé aux environs (…) d’un territoire grossièrement limité par le sud de la Médie, le nord perse et l’est Carmanian ». Le Dr. Salih Akin, maître de conférence à l’université de Rouen, est ensuite intervenu pour faire le bilan et poser les perspectives des « recherches linguistiques sur le kurde en France ». Il a ainsi souligné qu’ « en l’absence d’institutions nationales de standardisation, son développement s’est fait sur une structure polydialectale, dont chaque dialecte se subdivise en une variété de parlers locaux. » Il a également déploré le peu de chercheurs spécialisés dans la langue kurde, « par désintérêt politique, langue inconnue, absence de débouchés ». Le Dr. Salih Akin a ensuite énuméré les différentes catégories de ses recherches dans le cadre universitaire. Un de ses étudiants, Ibrahim Seydo Aydogan, doctorant dans la même université, a complété cette intervention en exposant son travail sur « l’identification des temps verbaux dans les grammaires kurdes ». Sur le même thème, Mme Sandrine Traida, doctorante et linguiste de formation, a apporté sa contribution en exposant le « statut syntaxique du nom (N-V) dans les verbes composés kurdes » en partant du constat que « les verbes composés kurdes ne montrent pas de propriétés syntaxiques homogènes ». Gérard Gautier, anthropologue et expert en informatique a, de son côté, formulé une proposition concernant le développement d’un corpus de texte informatisé en kurde. Le Dr. Gautier a dressé le tableau de « l’évolution de l’outil informatique disponible à la langue kurde » et suggéré « la réalisation d’un corpus instrumental de 100 000 mots par un consortium non-commercial comme préliminaire pour la réalisation d’un corpus plus important d’un million de mots. » Pour clore cette table-ronde, M. Yannis Kannakis, ethno-musicologue, est intervenu pour témoigner de ses recherches dans la ville de Hakkari. Il a ainsi exposé son texte « Parler à voix basse, chanter à voix haute. Discours parlés et chantés de la kurdicité à Hakkari », illustré par des photos prises sur le terrain et des chansons kurdes enregistrées. Séjournant à Hakkari de novembre 2004 à avril 2005 pour ses recherches, M. Kannakis qui a été expulsé par la police turque avant la fin de ses recherches a raconté les difficultés rencontrées sur le terrain, en l’espèce au Kurdistan de Turquie, pour mener des recherches sur les Kurdes. « J’ai pu voir et revoir que la musique peut en effet aider le peuple kurde à exprimer () des non dits ou des choses difficiles à raconter » a expliqué M. Kannakis. Il a conclu en soulignant avoir entendu à de nombreuses reprises les Kurdes dire « notre musique nationale nous a fait ce qu’on est ». Selon M. Kannakis, « ces déclarations si catégoriques liant la musique au fondement des identités collectives en transition est aujourd’hui assez rares en dehors du monde kurde ».

La seconde table-ronde consacrée aux « Études kurdes en France : les sciences sociales » a été présidée par le Dr. Hamit Bozarslan, professeur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris. Après le tableau dressé par M. Gilles Doronsoro, professeur de sciences politiques à l’Université de Paris I, sur les études kurdes, le philosophe Ephrem Isa Yousif, a décrit les Merwanides et les Ayyubides « deux dynasties kurdes brillantes et tolérantes » selon les chroniques syriaques. M. Yousif a décrit le parcours de la dynastie des Merwanides en se référant notamment au chroniqueur syriaque Elie de Nisibe. Pour ce qui est des Ayyubides, il a mis en relief le grand Malik Al-Ashraf « personnage qui fut sujet d’admiration des Syriaques… prince d’Edesse et de la Djézireh ». M. Boris James, doctorant en histoire a complété cette intervention en présentant « les utilisations et les valeurs du terme « kurde » dans les sources littéraires médiévales arabes », et le Dr. Florence Hellot, historienne a exposé le thème de « Vivre ensemble au Kurdistan : les Chrétiens de l’Eglise d’Orient et les Kurdes », tandis que le Dr. Clémence Scalbert, linguiste, a, présenté la situation de la littérature kurde. Elle a ainsi replacé le développement de la littérature et du domaine littéraire kurdes dans un contexte de conflit et soutenu l’idée que la littérature kurde inclus les écrivains de langue turque et considéré que « l’utilisation des langues est une part de la stratégie littéraire ». Outre la littérature, les sciences sociales et politiques viennent s’ajouter aux recherches effectuées en France. Ainsi, Julie Fernandez de Barena, historienne de formation, a pu exposer son travail sur « l’émergence d’une contestation kurde en Syrie », pays moins exploré que la Turquie, l’Iran ou l’Irak avec un prisme kurde. « Les événements de Qamishli, en mars 2004, ont marqué de façon visible l’irruption d’une contestation kurde en Syrie et pourraient annoncer l’apparition d’un nouveau facteur communautaire dans l’échiquier politique interne, le facteur kurde, qui jusque là avait occupé une place marginale ». a-t-elle annoncé. Le journaliste et spécialiste de la question kurde, Chris Kutshera, a clos cette table ronde en mettant en relief « les précurseurs français de la kurdologie ». Il a présenté trois voyageurs français qui ont écrit sur leurs missions au Kurdistan : « François Petis de la Croix, fils de l’interprète attitré de Louis XIV… Son livre « Le séjour de Sir François Petis en Syrie et en Perse » est un document remarquable avec des descriptions des villes de Diyarbakir, Hasankeyf et Djézireh… à la fin du 17ème siècle », « Amédée Jaubert, investi d’une mission diplomatique par Napoléon à la cour du roi de Perse, a voyagé à travers la Turquie, de Constantinople à la frontière perse », tandis que « Baptistin Poujoulat, voyageur, témoin de la campagne ottomane contre le Beg de Rewandouz en 1837… a montré comment dans le première moitié du 19ème siècle déjà, le Kurdistan a été dévasté par les armées turques ».

La troisième table-ronde a été consacrée aux « Études kurdes en Allemagne » sous la présidence du Dr. Philip Kreyenbroek, professeur à l’université Georg-August à Göttingen, qui a présenté un texte sur « les traditions des Yezidis et Ahl-e Haqq comme preuve de l’histoire culturelle kurde ». Le Dr. Kreyenbroek a indiqué que « l’histoire culturelle des Kurdes a parfois été mal comprise par les chercheurs occidentaux parce qu’ils recherchaient des équivalents exacts du phénomène occidental : manifestations de la « grande » culture, comme la littérature d’élite, écrite ». « Une recherche d’une grande culture au Kurdistan peut seulement conduire à des résultats limités et tendre à penser la culture kurde comme dérivative basée largement sur les modèles perses, arabes ou turcs » a-t-il souligné. Il a également signalé que ces remarques étaient largement basées sur son travail de recherche sur les textes religieux yézidis élaboré en collaboration avec le Dr. Khalil Jindy Rashow et publié sous le titre de « God and Sheikh Adi are perfect : Sacred Poems and religious narratives from the Yezidi tradition ». Le Dr. Rashow, maitre de conférences dans la même université à Göttingen, présent également à la table-ronde, a alors présenté son texte sur les « clés pour comprendre largement la religion yézidie ». « Le soulèvement du peuple du Kurdistan contre le régime baassiste en Irak en mars 1991, la création d’une zone de sécurité par les Nations-unies et l’établissement du gouvernement kurde a ouvert une nouvelle page pour les droits des religions et des minorités nationales. Le gouvernement du Kurdistan en établissant le Centre culturel et social Lalesh à Duhok (12 mai 1993), a entrepris une grande réalisation culturelle et scientifique pour la religion yézidie », a indiqué le Dr. Rashow ajoutant que « la religion yézidie est une religion ancienne qui ne découle pas d’une matrice d’une autre religion ». Sur le même sujet, Mlle. Eszter Spät, doctorante à l’Université d’Europe centrale à Budapest, a présenté son texte sur « le prophète yézidi, le Christ trimorphique ou Aion hellénique. Les motifs traditionnels du misbahet yézidi d’Ibrahim » et Dr. Khanna Omarkhali, spécialiste des études religieuses à Saint Petersbourg, a complété sur le thème du « symbolisme des oiseaux dans le yezidisme ». Le Dr. Birgit Ammann, du Centre européen des études kurdes à Berlin, a, pour sa part, présenté « la ville d’Amadiya à la lumière des sources européennes », « capitale de l’émirat kurde de Bahdinan, un des plus puissants émirats kurdes jusqu’à sa chute dans la moitié du 19ème siècle». Le Dr. Eva Savelsberg, exerçant dans le même centre à Berlin, a, de son côté exploré « une vue d’ensemble des Kurdes de Syrie depuis 1920 », analysant « le développement d’un mouvement autonome kurdo-chrétien en 1930, au début d’un nationalisme syro-kurde, au soulèvement de mars 2003, lorsque des manifestations de masse anti-syriennes ont eu lieu dans le nord kurde de la Syrie ». Cette table-ronde sur les études kurdes en Allemagne a été complétée par l’intervention de Mme. Parwin Mahmudwesyi, doctorante à l’université de Georg-August à Göttingen, sur le thème des « Métriques de la poésie kurde ».

Au troisième jour du congrès, une table-ronde a réuni les spécialistes des études kurdes en Suède sous la présidence du Dr. Khalid Salih, maître de conférences de sciences politiques et administrateur de l’Institut kurde de Paris. M. Reso Zilan, président du Département de langue et de littérature à l’Institut kurde de Paris, a dressé le tableau de l’enseignement du kurde en Suède, le pays le plus avancé en matière de publication en langue kurde. Parmi les intervenants, M. Mehmed Tayfun, linguiste et historien, est intervenu pour exposer « l’histoire des publications des livres kurdes en Turquie de 1844 à 2006 ». L’aspect sociologique de la diaspora kurde a été ensuite soulevé par trois intervenants. D’abord, par Dr. Minoo Alinia, sur le thème du « Mouvement diasporique kurde, un mouvement social dans un nouvel espace global ». Ensuite M. Barzoo Eliassi, doctorant au département des sciences sociales à l’université de Mid-Sweden, s’interrogea sur « identité, diaspora, et inclusion sociale…de la jeunesse kurde en Suède » et enfin M. Khalid Khayati, du département des études ethniques à l’université Linköping, présenta « les Kurdes de la diaspora en Suède comme des citoyens transfrontières ». Selon le Dr. Alinia, « les diasporas sont les expressions les plus puissantes pour un nouvel espace politique global et une certaine forme de mouvement social ». Pour sa part M. Eliassi a mis en « lumière la signification des origines et des parcours » dans la vie des jeunes Kurdes en Suède, en s’interrogeant sur comment les jeunes Kurdes s’identifient ou encore comment ils sont identifiés dans la société au regard de leur ethnicité, de leur nationalité, de leur sexe, leur sexualité ou encore leur classe sociale. Pour finir, selon M. Khayati, « les allégeances politiques qui existent au Kurdistan ont une profonde influence sur les organisations politiques et associatives des Kurdes dans la diaspora » et « souvent, la conscience nationale a été plus importante parmi ces Kurdes établis hors du Kurdistan ».

