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Bulletin N° 259 | Octobre 2006

 

VISITE DE CONDOLEEZA RICE AU KURDISTAN

La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice s'est, le 6 octobre, rendue au Kurdistan irakien. Mme Rice s'est entretenue à Erbil avec le président du Kurdistan, Massoud Barzani. Les entretiens d'Erbil, visaient notamment à convaincre les dirigeants kurdes de soutenir un projet de loi en discussion à Bagdad, prévoyant un partage des ressources pétrolières entre tous les Irakiens. « Nous pensons que le pétrole doit être une ressource partagée par l'ensemble du peuple irakien », a déclaré Mme Rice aux journalistes qui l'accompagnaient. « Notre point de vue (...) est que le pétrole doit être un facteur d'unification et non une ressource qui conduirait à un pays moins uni », a-t-elle ajouté.

Lors d'une conférence de presse commune à Erbil, où il n'y avait que deux drapeaux - celui du Kurdistan et celui des Etats-Unis, mais pas celui de l'Irak-, M. Barzani a affirmé que le Kurdistan était favorable à « une distribution équitable des ressources pétrolières sur tout le territoire national, comme cela est inscrit dans la Constitution irakienne ». Il a ajouté que « le Kurdistan, comme toute autre nation, a le droit à l'autodétermination ». Cependant, « le parlement kurde a opté pour un système fédéral, au sein d'un Irak démocratique », a-t-il ajouté. Le Premier ministre du Kurdistan d’Irak, Nechirvan Barzani, avait affirmé fin septembre que les Kurdes voulaient être maîtres de leur pétrole et averti que toute interférence extérieure ne pourrait que raviver les appels à l'indépendance du Kurdistan. D'importantes réserves de pétrole ont déjà été découvertes en diverses régions du Kurdistan et les experts s'attendent à de nouvelles découvertes. Les réserves prouvées au Kurdistan sont évaluées à 3,6 milliards de barils, soit 2,9% des réserves prouvées de l'Irak. La Constitution irakienne prescrit le partage des revenus des gisements pétroliers déjà en exploitation entre toutes les régions du pays au prorata de leur population mais confère aux gouvernements régionaux le contrôle des ressources à découvrir. Le Parlement du Kurdistan a également entamé en septembre la lecture d'un projet de Constitution kurde dans lequel il revendique notamment Kirkouk et réaffirme le droit à l'autodétermination dont l’exercice effectif dépendra de l’évolution de la situation en Irak ainsi que du contexte régional et international.

Mme Rice était arrivée le 5 octobre à Bagdad, pour une visite surprise destinée à encourager le processus de réconciliation nationale irakienne, après des visites en Israël et dans les territoires palestiniens dans le cadre d'une tournée régionale. Á Bagdad, elle s'était entretenue avec le président irakien Jalal Talabani et le Premier ministre Nouri al-Maliki dans le cadre d'une visite qui lui a permis d'insister sur l'urgence pour les dirigeants irakiens de mettre fin à leurs divergences politiques. « Notre rôle est de presser toutes les parties d'oeuvrer à un prompt règlement parce qu'il est évident que la situation sécuritaire ne peut pas être tolérée et que l'inaction politique ne l'aide pas », a-t-elle rappelé. Elle a également rencontré le vice-président sunnite Tariq al-Hachimi, le vice-premier ministre Salam al-Zobaïe, le président du parlement Mahmoud al-Machhadani et le chef du principal groupe parlementaire sunnite Adnane al-Doulaïmi. Elle s'est aussi entretenue avec les dirigeants chiites, notamment le vice-président Adel Abdel Mahdi et Abdel Aziz Hakim, chef du Conseil Suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), avant de dîner avec le président irakien Jalal Talabani. Au cours de ces entretiens avec les représentants des différentes composantes de la société irakienne, Condoleezza Rice a insisté sur « les trois piliers fondamentaux de la stabilité » en Irak: « la réconciliation, la sécurité et le développement économique », a-t-on indiqué de source américaine.

LE CONSEIL DE L’EUROPE ADOPTE UNE RÉSOLUTION SUR LA SITUATION CULTURELLE DES « 25 Á 30 MILLIONS » DE KURDES, « UNE DES PLUS GRANDES NATIONS SANS ÉTAT DU MONDE »

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) a, le 4 octobre, adopté à Strasbourg une résolution encourageant la Turquie à améliorer la situation culturelle des Kurdes. Le texte, adopté à une très large majorité, prie aussi les gouvernements de l'Iran, de l'Irak et de la Syrie de reconnaître que la langue et la culture kurdes font partie de leur patrimoine et qu'elles constituent une richesse et non une menace contre laquelle il faut lutter. L'Assemblée parlementaire avait auparavant évoqué la situation des 25 à 30 millions de Kurdes vivant en Iran, en Irak, en Syrie ainsi qu'en Turquie, le seul des quatre pays concernés à être membre du Conseil de l'Europe. Dans leur résolution, les parlementaires demandent aux autorités turques « de lever les obstacles administratifs déraisonnables auxquels se heurtent les Kurdes dans leurs activités culturelles ». Ils souhaitent la création d'un nombre accru de centres locaux de promotion de la culture kurde et l'accès des kurdophones aux moyens modernes de communication de masse.

La résolution 1519 (2006) a été adoptée à partir du rapport de la Commission de la culture, de la science et de l’éducation. Le rapporteur britannique Lord Russell Johnson avait effectué une visite d’étude en Turquie les 7-13 juin 2004. Il avait participé à une conférence sur le sujet, organisée à Bruxelles en novembre 2004. Un échange de vues a eu lieu le 17 mars 2005. Une audition avec des personnalités Kurdes d’Iran, d’Irak, de Syrie et de la Diaspora dont le président de l’Institut kurde de Paris, Kendal Nezan, a eu lieu à Paris le 18 janvier 2006. Le 13 avril le Rapporteur a présenté son projet de rapport et la Commission a demandé à ses membres turcs de commenter ce projet. Le texte intégral adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe est suivant :

« 1. Après ses rapports sur les Tsiganes en Europe (Doc. 6733, 1993), sur la culture yiddish (Doc. 7489, 1996), sur les Aroumains (Doc. 7728, 1997), sur les cultures minoritaires ouraliennes en danger (Doc. 8126, 1998) et sur la culture de la minorité csango en Roumanie (Doc. 9078, 2001), l’Assemblée parlementaire souhaite à présent attirer l’attention sur la situation culturelle des Kurdes.

2. L’Assemblée a abordé d’autres questions relatives aux Kurdes dans ses rapports sur le respect des obligations et engagements de la Turquie (Doc. 9120, 2001, et Doc. 10111, 2004), et sur la situation humanitaire de la population déplacée kurde en Turquie (Doc. 9391, 2002).

3. La question de l’origine exacte des Kurdes reste une énigme. Aux fins de la présente résolution, les Kurdes sont considérés comme un groupe ethnique de langue maternelle kurde. Ils sont avant tout originaires de la chaîne du Zagros-Taurus, zone montagneuse où convergent les frontières de la Turquie, de l’Iran et de l’Irak.

4. On ne connaît pas le nombre de Kurdes puisque aucun des principaux pays où ils vivent (à savoir l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie) n’indique l’ethnie dans ses recensements. On estime que leur nombre est compris entre 25 et 30 millions, ce qui fait d’eux une des plus grandes «nations sans Etat» du monde.

5. Les Kurdes parlent le kurde, une langue qui fait partie de la subdivision nord-ouest de la branche iranienne de la famille des langues indo-européennes. C’est une langue fondamentalement différente de l’arabe (une langue sémitique) et du turc (une langue altaïque). Le kurde moderne comprend plusieurs grands groupes, dont le plus important est celui du kurmandji. Il s’y ajoute des dizaines de parlers.

6. La situation des Kurdes varie considérablement selon les pays où ils vivent. En Irak, environ 5 millions de Kurdes jouissent d’un statut de quasi-indépendance depuis la guerre du Golfe en 1991. L’Iran ne reconnaît pas aux Kurdes de droits autres que culturels: la musique et le folklore, mais non l’enseignement. En Syrie, ils n’ont absolument aucun droit et même leur musique est interdite.

7. Pendant des décennies, les Kurdes n’ont pas été reconnus par les autorités turques. En 2004, la situation a changé avec des émissions dans les dialectes kurdes à la télévision nationale turque et l’autorisation de cours de langue kurde. Les livres, les disques et les concerts en kurde ne sont plus interdits. Deux chaînes régionales privées de télévision et une station de radio ont commencé à diffuser de brèves émissions en kurde pour la première fois le 23 mars 2006.

8. Certains Kurdes ont été impliqués dans ce qu’il est convenu d’appeler des «crimes d’honneur», mais cette pratique barbare ne concerne pas uniquement les Kurdes. On l’observe dans les régions (rurales) les plus reculées du Proche-Orient. L’éducation et le développement économique s’accompagnent d’un recul de telles pratiques. Les associations de femmes jouent un rôle important en Irak et en Turquie. Le nouveau Code pénal turc supprime les circonstances atténuantes pour les «crimes d’honneur», qu’il requalifie d’homicides avec préméditation.

9. De nombreux habitants de la région tout entière doivent moderniser leurs attitudes. Les Kurdes dans leur grande majorité sont conscients de ce que l’Europe est une bonne chose et placent leurs espoirs dans un futur commun au sein de ou avec l’Europe. Ils doivent aussi savoir qu’un pays où les «crimes d’honneur» sont toujours acceptés par certains comme faisant partie de leurs «traditions» est un pays qui n’a pas sa place dans l’Europe des droits de l’homme. L’Assemblée salue les mesures juridiques, politiques et sociales prises par le Gouvernement turc, et espère qu’elles ouvriront la voie à une évolution durable dans la bonne direction.

10. Plus d’un million de Kurdes vivent en Europe occidentale, et des instituts culturels kurdes ont vu le jour dans la plupart des pays d’Europe où les Kurdes se sont installés en nombre. La diaspora kurde a également joué un rôle politique majeur en sensibilisant l’opinion publique occidentale au sort des Kurdes dans les différents pays d’origine.