La seconde table-ronde de cette troisième journée a été consacrée aux « Études kurdes aux Etats-Unis » sous la présidence du journaliste Jonathan Randal, auteur du livre « After Such Knowledge, what Forgiveness ?- My Encounters with Kurdistan » Le Dr. Keith Hitchins, professeur à l’université de l’Illinois, a présenté une communication sur « la formation de la nation kurde en Turquie entre 1890 et 1938 » à partir d’une perspective comparative. « Malgré des différences dans le développement historique, l’environnement politique et la culture des sources, les Kurdes d’Anatolie, les Roumains de la Transylvanie et les Jadids d’Asie centrale, partagent certaines caractéristiques clés », a-t-il déclaré en guise d’introduction développant cette thèse dans son intervention. Le Dr. Michael Gunter, professeur à l’Université technologique du Tennessee, a présenté ses recherches sur le « changement des dynamiques dans le gouvernement régional du Kurdistan en Irak (KRG) ». « En dépit des problèmes persistants, la dynamique de changement dans le KRG est encourageante, notamment comparée au reste de l’Irak ou encore au Moyen-orient. Le KRG a amorcé d’énormes pas positifs pour l’unité, la démocratisation et la modernisation kurdes. L’ultime problème réside sur la question de savoir qui va garantir ces accomplissements ? », s’interroge Dr Gunter. Maître de conférences à l’Université d’Akron, dans l’Ohio, le Dr. Janet Klein, a, quant à elle, présenté le thème des « milices kurdes et l’empire ottoman : implication pour la résolution du conflit actuel ». Elle en est venue à la conclusion que « les similitudes et les différences dans l’histoire des groupes aussi divers que les Arméniens, les Turcs, les Kurdes et les Soudanais, peuvent conduire à une compréhension plus nuancée quant aux ingrédients du conflit pour mieux réagir dans la prévention ou la résolution du conflit ». Le Dr. Nicole Watts, professeur à l’Université de San Francisco, a placé ses recherches sur la ville de Diyarbakir sur le thème des « maires pro-kurdes dans une soit disant démocratie : les politiques symboliques à Diyarbakir ». Selon le Dr. Watts, « l’officialisation a facilité l’auto – et externe- légitimation d’une nouvelle génération d’élites kurdes », mais « les maires pro-kurdes ont souffert…du pouvoir disciplinaire du système…les activistes kurdes…ont été la cible d’attaque et plus encore ont été l’objet « d’une conduite de gouvernement » coercitive qui régule leur comportement et le discours ».

La dernière table-ronde de la journée a été consacrée aux « Études kurdes dans les autres pays ». Présidée par le Dr. Abbas Vali, président de la nouvelle université du Kurdistan à Erbil, la table-ronde a réuni Dr. Joost Jongerden, maître de conférences en sciences sociales à l’Université Group-Wageningen et à l’Institut Athena- université Vrije d’Amsterdam, qui est intervenu sur le thème du « pouvoir productif au contrôle abrupte : thèses sur les techniques de (ré)implantation en Turquie et les Kurdes ». Le Dr. Jongerden s’est fixé comme objectif d’étudier « la production de l’espace et l’exercice de pouvoir, entre la force productive et un contrôle abrupte, à travers une série de micro-études (historique, anthropologique, sociologique) pour révéler et discuter comment le pouvoir est exercé sur un peuple par les moyens des politiques spatiales ». « A la recherche d’un roman kurde qui nous raconte qui sont les Kurdes », a été le sujet d’exploration du Dr. Hashem Ahmadzade, maître de conférences à l’université d’Exeter, au Royaume-Uni. Le Dr. Ahmadzade a tenté d’élucider la question de savoir si « le roman kurde, en accord avec les conditions requises pour le genre, a réussi à représenter les Kurdes dans leur identité » et regretté que « le roman kurde souffre encore du manque d’accès au marché du livre ». M. Abdullah Keskin, éditeur à Istanbul, a étayé cette remarque en présentant « le développement des publications kurdes au Nord (Kurdistan) et en Turquie ». Selon M. Keskin, sa maison d’édition Avesta qui existe depuis une dizaine d’années a publié 210 titres de livres, 60% en langue turque et le reste en kurde. « Cinquante de nos livres ont été interdits » mais « soutenir une culture et une langue objet d’oppression et interdite pendant des dizaines d’années n’est pas seulement une obligation politique ou nationale, mais aussi un engagement éthique », conclut l’éditeur. Professeur à l’université de Naples, le Dr. Mirella Galetti, a, pour sa part, présenté « le Kurdistan et ses Chrétiens » en soulignant que « les sociétés au Kurdistan sont dans le changement et il est fondamental de fixer et de saisir la situation présente car dans quelques années cette réalité ne sera plus que des vestiges archéologiques ». Venu de Suisse, le Dr. Jordi Tejel, historien et sociologue de formation, a, quant à lui, développé le thème de « la construction de l’identité kurde en Syrie durant le mandat français entre 1920 et 1946 ». Selon le Dr. Tejel, « la relation intellectuelle entre les élites kurdes et les kurdologues français engendre une sorte de doctrine consensuelle nationaliste qui est quasiment familière. Il est difficile de savoir qui se trouve à la source du nouveau discours ethnique qui cherche à légitimer les aspirations kurdes pour l’établissement d’un Etat kurde depuis 1919 et de placer les Kurdes parmi les nations modernes »

Le dernier et quatrième jour du congrès a été l’occasion de dresser le tableau des «Études kurdes au Kurdistan », divisées en trois domaines principaux : sciences sociales, langue et littérature et perspectives pour les études kurdes. Dans la première table-ronde, présidée par le président de l’université Salahaddine, Dr. Mohammed Saddik Khoshnaw, le Dr. Khalil Ismail Mohammed a présenté une étude statistique sur « la population du Kurdistan irakien », puis le Dr. Nour Y. Hezrani, est intervenu sur le thème des « Kurdes et la civilisation », et le Dr. Qader Muhammad Bashderi sur « les origines historiques et l’organisation des partis politiques au Kurdistan » et enfin le Dr. Ahmad Mirza Mirza a parlé des « relations historiques et civilisationnelles au Kurdistan ».

Une seconde-table ronde, sous la présidence du Dr. Rashad Miran, a réuni le Dr. Tahir Hasso Zebari développant « la structure de la société kurde », le Dr. Abdul-Hamid Sa’ed, a, pour sa part, fait un exposé sur « les problèmes sociaux dans la société du Kurdistan », suivi du Dr. Ahmad Abdul-Aziz qui a fait une « étude critique de l’ouvrage de Mounzer al-Moussili sur les Kurdes ». Cette table-ronde a été complétée par l’intervention de Mme Naznaz Mouhammad Malla Kadir, sur le thème des « racines de l’arabisation de la culture kurde » et M. Arif Zêrevan sur « quel alphabet pour la transcription correcte du kurde ? ».

La matinée s’est achevée sur une dernière table-ronde sous la présidence du Dr. Muhssin Hussein, qui a réuni le Dr. Muhamad Abdullah Omar sur le thème de « Kirkouk et le fédéralisme géo-historique », Dr. Hamid Ahmad, exposant « les aspects importants du développement de la géographie pour l’histoire et la civilisation des Kurdes », le Dr. Muhammad Abdullah Kaka-Sur qui a présenté une communication sur « la publication écrite de l’histoire kurde » et M. Abdul-Karim Hawta un exposé sur « la réalité actuelle de l’industrie au Kurdistan et l’importance de son développement ».

L’après-midi de cette riche journée a commencé avec une table-ronde sur le « développement de la langue kurde », sous la présidence du lexicographe Salah Saadallah. « Les étranges aspects des poèmes de Mahwi » ont été présentés par le Dr. Ibrahim Hussein Shiwan, suivi du Dr. Faraidoun Barzanji sur le thème de « la promotion des dialectes kurdes » et du Dr. Abdullah Hussein sur « les différences linguistiques entre villages et cités ». Pour finir, le Dr. Abdul-Wahid Dizayee a présenté une communication sur « la notion du respect dans la culture kurde ».

Sous la présidence du Dr. Shukreya Rassul Ibrahim, une deuxième table-ronde relative à la « langue et littérature » a réuni Dr. Rafik Shwani s’interrogeant sur « la définition et le commencement de la kurdologie en Europe et au Kurdistan ». Le Dr. Hidayat Abdullah est intervenu sur « la promotion de l’alphabet dans les publications kurdes », suivi du Dr. Mustafa Zanganah présentant « l’interprétation du social selon certains points de vue kurdes » et du Dr. Himdad Hussein exposant le thème « des Kurdes vus par les Anglais ».

Dr. Muhamed Diler Amir et M. Atta Karadaghi, sont intervenus sur « le rôle des journalistes dans les recherches linguistiques kurdes », puis M. Aryan Ibrahim a présenté une communication sur « la famille Bedir Khan ». M. Sero Kader et M. Sonya Siddik sont également intervenus pour parler de « la communauté religieuse et civile dans la ville d’Erbil ».

Le congrès a été accueilli avec beaucoup d’intérêt par les média kurdes et irakiens qui ont largement couvert les quatre jours de débats animés également par l’intervention du public composé de journalistes, de responsables politiques, d’étudiants et d’universitaires venus non seulement du Kurdistan irakien mais également de Bagdad, d’Europe, de Turquie, d’Iran et de Syrie. Les textes des principales interventions sont disponibles sur le site de l’Institut kurde de Paris : www.institutkurde.org et seront publiés en kurde.

CINÉMA KURDE : LE FESTIVAL INTERNATIONAL DE SAINT-SÉBASTIEN DÉCERNE LE COQUILLAGE D’OR AU DERNIER FILM DU CINÉASTE KURDE BAHMAN GHOBADI.

Le jury du festival international de Saint-Sébastien, en Espagne, a décerné le 30 septembre sa principale récompense, la Concha de Oro (coquillage d'or), ex æquo au film « Half Moon » du cinéaste kurde Bahman Ghobadi et à « Mon fils à moi » du réalisateur Martial Fougeron. L'actrice française Nathalie Baye a obtenu le prix de la meilleure actrice pour son rôle dans « Mon fils à moi », tandis que le prix du meilleur acteur est revenu à l'Espagnol Juan Diego pour son interprétation dans « Vete de mi ».

Les critiques et le public présents à Saint-Sébastien ont ovationné l’attribution du prix à « Half Moon » qui a également obtenu le prix de la meilleure photographie qui est allé à Nigel Bluck et Crighton Bone. Il y a deux ans, Ghobadi avait déjà remporté la Concha de Oro pour son film « Les tortues volent aussi », qui avait également bénéficié d'une très bonne critique. Ce film, sélectionné pour représenter l'Irak aux prochains Oscar à Los Angeles, raconte l'histoire d'un groupe d'hommes kurdes d'Iran qui veulent profiter de la chute du régime de Saddam Hussein en Irak pour aller donner un concert chez leurs voisins kurdes irakiens. En marge de la projection de son film, Bahman Ghobadi avait longuement expliqué les difficultés rencontrées avant, pendant et après le tournage. Disposant d'un petit budget, il avait demandé, en vain, l'aide des autorités de son pays. Il avait surtout expliqué être très déçu que cette co-production de l'Iran, l'Irak, l'Autriche et la France, n'ait pas obtenu l'autorisation d'être projetée en Iran. « Je suis heureux pour ce prix mais triste que mon film soit toujours interdit en Iran», a déclaré très ému le cinéaste kurde iranien, lors de la cérémonie de clôture du festival samedi soir, « je le dédie à tout le peuple kurde».

Le jury de ce 54e festival international du film de Saint-Sébastien était présidé par l'actrice française Jeanne Moreau. Dix-sept films étaient en compétition pour la Concha de Oro cette année. Ce festival est le plus ancien et le plus prestigieux du monde hispanophone et se classe au quatrième rang en Europe derrière Cannes, Venise et Berlin.

LE PARLEMENT EUROPÉEN DÉNONCE DANS SON DERNIER RAPPORT SUR LA TURQUIE LES « MANQUEMENTS PERSISTANTS » DANS LE DOMAINE DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION, DE CULTE, DES DROITS DES MINORITÉS ET DE LA QUESTION CHYPRIOTE

Dans un rapport adopté le 27 septembre par le Parlement européen à une large majorité (429 voix pour, 71 contre et 125 abstentions), les députés européens ont prévenu la Turquie qu'elle s'expose à un gel de ses négociations d'adhésion à l'UE, commencées en octobre 2005. Camiel Eurlings, rapporteur de cette résolution non contraignante, a estimé que « c'est un texte ferme mais équitable, parce que nous faisons passer nos engagements et nos préoccupations et que nous demandons à la Turquie de faire preuve d'engagement et de volontarisme».

Le Parlement européen a prévenu la Turquie que son refus de lever l'embargo sur les navires et les avions chypriotes grecs pourrait « arrêter » le processus de négociation en vue de son adhésion à l'Union européenne. Les députés ont invité Ankara à reconnaître Chypre, à retirer ses forces de l'île et à lever l'embargo pesant sur les navires et les avions chypriotes. Le rapport rappelle à la Turquie que l'absence de progrès dans ce domaine « aura des implications sérieuses pour le processus de négociation et pourrait même l'arrêter ». Dans un rapport d'évaluation, les députés font état de « manquements persistants » dans le domaine de la liberté d'expression et de culte, ainsi que les droits des minorités, les relations avec Chypre et la reconnaissance du génocide arménien. Le texte rappelle que les négociations avec Ankara constituent « un processus à long terme qui est, de par sa nature même, un processus ouvert et qui ne conduit pas a priori et automatiquement à l'adhésion ». Si le Parlement a abandonné une disposition qui aurait fait de la reconnaissance du génocide arménien une « condition préalable » à l'entrée de la Turquie, le rapport juge « indispensable qu'un pays sur le chemin de l'adhésion aborde et reconnaisse son passé ». Il exhorte également Ankara à établir des relations diplomatiques avec Erévan et à ouvrir sa frontière terrestre avec son voisin. Les députés ont adouci le texte en repoussant un paragraphe qui aurait fait de la reconnaissance du génocide arménien une condition préalable à l'adhésion turque. Dans une résolution du 28 septembre 2005, les députés avaient pourtant réclamé cette condition préalable. La commission des Affaires étrangères du Parlement l'avait encore maintenue il y a trois semaines, provoquant la colère des autorités turques.

Le Parlement demande enfin l'abolition ou la modification des dispositions du code pénal turc contraires aux normes européennes de la liberté d'expression, comme l'article 301 qui prévoit des sanctions en cas de « dénigrement de l'identité turque ». Il exprime également sa « vive préoccupation » au sujet du non-respect des droits de la femme et du rôle prépondérant des militaires dans la vie publique turque.

A Ankara, le Premier ministre turc Tayyip Erdogan a souligné que les réformes « se poursuivaient à pleine vitesse et sans que nous ne perdions rien de notre enthousiasme ». « Nous faisons ces réformes non parce que l'UE le veut mais parce que la Turquie en a besoin », a-t-il ajouté le 26 septembre devant des députés de son parti. « Cela ne suffit pas de changer les lois (...), il faut aussi changer les mentalités. Nous devons être patients », a-t-il souligné. Lors d'un débat devant le Parlement européen, à Strasbourg, le commissaire européen à l'Elargissement, Olli Rehn, avait, le 26 septembre, jugé que « ces douze derniers mois, il y a eu peu de progrès dans les réformes. Il est important que de nouvelles initiatives soient prises, il faut encore des progrès avant la présentation de son rapport par la Commission le 8 novembre ». Après le vote de la résolution, le Premier ministre turc s'est engagé à poursuivre les réformes prévues pour l'adhésion, mais prévenu que toute introduction d'un nouveau critère d'entrée serait inacceptable. « Nous ne pouvons pas accepter l'introduction de nouveaux critères », a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à Istanbul. Le parlement turc a effectué le 19 septembre une rentrée anticipée afin de débattre d'une nouvelle série de réformes pour renforcer la candidature du pays à l'UE avant la publication du nouveau rapport sur la Turquie de la Commission européenne. L'élargissement de la liberté d'association de la minorité chrétienne orthodoxe figure parmi les lois qui devraient être votées.

SOUS L’IMPULSION DES DIRIGEANTS KURDES D’IRAK, LE PKK DECRÈTE UNE NOUVELLE TRÊVE UNILATÉRALE.

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a décrété une nouvelle trêve unilatérale qui doit entrer en vigueur le 1er octobre. L'annonce en a été faite le 30 septembre à la fois par l'agence de presse kurde Firat et par Murat Karayilan, un des chefs militaires du PKK, depuis sa base installée dans les montagnes de Qandil, dans le Kurdistan irakien. Ce dernier a toutefois prévenu que les combattants du PKK ne déposeraient pas pour autant leurs armes. Les combattants du PKK n'ouvriront le feu « que dans le cas où nos forces seront prises pour cibles », mais « nous ne mènerons aucune opération de nature militaire », a déclaré Murat Karayilan. « Ce cessez-le-feu sera appliqué par toutes les parties au sein du PKK », a-t-il indiqué en ajoutant « si l'Etat turc a une solution démocratique à la question kurde, nous renoncerons aux armes ». Abdullah Ocalan, chef du PKK détenu sur l'île-prison d'Imrali, avait, le 28 septembre, exhorté ses combattants à ce geste afin de faire cesser « la tension croissante et les affrontements continuels ». « Je remplis mes responsabilités et j'appelle le PKK au cessez-le-feu », avait déclaré Abdullah Ocalan dans un communiqué transmis par ses avocats. Selon l'agence Firat, le PKK espère pouvoir « entamer un processus démocratique pour la solution de la question kurde ».

Jusqu'ici, Ankara a totalement ignoré les précédents cessez-le-feu du PKK, disant refuser toute négociation avec des « terroristes ». Abdullah Öcalan avait proposé à plusieurs reprises (en 1993, 1995 et 1998), un cessez-le-feu en échange de l'ouverture d'un dialogue politique, mais ses demandes ont toujours été rejetées par Ankara. Le PKK avait mis fin à une trêve de cinq ans en juin 2004, cela avait été suivi d'une recrudescence des attaques dans plusieurs régions qui ont coûté la vie à 110 combattants kurdes, selon un comptage de l'AFP d'après les chiffres donnés par l'armée. L'année dernière, une précédente trêve décrétée par le PKK n'avait duré qu'un mois. La trêve unilatérale la plus longue tenue par le PKK a suivi la capture d' Abdullah Ocalan en 1999, durant cinq ans.

L’influence de Kurdes d’Irak semble évidente dans cette dernière trêve. Kamran Qaradaghi, le directeur de cabinet du président irakien, Jalal Talabani, avait, le 25 septembre, déclaré à la chaîne d’information turque NTV, que le président irakien a rencontré les dirigeants du PKK et qu’il s'attendait à ce qu'ils décrètent bientôt une trêve. « Une déclaration de cessez-le-feu pourrait être possible à brève échéance », avait indiqué M. Qaradaghi qui commentait des remarques de M. Talabani récemment publiées dans l'hebdomadaire américain Newsweek. « Nous avons convaincu le PKK d'interrompre le combat, et d'ici quelques jours il va officiellement annoncer un cessez-le-feu », avait déclaré le président irakien dans un entretien accordé à Newsweek. « Cela aidera l'Irak à ouvrir un nouveau chapitre dans ses relations avec la Turquie (…) Nous appelons les Kurdes de Turquie à la modération, à mener leur combat par des voies pacifiques » avait-il ajouté. L'annonce de cette trêve intervient alors que le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan doit rencontrer le 1er octobre le président américain George W. Bush à Washington. Juste après l'appel à la trêve lancé par A. Ocalan, Erdogan avait déclaré: « Le terme de cessez-le-feu est erroné. Une organisation terroriste doit déposer les armes ». « Un cessez-le-feu se fait entre des Etats. C'est quelque chose d’inapproprié pour une organisation terroriste », avait indiqué M. Erdogan lors d'un entretien accordé le 28 septembre à la chaîne de télévision privée Samanyolu.

Par ailleurs, la nouvelle trêve intervient à un moment où une passe d'armes est intervenue en août au sein de la hiérarchie militaire. Le nouveau chef d'état-major, le général Yasar Büyükanit, perçu comme un faucon, s'est dit déterminé à combattre le PKK par tous les moyens. Le gouvernement est critiqué pour ne pas être assez répressif et pourtant ces dernières semaines, un regain d’affrontements a causé la mort de plus d'une dizaine de soldats et policiers. Des militants considérés comme proches du PKK ont également perpétré des attentats contre des lieux touristiques, faisant trois morts et près d'une vingtaine de blessés. Selon Ankara, plus de 90 soldats ont été tués dans les attaques du PKK cette année, et 500 civils ont été tués ou blessés, ce qui représente une forte augmentation par rapport aux années précédentes. La violence est toutefois nettement moindre que dans les années 90, quand l'armée vidait et rasait des milliers de villages kurdes.

Cependant, les analystes estiment que la multiplication des attentats au cours des derniers mois a fragilisé la position du gouvernement et renforcé celle des nationalistes turcs. En août 2005, le Premier ministre turc, issu de la mouvance islamiste, promettait au cours d'un discours remarqué à Diyarbakir que la vieille question kurde ne serait réglée qu'avec « plus de démocratie ». A huit mois de l'élection d'un nouveau président et à 14 mois des législatives, c'est surtout au gouvernement de résister à la tentation du nationalisme, indique le politologue Cengiz Aktar, qui dénonce une dérive déjà amorcée. « J'espère que le gouvernement va comprendre qu'il doit redevenir le fer de lance du changement et regrouper derrière lui les forces réformatrices et libérales de Turquie », a-t-il ajouté.

Á Diyarbakir même, l'explosion d'un engin près d'un parc très fréquenté en pleine ville a, le 12 septembre, tué 10 personnes, dont huit enfants, et blessé 14 autres. Un groupe turc peu connu, la Brigade turque de la vengeance (TIT) qui pouvait être une unité paramilitaire, a revendiqué l'attaque sur son site Internet, indiquant sa volonté de « venger les victimes du PKK » et affirmant qu'il allait désormais tuer « dix Kurdes à Diyarbakir pour chaque martyr turc tué par le PKK dans l'Ouest ». Selon les autorités locales, la bombe dissimulée dans une bouteille thermos a explosé prématurément. La cible serait en fait un complexe policier situé à un peu plus d'un kilomètre du lieu de l'explosion. Le PKK a démenti être responsable de l'explosion, qu'il a dénoncée, selon l'agence pro-kurde Firat. Le maire de la ville, Osman Baydemir, a dénoncé une « provocation délibérée pour saboter les efforts entrepris par une partie de la classe politique kurde pour mettre fin au conflit avec le pouvoir central d'Ankara » et appelé ses concitoyens au « bon sens ». Quelque 5.000 personnes ont défilé le 16 septembre en silence à Diyarbakir sur l'artère où s'est produite l'explosion à l'appel d'ONG locales pour protester contre cet attentat. Des centaines de manifestants s’étaient, le 14 septembre, heurtés aux forces de sécurité dans la ville, accusant le gouvernement de voiler les identités des responsables. L'attentat est intervenu au lendemain d'un appel au cessez-le-feu lancé par le principal parti pro-kurde du pays, le parti pour une société démocratique (DTP), envers le PKK et quelques heures après l'arrivée à Ankara d'un envoyé spécial américain, le général Joseph W. Ralston, ancien commandant suprême de l'Otan, venu discuter des moyens de contrer le PKK. Au terme d'une réunion avec des responsables turcs, le général a promis de rechercher des mesures « efficaces » et « visibles » contre le PKK.