11. L’Assemblée rappelle d’autres textes qu’elle a adoptés sur des questions connexes, et notamment sa Recommandation 928 (1981) relative aux problèmes d’éducation et de culture posés par les langues minoritaires et les dialectes en Europe, sa Recommandation 1283 (1996) relative à l’histoire et à l’apprentissage de l’histoire en Europe, et sa Recommandation 1740 (2006) sur la place de la langue maternelle dans l’enseignement scolaire.

12. La diversité des cultures et des langues devrait être considérée comme une ressource précieuse, qui enrichit notre patrimoine européen et consolide l’identité des pays et de chacun. Une assistance d’envergure européenne, apportée en particulier par le Conseil de l’Europe, s’avère nécessaire pour préserver cette culture spécifique.

13. L’amélioration de la situation culturelle des Kurdes est directement liée à la stabilité politique dans la région. La paix et la stabilité sont nécessaires à l’amélioration de la situation culturelle des groupes ethniques.

14. L’Assemblée encourage la Turquie, en sa qualité d’Etat membre du Conseil de l’Europe, à traiter la «question kurde» d’une manière globale et à prendre les mesures nécessaires à une amélioration de la situation culturelle des Kurdes en Turquie.

15. Dans le domaine de la culture, l’Assemblée recommande que les autorités compétentes de la Turquie prennent les mesures suivantes:

15.1. garantir la protection des principales langues kurdes par la signature, la ratification et la mise en œuvre de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148) à l’égard des langues kurdes parlées en Turquie;

15.2. examiner la possibilité de suivre un enseignement dans la langue maternelle, en plus des cours dans la langue officielle;

15.3. informer les parents kurdes des différentes options linguistiques et publier des instructions sur les démarches permettant d’accéder aux possibilités offertes;

15.4. promouvoir des cours universitaires de langue et de littérature kurdes;

15.5. reconnaître et soutenir les associations culturelles kurdes, et entamer un dialogue avec celles-ci afin de collaborer à la protection de la langue et de la culture kurdes;

15.6. réexaminer les procédures administratives auxquelles sont confrontés les Kurdes dans leurs activités culturelles;

15.7. promouvoir l’accès des kurdophones aux moyens modernes de communication de masse. Il convient que la communauté kurde puisse apporter un soutien financier au développement de la presse écrite, de la radio et de la télévision;

15.8. créer en Turquie davantage de centres locaux de promotion de la culture kurde, chargés d’améliorer la sensibilisation aux minorités et le respect à l’égard de celles-ci.

16. Par ailleurs, l’Assemblée prie instamment les Gouvernements de l’Iran, de l’Irak et de la Syrie de reconnaître que la langue et la culture kurdes font partie de leur patrimoine et qu’elles constituent une richesse qui mérite d’être préservée et non une menace contre laquelle il faut lutter, et leur demande de prendre les mesures nécessaires à la lumière de la présente résolution, en particulier dans le domaine linguistique ».

BAGDAD : LE PARLEMENT IRAKIEN ADOPTE DÉFINITEVEMENT LA LOI CRÉANT UN ÉTAT FÉDÉRAL EN IRAK

Le Parlement irakien a définitivement adopté, mercredi 11 octobre, la loi créant un Etat fédéral. La loi a été approuvée à l'exacte majorité simple requise du Parlement, soit 138 voix sur 275. La loi va permettre de modifier les attributions des dix-huit provinces actuelles. Pour tenter de trouver une formule qui n'implique pas seulement les chiites et les Kurdes, les députés ont approuvé fin septembre un compromis visant à rassurer les sunnites : ils ont accepté de préparer une révision de la Constitution à travers laquelle les sunnites entendent bien faire passer des règles mettant des limites au fédéralisme. Ce compromis s'est aussitôt concrétisé avec la mise en place de la commission chargée de préparer la révision de la Constitution. Le calendrier a été soigneusement étudié : la révision de la Constitution doit être prête en un an, et le fédéralisme ne s'appliquera pas avant dix-huit mois. Les sunnites s'efforcent notamment d'obtenir que la Constitution plafonne le nombre de provinces actuelles qui pourront demain se regrouper pour former une région fédérale, l'objectif étant d'empêcher la création d'une super-région chiite unique. Les sunnites désirent également qu'un partage équitable des richesses nationales – en premier lieu le pétrole – reste effectif, ce qui implique que le pouvoir central continue à avoir un pouvoir de décision.

Se saisissant en pleine fête du Fitr, le principal parti chiite d'Irak a, le 24 octobre, demandé la création d'une grande région fédérale chiite. Abdel-Aziz Hakim, président du Conseil Suprême de la Révolution Islamique en Irak (CSRII), a défendu le fédéralisme devant plusieurs milliers de chiites réunis devant son domicile de Bagdad. Il s'agit d'un rempart, a-t-il déclaré, contre « la dictature » et « un pouvoir central injuste ». Défendant la création d'une grande région chiite, il a affirmé que « la meilleure assurance pour notre peuple, c'est de mettre en oeuvre le fédéralisme dans les provinces du centre et du sud. Le fédéralisme garantit à nos enfants et nos petits-enfants que l'injustice du passé ne se renouvellera pas », a-t-il ajouté dans une allusion au régime de Saddam Hussein qui s'est appuyé sur les sunnites et a réprimé les chiites et les Kurdes. Sur les 18 provinces irakiennes, les neuf provinces du centre et du sud sont majoritairement chiites et riches en pétrole. Intervenant dans ce débat, la ministre britannique des Affaires étrangères Margaret Beckett ne s'est pas opposée à une éventuelle partition, mais a, le 23 octobre, estimé que la décision appartenait aux Irakiens. « C'est vraiment l'affaire des Irakiens. Ils en ont assez des gens de l'extérieur qui déterminent des frontières arbitraires et prennent des décisions arbitraires », a-t-elle déclaré sur BBC Radio 4. Au contraire, le président américain George W. Bush s'est opposé, il y a une semaine, à un partage de l'Irak en trois régions autonomes, ce qui causerait, selon lui, un « désordre » plus grand et poserait notamment des problèmes avec la Turquie opposée à tout ce qui pourrait ressembler à un Etat kurde. «Trois régions autonomes, cela (créerait) non seulement une situation dans laquelle les sunnites, les pays sunnites et les extrémistes sunnites (rivaliseraient) avec les extrémistes radicaux. Les Kurdes (causeraient) des problèmes avec la Turquie et la Syrie», a-t-il déclaré, le 16 octobre, à la chaîne de télévision Fox News. Les mots de M. Bush ne ressemblent pas cependant à une mise en garde contre le vote de la semaine passée. La Maison-Blanche s'est employée à apaiser les inquiétudes suscitées par cette loi. Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a de son côté mis en garde contre un éclatement de l'Irak si rien n'est fait pour « unifier » le pays.

Le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a lancé une nouvelle tentative de réconciliation comprenant un plan en quatre points destiné à enrayer les violences confessionnelles. Le plan Maliki comprend un principe essentiel qui est de créer des commissions de sécurité locales, partout dans le pays, et d'abord à Bagdad, composées de représentants politiques, religieux, de la société civile et de l'armée. Ainsi, chacun des acteurs pourra être informé des problèmes de sécurité et donner son avis: les sunnites devraient savoir si des exactions commises par une milice chiite sont, ou non, sanctionnées, et vice-versa. Au niveau national, un comité comprenant également toutes les parties, devra veiller à l'application des dispositions arrêtées par le gouvernement. Ce nouveau plan a été précédé par d'autres initiatives de même nature depuis l'entrée en fonction du gouvernement Maliki en mai dernier, mais elles n'ont pas donné les résultats attendus. Le plan Maliki n'aborde pas directement le désarmement des milices chiites qui est une revendication essentielle des sunnites.

Par ailleurs, à la réunion entre l'Irak et des pays donateurs à Koweït, M. Ali Dabbagh, porte-parole du gouvernement irakien, a, le 31 octobre, déclaré lors d'une conférence de presse que l'Irak a besoin de près de 100 milliards de dollars des pays donateurs, au cours des cinq prochaines années, pour développer son infrastructure. Des représentants de 14 pays donateurs et sept institutions internationales, dont l'ONU et l'Union européenne (UE), ont pris part à cette réunion qui doit approuver un projet d'accord international pour venir en aide à l'Irak. A l'ouverture de cette réunion préparatoire pour un « Pacte international avec l'Irak », le ministre koweïtien des Affaires étrangères, cheikh Mohammad Al-Sabah, a notamment affirmé que la réunion examinerait les moyens d'une meilleure utilisation de l'aide promise à l'Irak par les pays donateurs lors de la conférence de Madrid, en octobre 2003. Les pays donateurs demandent à l'Irak d'appliquer un programme de réformes économique, sociale et sécuritaire et de combattre la corruption répandue dans ce pays, avant d'accorder cette aide à Bagdad. Le « Pacte international », préparé à l'initiative du gouvernement irakien actuel, a pour objectif de garantir à l'Irak une aide financière et politique de la communauté internationale pour restaurer la paix et la démocratie dans le pays.

BILAN D’OCTOBRE EN IRAK : QUATRIÈME MOIS LE PLUS MEURTRIER POUR L’ARMÉE AMÉRICAINE

Le bilan des pertes de l'armée américaine en Irak pour le mois d'octobre a atteint la barre symbolique des 100 morts avec 103 décès, selon le commandement américain le 30 octobre. Il s'agit du quatrième mois le plus meurtrier pour l'armée depuis le début de l'intervention en Irak, en 2003. Il faut remonter à janvier 2005 pour retrouver un bilan plus lourd pour les forces américaines (107 morts). Le mois le plus meurtrier de tous a été novembre 2004, quand 137 soldats avaient péri. Depuis mars 2003, 2.815 militaires américains ont perdu la vie en Irak. Par ailleurs, un bilan établi par le département de la défense américain révèle le 8 octobre qu’un total de 776 soldats américains ont été blessés en Irak au mois de septembre, soit le nombre mensuel le plus élevé en presque deux ans. Ce nombre est à son apogée depuis l'opération de l'armée américaine en novembre 2004 visant à reprendre la ville de Falloujah. Cette hausse considérable, avec presque 300 blessés durant la première semaine d'octobre, montre l'importance des efforts menés au front par l'armée américaine pour éviter une guerre civile à grande échelle en Irak, selon la même source. Plus de 20 000 militaires américains ont été blessés dans les combats en Irak, parmi lesquels la moitié a repris leur service. La proportion des blessés par rapport au nombre de morts au sein des forces américaines en Irak se situe à 8 pour 1, contre 3 pour 1 au Vietnam.