Selon la presse turque, M. Erdogan devrait demander lors d'un entretien avec le président américain une action des troupes américaines contre des camps du PKK retranchés dans le Kurdistan irakien. Dans des déclarations à une radio américaine, citées par les médias turcs, le président irakien, Jalal Talabani, avait récemment sommé la Syrie, la Turquie et l'Iran d'arrêter de s'immiscer dans les affaires intérieures de l'Irak, menaçant sinon de soutenir des groupes dissidents dans ces pays voisins. Interrogé sur ce que son pays entendait faire si cette intervention ne cessait pas, M. Talabani a déclaré : « nous riposterons de la même manière. Nous soutiendrons l'opposition dans ces pays et créerons des problèmes ». Ces propos ont soulevé un tollé dans la presse nationale. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a, le 28 septembre, rejeté l’accusation en soulignant devant des journalistes à Istanbul : « Ce sont des propos très désagréables qui ne sont pas compatibles avec ses fonctions (…) Nous sommes un pays qui a toujours défendu l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Irak », indiquant espérer que le chef de l'Etat irakien corrige son « lapsus ». L'Irak a par ailleurs annoncé le 19 septembre qu'il allait fermer toutes les représentations du PKK dans le pays. La demande de considérer le PKK comme une « organisation terroriste » fait partie d'un ensemble de mesures réclamées par M. Erdogan à son homologue irakien Nouri al-Maliki dans une lettre en date du 11 septembre.

PROCÈS DE SADDAM HUSSEIN : LES TÉMOINS DÉFILENT POUR RACONTER L’HORREUR VÉCUE PENDANT L’OPÉRATION ANFAL.

Le Haut tribunal irakien qui juge Saddam Hussein pour génocide contre les Kurdes a, le 26 septembre, décidé de suspendre ses audiences jusqu'au 9 octobre. Cette décision, à l'issue d'une 12ème journée d'audience houleuse marquée par une série d'incidents, permettra aux accusés de prendre contact avec leurs avocats ou d'en choisir de nouveaux. Saddam Hussein a été expulsé pour la troisième fois en une semaine du tribunal de Bagdad provoquant les protestations des six autres accusés dont l'un a été à son tour expulsé. Saddam Hussein et ses six co-accusés protestent contre le fait que le procès se poursuive alors que l'ensemble des avocats de la défense ont décidé de le boycotter parce qu'ils considèrent que le gouvernement « exerce de fortes pressions » sur le tribunal. Pour rétablir le calme, le juge Mohammed al-Oreibi al-Majid al-Khalifa a suspendu, pendant une heure, l'audition des témoins kurdes venant décrire les sévices qu'eux-mêmes et leurs familles ont subi en 1987-1988. « Vous êtes l'accusé, je suis le juge », a déclaré le juge en donnant l'ordre à l'ancien président de quitter la salle d'audience parce qu'il ne voulait pas se taire. Les autres accusés commençant à protester, le juge a déclaré: « Silence ! Personne ne parle »! « Saddam dehors. Faites asseoir les autres », a ordonné M. Khalifa aux huissiers. Le procès avait pourtant repris avec le juge donnant une leçon de bonne tenue à Saddam Hussein. Après avoir demandé à l'ancien président de se lever, le juge lui a lu le règlement sur le comportement à respecter devant le tribunal, et Saddam Hussein a écouté patiemment. « Vous êtes l'accusé ici. Vous avez des droits mais aussi des obligations. Vous pouvez vous défendre, interroger les témoins. Je suis prêt à vous le permettre, mais ici c'est un tribunal et pas une arène politique », a déclaré le juge.

Saddam Hussein et six de ses lieutenants sont jugés pour avoir ordonné et exécuté les campagnes militaires d'al-Anfal, qui ont fait en 1987 et 1988 180.000 victimes au Kurdistan. Deux témoins kurdes sont intervenus le 26 septembre au procès pour décrire comment leur famille avait disparu au cours des opérations militaires. S'adressant au tribunal dans la traditionnelle tenue kurde, Aasi Mustafa Ahmed, âgé 51 ans, a été mobilisé en 1982 pendant la guerre avec l'Iran, et puis fait prisonnier au combat par les forces iraniennes. Libéré en 1990, il a voulu rentrer dans son village de Zingana, près de Souleimanyeh pour apprendre d'un cousin que le village a été rasé et sa famille a disparu. « Quand nous sommes rentrés de captivité, il nous a été dit que nous avions fait honneur à notre pays comme de loyaux soldats. Mais je suis rentré pour trouver ma maison démolie et ma famille disparue », a-t-il déclaré. Il a précisé qu'il avait quatre enfants, dont trois âgés de moins de dix ans, au moment de l'attaque des forces irakiennes. « Je ne sais toujours pas ce qui s'est passé », a-t-il indiqué, précisant qu'il n'avait pu obtenir qu'une réponse du gouvernement indiquant que sa famille avait été prise au milieu des opérations de la campagne Anfal. Le second témoin Jabbar Abdallah Aziz, âgé de 65 ans, vivait à Towb Khana (250 km au nord de Bagdad), en 1988, lorsque l'armée irakienne a attaqué le village et capturé les habitants en fuite. En prison, les autorités ont séparé les hommes des femmes, et les jeunes des personnes âgées. Après avoir emmené les jeunes vers une destination inconnue, les autres ont été libérés. Cependant, de retour à leur village, ils ont été avertis par haut parleur que tout serait rasé dans les trois jours. Il s'est alors enfui avec sa femme et ses enfants vers la ville de Chamchamal (250 km au nord de Bagdad). Etant retourné dans son village pour voir ce qui était survenu, il a été pris par les soldats et battu. Libéré, il n'a jamais pu retrouver sa famille. « Je ne sais pas ce qui leur est arrivé », il y a près de vingt ans, a-t-il déclaré.

Depuis le début du procès, le 21 août, les témoins ont décrit la mort des habitants à la suite d'attaques aux armes chimiques, la situation des victimes mal soignées dans les hôpitaux, les conditions de détention dans des prisons sordides du sud de l'Irak. Un témoin a décrit comment les femmes étaient conduites dans le bureau du directeur de la prison de Nugrat Salman (sud) pour y être violées. Rifaat Mohammed Said, a d'abord raconté le 25 septembre comment son village avait été gazé par l'armée irakienne, puis, pour la première fois, ce témoin a décrit les brutalités contre les femmes dans la prison de Nugrat Salman où lui-même a été incarcéré. Chaque jour, une détenue devait être conduite au bureau de Hajaj, le directeur de la prison, a-t-il raconté. « Les femmes revenaient en pleurant, et disaient qu'elles avaient été violées ». Il a également décrit les mauvaises conditions de détention à la prison, où « certains jours, deux ou trois enfants mouraient » de faim.

Un autre témoin, Mohammad Rassoul Moustafa, un Kurde de plus de 70 ans, a relaté le bombardement chimique de Sawisaynan, à une heure de marche de son village. Il a ensuite décrit sa détention de cinq mois à Nugrat Salman, où il a vu 400 à 500 personnes mourir, particulièrement des personnes âgées. A sa libération, il n'a jamais retrouvé sa femme et ses cinq enfants. Une Kurde, Fahima Amine Karim a, à son tour, raconté qu'après une attaque au gaz contre son village, sa famille avait été conduite à un hôpital militaire où un médecin a refusé de traiter les brûlures de sa fille, disant « qu'elle n'avait besoin d'aucun soin puisqu'elle allait mourir ». « Ma fille est morte dans mes bras. Ils ont pris le corps et je n'ai jamais su où elle a été enterrée », a-t-elle dit.

Lors de la dixième audience du procès de Saddam Hussein le 20 septembre, cinq victimes kurdes avaient décrit, les souffrances vécues lors des campagnes militaires d'al-Anfal avec des récits parfois insoutenables. Ahmed Mohammed Faris a raconté avoir été conduit de force de son village et détenu dans la prison Nugrat al-Salman, près de Samawa, dans le sud. « Les conditions de détention étaient vraiment mauvaises », se souvient ce vieillard. « Un jour, j'ai vu les chiens dévorer quelque chose: c'était la tête d'une femme dont le corps était enterré près du mur d'enceinte de la prison », a-t-il déclaré. Gharib Kader Hama Amine a également décrit les conditions déplorables de son emprisonnement, avec son père, dans le centre de détention de Samawa. « Nous urinions sur le sol, il n'y avait pas de sanitaires. Chaque jour, dix des nôtres mourraient de maladie ou de torture », a-t-il raconté. Son père est décédé en prison. Selon lui, ils étaient plus d'un millier de Kurdes détenus dans ce centre « et pas un Arabe ». Une vieille femme, Esmat Abdel Kader, vêtue de la robe traditionnelle, a été sévèrement blessée par les bombardements chimiques. « J'ai encore des marques sur les mains, j'ai été opérée des yeux et je respire encore difficilement », a-t-elle raconté au tribunal. Un autre villageois, Ahmed Kader, a décrit l'attaque chimique de son village, l'odeur de gaz, la fuite. Il a raconté qu'avec l'aide de son frère, il est parti ramasser les corps des victimes dispersées et les a enterrés: « 12 par ci, 20 par là, 5 autres ailleurs ». Le sang coulait du nez et de la bouche des victimes, a-t-il indiqué. « J'avais les yeux qui larmoyaient et je tremblais de tout mon corps à cause du gaz », a-t-il ajouté. Il affirme avoir perdu huit proches dont deux soeurs lors des campagnes d'al-Anfal. Chamsa Rostum, elle, habitait dans un village proche de Halabja. En 1987, elle a fui vers le village de son père en 1987 et là le gouvernement a décidé de les loger dans des centres d'internement. En 1988, une offensive militaire a été lancée contre le village et elle a fui vers la montagne. Les soldats ont mis le feu aux habitations. « Du haut de la montagne, nous voyions des colonnes de fumée se dégager du village. Nous avons essayé de nous éloigner mais les soldats nous ont rattrapés et nous ont envoyés dans des centres de détention ».

Malgré l’horreur des descriptions, Abdallah al-Amery, le juge chargé du procès de Saddam Hussein pour génocide contre les populations kurdes, a déclaré lors d'une audience le 14 septembre que Saddam Hussein n'avait pas été un dictateur, faisant l’objet de vives critiques de la part de responsables chiites et kurdes. Il a été limogé le 19 septembre, le gouvernement irakien lui reprochant son manque d'objectivité. « Le gouvernement irakien estime que le juge n'est plus impartial, comme on a pu le voir quand il a affirmé que Saddam Hussein n'était pas un dictateur », a déclaré le porte-parole du gouvernement. Lors d'un échange entre Saddam Hussein et un témoin, à la septième audience du procès, Abdallah al-Amery était intervenu pour dire au président déchu: « Vous n'étiez pas un dictateur ». Sur ce, Saddam l'avait remercié. Le juge Amery a présidé l'audience suivante lors de laquelle trois nouveaux témoins ont été entendus. « Nous sommes restés plusieurs minutes exposés à la fumée blanche, à l'odeur pestilentielle. Après, mes battements de coeur se sont accélérés, j'ai vomi, mes yeux me brûlaient et je ne pouvais plus tenir debout », a raconté Iskandar Mahmoud Abdel Rahman, 41 ans. « Je n'ai jamais retrouvé complètement la vision et mon corps a été entièrement brûlé », a-t-il ajouté en montrant à la cour son dos couvert de cicatrices de plus de 20 cm de long. Oubaïd Mahmoud Mohammed, 58 ans, a évoqué l'attaque contre son village de Seyousinan le 22 mars 1988: « J'ai entendu un habitant crier « Courez pour sauver votre vie, c'est une attaque chimique, c'est une attaque chimique! ». Ma femme et mes six enfants sont morts et j'ai souhaité bien des fois être mort avec eux. Il n'y a rien de pire que de survivre à la mort de ses enfants ».

Le limogeage du juge al-Amery a créé des remous, l'ensemble des avocats de la défense ayant quitté la salle tandis que Saddam Hussein a été expulsé pour avoir voulu protester contre cette décision. Un centre de défense des Kurdes, le centre de Halabja contre l'extermination des Kurdes, avait réclamé son « limogeage et la nomination d'un autre juge compétent et neutre et dont les idées ne soient pas polluées par le baas fasciste (parti au pouvoir sous l'ancien régime) ». « Son attitude amicale avec les accusés a irrité les familles des victimes et les observateurs impartiaux », a indiqué le centre dans un communiqué, soulignant que la déclaration du juge selon laquelle Saddam Hussein n'avait pas été un dictateur avait « été la goutte qui a fait déborder le vase ». Dr. Fouad Hussein, chef de cabinet du président du Kurdistan, Massoud Barzani, a, pour sa part, déclaré : « Nous apprécions fortement l'action du tribunal, notamment après la nomination d'un nouveau président, car l'ancien juge conduisait le procès dans la mauvaise direction ». « Le procès allait se transformer en procès politique, ignorant les crimes commis » par l'ancien régime, a-t-il indiqué. « En déclarant ouvertement que Saddam n'était pas un dictateur, l'ancien juge a apporté un soutien aux accusés », a-t-il poursuivi. Falakeddin Kakaï, ministre de la culture du Kurdistan, déplore, dans un article publié dans le journal Khabat, la liberté donnée à l'ancien dictateur de menacer ses victimes dans l'enceinte même du tribunal. « Lui, qui est accusé de crimes de guerre, d'avoir enterré ses victimes dans des fosses communes, il prend la liberté d'agresser le procureur général, les parties civiles, les témoins et les avocats. Que fait Abdallah al-Améry: il affirme à Saddam Hussein « vous n'étiez pas un dictateur » », écrit-il. « Sachez toutefois que Saddam est jugé non pour avoir été un dictateur ou un démocrate, mais pour les crimes commis et le juge doit agir en conséquence », a souligné le ministre.

De plus, des imams chiites ont accusé le président du tribunal de ne pas être suffisamment ferme, voire de le défendre. « Le juge est en train de prendre la défense de l'accusé et de s'éloigner de la vérité », a affirmé cheikh Sadreddine al-Koubbanji, membre du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, lors de son prêche du vendredi à Najaf. Le représentant à Kerbala de l'ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite, a pour sa part déclaré que de tels procès « visent en principe à condamner les criminels, notamment ceux responsables de l'extermination d'un peuple et à dévoiler la vérité sur leurs crimes ». « Malheureusement, ce procès a pris une autre tournure. Saddam Hussein, après être tombé de son piédestal, est revenu avec son arrogance habituelle pour menacer et intimider les gens, à travers ce tribunal », a affirmé Cheikh Abdel al-Mahdi al-Karbalaï, lors de son prêche. « La victime (la partie civile) est devenue l'objet de moqueries, et tout ce qu'elle raconte est mis en doute », a ajouté cet imam avant d'ajouter: « le peuple est ainsi tourné en dérision et les années de tyrannies ignorées ».

Par ailleurs, l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch, a dénoncé « une violation flagrante de l’indépendance du tribunal ». Les premières audiences du procès Anfal s'étaient pourtant déroulées dans un climat plus serein et plus professionnel. Ainsi, les accusés sont tous des principaux dignitaires et responsables militaires de l'ancien régime, alors que plusieurs « seconds couteaux » figuraient sur les bancs des accusés du procès de Doujaïl. L'accusation avait gagné en maturité et en transparence: en particulier, les 24 témoins à charge qui se sont présentés jusqu'à présent à la barre l'ont fait à visage découvert et non dissimulés derrière un rideau. Du côté des accusés, le ton avait été plus mesuré et les diatribes revendicatives ou les déclarations enflammées bien moins nombreuses.

UN RAPPORT DE L’ONU INDIQUE QUE LE NOMBRE D’IRAKIENS TUÉS AU COURS DE VIOLENCES A AUGMENTÉ DE PLUS DE 13% EN JUILLET ET EN AOÛT PAR RAPPORT AUX DEUX DERNIERS MOIS PRÉCÉDENTS.

Au moins 6599 civils ont été tués à travers l'Irak en juillet et en août, selon un rapport publié le 20 septembre par les Nations unies. Au moins 3590 personnes ont été tuées en juillet et 3009 en août. Il y a eu aussi plus de 8000 blessés. Le nombre d'Irakiens tués au cours de violences a augmenté de plus de 13% en juillet et en août par rapport aux deux mois précédents, et beaucoup d'entre eux sont morts sous la torture en raison de leur appartenance religieuse, selon un rapport de l'Onu. « Une augmentation des incidents liés à la sécurité a été enregistrée en juillet, avec pour conséquence, un nombre sans précédent de civils tués à travers le pays », précise le rapport. « Bien que le nombre de meurtres ait baissé début août, de nouvelles augmentations (des violences) sont devenues évidentes à la fin du mois, à Bagdad et dans d'autres gouvernorats », poursuit le rapport. « La grande majorité des victimes ont été tuées par balle », selon la même source. Le nombre des blessés s'est élevé à 3793 en juillet et 4309 en août. Parmi les morts, figurent en juillet 183 femmes et 23 enfants et en août 194 femmes et 72 enfants. L'Irak est en proie à une recrudescence des violences confessionnelles depuis le bombardement en février d'un mausolée chiite dans la ville sunnite de Samarra.

Les auteurs du rapport ont par ailleurs estimé que ces chiffres, même élevés, étaient probablement trop bas. En juillet, ont-ils relevé, le ministère de la Santé n'a fait état d'aucun mort à Anbar, province ou règne le chaos, notamment dans les villes extrêmement violentes de Ramadi et Fallujah.

Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a estimé que l'Irak était au bord de la guerre civile. Le bilan des violences s'est nettement aggravé par rapport aux deux mois précédents. Citant le ministère irakien de la Santé, l'ONU déclare que 2669 personnes ont été tuées en mai et 3149 en juin. Dans la capitale, le nombre total de morts a atteint 5106. « En août, il y a eu une baisse (globale) du nombre de victimes, probablement à cause d'une réduction de leur nombre » à Bagdad, poursuit le rapport. L'ONU n'exclut pas que cette diminution s'explique par une « amélioration de la sécurité » dans certains quartiers due à l'opération de sécurisation de la capitale lancée en juin à laquelle participent plus de 30 000 soldats américains et irakiens.

Les groupes djihadistes mettent à profit le mois de jeûne musulman du ramadan pour intensifier leurs attaques. Le ramadan a été endeuillé ces dernières années par des séries d'attentats. Début septembre, Abou Hamza, le chef d'Al-Qaïda en Irak, avait appelé tout sunnite à tuer au moins un Américain dans « un délai ne dépassant pas 15 jours ». Abou Hamza avait aussi pressé les sunnites de se venger des chiites, traitant ces derniers de « valets », mais les conviant toutefois à « se repentir et à revenir à la raison ». La nationalité du successeur de Zarqaoui n'a jamais été révélée par la branche irakienne d'Al-Qaïda. Selon l'armée américaine, le chef de l'organisation, dont elle avait diffusé une photo en juin, est un Egyptien et s'appellerait Abou Ayoub al-Masri. Mais selon Yasser Al-Sirri, directeur de l'Observatoire islamique, basé à Londres, Abou Hamza serait en fait un Irakien dénommé cheikh Abou Hamza Al-Baghdadi.

Les services de renseignement américains considèrent que des miliciens infiltrent de nouveau, avec l'assentiment de la police, des quartiers de Bagdad d'où ils avaient été chassés récemment. Le général Caldwell a, le 28 septembre, déclaré que « les meurtres et les exécutions sont actuellement la première cause des décès de civils à Bagdad ». Le gouvernement irakien a annoncé le 29 septembre l'instauration d'un couvre-feu général de deux jours général interdisant la circulation aux véhicules et aux piétons. Face aux violences intercommunautaires, le nombre de familles irakiennes devant abandonner leur domicile augmente rapidement, avec au moins 240.000 personnes déjà déplacées, selon le ministère des Migrations et de Déplacés. Le nombre de familles forcées à fuir leur quartier devenu le champ d'action de poseurs de bombes, miliciens ou escadrons de la mort, a atteint 40.000, selon un responsable du ministère, ajoutant que des camps de réfugiés pourraient être créés dans la province de Ninive (nord), autour de Bagdad et dans la province méridionale de Dhi Qar.

Par ailleurs, six attentats ont coûté la vie à 24 personnes et fait 84 blessés le 17 septembre à Kirkouk. Un camion piégé a explosé dans la matinée dans le centre-ville, faisant 18 morts et 55 blessés, a précisé Sarhat Qadir, de la police locale.

L'explosion s'est produite près des sièges de l'Union patriotique du Kurdistan et du Parti démocratique du Kurdistan, présidé par Massoud Barzani. Quelques heures plus tard, un attentat-suicide à la voiture piégée a frappé une patrouille américano-irakienne dans le sud de la ville, tuant au moins trois passants et en blessant huit autres, a précisé Sarhat Qadir. Deux attentats à la bombe ont également visé des patrouilles de police dans d'autres endroits de Kirkouk. Deux civils ont trouvé la mort et quatre autres ont été blessés dans le premier, tandis que le deuxième faisait trois blessés, selon Sarhat Qadir. Quelques instants plus tard, une voiture piégée a sauté à proximité du domicile du cheikh sunnite Al Waasif al-Obeidi, tuant l'un de ses gardes du corps et faisant huit blessés. Dans l'après-midi, une voiture piégée a encore explosé au passage d'une patrouille conjointe de la police et de l'armée irakiennes dans le sud de Kirkouk, blessant six personnes, deux policiers et quatre soldats, selon le colonel de police Burhan Tayib.

Dans une interview au quotidien américain Washington Post, le président irakien, a, le 25 septembre, déclaré que l'Irak « aura besoin des forces américaines pendant longtemps » et indiqué que 10.000 hommes et deux bases aériennes seront suffisants. M. Talabani a proposé que les bases soient installées au Kurdistan. Il a ajouté que certains sunnites étaient favorables à une présence américaine car ils « pensent que le principal danger vient désormais de l'Iran ». M. Talabani, qui s’est exprimé le 26 septembre lors d'une conférence au Woodrow Wilson Center à Washington, a affirmé que la présence militaire américaine en Irak dissuadait les pays voisins d'attaquer le pays. Le conseiller irakien à la sécurité nationale, Mowaffak Al-Rubaie, avait également déclaré le 17 septembre sur CNN que «les forces multinationales, les forces de la coalition seront nécessaires en Irak», notamment pour «le soutien logistique». «Et les troupes américaines ne pourront pas quitter l’Irak dans un avenir prévisible», avait-il ajouté.

Par ailleurs, la Chambre américaine des représentants a définitivement approuvé le 26 septembre le déblocage de 70 milliards de dollars pour financer les guerres en Irak et en Afghanistan. Le projet de loi tel qu'il l'a approuvé interdit à l'administration de se servir de ces fonds pour construire des bases militaires permanentes en Irak. Avec cette nouvelle rallonge budgétaire, le Congrès a voté plus de 500 milliards de dollars de financement pour les engagements militaires en Afghanistan et en Irak depuis le début de ces interventions.