Le bilan est plus lourd encore côté irakien, puisque le général George Casey, commandant des troupes américaines dans le pays, a déclaré la semaine précédente que 300 membres des forces de sécurité irakiennes avaient péri pendant le mois de jeûne du ramadan qui vient de s'achever. Le chef des affaires humanitaires de l'ONU, Jan Egeland, a, le 11 octobre, estimé que les meurtres et représailles entre communautés religieuses et milices en Irak « échappent à tout contrôle ». Citant des statistiques selon lesquelles 100 personnes sont tuées chaque jour en Irak, M. Egeland précise que « nombre d'entre elles sont tuées par balles ou ont été torturées jusqu'à la mort ». « Les meurtres de vengeance semblent échapper à tout contrôle ». Cette « violence brutale » vise des policiers, des recrues, des juges et des avocats, mais aussi des femmes, de plus en plus souvent victimes de « crimes d'honneur », a-t-il ajouté. Outre les nombreux morts victimes de ces attentats, enlèvements et autres fusillades, la « détérioration très inquiétante des conditions de vie » des civils irakiens, due aussi à cette vague de violence intercommunautaire et aux opérations militaires, a entraîné le déplacement de 315.000 personnes loin de leur domicile au cours des huit derniers mois, a-t-il déploré. Des milliers d'Irakiens fuient chaque jour leur pays dans un « exode perpétuel et silencieux » et le regain de violences sectaires en a dissuadé des milliers d'autres de rentrer chez eux, selon Ron Redmond, porte-parole du Haut commissariat de l'Onu aux Réfugiés (HCR). Plus de 50.000 exilés irakiens étaient rentrés en 2005 dans leur pays en espérant que la situation se stabiliserait après les élections de janvier 2005. Cette année, ce nombre est tombé à un millier. Il a précisé le 12 octobre que le HCR assistait ainsi à l'entrée quotidienne en Syrie de 2.000 personnes provenant d'Irak. On estime à 1,6 million le nombre d'Irakiens vivant en dehors de leur pays, pour la plupart en Jordanie, en Syrie, en Turquie, au Liban, en Egypte, dans les Etats du Golfe et en Europe. Le HCR et le gouvernement irakien estiment que 1,5 million d'Irakiens ont par ailleurs été déplacés à l'intérieur de l'Irak, dont 365.000 depuis février dernier. De son côté, Emmanuel Khoshaba, du Mouvement démocratique assyrien, a, le 12 octobre affirmé que plus de 35.000 chrétiens irakiens s’étaient enfuis en Syrie pour échapper aux violences dans leur pays. En 2004, 20.000 chrétiens irakiens, qui représentent 3% des 26 millions d'Irakiens, se seraient réfugiés en Syrie. Le Parlement irakien a, le 2 octobre, prolongé d'un mois l'Etat d'urgence en vigueur en Irak - sauf au Kurdistan - depuis 2004.

Pendant que les forces américaines et irakiennes concentrent leurs efforts sur Bagdad, les attentats se multiplient de façon inquiétante à Kirkouk. Les attentats à la voiture piégée ont été multipliés par cinq le mois dernier à Kirkouk et des centaines de familles kurdes ont quitté Mossoul, pour échapper à la violence. Ces derniers mois, les autorités à Kirkouk et Mossoul ont découvert des corps, les mains attachées, présentant des traces de tortures. Quelque 2.000 soldats et policiers irakiens ont lancé une opération de ratissage à Kirkouk au début du mois d’octobre, fouillant maison après maison à la recherche d'armes et de suspects. Le nombre d'attentats à la voiture piégée dans la ville a bondi de trois en août à 16 en septembre, selon la police, le nombre de morts dû aux violences passant de 12 à 42. Les statistiques pour le reste de la province de Kirkouk ne sont pas disponibles, mais un décompte réalisé par l'agence Associated Press fait état d'au moins 93 morts en juillet au lieu d'une vingtaine par mois au printemps. Le 15 octobre, Kirkouk a connu une série d'attentats à la bombe. Deux fillettes sont mortes quand un kamikaze a fait sauter les explosifs qu'il portait sur lui devant un lycée kurde de jeunes filles dans le centre-ville. Cinq autres personnes sont mortes dans un attentat-suicide à la voiture piégée qui a visé un convoi du Service de protection des infrastructures, qui assure la surveillance des bâtiments publics. Dix autres personnes ont été blessées, selon le brigadier Sarhat Abdul-Kader de la police irakienne. Dans le sud de la ville, trois autres personnes ont été tuées et huit blessées dans un attentat-suicide dans un marché, selon le policier. Au moins deux autres voitures piégées ont explosé dans la ville, faisant un mort et cinq blessés, a-t-il ajouté. Les attaques sont essentiellement attribuées aux insurgés sunnites, qui ciblent les Kurdes et la police. Kirkouk compte aujourd’hui un million d'habitants, dont une forte population kurde et des minorités arabe, turkmène et chrétienne. La Constitution irakienne appelle à aider les Kurdes déplacés à revenir à Kirkouk et à faire partir les colons arabes installés par l'ancien régime, avant la tenue d'un référendum sur l'adhésion éventuelle de la ville au Kurdistan fédéré.

A Mossoul, ville à majorité arabe sunnite avec une forte minorité kurde (environ 35) et une communauté chrétienne, les Kurdes se sentent assiégés. Environ 750 familles ont quitté la ville ces trois derniers mois, fuyant vers des villages kurdes, selon Hamid Zaimil, un représentant kurde du conseil municipal. Selon Abdul-Ghani Botani, du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), 1.500 familles ont fui la ville depuis la chute de Saddam Hussein en avril 2003. Le 7 octobre, un avocat du PDK a été abattu devant son domicile et en août un attentat-suicide à la voiture piégée a frappé les bureaux de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), l'autre grand parti kurde, faisant neuf morts. D'après un décompte de l'AP, la violence a fait quelque 80 morts par mois de juillet à septembre dans la province de Mossoul, où les Arabes sunnites sont majoritaires, contre une dizaine par mois au printemps.

Les Américains ont eu jusqu'à 160.000 soldats déployés en Irak après les élections organisées en janvier. Le nombre de soldats était descendu à 127.000 en juin mais en juillet, face à l'aggravation de la situation sur le terrain, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld avait décidé le maintien sur place, une année de plus, d'une brigade de combat. A la mi-septembre, le général John Abizaid, chef du Commandement central (Centcom), avait indiqué que 140.000 soldats américains resteraient en Irak jusqu'au printemps 2007. Depuis, le nombre de soldats américains déployés en Irak oscillaient entre 142.000 et 147.000. Dans un entretien publié le 31 octobre par le quotidien français Le Figaro, le président irakien Jalal Talabani a estimé qu'un « retrait immédiat » des Etats-Unis de l'Irak « aurait des effets catastrophiques » pour son pays. Le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a, le 30 octobre, jugé de son côté dans une interview à Reuters, que le maintien des troupes américaines était « indispensable ». Il a assuré qu'il n'y avait aucune divergence entre Bagdad et Washington, bien que le Premier ministre irakien Nouri al Maliki ait exprimé le 27 octobre des réserves sur la stratégie américaine, à laquelle il a imputé « la piètre situation sur le plan de la sécurité en Irak ».

DAMAS : LES KURDES COMMÉMORENT LE 44ÈME ANNIVERSAIRE DU RECENCEMENT PRIVAN DE DIZAINES DE MILLIERS D’ENTRE EUX DE LEUR NATIONALITÉ SYRIENNE

Quelques centaines de manifestants kurdes ont, le 5 octobre, été violemment empêchés de se réunir sur une place à proximité du Conseil des ministres dans la capitale syrienne, par les policiers qui s'étaient déployées sur les lieux. Les manifestants « voulaient commémorer le 44ème anniversaire du recensement » effectué à Hassaké (nord-est) en 1962 à la suite duquel la nationalité syrienne avait été retirée par Damas à environ 120.000 Kurdes habitant alors ce gouvernorat syrien (ndlr : aujourd’hui ils sont estimés à 300 000 personnes).

Un membre du comité de coordination de trois partis kurdes (Yakiti, Azadi et Tayyar al-Mostaqbal al-Kurdi, interdits), a déclaré que « plusieurs d'entre eux ont été interpellés » et que les manifestants voulaient « recouvrer la nationalité syrienne », obtenir « une solution démocratique au problème kurde en Syrie dans le cadre de l'unité du pays » et « l'annulation de la politique discriminatoire » pratiquée à l'encontre des Kurdes.

Lors d'un congrès en juin 2005, le parti Baas au pouvoir en Syrie avait recommandé de « régler le problème du recensement organisé en 1962 à Hassaké et d'oeuvrer pour le développement de la région » kurde avec ses 1,5 million des Kurdes, qui représentent environ 9% de la population du pays.