ERBIL : OUVERTURE DU SALON PROFESSIONNEL INTERNATIONAL AVEC 800 ENTREPRISES VENANT DE 27 PAYS.

Un salon professionnel international, réunissant 800 sociétés exposantes, dont les constructeurs automobiles américains General Motors et Ford, s'est ouvert le 14 septembre à Erbil, capitale du Kurdistan d'Irak. Ce salon, qui a duré quatre jours, comprend 200 pavillons dans lesquels 800 entreprises venant de 27 pays sont représentées. Des sociétés américaines, allemandes et japonaises sont notamment présentes au salon, auquel les entreprises françaises ne participent pas. Selon Raëd al-Rahmani, directeur d'un centre de développement économique irakien, le salon est dominé par des entreprises américaines, mais plusieurs sociétés arabes y participent également, y compris irakiennes. Selon l'attaché commercial de l'ambassade des Etats-Unis en Irak, Andrew Wylagle, les entreprises américaines présentes viennent notamment des secteurs de l'automobile, de l'assurance et de la sécurité privée. Le diplomate américain a annoncé la venue l'an prochain d'une importante délégation commerciale au Kurdistan, plusieurs groupes américains étant désireux d'investir dans cette province, relativement épargnée par la violence comparée au reste de l'Irak. Outre General Motors et Ford, le premier constructeur automobile japonais Toyota et l'Allemand Mercedes, filiale haut de gamme de DaimlerChrysler, exposent aussi, de même que le fabricant d'équipements de télécommunications américain Motorola.

A l'ouverture du salon, le Premier ministre kurde, Nechirvan Barzani, a souhaité que le Kurdistan « soit la porte d'accès des investissements en Irak ». Il a espéré que « la rencontre donne lieu à des transactions permettant de résoudre les nombreux problèmes auxquels est confronté le pays, à savoir l'insuffisance des capacités du réseau électrique, celles des raffineries, les problèmes d'infrastructure, etc.. » Nechirvan Barzani a rappelé qu'une nouvelle loi sur l'investissement étranger avait été adoptée il y a deux mois dans le Kurdistan autonome, de nature « à encourager la venue de entreprises étrangères pour qu'elles rayonnent en Irak à partir d'Erbil ».

Des groupes pétroliers et parapétroliers participent aussi au salon, placé sous le signe de la reconstruction de l'Irak. Des délégués des ministères irakiens du Pétrole, du Plan et de la Reconstruction y assistent. Mais l'ambassadeur des Etats-Unis à Bagdad, Zalmay Khalilzad, qui a assisté à la cérémonie d'inauguration du salon, a poussé les investisseurs américains à s'intéresser non seulement au pétrole mais également à l'agriculture et au tourisme. « Je pense que vous aurez un bon retour sur investissement dans le secteur touristique au Kurdistan », a-t-il déclaré. Il a par ailleurs souligné, à l'adresse des groupes américains, que cette région riche en ressources (eau, pétrole) et en main d'oeuvre, pouvait les « aider à engranger des profits », souhaitant que ces entreprises concluent des contrats.

LE PREMIER MINISTRE IRAKIEN EN VISITE OFFICIELLE EN IRAN.

Nouri al-Maliki, a, le 12 septembre, effectué sa première visite en Iran depuis sa prise de fonction en mai, souhaitant que son gouvernement dominé par les chiites ait l'appui d'un proche allié, afin de contenir les violences meurtrières qui déchirent l'Irak et de développer l'industrie pétrolière de son pays. Pour bien montrer les liens entre les deux pays, M. Ahmadinejad a accueilli personnellement le Premier ministre irakien, qui aurait dû être reçu par le vice-président iranien pour respecter le protocole diplomatique. M. Maliki, à la tête d'une délégation comprenant notamment des députés et le conseiller irakien à la sécurité Mouaffaq al-Roubaïe. Le Premier ministre irakien a rencontré les principaux dirigeants iraniens dont le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a déclaré à la suite de sa rencontre avec le Premier ministre irakien, que le retrait des forces américaines représentait la solution pour mettre fin à l'instabilité en Irak, selon la télévision publique iranienne. « Une partie des souffrances (de l'Irak) est due aux actions de l'ancien régime et une partie est due à la présence d'occupants en Irak », a déclaré Ali Khamenei à M. Al-Maliki, selon l'agence de presse iranienne. Lors de son entretien avec Mahmoud Ahmadinejad, le Premier ministre irakien a demandé à l'Iran de prendre des mesures plus sévères pour empêcher des militants d'Al-Qaïda d'entrer en Irak. « L'Iran soutient le gouvernement irakien qui a été formé de part la volonté de la population et estime qu'un Irak indépendant et uni est dans l'intérêt de la région », a déclaré pour sa part M. Ahmadinejad. « Nous soutenons complètement nos frères au Parlement et au gouvernement irakien », a d'ailleurs ajouté le président iranien. Le chef du gouvernement irakien s'est également entretenu avec Ali Larijani, principalement négociateur iranien sur le dossier nucléaire et a remercié Téhéran pour avoir accueilli des dirigeants irakiens opposés au régime de Saddam Hussein. « L'Irak est l'allié naturel de l'Iran », a déclaré M. Larijani à M. Al-Maliki, selon la télévision iranienne. Un entretien a eu lieu également avec l'ancien président Akbar Hachémi Rafsandjani et le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale.

Á l'issue de la visite du premier ministre irakien à Téhéran, un communiqué commun publié le 13 septembre, a indiqué que l'Iran condamne les actes terroristes en Irak et soutient le peuple et le gouvernement irakiens dans leur lutte contre le terrorisme. «Tout en condamnant les actes terroristes en Irak, l'Iran apporte un soutien total au peuple et au gouvernement irakiens dans leur lutte face au terrorisme et aux actions criminelles», affirme le communiqué. Le président iranien avait déclaré la veille que l'Iran apporterait «son aide pour établir une sécurité complète en Irak car la sécurité de l'Irak est la sécurité de l'Iran». Le communiqué publié affirme que «Téhéran accueille favorablement la décision du gouvernement irakien d'expulser les membres du groupe terroriste des Monefeghine (terme utilisé pour désigner les Moudjahidine du peuple, principal groupe armé hostile au gouvernement iranien) et estime qu'il s'agit d'un pas positif pour renforcer les relations entre les deux pays». Alliés de Saddam Hussein, les Moudjahidine du peuple sont cantonnés dans une base dans la région de Bagdad et sont sous le contrôle des forces américaines.

Dernier signe d'une coopération allant croissant entre Téhéran et Bagdad, le ministère irakien du pétrole, a, le 12 septembre, annoncé que les deux pays sont parvenus à un accord pour développer des champs pétrolifères communs, et l'Irak enverra du brut dans des raffineries en Iran, pour traitement. Ces accords et le déplacement de M. Al-Maliki reflètent le renforcement des liens entre le gouvernement irakien soutenu par les Etats-Unis et l'Iran. L'accord devrait être signé dans quelques mois, après une délimitation des champs de pétrole par des techniciens. Il oblige les deux parties à préciser, dans le territoire défini, la nature de leurs richesses pétrolières et à effectuer en commun le pompage. « Les Iraniens disent qu'ils sont même prêts à prendre chez nous tout le pétrole dont ils ont besoin pour la raffinerie d'Abadan, ce qui correspond à environ un demi-million (de barils par jour) », a précisé M. Chahristani. Il a ajouté que des entreprises iraniennes se faisaient fort de construire l'oléoduc en neuf mois. L'Irak envisage de signer des accords similaires avec la Syrie et le Koweït, deux autres voisins avec lesquels il partage des champs pétrolifères, a-t-il ajouté à l’agence de presse Reuters. Le ministre irakien du Pétrole a indiqué que le gouvernement préparait une loi sur les hydrocarbures, qui devrait être adoptée avant la fin de l'année et qui fixerait les conditions d'investissement et d'exploitation pour les compagnies pétrolières internationales. Après adoption du texte, une Compagnie nationale pétrolière sera créée. « Elle aura un rôle de régulation et de supervision, elle définira la politique pétrolière que les compagnies opérant dans le pays appliqueront », a indiqué le ministre.

Les États-Unis accusent régulièrement l'Iran de soutenir les groupes terroristes ou les mouvements chiites radicaux. La Maison-Blanche a réagi le 12 septembre avec méfiance à l'engagement de l'Iran de contribuer au rétablissement de la sécurité en Irak en affirmant que «la chose la plus importante que l'Iran puisse faire, c'est de ne pas être lui-même une partie du problème en finançant les groupes séparatistes et terroristes qui essaient de saper la démocratie en Irak».

L’IRAN ANNONCE UN ACCORD AVEC MOSCOU SUR L’OUVERTURE DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE BOUCHEHR.

L'Iran a, le 27 septembre, annoncé avoir commencé à produire un canon d'artillerie de marine, le Fajr 27, capable selon lui de tirer 85 munitions de 76 millimètres par minute. «Le Fajr 27 convient aux besoins de nos forces navales et peut frapper des cibles aussi bien aériennes qu'en surface», a dit le ministre de la Défense, Mostafa Mohammad Najjar, en précisant que l'élaboration de cette arme avait demandé six ans de travail. «Cette arme peut réagir rapidement à toute attaque aérienne ou de surface», a ajouté le ministre, en précisant qu'elle pouvait être «commandée automatiquement». Selon M. Najjar, la portée de ce canon, qui peut être monté sur un navire, est de 17 km. Le ministre a évoqué des possibilités d'exportation pour le Fajr 27. Ce type d'arme est déjà produit selon lui par 54 pays. Cette annonce est la dernière en date d'une série d'annonces sur de nouveaux équipements destinés aux forces iraniennes, mais des experts ont souvent mis en cause la réalité des performances annoncées de ces matériels. L'Iran a présenté ainsi début septembre un chasseur-bombardier, le Saegheh, «similaire au F-18 (américain) mais disposant de capacités accrues et fabriqué localement», selon un haut responsable militaire iranien. Or, le Saegheh utilise une cellule ressemblant à celle du F-5, datant d'une quarantaine d'années, et une dérive arrière ressemblant à celle du F-18, un appareil beaucoup plus moderne.

Á Téhéran, lors du défilé annuel de la «Défense sacrée», commémorant la date anniversaire de l'attaque de l'Irak par l'Iran en 1980, l'Iran a, le 22 septembre, étalé sa puissance militaire dont un missile capable d’atteindre Israël. Il a averti les puissances occidentales qu'il riposterait «comme la foudre» à toute attaque contre son territoire. «Nous voulons la paix mais nous lançons une mise en garde : les puissances expansionnistes ne doivent pas penser à une agression contre l'Iran car nos lions (ndlr forces armées) sont si puissants qu'ils peuvent frapper comme la foudre l'ennemi et le détruire», a déclaré le vice-président Parviz Davoudi. L’armée iranienne a ainsi déployé pour l'occasion une panoplie de missiles notamment le Shahab-3. D'une portée théorique de 1.500 km, poussée à plus de 2.000 km selon l'Iran, il atteindrait aisément le territoire d'Israël, mais aussi les bases américaines situées dans la péninsule arabique. Mais le modèle présenté, qui n'était pas la dernière version montrée en 2005, ne portait pas non plus les inscriptions anti-américaines et anti-israéliennes qui avaient amené les attachés militaires européens à quitter la tribune l'an passé.