MALGRÉ LA TRÊVE UNILATÉRALE DES COMBATTANTS DU PKK, L’ARMÉE TURQUE JURE DE LES POURCHASSER JUSQU’AU DERNIER

Au lendemain d'une nouvelle trêve unilatérale proclamée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le chef des armées turques, le général Yasar Büyükanit, a, le 2 octobre, affirmé que l'armée pourchassera les combattants kurdes jusqu'au tout dernier. « Les forces armées avaient déclaré à plusieurs reprises qu'elles mèneraient leur combat jusqu'à ce qu'il ne reste plus un seul terroriste armé. Notre attitude n'a pas changé d'un pouce et ne changera pas », a-t-il indiqué lors d'un discours devant l'Académie de guerre à Istanbul. Le général a appelé les combattants kurdes à renoncer « inconditionnellement » à la lutte armée et à se rendre à la justice turque, estimant qu’ « il n'existe aucune autre solution » au conflit. Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan qui s’est entretenu, le 2 octobre, avec le président américain George W. Bush à Washington avant de se rendre le lendemain au Royaume-Uni pour rencontrer le Premier ministre britannique Tony Blair, a mis la lutte contre le PKK au coeur de sa rencontre. Interrogé par des journalistes dans l'avion qui l'a conduit à New York sur le sujet le plus important devant être abordé avec M. Bush, M. Erdogan a répondu: « le Parti des travailleurs du Kurdistan » (PKK), a rapporté le 1er octobre le quotidien turc à grand tirage Hürriyet. « Je vais demander l'accélération de la mise en oeuvre des décisions prises. Je vais demander des choses comme la prévention des infiltrations, la fermeture des bureaux (du PKK en Irak), la mise au clair de l'attitude (américaine) face aux terroristes en Irak » a poursuivi le Premier ministre, cité par Hürriyet. Dans l'avion le conduisant à New York, il avait néanmoins laissé entendre, avec une phrase sujette à interprétations, que l'armée turque pourrait désormais faire preuve de circonspection avant de lancer des opérations contre le PKK. « Les forces de sécurité ne mettent un terme à leurs opérations nulle part dans le monde, elles accomplissent leur mission. Elles sont opérationnelles et ne peuvent cesser de l'être », a affirmé M. Erdogan, cité par le quotidien Milliyet. « Nous avons discuté avec le général (et chef de l'état-major Yasar) Büyükanit (...) de l'annonce d'un cessez-le-feu. Si l'organisation terroriste tient parole, aucune opération ne sera menée sans raison » par l'armée, avait-il indiqué. La Turquie attend de Washington et de Bagdad davantage de coopération pour réprimer le PKK, a déclaré de son côté le ministre des Affaires étrangères turc, Abdullah Gul, dans une interview publiée le 1er octobre dans l'hebdomadaire Newsweek. Interrogé sur une éventuelle invasion turque du Kurdistan irakien, M. Gul a répondu: « nous ferons tout ce qui est nécessaire pour combattre cette organisation. Je veux transmettre ce message que si nos amis ne nous aident pas, nous ferons le travail nous-mêmes ».

La première victime des combats entre l’armée turque et le PKK depuis le nouveau cessez-le-feu unilatéral est intervenue dès le 1er octobre. Un combattant kurde a été abattu dans la province de Mardin lors de combats avec les forces de sécurité, alors qu’une unité mécanisée de l'armée turque menait depuis le 28 septembre une vaste opération contre le PKK. Sa mort porte à 113 le nombre de combattants kurdes abattus depuis le début de l'année, tandis que 79 membres des forces de sécurité ont été tués dans la même période, selon un décompte effectué par l'AFP à l'aide des chiffres fournis par l'armée. De plus, le 5 octobre, deux soldats turcs ont été blessés près d'Ovacik, dans la province de Tunceli, puis deux autres combattants kurdes ont été abattus par l'armée le 11 octobre dans la province de Sirnak et un troisième le lendemain à Eruh, alors que trois combattants kurdes ont été, le 23 octobre, tués et deux militaires blessées dans des accrochages survenus près de la petite ville de Hasankeyf, dans la province de Batman.

Au terme d'un entretien avec son collègue turc, l'ex-général Edip Baser, le général à la retraite Joseph W. Ralston, chargé par Washington de la coordination de la lutte contre le PKK, a, le 12 octobre, indiqué que le PKK « doit déposer les armes et annoncer qu'il renonce à la violence ». L'ancien officier américain s'est félicité du cessez-le-feu unilatéral proclamé par le PKK, mais a estimé que ce « premier pas » n'éliminait pas la menace pour la Turquie, alliée des Etats-Unis au sein de l'Otan. Il a toutefois ajouté que « l'usage de la force est une question très sérieuse. Il ne doit pas être la première option ». M. Baser a de son côté indiqué avoir discuté avec son homologue américain de plusieurs « propositions concrètes », dont la fermeture du camp de réfugiés de Makhmour, près de Mossoul. Ankara demande depuis des années que ce camp, contrôlé par l'Onu et qui regroupe plusieurs milliers de Kurdes de Turquie, soit fermé, arguant qu'il est contrôlé par les éléments du PKK. A la suite des entretiens de Joseph W. Ralston, le Premier ministre irakien Nuri al-Maliki s’est, les 16 et 17 octobre, rendu à son tour en Turquie pour discuter avec les autorités turques des relations bilatérales et de la lutte contre le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Il a rencontré lors de cette visite son homologue Recep Tayyip Erdogan et le président turc Ahmet Necdet Sezer. Le service de presse de M. Erdogan a souligné que la visite était d'une « importance spéciale » et a décrit M. Maliki comme un dirigeant « qui oeuvre à la protection de l'intégrité politique et territoriale de l'Irak et à des liens paisibles entre l'Irak et ses voisins ».

Par ailleurs, des militants kurdes ont, le 20 octobre, annoncé à Ankara avoir recueilli plus de trois millions de signatures en faveur d’Abdullah Öcalan. « En tant qu'un habitant du Kurdistan, je considère et reconnais Abdullah Öcalan comme une entité politique au Kurdistan », affirme le texte signé. Les signatures seront envoyés au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, au chef de l'Etat Ahmet Necdet Sezer et au président du Parlement Bülent Arinç, a indiqué l'un de ses avocats d’Abdullah Ocalan, Irfan Dündar, qui a déploré que ces trois personnalités aient refusé de les recevoir.

STRASBOURG : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA BRUTALITÉ DES POLICIERS TURCS Á L’ENCONTRE DE TROIS KURDES DONT UN GARÇON ÂGÉ DE DOUZE AN

La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a, le 17 octobre, condamné la Turquie pour avoir soumis plusieurs individus à des traitements inhumains ou dégradants. La CEDH a conclu que cinq articles de la Convention européenne des droits de l'Homme avaient été violés par la Turquie dans l'affaire d'un membre du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La cour a observé que le requérant, Sabahattin Goçmen, qui purge actuellement une peine de 18 ans de prison pour son « appartenance au PKK », avait été soumis à de mauvais traitements pendant sa garde à vue et n'avait pas eu un procès équitable et impartial. Dans la deuxième affaire, la CEDH a observé qu'une femme avait fait l'objet d'une arrestation arbitraire et brutalisée, devant ses enfants, alors qu'elle rendait visite à son mari emprisonné. La dernière affaire concerne un enfant de douze ans, Halil Ibrahim Okkali, apprenti ouvrier dans un garage d'Izmir, battu en 1995 par les forces de l'ordre qui tentaient de lui faire avouer un vol chez son employeur qu'il niait avoir commis. La Cour a dénoncé la faiblesse des condamnations, dix mois d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de policiers. La CEDH a estimé que la justice turque n'a pas tenu compte de « la gravité particulière » de ces mauvais traitements du fait de l'âge de la victime et a conclu que les condamnations prononcées ne pouvaient avoir « aucune force dissuasive susceptible d'assurer la prévention efficace » de tels actes.

Ankara a été condamné à verser un total de 55.000 euros (69.000 dollars) de dommages et intérêts dans trois affaires de mauvais traitements à l'égard de Kurdes par les forces de l'ordre. La Turquie a déjà été contrainte de débourser plusieurs centaines de milliers d'euros dans des affaires similaires datant des années 1990.

Par ailleurs, un père de famille turc alévi qui réclame un enseignement laïc en Turquie et la reconnaissance du droit à la liberté de religion, a été, le 3 octobre, entendu par les juges de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH). Hassan Zengin a saisi la Cour pour contester la neutralité des cours de culture religieuse et d'enseignement moral que sa fille Eylem, aujourd'hui âgée de 18 ans, était tenue de suivre dans l'école publique turque où elle était scolarisée. De confession alévie, M. Zengin considère cet enseignement contraire au principe de laïcité. Débouté de ses différents recours entre 2001 et 2003 auprès des différentes juridictions turques, il soutient également que la manière dont le cours de connaissance religieuse et morale est dispensé en Turquie ne respecte pas le droit de sa fille à la religion et le droit de ses parents à lui assurer un enseignement conforme à leurs convictions religieuses. Il invoque l'article 9 (droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion) de la Convention européenne des droits de l'Homme ainsi que l'article 2 du Protocole numéro 1 (droit à l'instruction) de la Convention. La Turquie, majoritairement sunnite, compte 10 à 14 millions d'alévis. Bien qu'ils représentent un cinquième de la population turque, les alévis, dont les rites diffèrent profondément de ceux du l'islam sunnite, ne disposent d'aucun statut particulier et ne bénéficient pas des subventions accordées aux institutions culturelles sunnites. Ils suivent une interprétation modérée du Coran, défendent la laïcité, et réclament l'abolition des cours obligatoires de religion.

LES KURDES TÉMOIGNENT DES HORREURS SUBIES AU PROCÈS DE SADDAM HUSSEIN

Le procès de Saddam Hussein pour génocide contre les Kurdes a, le 31 octobre, repris à Bagdad en présence de l'ancien dictateur et des six autres accusés, en l'absence des avocats de la défense, mais en présence des avocats commis d'office par le tribunal. Une épreuve de force entre la cour et les avocats de la défense se manifeste à chaque audience. Les avocats de la défense réclament notamment que des avocats de pays arabes ou d'autres régions soient acceptés par la cour (actuellement les avocats doivent être irakiens), et que les accusés s'expriment sans que leur micro soit constamment coupé. Saddam Hussein et six co-accusés sont jugés depuis le 21 août pour avoir mis en œuvre les opérations militaires d'Anfal, en 1987-1988 dans le Kurdistan irakien, qui ont fait 180.000 morts, selon l'accusation. Tous risquent la peine de mort.

Plusieurs témoins ont raconté, au cours des dernières semaines, des scènes d'exécutions de groupes de villageois kurdes, conduits par l'armée irakienne en plein désert pour y être abattus. Le premier témoin à intervenir le 31 octobre, un homme parlant sous couvert de l'anonymat derrière un rideau, a ainsi décrit comment il a assisté à une exécution collective de nuit, organisée dans le désert occidental de l'Irak. Fait prisonnier pendant la campagne Anfal-3, en avril 1988, il a été emmené, en autobus, avec un groupe de prisonniers kurdes vers l'ouest de l'Irak. A la lumière d'un projecteur éclairant une tranchée, il a vu l'exécution de 35 Kurdes, poussés ensuite dans la fosse. « Les gardes ont pris les prisonniers deux par deux et les ont exécutés, tandis que les autres attendaient dans l'autobus. Je les ai vus parce que j'avais réussi à défaire mes liens et le bandeau couvrant mes yeux, en profitant d'une absence du garde », a-t-il expliqué. « La tranchée était pleine de corps et certaines victimes étaient encore vivantes. J'ai aperçu un garde, portant un uniforme vert, descendre dans la tranchée et tirer dans la tête des survivants en les insultant », a-t-il poursuivi. Un autre témoin anonyme, originaire de Kirkouk, a connu la succession de prisons et de camps de détention fréquentés par beaucoup de Kurdes dans les années 1987-1988, et dont beaucoup ne sont pas revenus. Au camp de Tob Zaoua, près de Kirkouk, « c'était sale. Les enfants étaient avec les adultes, et la nuit on ne pouvait pas dormir », a-t-il raconté. Au cours d'un transfert vers Mossoul, un détenu a tenté de prendre l'arme d'un garde et a échoué, mais cela a déclenché une fusillade à la faveur de laquelle le témoin a pu s'enfuir. « Quand j'ai voulu regagner mon village près de Kirkouk, il avait été rasé », a-t-il déclaré. Un troisième villageois a apporté son témoignage sur un événement déjà fréquemment décrit par de précédents témoins: le bombardement à l'arme chimique de villages kurdes, le 18 mai 1988.

Lors de la 19ème journée d'audience le 30 octobre, quatre témoins ont décrit le drame qu'ont connu leurs villages kurdes qui se préparaient à fêter la fin du ramadan, au printemps 1988, lorsque l'aviation irakienne a lancé des armes chimiques. Dans les villages kurdes, au printemps 1988, la fête qui aurait dû marquer la fin du ramadan est restée dans les mémoires comme « le jour du Jugement dernier ». Ce jour-là l'aviation irakienne avait semé la mort en pleins préparatifs des festivités. C'est ce cauchemar qu'est venu raconter devant le haut tribunal pénal irakien, un imam, Jamal Souleiman Kadir. Le 18 mai 1988, l'imam se trouvait à proximité de son village. « Quatre avions sont arrivés et j'ai pu voir les colonnes de fumée monter au-dessus du village bombardé avec des armes chimiques. En rentrant, j'ai croisé un tracteur chargé d'une quinzaine de blessés, puis j'ai vu vingt corps près de la fontaine et le bétail en train de mourir. J'entendais les enfants crier après leur père et les femmes après leur mari. C'était comme le jour du Jugement dernier », s'est-il souvenu. Il a décrit les corps entassés dont ceux d'enfants serrant encore dans leurs mains les sucreries de l'Aïd, la fête qui marque la fin du mois musulman du ramadan. Il a dit avoir alors remarqué que les survivants avaient les yeux larmoyants et rougis, et qu'ils suffoquaient. Quelques semaines plus tard, en août, l'aviation est revenue, a de nouveau bombardé avec des armes chimiques. Puis sont venus l'artillerie et des soldats qui « ont tout détruit y compris les mosquées et se sont livrés au pillage », a affirmé Jamal Kadir. S'adressant à Saddam Hussein qui tient habituellement un Coran à la main dans le tribunal, il lui a demandé: « Y-t-il une différence entre le Coran que vous portez et celui que vous avez brûlé au Kurdistan? ». « Je remercie Dieu, parce que le jour est venu où, vêtu de mon habit traditionnel kurde, je peux, dans ma langue kurde, porter plainte contre Saddam Hussein », a-t-il lancé.

A 84 ans, Aicha Hamad Amine ne se souvient plus exactement en quelle année son village kurde a été bombardé. Mais, « c'était au printemps, le dernier jour de ramadan, et j'étais dans les champs du village quand cela est arrivé » raconte-t-elle. « Mon fils me criait de m'éloigner. Soudain il est tombé, puis il est mort. De la salive s'écoulait de ses lèvres. J'ai senti que ma tête tournait et je suis aussi tombée, avant de perdre conscience » a-t-elle poursuivi. Elle a raconté que les villageois l'avaient crue morte et que lorsqu'elle avait repris connaissance, elle avait vomi et ne pouvait pas même boire du lait. « Mon mari est mort trois ans plus tard de maux d'estomac. J'ai encore des troubles de la vision », a-t-elle ajouté.

Fakhir Ali Hussein était un enfant, mais il se souvient du jour où avec son père, sa mère, un frère et ses trois sœurs, il a vu le bombardement des villages de la région de Banisan, près de Souleimanyeh. « Il y avait une odeur de pomme pourrie, et les habitants avaient du mal à respirer. Ils commençaient à vomir et leurs yeux pleuraient », a-t-il décrit.

Le 19 octobre, Abdallah Saed, vieux villageois kurde, a apporté de nouvelles précisions sur la prison de Nougrat Salam dans le désert du sud de l'Irak, et sur son directeur. « Trois jours après notre arrivée à Nougrat Salam, l'eau a été coupée. Nous avons demandé à Hajaj de la rétablir, mais il nous a dit: nous avons coupé l'eau pour que vous mourriez. Vous êtes ici pour mourir », a déclaré le témoin. Il a raconté sa stupéfaction en arrivant à Nougrat Salam: « la prison était archi comble, remplie de prisonniers kurdes: des enfants, des femmes âgées, des jeunes, des vieillards. A ce moment-là, j'ai pensé que tout le Kurdistan s'était déplacé dans cette prison », a-t-il déclaré. Interrogé par le juge sur les raisons des décès, le témoin a remarqué: « comment voulez-vous qu'un vieil homme survive en mangeant la nourriture avariée de la prison et qu'une vieille femme vive avec la tête pleine de parasites ». « J'ai moi même participé à l'enterrement de vingt prisonniers », a indiqué Abdallah Saed, qui a déclaré que 1.800 prisonniers sont morts pendant son séjour à Nougrat Salam. Le témoin a affirmé que son village, Gop Tappa, avait été bombardé par l'aviation irakienne, à l'arme chimique. « Je travaillais dans mon champ quand quatre avions ont bombardé deux villages », a-t-il raconté. « Nous avons alors respiré une odeur de pomme pourrie. C'était des armes chimiques et les habitants de mon village ont commencé à crier », a poursuivi M. Saed. « Nous avons embarqué derrière un tracteur les enfants, les femmes et les personnes infectées par les armes chimiques, et nous sommes rapidement partis vers un autre village », a-t-il expliqué. Ensuite, comme pour les autres témoins qui se sont succédés au cours des dernières semaines, il y a eu l'arrestation par l'armée, le transfert à Nougrat Salam et la libération plusieurs mois plus tard pour les survivants. Abdallah Saed a sorti une liste, portant les noms de huit membres de sa famille morts pendant ces événements. « Je demande réparation pour ces huit parents », a-t-il souligné.

Lors de la 17ème journée d'audience, des témoins ont, le 18 octobre, raconté comment l'armée irakienne avait emmené par camions des groupes de villageois kurdes terrifiés en plein désert pour les abattre. Apportant des éléments nouveaux, le premier témoin a raconté comment lui-même et ses compagnons de détention ont été, un jour, emmenés dans le désert à bord de camions empestant l'urine et les excréments. Un second témoin anonyme a décrit, dans des termes proches, le transfert de groupes de prisonniers par camions, puis leur exécution dans une région désertique tandis que les détenus tentaient, dans un dernier sursaut, de neutraliser leurs gardes. « Nous avons décidé que si une seule personne pouvait survivre, elle pourrait témoigner pour tous les autres, et dire devant tout le monde ce qui nous est arrivé », a expliqué ce témoin. Il a indiqué que, profitant de l'ouverture de la porte du camion, les prisonniers ont attaqué leurs gardiens. Dans la fusillade qui a suivi, il a été blessé au dos et à l'œil droit. Il ne peut dire combien ont survécu parmi les 34 prisonniers de son camion. « Je ne sais pas combien ont été tués. J'étais blessé. Je ne voyais plus de l'œil droit », a-t-il affirmé.

Saddam Hussein a accusé la veille les témoins de son procès de menacer l'unité de l'Irak en décrivant les sévices dont ils ont souffert dans les prisons de l'ancien régime. « Nous sommes un peuple uni. Quand des témoins disent qu'ils ont été attaqués parce qu'ils étaient kurdes, cela va créer la désunion au sein de notre peuple uni », a ajouté l'ancien dictateur. Le premier témoin, Moutalib Mohamed Salmane, avait raconté comment il avait dû fuir son village pendant les attaques militaires de 1988, avant d'être arrêté par l'armée irakienne et envoyé vers la prison de Nougrat Salam : « On manquait d'eau et de nourriture, et la santé des prisonniers ne cessait de se détériorer. Nous comptions une trentaine de morts par jour chez les détenus ». Un autre témoin, Baba Abdallah Rassol, avait décrit l'agonie de sa famille dans la prison de Nougrat Salam, notamment lorsque son fils âgé de 25 jours ne cessait de pleurer de faim « ennuyant tout le monde avec ses cris ». Il avait alors été convoqué avec son fils dans le bureau de Hajaj « qui nous a frappés avec un câble. Mon fils est ensuite mort de faim ».