Assurant que «l'arme atomique n'a pas de place dans la doctrine de défense» de l'Iran, M. Davoudi a jugé que «l'utilisation de la technologie nucléaire à des fins pacifiques est notre droit absolu conformément au Traité de non prolifération (TNP)». L'Iran a refusé de se soumettre à une résolution de l'ONU exigeant une suspension de son programme d'enrichissement d'uranium. Des discussions sont en cours entre Iraniens et Européens pour tenter de trouver une issue à la crise et éviter d'éventuelles sanctions contre Téhéran. Dans un entretien au magazine américain Time publié le 18 septembre, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a assuré ne pas craindre une attaque américaine pour détruire les installations nucléaires de son pays. Pour Washington, un Iran doté de l'arme atomique reste une perspective inacceptable et les États-Unis ont toujours refusé d'exclure l'option militaire contre Téhéran. Enfin, pour la première fois des membres de la minorité arabe, en costume traditionnel, ont défilé dans les rangs des miliciens islamistes, avec des Kurdes et Baloutches alors que les provinces frontalières peuplées de ces minorités ont connu des troubles ces derniers mois.

Le président iranien a, le 30 septembre, déclaré que l'Iran ne suspendrait pas l'enrichissement d'uranium, même pour quelques jours, rejetant une exigence clé des grandes puissances. « Ils font pression pour qu'on suspende (l'enrichissement d'uranium). Au début, ils ont demandé une suspension de six mois, ensuite de trois mois et enfin d'un mois, mais nous avons refusé », a déclaré M. Ahmadinejad. « Aujourd'hui, ils demandent une suspension de quelques jours et nous disent d'évoquer des problèmes techniques. Mais, nous leur disons que nous n'avons pas de problèmes techniques pour suspendre. Pourquoi voulez-vous que l'on mente à notre peuple? », a ajouté le président lors d'un discours à l'occasion de la rentrée universitaire. « Ils (les Occidentaux) veulent que l'on suspende nos activités même pour une courte période (...) et dire que l'Iran a cédé », a-t-il ajouté. Allaeddine Boroujerdi, président de la Commission des Affaires étrangères du parlement, cité par l'agence Isna, a déclaré pour sa part que « le chemin parcouru est irréversible. Nous avons suspendu nos activités pendant deux ans et, aujourd'hui, il n'y a nul besoin de suspendre nos activités de recherche » en matière d'enrichissement d'uranium. Le négociateur en chef du nucléaire iranien, Ali Larijani, et le représentant de la diplomatie de l'Union européenne, Javier Solana, ont mené les 27 et 28 septembre à Berlin d'intenses discussions pour trouver une solution à la crise nucléaire iranienne. Ces négociations portaient sur une série de mesures économiques et diplomatiques offertes à Téhéran en échange de la suspension de l'enrichissement d'uranium.

Selon les agences de presse russes, Itar-Tass et Interfax, la Russie et l'Iran ont conclu un accord sur la date d'ouverture de la centrale nucléaire de Bouchehr, en cours de construction avec l'aide de la Russie. Sergueï Schmatko, président de la compagnie russe Atomstroiexport, participant à la construction de l'usine, a, le 26 septembre, affirmé que les deux parties avaient signé un protocole additionnel fixant à septembre 2007 la date de mise en service de la centrale, et qui évoque pour la première livraison de combustible nucléaire à l'Iran la date de mars 2007. Cet accord vient conclure les discussions entre Sergueï Kiriyenko, directeur de l'Agence fédérale russe de l'énergie atomique, avec Gholamreza Aghazadeh, directeur de l'agence iranienne de l'énergie atomique. Á l'issue d'entretiens de plus de deux heures, les deux responsables avaient quitté le bâtiment de l'Agence fédérale russe de l'Energie atomique (Rosatom) sans faire de déclaration. Un adjoint de M. Aghazadeh, Mohammad Saïdi, a regretté que « bien que la Russie, à l'époque, ait donné à l'Iran un engagement écrit sur la date de l'envoi du combustible, il ne s'est pas concrétisé ». Cité par l’agence russe Ria Novosti, M. Aghazadeh a ajouté que « les Iraniens peuvent achever eux-mêmes la construction de la centrale de Bouchehr si les Russes n'en sont pas capables ». La Russie a conclu avec l'Iran en 1995 un accord pour livrer la centrale nucléaire de Bouchehr (sud), mais ce projet a pris du retard, notamment sous la pression des autorités américaines. Mais la Russie a toujours rejeté les demandes américaines d'abandonner ce chantier, assurant que ce projet ne menaçait pas le régime de non-prolifération des armes nucléaires et qu'il était réalisé sous contrôle de l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique). La Russie a notamment conclu avec l'Iran, sous la pression de Washington, un accord afin que le combustible nucléaire d'origine russe pour Bouchehr soit retourné en territoire russe une fois usagé, afin d'éviter des risques de détournement à des fins militaires. Le projet de la centrale de Bouchehr a été lancé dans les années 70 par une filiale de l'allemand Siemens. Celle-ci s'est retirée au moment de la révolution islamique de 1979. Moscou a pris le relais en signant un contrat de 1 milliard de dollars avec Téhéran en 1995 pour terminer la construction de la centrale. Selon M. Aqhazadeh, le projet est à présent réalisé à 90%.

Par ailleurs, le général John Abizaid, chef du Commandement central (Centcom), qui supervise les opérations américaines au Moyen-Orient, a, le 19 septembre, affirmé que l'Iran, qui a l'armée la plus puissante du Moyen-Orient, est dangereux militairement et compte sur des moyens non-conventionnels pour contrecarrer la supériorité des États-Unis dans la région. Il a ainsi détaillé les capacités dont l'Iran dispose lors d'une rencontre avec des journalistes spécialisés dans les questions de défense à Washington. Les Iraniens ont une force navale capable de «bloquer temporairement le détroit d'Ormuz» où transite 40% du pétrole mondial, a-t-il souligné. Un blocage du détroit provoquerait une très forte hausse des prix du pétrole, selon les experts. L'Iran dispose également de «missiles» qu'il peut lancer contre d'autres pays de la région et a des liens avec des « organisations terroristes », comme le Hezbollah libanais, qui pourraient créer des «problèmes non seulement au Moyen-Orient mais au niveau mondial», a ajouté le général Abizaid.

SYRIE : LE REGIME BAASISTE CONTINUE Á POURSUIVRE ET EMPRISONNER SES INTELLECTUELS ET SES DISSIDENTS.

L'écrivain syrien Mohammad Ghanem et un jeune militant kurde syrien Sivan Abdo ont été libérés le 30 septembre après avoir purgé leur peine. Mohammad Ghanem, arrêté fin mars à son domicile, avait été condamné en juin dernier à six mois de prison ferme par un tribunal militaire à Raqqa (centre), pour avoir « offensé le président de la République (Bachar al-Assad), porté atteinte à l'image de l'Etat et incité à des dissensions confessionnelles ». M. Ghanem était accusé d'avoir publié des articles jugés critiques sur la situation intérieure en Syrie. Pour sa part, le militant kurde Sivan Abdo avait été arrêté en 2004, à la suite d'évènements sanglants dans le Kurdistan de Syrie, et condamné à deux ans et demi de prison par la Cour de sécurité de l'Etat à Damas. Il était accusé d'avoir « provoqué des dissensions confessionnelles ». Des affrontements sanglants avaient opposé en mars 2004, pendant cinq jours, des Kurdes aux forces de l'ordre ou à des tribus arabes notamment à Qamichli et Alep, faisant 40 morts selon des sources kurdes, 25 selon les autorités syriennes.

Le 29 septembre, un autre militant kurde syrien Abdo Khallaf Wallo avait été libéré par les autorités, selon l'ONDHS. Ce militant kurde, arrêté en juin par les forces de sécurité dans la province de Hassaké (nord-est), a été libéré pour des raisons de santé. Selon Me Qorabi, l'arrestation de Wallo, un ancien responsable du Parti démocratique kurde était due « à son action politique en général et à son rôle dans les événements de mars 2004 ». Le président de l'ONDHS a appelé les autorités « à clôre définitivement le dossier des événements de Qamichli et à mettre en oeuvre l'amnistie présidentielle du 31 mars 2004 décrétée en faveur des accusés ». A cet égard, l'ONDHS a rappelé dans un communiqué que 46 personnes, qui avaient été arrêtées pour leur implication présumé dans les affrontements, étaient toujours poursuivies en justice en dépit de l'amnistie. L'organisation a également lancé un appel à « la libération de tous les détenus d'opinion en Syrie ».

Par ailleurs, les services de sécurité syriens ont, le 14 septembre, arrêté un militant des droits de l'Homme, Mohammad Haji-Darouiche, selon l'Organisation syrienne des droits de l'Homme (OSDH) dans un communiqué. M. Haji-Darouiche, membre de l'Association des droits de l'Homme en Syrie (ADHS), « a été convoqué par les services de la sécurité militaire et a été arrêté sans que l'on puisse en connaître les raisons », a ajouté l'OSDH. « Nous dénonçons les arrestations politiques, notamment contre les militants de la société civile, et rappelons au gouvernement ses engagements à respecter les lois internationales », a indiqué le communiqué. L'OSDH a demande au gouvernement syrien de « libérer Mohammad Haji-Darouiche ou de le traduire devant un tribunal impartial ».

De plus, le cinéaste syrien Omar Amiralay, un critique du régime, a été brièvement arrêté le 18 septembre par les autorités en Syrie et empêché de voyager en Jordanie, selon Ammar al-Qorabi, président de l'Organisation nationale des droits de l'Homme en Syrie (ONDHS). Selon ce dernier, les autorités ont arrêté M. Amiralay à la frontière syro-jordanienne, d'où il se rendait en Jordanie pour réaliser son nouveau film, l'ont interrogé sur le motif de ses voyages répétés notamment dans le royaume hachémite et le cinéaste a expliqué que ces déplacements étaient liés à son travail. Après une détention de plusieurs heures, M. Amiralay a été relâché mais empêché de se rendre en Jordanie. M. Amiralay, âgé de 60 ans, est un réalisateur de renom vivant en France. Son dernier film Déluge au pays du Baas a été perçu comme un réquisitoire contre le parti Baas au pouvoir en Syrie depuis 35 ans. Le film a été produit par la chaîne franco-allemande ARTE et a reçu le prix du meilleur court métrage (46 minutes) de la biennale du cinéma arabe de l'Institut du monde arabe à Paris.

AINSI QUE...

CINQUANTE-SIX MAIRES DU KURDISTAN DE TURQUIE JUGÉS POUR AVOIR ÉCRIT AU PREMIER MINISTRE DANOIS EN FAVEUR D’UNE CHAINE DE TÉLÉVISION KURDE.



Cinquante-six maires kurdes ont, le 26 septembre, été présentés devant une Cour de Diyarbakir pour avoir écrit au Premier ministre danois, en décembre 2005, l'exhortant à résister aux demandes d'Ankara de fermer une chaîne de télévision kurde. Les maires sont accusés de « soutien délibéré » au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) à cause de cette lettre écrite en anglais à Anders Fogh Rasmussen en décembre 2005. Ils risquent jusqu'à quinze ans de prison. Une quarantaine d'accusés, dont Osman Baydemir, maire de Diyarbakir, la capitale socio-culturelle du Kurdistan turc, étaient présents à la première audience alors que de nombreux policiers avaient été déployés devant la Cour d'assises.

Plusieurs de ces maires sont actuellement dans le collimateur de la justice pour d'autres procès, notamment pour « apologie du PKK ». « C'est un procès tragi-comique », a affirmé Firat Anli, l'un des maires jugés, indiquant que les élus étaient accusés pour avoir exprimé leurs opinions sur une chaîne ayant « une audience répandue » dans les provinces kurdes de Turquie grâce aux antennes paraboliques. Parlant au nom des autres maires, M. Anli a indiqué rejeter toutes les accusations, évoquant un acte démocratique. Les juges ont fixé la prochaine audience pour le 21 novembre.