Les uns après les autres, les témoins qui se sont présentés depuis le 21 août, date de l'ouverture du procès de Saddam Hussein pour génocide contre les Kurdes, ont évoqué ce personnage sinistre. Il dirigeait le camp de Nougrat Salam, dans le désert du sud irakien, et paraissait avoir toute liberté pour exercer des sévices contre les prisonniers entassés dans ce camp de la mort. Des témoins ont raconté qu'il faisait venir chaque jour des femmes dans son bureau pour les violer, qu'il jetait les cadavres de prisonniers aux chiens, ou attachait des prisonniers à la cage de but du terrain de football de la prison pour les frapper.

Lors de la 14ème audience le 10 octobre, des femmes ont décrit les viols brutaux et autres violences sauvages dont elles ont été les témoins il y a près de vingt ans, dans les camps de la mort où étaient détenus les Kurdes alors que leurs villages étaient bombardés. Une Kurde a raconté qu'elle a vu, dans un camp, « une femme obligée à donner naissance à un enfant dans des toilettes. Nous avons dû couper le cordon ombilical à l'aide d'un tesson de bouteille et envelopper le bébé dans une toile grossière », a-t-elle déclaré devant la cour, dissimulée derrière un rideau pour protéger son identité. La veille, témoignant anonymement derrière un rideau, une Kurde avait décrit dans quelles circonstances sa famille avait disparu lors de l'offensive de l'armée irakienne contre le Kurdistan en 1988. « Je connais le sort de ma famille: ils ont été enterrés vivants », a-t-elle déclaré. Abdel-Hadi Abdallah Mohammed, un agriculteur de la région de Souleimaniyeh, avait déclaré pour sa part qu'il avait appris que sa mère était morte dans la sordide prison de Nugrat Salman. C'est sa belle-mère, l'une des rares rescapées, qui lui a appris ce qui s'était passé. « Elle a été enterrée, puis déterrée par un chien noir qui se nourrissait des corps », a-t-il affirmé devant le tribunal.

Par ailleurs, la Cour d'appel de La Haye a, le 23 octobre, décidé d'étudier la possibilité de recueillir le témoignage de Saddam Hussein, réclamé par un homme d'affaires néerlandais condamné pour avoir participé à la fabrication d'armes chimiques par l'Irak. Le 9 octobre, lors d'une audience de procédure devant la Cour d'appel de La Haye, les avocats de Frans van Anraat, 64 ans, avaient présenté une liste de témoins à la décharge de leur client, parmi lesquels figuraient d'anciens hauts responsables irakiens, à commencer par Saddam Hussein et son cousin Ali Hassan al-Majid, surnommé « Ali le chimique ». La Cour d'appel a demandé que soit étudiée la possibilité pratique de recueillir de tels témoignages, avant de prendre sa décision. En première instance, les avocats de M. Van Anraat avaient déjà formulé, en vain, une demande similaire. En décembre dernier, l'homme d'affaire avait été condamné à 15 ans de prison pour crimes de guerre. Dans son jugement, la chambre de première instance avait indiqué qu'un génocide a eu lieu en Irak contre la population kurde, et elle avait reconnu M. Van Anraat coupable d'avoir fourni au régime de Saddam Hussein les produits chimiques utilisés lors des attaques au gaz contre ces populations dans les années 1980. M. Van Anraat et le procureur, qui le poursuivait également pour complicité de génocide, ont chacun fait appel de la sentence.

D’autre part, le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a, le 1er octobre, demandé la création d'une commission d'enquête au Kurdistan après la publication de listes de Kurdes qui auraient coopéré avec les redoutés services de renseignements irakiens sous le régime de Saddam Hussein. Le cabinet du président Barzani a annoncé à Erbil que cette commission devra enquêter sur les personnes dont les noms ont été publiés la semaine dernière dans deux hebdomadaires kurdes, Awina et Hawlati, et établir si elles « étaient impliquées avec les services de renseignements de l'ancien régime ». Le chef de cabinet de la présidence, Fouad Hussein, a déclaré que des discussions avec les différentes institutions kurdes seront menées pour désigner les membres de la commission. Il a indiqué que cette commission sera à la fois judiciaire et politique. Elle devra établir les faits et non pas sanctionner. Ses conclusions seront communiquées aux responsables politiques et à la justice qui décideront des mesures à prendre. « Cette question est devenue une affaire sensible et majeure pour le peuple kurde. Pour cette raison, il a été décidé que les listes soient examinées par une commission », a ajouté Fouad Hussein.

Les hebdomadaires kurdes, Awina et Hawlati, ont publié la semaine dernière quelque 150 noms de personnes soupçonnées d'avoir espionné leurs compatriotes kurdes après le soulèvement kurde qui a suivi la première guerre du Golfe, en 1991. Selon les deux journaux, qui ont dû faire plusieurs tirages rapidement épuisés, les moukhabarat recrutaient des personnes proches du dirigeant de l'UPK Jalal Talabani, actuellement président de l'Irak, et du chef du PDK, Massoud Barzani. Parmi les noms publiés, se trouvent ceux de personnes qui ont tenu de hautes fonctions dans le gouvernement ou les partis politiques kurdes. Plus de la moitié des 111 membres du parlement du Kurdistan ont signé le 30 septembre une pétition demandant une évaluation immédiate de la véracité des documents publiés par les deux journaux et un débat sur leurs implications. « Ceux qui ont travaillé avec les moukhabarat (services de renseignements de Saddam Hussein) doivent être jugés », a déclaré Ariz Abdallah, député de l'Union Patriotique du Kurdistan (UPK), un des deux principaux partis. « Ces agents de l'odieux régime de Saddam Hussein doivent devenir des exemples pour d'autres de leur acabit dans l'avenir », a ajouté Xeman Zirar, du Parti Démocratique Kurde (PDK).

ORHAN PAMUK REÇOIT LE PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 2006, PENDANT QUE LA TURQUIE POURSUIT LES ÉDITEURS, LES ECRIVAINS ET LES JOURNALISTES POUR DÉLIT D’OPINION

Le romancier turc Orhan Pamuk reçoit le prix Nobel de littérature 2006. L'Académie suédoise a, le 12 octobre, récompensé l'un des écrivains les plus connus de Turquie, un auteur inspiré par le choc et le mélange des cultures, qui avait récemment été poursuivi pour « insulte à l'identité turque » après avoir évoqué le massacre des Arméniens et des 30 000 Kurdes tués notamment lors des affrontements avec l’armée turque. Sous les applaudissements, le président de l'Académie suédoise Horace Engdahl a annoncé que le prix était décérné à Orhan Pamuk, « qui à la recherche de l'âme mélancolique de sa ville natale a trouvé de nouvelles images spirituelles pour le combat et l'entrelacement des cultures ». « Pamuk est connu dans son pays comme un auteur contestataire bien qu'il se considère d'abord comme écrivain littéraire sans intentions politiques », rappelle l'Académie suédoise dans sa notice bibliographique. « Il fut le premier écrivain dans le monde musulman à condamner ouvertement la fatwa contre Salman Rushdie ».

L'académie souligne aussi qu'il a défendu son confrère kurde Yasar Kemal, poursuivi en 1995, avant d'être lui même inculpé pour avoir évoqué dans un entretien à un journal suisse le massacre de centaines de milliers d'Arméniens durant la Première guerre mondiale et les affrontements plus récents avec les combattants du PKK. « Trente mille Kurdes et un million d'Arméniens ont été tués sur ces terres, et personne d'autre que moi n'ose en parler », avait-il notamment déclaré dans cette interview. Des menaces de mort ont suivi ainsi que l'ordre, dans une province de l'ouest de la Turquie, de brûler ses livres. Une injonction ensuite retirée sous la pression du gouvernement, désireux de ne pas ternir son image avant le lancement de négociations d'adhésion avec l'Union européenne. En janvier dernier, sous la pression internationale, la justice turque avait décidé d'abandonner les charges qui pesaient contre l’écrivain, mettant fin à un procès qui avait scandalisé tous les observateurs occidentaux et soulevé des doutes sur l'engagement d'Ankara en faveur de la liberté d'expression.

Le romancier stambouliote de 54 ans figurait parmi les favoris. Traduit dans le monde entier, il est notamment l'auteur de « Neige », « Mon nom est Rouge » et « Le livre noir ». Orhan Pamuk, né à Istanbul en 1952 dans une famille bourgeoise et laïque, a fait des études d'architecture puis de journalisme. Son dernier roman « Neige » (2002) se déroule au début des années 90 à Kars, autrefois ville frontière kurde entre les empires russe et ottoman, où un poète exilé à Francfort retourne pour retrouver son pays. Venu enquêter sur les suicides de jeunes filles soumises à des pressions parce qu'elles portaient le voile, avec l'espoir secret de revoir la femme qu'il aime, il se retrouve au coeur d'un putsch militaire dans une ville coupée du monde par la neige. Histoire d'amour et conte sur la créativité poétique, « Neige » décrit aussi « les conflits politiques et religieux qui caractérisent la société turque d'aujourd'hui ». Cible des nationalistes turcs, Orhan Pamuk accumule les prix littéraires à l'étranger dont le prestigieux Prix de la Paix des libraires allemands en octobre 2005 et le prix Médicis français du roman étranger la même année. L'irritation de ses détracteurs est montée d'un cran après son refus, en 1998, d'accepter le titre d' « artiste d'Etat ». Il était alors déjà devenu l'écrivain numéro un en Turquie avec des ventes records et son sixième roman.

Malgré les perspectives d’adhésion à l’Union européenne, les autorités turques n’hésitent pas à traduire en justice les opinions qui leur semblent dissidentes. Ainsi, le propriétaire d'une maison d'édition, un traducteur et deux éditeurs ont-ils comparu devant un tribunal stambouliote le 17 octobre pour « incitation à la haine » pour avoir publié la version turque d'un livre de l’Américain Noam Chomsky. Les quatre prévenus risquent jusqu'à six ans de prison pour « incitation à la haine » raciale et « dénigrement de l'identité nationale » en raison de leur rôle dans la publication en mars de l'édition turque de « La Fabrique de l'opinion publique : la politique économique des médias américains ». Le livre, cosigné par Noam Chomsky et Edward S. Herman, analyse à travers l'exemple de plusieurs pays les influences dont font l'objet les individus et les médias. Il contient des références au traitement imposé aux Kurdes de Turquie dans les années 1990, jugées insultante par le ministère public.

Les prévenus -Fatih Tas, le propriétaire des éditions Aram, les éditeurs Ömer Faruk Kurhan et Taylan Tosun et le traducteur Ender Abadoglu- ont récusé les accusations. Le juge a ajourné l'audience pour leur permettre de disposer de plus de temps pour préparer leur défense. « Personne ne devrait s'étonner si les distributeurs, les libraires et les lecteurs sont poursuivis prochainement », a commenté M. Tas à la sortie de la salle d'audience. M. Tas avait déjà été poursuivi et acquitté en 2002 pour avoir publié un autre livre de Noam Chomsky qui critiquait déjà l'attitude d'Ankara à l'égard de ses Kurdes et les ventes d'armes par les Etats-Unis à la Turquie. Le professeur de linguistique dans le prestigieux Masachuset’s Institute of Technology (MIT) avait alors assisté à une des audiences à Istanbul pour manifester son soutien à l'éditeur et donner des conférences à Diyarbakir.

Par ailleurs, le procès à l'encontre d'une journaliste, Ipek Calislar, accusée d'avoir insulté Ataturk, a, le 5 octobre, débuté à Istanbul. La journaliste est accusée d'avoir insulté le fondateur de la Turquie, Mustafa Kemal Atatürk, dans un livre sur l'épouse de ce dernier. Dans son livre « Latife Hanim », publié en juin, Ipek Calislar cite un témoin décrivant comment Mustafa Kemal Atatürk, risquant d'être agressé par un opposant politique armé, aurait revêtu un tchador -vêtement féminin islamique- pour quitter le palais présidentiel d'Ankara à la barbe de l'agresseur. Or, une loi spéciale protège la mémoire de l'homme d'Etat.

Les poursuites ont été lancées à la suite d'une pétition lancée par un lecteur nommé Hüseyin Tugrul Pekin, qui a écrit: « C'est la plus grande insulte d'affirmer que Mustafa Kemal, dont nul d'entre nous n'oserait juger le courage, a fait une chose pareille ». Elle risque, ainsi que le rédacteur en chef du quotidien à grand tirage Hürriyet, qui avait publié des extraits du livre, une peine allant jusqu'à quatre ans et demi de prison. Aucun des deux prévenus n'a assisté à la première audience du procès, qui s'est tenue au dernier jour d'une visite en Turquie du commissaire européen à l'Elargissement Olli Rehn. Celui-ci a d'ailleurs prévenu le gouvernement turc que la question de la liberté d'expression pourrait nuire à l'adhésion du pays à l'UE. Il souhaite qu'Ankara amende les dispositions légales restreignant cette liberté, et notamment l'article 301 du code pénal qui a servi de bases à des poursuites contre quelque 70 intellectuels. Le procès est ajourné jusqu'au 19 décembre 2006.

AINSI QUE...

PARIS : L’ASSEMBLÉE NATIONALE ADOPTE UNE PROPOSITION DE LOI PUNISSANT LA NÉGATION DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN



Les députés ont, le 12 octobre, adopté par 106 voix contre 19 la proposition de loi socialiste punissant la négation du génocide arménien, malgré l'opposition affichée du gouvernement et les pressions de la Turquie. La quasi-totalité des députés de gauche et de droite présents dans l'hémicycle ont voté pour, mais la plupart des députés UMP n'ont pas participé au vote. Le vote a été accueilli par des applaudissements des représentants de la communauté arménienne présents dans les tribunes du public. L'article unique de la proposition de loi punit de peines allant jusqu'à cinq ans de prison et 45.000 euros d'amende ceux qui contesteront l'existence du génocide arménien, qui a fait 1,5 million de morts entre 1915 et 1923. La proposition de loi complète la loi du 29 janvier 2001, qui dispose que « la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ». Les députés ont en revanche rejeté l'amendement du député UMP Patrick Devedjian. Cet amendement visait à restreindre la portée de la proposition en excluant du champ de la loi les recherches universitaires et scientifiques. La proposition de loi votée par les députés, elle est loin d'être définitivement adoptée. Elle doit en effet maintenant être soumise au Sénat et c'est au gouvernement de décider de la mettre ou non à l'ordre du jour. Le Parti socialiste (PS) a pris de son coté l'engagement, si la droite bloquait l'inscription de la proposition au Sénat, de la reprendre après les élections du printemps 2007 en cas de victoire de la gauche.

Le gouvernement français a tenté de préserver ses relations diplomatiques et économiques avec la Turquie en se démarquant du vote. Embarrassé, le gouvernement redoute qu'une nouvelle crise ouverte avec Ankara ne se traduise effectivement par des représailles et la perte de milliards d'euros de contrats pour les entreprises françaises en Turquie. La ministre déléguée aux Affaires européennes Catherine Colonna, qui représentait le gouvernement, a rappelé que celui-ci n'était « pas favorable » à la proposition de loi. « Ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire », a-t-elle lancé. Le ministre français au Commerce extérieur, Christine Lagarde, a souligné que la relation avec la Turquie était « un enjeu économique très important pour la France », avec un encours de 10 milliards d'euros de contrats pour les entreprises françaises et « un peu plus de 5 milliards d'exportations chaque année ». Le Premier ministre turc avait rencontré le 7 octobre à Istanbul les représentants de sociétés françaises faisant des affaires en Turquie pour les persuader de faire pression sur les législateurs français. Le chef de la commission judiciaire du parlement turc a indiqué de son côté que la Turquie pourrait de son côté adopter des propositions de loi qualifiant de génocide des massacres commis par des Français en Algérie du temps de la colonisation. Ces textes prévoient également des peines de prison pour ceux qui nieraient de tels massacres. La proposition de loi avait commencé à être discutée en mai, mais son examen avait été interrompu faute de temps et le vote n'avait pu avoir lieu. Pour sa part, Dorothée Schmid, une spécialiste de l'Institut français des relations internationales (Ifri), a estimé que « apparemment, les Turcs sont très remontés, mais on peut se demander s'ils ont un intérêt réel à prendre des sanctions, au moment où ils sont engagés dans de difficiles négociations pour entrer dans l'Union européenne et doivent défendre leur image auprès des Européens ».

Le vote a été immédiatement dénoncé par Ankara. Le gouvernement turc a estimé qu’un « coup sévère » avait été « porté aux relations franco-turques ». « Les relations franco-turques, qui se sont développées au cours des siècles (...) ont été endommagées aujourd'hui par les affirmations fausses et irresponsables de personnalités politiques françaises qui ne voient pas les conséquences politiques de leurs actes », a réagi le ministère turc des Affaires étrangères dans un communiqué. La Commission européenne a également regretté le vote français, estimant que cette loi, dans le cas où elle entrerait en vigueur, « empêcherait le dialogue pour la réconciliation » entre la Turquie et l'Arménie. Pour la Commission, la Turquie, qui ne reconnaît pour l'instant que des « massacres interethniques » en 1915, avait en effet commencé à bouger sur ce dossier en créant une commission d'historiens pour établir la vérité historique sur ce sujet. « Cette loi aurait pour effet de bloquer le débat qui commence », a ajouté la porte-parole du commissaire européen à l'Elargissement, Olli Rehn, selon lequel pour « écrire l'histoire, un débat ouvert et libre » est nécessaire. La Commission s'était aussi agacée de l'initiative du président français Jacques Chirac, qui, lors d'une visite en Arménie il y a deux semaines, avait appelé la Turquie à reconnaître le génocide arménien pour pouvoir entrer dans l'Union européenne (UE).

PREMIÈRE VISITE DE LA CHANCELIÈRE ALLEMANDE EN TURQUIE



Á l'occasion de sa première visite officielle en Turquie en tant que chancelière allemande, Angela Merkel, a, le 5 octobre, déclaré que la Turquie doit respecter ses engagements envers Chypre afin de pouvoir poursuivre ses négociations d'adhésion à l'Union européenne. « La question de Chypre est une condition préalable. Il faut pouvoir régler cette question pour la continuation des pourparlers » d'entrée de la Turquie à l'Union, a-t-elle mis en garde lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. La chancelière, qui assumera la présidence tournante de l'UE au 1er janvier prochain, a sommé Ankara d'appliquer le protocole dit d'Ankara et d'ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions chypriotes. La Turquie a signé ce texte qui étend son union douanière avec l'UE aux dix Etats membres entrés dans l'Union en 2004, dont la partie grecque de Chypre, en juillet 2005. A la veille de la visite de la chancelière allemande en Turquie, Ankara avait, le 4 octobre, annulé la visite d'un groupe de parlementaires européens après le refus de ceux-ci de satisfaire à la demande d'Ankara d'exclure de la délégation un euro-député chypriote. Ces euro-députés avaient prévu de rencontrer le 5 octobre les ministres turcs de l'Environnement, de la Santé, de l'Energie et de l'Agriculture, mais l'ambassade turque à l'Union européenne a exigé que le Chypriote Marios Matsakis -qu'Ankara accuse de propagande anti-turque- soit exclu de la délégation. Les euro-députés ont refusé l’exigence turque et se sont émus du fait que la Turquie veuille leur imposer la composition du groupe parlementaire.

Lors de son voyage en Turquie, Mme Merkel a également rencontré, le 6 octobre, les chef spirituels des communautés juives, musulmanes et chrétiennes à Istanbul, dont le patriarche orthodoxe oecuménique de Constantinople, Batholomée 1er. L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la Turquie. Le volume du commerce entre les deux pays s'est chiffré à 23 milliards de dollars (18 mds d'euros) en 2005. L'Allemagne, qui abrite une grande communauté turque de 2,5 millions de travailleurs immigrés, est le deuxième investisseur en Turquie.