Ankara a demandé aux autorités danoises d'abroger la licence de diffusion accordée à Roj TV, basée au Danemark où elle émet depuis 2004, au motif que « la chaîne a des liens avec le PKK ». L'acte d'accusation affirme que Roj TV cite régulièrement les dirigeants du PKK et rapporte des déclarations « incitant à la violence conformément à la propagande du PKK ». Les autorités turques considèrent que la chaîne « incite à la haine » en soutenant ouvertement le PKK. Washington a également demandé à Copenhague de fermer cette chaîne alors que l'instance danoise de surveillance de l'audiovisuel a estimé au début de l'année que les programmes de Roj TV ne contenaient pas d'incitation à la haine.

UN TRIBUNAL TURC ACQUITTE POUR « MANQUE DE PREUVES » QUATRE CENT CINQ SOLDATS POURSUIVIS POUR « VIOLS COLLECTIFS ET TORTURE » D’UNE DETENUE KURDE.



Quatre cent cinq soldats de l'armée turque ont, le 18 septembre, été acquittés pour « manque de preuves » par un tribunal turc qui les jugeait depuis près de trois ans pour « viols collectifs et torture » d'une détenue kurde. Le procès controversé qui s'était ouvert en octobre 2003 dans le ville kurde de Mardin avait par la suite été à transféré à Sungurlu (nord) pour des raisons de sécurité. La victime --présentée par ses seules initiales, S.E. -- est âgée aujourd'hui de 34 ans a souffert de graves problèmes psychologiques, a émigré dans l'ouest de la Turquie et l'Allemagne lui a ensuite accordé un droit d'asile. Elle s'est plainte d'avoir été violée et soumise à des mauvais traitements répétés de la part de soldats alors qu'elle était en garde à vue à trois reprises entre 1993 et 1994 dans des postes de l'armée à Mardin. L'ex-détenue, qui n'a jamais été condamnée, avait dû être hospitalisée après les derniers sévices.

405 militaires (341 simples soldats et 64 gradés) servant dans ces postes à l'époque avaient été accusés dans l'acte du procureur. La plupart d'entre eux ont achevé leur service militaire -obligatoire en Turquie- depuis les faits, selon Me Reyhan Yalçindag, l'avocate de la plaignante. « Le verdict n'est pas une surprise, nous allons faire appel », a expliqué l'avocate, qui a affirmé que « le seul fait de déplacer le procès est une flagrante violation des droits de la défense ». La sentence a été rendue en l'absence des avocats qui ont refusé de se rendre à Sungurlu, a précisé Me Yalçindag qui a son bureau à Diyarbakir.

ISTANBUL : LA ROMANCIÈRE TURQUE, ELIF SAFAK, POURSUIVIE POUR SON DERNIER ROMAN EVOQUANT LE GÉNOCIDE ARMÉNIEN, A ÉTÉ ACQUITTÉE GRÂCE Â LA PRESSION INTERNATIONALE.



Un tribunal turc a, le 21 septembre, acquitté la romancière Elif Shafak, jugeant que rien ne venait prouver qu'elle avait « insulté la Turquie » dans son dernier roman, dans lequel elle évoque le génocide arménien. Agée de 35 ans, Elif Shafak risquait trois ans de prison à cause des propos tenus par ses personnages fictifs arméniens dans son livre « Le Père et le bâtard », sorti en mars en Turquie où il fait un tabac. Dans le roman, un Arménien parle des « bouchers turcs » à propos du génocide arménien, dont Ankara ne reconnaît pas l'existence. Au bout d'une heure et demie de ce procès à hauts risques politiques, la cour a jugé ne pas disposer de preuves suffisantes contre la romancière. Cette dernière, qui vient de donner naissance il y a quelques jours à une petite fille et se trouvait toujours à l'hôpital, n'était pas présente. Le très contesté article 301 du nouveau Code pénal turc réprime les « atteintes et insultes à la Turquie, à l'identité nationale turque ou aux officiels du gouvernement ». Selon Elif Shafak, qui enseigne à l'Université d'Arizona, le nouveau code pénal « a été utilisé comme arme pour faire taire beaucoup de gens. Mon cas n'est qu'une étape dans une longue chaîne ». Le procès très médiatisé était considéré comme un test pour les efforts de démocratisation de la Turquie qui souhaite rejoindre les valeurs européennes et qui a entamé l'an dernier de difficiles négociations d'adhésion.

Des manifestants nationalistes rassemblés devant le tribunal ont montré leur colère, au cours d'une brève confrontation avec la police. Ils brandissaient notamment un drapeau européen frappé d'une croix gammée et assorti de l'inscription « fascisme européen ». Si Ankara dit n'avoir aucune intention de modifier les lois régissant la liberté d'expression dans le pays, certains députés du parti du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan n'excluaient plus de réviser ce texte critiqué, pomme de discorde avec l'Union européenne. Elif Safak est la dernière en date d'intellectuels poursuivis au titre de cet article controversé. Le député européen et vice-président du comité parlementaire Turquie-UE, Joost Lagendijk qui a assisté à l'audience a réitéré que cet article devait être abrogé. « Seule l'abrogation de cet article satisfera l'UE », a-t-il déclaré. La justice turque, sous forte pression internationale, avait abandonné en janvier dernier les poursuites pour le même chef d'accusation contre la figure majeure de la littérature turque, Orhan Pamuk, auteur de « Neige ». Hrant Dink, journaliste arménien de Turquie, a, quant à lui, été condamné à six mois de prison avec sursis. Personne n'a encore été emprisonné en raison de cet article, mais des dizaines d'autres affaires sont en attente, ce qui a poussé le commissaire européen à l'Elargissement Olli Rehn à réclamer en juillet que la disposition soit amendée « pour garantir la liberté d'expression ».

SUISSE : VINGT DEUX PROCÉDURES JUDICIAIRES RELATIVES AU PROGRAMME « PÉTROLE CONTRE NOURRITURE ».



Le nombre de procédures judiciaires en Suisse en lien avec le programme « pétrole contre nourriture » est passé de 5 à 22 avec une affaire transmise pour une enquête préliminaire à l'Office des juges d'instruction fédéraux. Le Ministère public de la Confédération (MPC) mène actuellement 17 enquêtes de police judiciaire contre des sociétés ou des personnes, sous le coup de poursuites pénales suisses, a, le 17 septembre, indiqué la porte-parole du MPC, Jeannette Balmer, confirmant une information de la NZZ am Sonntag. Ces procédures concernent surtout l'éclaircissement de violations de l'embargo en Irak ou des présomptions de blanchiment d'argent et de corruption de fonctionnaires étrangers. Un dossier a été transmis à un canton, parce que ses autorités enquêtaient déjà sur le même objet. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) examine lui actuellement trois cas avec l'ouverture éventuelle d'une procédure administrative, a déclaré Mme Balmer. Un cas est déjà traité par l'Office des juges d'instruction fédéraux. Cet Office a ouvert le 9 août une enquête préliminaire contre un Suisse et un étranger, des intermédiaires dans le domaine du pétrole avec le régime de Saddam Hussein. Le MPC va transmettre d'ici un mois un autre cas à l'Office avec la demande d'ouverture d'une enquête préliminaire. Les noms des entreprises ou des personnes qui sont l'objet des procédures ne sont pas cités par le MPC en raison des enquêtes en cours.

L'ONU avait lancé en 1995 le programme avec l'Irak. « Pétrole contre nourriture » a permis à l'Irak sous le joug de Saddam Hussein d'exporter une quantité limitée de pétrole malgré les sanctions de l'ONU, en échange de produits alimentaires et de médicaments. Le programme a été rapidemment l'objet de pots-de-vin et d'escroqueries. Selon le rapport final de la commission d'enquête dirigée par l'ancien président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, environ 2200 entreprises dont des sociétés suisses, auraient versé des pots-de-vin. Au total, 1,8 milliard de dollars auraient échappé aux organes de contrôle de l'ONU. La commission Volcker a particulièrement examiné le cas des commerçants de matières premières. En Suisse, les enquêtes concernent en grande majorité des sociétés qui ont livré des biens humanitaires, a déclaré Mme Balmer.

DAMAS : UN ASSAUT CONTRE L’AMBASSADE DES ETATS-UNIS CONTRECARRÉ PAR LES SYRIENS SUSCITE LES REMERCIEMENTS DE WASHINGTON.



A l'heure où les tensions sont vives entre Washington et Damas, des islamistes armés de fusils automatiques et de grenades ont tenté le 12 septembre de « prendre d'assaut » l'ambassade des Etats-Unis dans la capitale syrienne, selon les autorités qui ont aussi fait état d'un véhicule chargé d'explosifs et parlé d’ « attaque terroriste ». Quatre personnes, trois assaillants et un membre des forces de sécurité, ont été tuées. Les islamistes armés n'ont semble-t-il pas réussi à ouvrir une brèche dans les murs d'enceinte de la représentation américaine. Mais un membre des forces syriennes antiterroristes a été tué dans l'attaque et au moins onze autres personnes ont été blessées, dont un policier, deux Irakiens et sept employés d'un atelier situé à proximité, selon l'agence officielle syrienne. Les faits ont cependant donné lieu à des informations contradictoires. Selon la télévision publique syrienne, quatre hommes armés ont « tenté de prendre d'assaut » la mission diplomatique américaine, munis de fusils automatiques et de grenades. Les assaillants sont arrivés à bord de deux véhicules. L'une des voitures chargée d'explosifs a été stationnée devant l'ambassade mais n'a pas sauté, la bombe étant désamorcée. Cependant, selon un témoignage recueilli par l’agence de presse Associated Press, deux hommes armés à bord d'une voiture s'étaient arrêtés devant la représentation diplomatique, étaient sortis du véhicule, avaient tiré sur les gardes syriens postés devant l'entrée du bâtiment puis avaient fait sauter le véhicule. Le témoin a ajouté sous couvert d'anonymat que le personnel de sécurité avait riposté, avant l'arrivée rapide sur les lieux des forces syriennes.

En déplacement au Canada, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a loué les agents de sécurité syriens pour avoir repoussé l'attaque, tout en soulignant qu'il était trop « tôt » pour pointer du doigt des responsables et « spéculer » sur les raisons de cette attaque. A Washington, la Maison Blanche a adressé ses remerciements aux autorités syriennes pour « être venues en aide aux Américains ». « Le gouvernement américain est reconnaissant de l'assistance que les Syriens ont fournie en poursuivant les assaillants et, encore une fois, cela illustre l'importance pour la Syrie d'être une alliée importante dans la guerre contre le terrorisme. Cela ne veut pas dire qu'elle est une alliée. Nous espérons qu'elle deviendra une alliée et fera le choix de combattre les terroristes », a déclaré Tony Snow, porte-parole de la Maison Blanche.

Après l'attentat, Damas, largement isolée depuis deux ans, a appelé la communauté internationale à renouer le dialogue avec elle. « Il faudrait conjuguer les efforts pour une lutte véritable contre le terrorisme. La longue expérience réussie de la Syrie dans ce domaine prouve que le monde est capable de remporter la victoire », a écrit le lendemain le journal gouvernemental Techrine. Il souligne la disposition de Damas à « coopérer » dans la lutte contre le terrorisme. De son côté l'ambassadeur de Syrie aux Etats-Unis, Imad Moustapha, a laissé entendre qu'il existe une occasion d'améliorer les relations syro-américaines. « La politique suivie par les Etats-Unis ne contribue pas au développement positif des relations. Il existe une opportunité pour les développer car la Syrie a toujours estimé que le dialogue pouvait régler les problèmes. La balle est dans le camp américain », a-t-il déclaré au quotidien officiel as-Saoura.