Berlin prendra la présidence tournante de l'Union européenne à partir de janvier 2007 pour six mois. Or, le rapport d'évaluation de la Commission européenne sur la Turquie critique Ankara sur son bilan en matière de droits de l'homme et sur l'échec des négociations avec Chypre. Le rapport annuel, que doit publier le 8 novembre le commissaire européen à l'Elargissement Olli Rehn, ne préconiserait cependant pas une suspension des négociations d'adhésion lancées officiellement en octobre 2005. Á cause de la violation persistante du protocole d'Ankara, de nombreux responsables européens, dont le ministre finlandais des Affaires étrangères, dont le pays assure la présidence tournante de l'Union européenne, ont menacé ces derniers mois la Turquie d'une suspension au moins partielle de ses négociations d'adhésion à l'UE commencées en octobre 2005. Décision qui pourrait être examinée lors du sommet européen de décembre. Pour trouver une solution à la question chypriote, Helsinki a récemment proposé un plan. Le plan d'Helsinki se concentre sur la levée de l'embargo commercial qui frappe la communauté chypriote turque, installée dans la partie nord de l'île divisée depuis 1974. La fin de cet isolement de Chypre du nord est réclamée par Ankara pour laisser entrer dans ses ports et aéroports les navires et avions chypriotes grecs et ainsi respecter ses obligations concernant le protocole dit d'Ankara qui étend son union douanière avec l'UE aux dix Etats membres entrés dans le bloc européen en 2004, dont le sud de Chypre.

Les critiques les plus dures dans le prochain rapport d’étape portent également sur la question de la liberté d'expression et les poursuites judiciaires toujours en cours contre des écrivains pour « insulte à l'identité turque » dans le cadre de l'article 301 du Code pénal. Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan a, le 28 octobre, déclaré qu'il n'avait nullement l'intention d'amender cet article controversé du Code pénal, en dépit des demandes en ce sens de Bruxelles. Le projet de rapport précise en revanche que le nombre de cas de torture est en baisse. Il souligne par ailleurs la forte influence politique que continue d'exercer l'armée et pointe le manque d'indépendance de la justice, la corruption et l'insuffisance de la protection des droits des minorités.

LE MAIRE DE DIYARBAKIR EN PROCÈS DEVANT LA JUSTICE TURQUE



Le maire de Diyarbakir a, le 3 octobre, comparu devant un tribunal local pour des soupçons de « collaboration avec le PKK », risquant jusqu'à 10 ans de prison. Osman Baydemir est poursuivi pour « aide consciente et délibérée à une organisation illégale » en raison de son « attitude » lors d'émeutes survenues l'an dernier dans sa ville. L'édile avait salué le « courage » des jeunes émeutiers kurdes alors qu'il s'efforçait de les ramener à la raison et de mettre un terme aux violences survenues après les obsèques des combattants du PKK tués par l'armée. M. Baydemir avait également affirmé partager la douleur des manifestants après la mort de ces derniers.

A l'ouverture du procès, le maire a rejeté les accusations, estimant qu'il n'avait pas agi de son propre chef mais à la demande du gouvernorat de la province pour calmer les émeutiers. La cour a ajourné le procès à une date ultérieure pour pouvoir entendre plus de témoins.

Les émeutes, qui ont débuté à Diyarbakir en mars avant de s'étendre à d'autres villes de la région et à Istanbul, ont fait au total 16 morts. Les politiciens affiliés, à l'instar de M. Baydemir, à des partis pro-kurdes comme le Parti pour une société démocratique (DTP), sont régulièrement suspectés de soutenir le PKK.

LES MAGISTRATS ARGENTINS RÉCLAMENT UN MANDAT D’ARRÊT INTERNATIONAL CONTRE L’ANCIEN PRÉSIDENT IRANIEN, ALI RAFSANDJANI POUR SON IMPLICATION DANS L’ATTENTAT CONTRE UNE ASSOCIATION JUIVE



Alberto Nisman, le chef d'une équipe de procureurs argentins chargés du dossier sur l’attentat contre une association juive qui avait fait 85 morts en 1994, a, le 25 octobre, déclaré que la décision de commettre l'attentat « a été prise par les plus hautes autorités de la République islamique d'Iran, qui a chargé le Hezbollah de réaliser l'attaque ». Ces magistrats réclament un mandat d'arrêt international à l'encontre des plus hautes autorités du gouvernement iranien de l'époque, dont le président Ali Rafsandjani.

Aucune réaction officielle n'a été rendue publique après la mise en cause directe par ces magistrats des autorités iraniennes de l'époque et du mouvement chiite libanais Hezbollah dans l'attentat qui avait partiellement détruit le siège de l'Association mutuelle israélite argentine (AMIA) en juillet 1994. Un haut-fonctionnaire argentin a expliqué la prudence du gouvernement par la nécessité d'attendre la décision du juge qui doit se prononcer sur le dossier établi par les procureurs, mais, quelle que soit cette décision, la justice argentine a déjà laissé entendre, par la voix du juge Rodolfo Canicoba Corral chargé du dossier, que les chances étaient très minces d'aboutir à des conclusions. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que la justice argentine met en cause l'Iran dans cet attentat, le plus meurtrier jamais commis en Argentine. Le juge Juan Jose Galeano, qui mena l'enquête pendant neuf ans, avait ainsi désigné comme chef d'opération Moshen Rabbani, conseiller culturel de l'ambassade d'Iran à Buenos Aires, avant de se voir retirer l'affaire à cause d'irrégularités. Cette accusation provoqua de fortes tensions entre Buenos Aires et Téhéran, qui arrivèrent à leur comble en 2003 lorsque, sur mandat argentin, la justice britannique arrêta l'ex-ambassadeur iranien en Argentine Hadi Soleimanpour, avant de considérer insuffisantes les preuves et de le remettre en liberté. Les autorités argentines ont été vertement critiquées pour les carences de l'enquête qui n'a jamais permis de retrouver les auteurs de cet attentat meurtrier. Le président argentin Nestor Kirchner, mis sous pression par l'importante communauté juive d'Argentine, forte de 300.000 membres, avait reconnu en 2005 la responsabilité de l'Etat dans ces défaillances successives.

Cette affaire n’est pas sans rappeler l’assassinat par le régime iranien d’Abdul Rahman Ghassemlou, leader du parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) à Vienne le 13 juillet 1989. L’opposant au régime de la République islamique a été tué de deux balles dans la tête avec deux de ses camarades dans un appartement de Vienne par les services iraniens se disant des diplomates. Mohammed Jaffar Sahraroudi, chef adjoint des renseignements (extérieurs) des gardiens de la révolution au Kurdistan iranien, blessé lors de la fusillade, sera libre de quitter l’hôpital où il était soigné pour se réfugier à l’ambassade d’Iran et quitter le territoire autrichien le 22 juillet. Les autorités autrichiennes ont également laissé partir à Téhéran un autre Iranien, un certain Bouzourgian, visé par un mandat d’arrêt finalement levé. Et, le troisième homme, Haji Moustafavi Lajeverdi, rien moins que chef des services secrets (intérieurs) au Kurdistan iranien, a pu quitter librement l’Autriche sans être inquiété.

Le successeur d’Abdul Rahman Ghassemlou, Dr. Sadegh Sharafkandi et ses collaborateurs ont subi le même sort. Le 17 septembre 1992, le Dr. Sadegh Sharafkandi, secrétaire général du Parti Démocratique du Kurdistan d'Iran, et trois de ses collaborateurs ont été froidement abattus dans le restaurant Mykonos à Berlin. Le 10 avril 1997, plus de trois ans après l'ouverture du procès des présumés coupables de l'attentat - un Iranien et quatre Libanais - la cour de Justice de Berlin a rendu son verdict: l'Iranien Kazem Darabi, accusé d'avoir organisé les meurtres sur ordre des services secrets iraniens, et un Libanais du nom d'Abbas Rhayel, accusé d'avoir tiré les coups mortels, ont été condamnés à perpétuité. Deux de leurs complices, les Libanais Youssef Amin et Mohammad Atris, ont été condamnés respectivement à onze ans et à cinq ans et trois mois de prison. Le cinquième accusé, un Libanais du nom d'Atallah Ayad, a été acquitté.

LA BBC LANCERA EN 2008 UNE CHAÎNE DE TÉLÉVISION EN PERSAN



La BBC a, le 10 octobre, annoncé le lancement en 2008 d'une chaîne télévisée en persan à destination de l'Iran, qui viendra compléter ses programmes radio et internet. Cette chaîne devrait voir le jour au début de 2008 et sera basée à Londres. Elle diffusera d'abord des programmes huit heures par jour, sept jours par semaine, de 17h00 à 01h00, horaires où l'audience en Iran est maximale. Elle sera accessible à toute personne dans le pays disposant d'une antenne parabolique pour la réception satellitaire ou ayant accès au câble. Le coût de l'opération, estimé à 15 millions de livres (22,2 millions d'euros) par an, sera supporté par le gouvernement britannique. « La BBC radio persane et les services en ligne sont très respectés par les Iraniens, spécialement par les faiseurs d'opinion », a déclaré le directeur de la BBC World, Nigel Chapman. « En Iran, nous sommes considérés comme le diffuseur international le plus objectif et en qui on a le plus confiance », a-t-il ajouté. « Mais la télévision est de plus en plus dominante dans la façon dont les Iraniens reçoivent leurs informations », a-t-il indiqué. La BBC avait annoncé en octobre 2005 son intention de relancer une chaîne en arabe pour la fin 2007, la mettant en concurrence directe avec des télévisions satellitaires pan-arabes comme Al-Jazeera.

Par ailleurs, un nouveau quotidien proche du camp des réformateurs est apparu le 17 octobre en Iran dans les kiosques avec la participation de journalistes d'une autre publication interdite par les autorités. «Rouzegar n'est pas le remplaçant de Chark, mais sa contribution culturelle fait partie de la campagne en faveur de Chark», a déclaré Mohammad Atrianfar, conseiller éditorial de ce nouveau journal, en faisant allusion au quotidien proscrit par le conseil de contrôle de la presse. Chark a été frappé d'interdit pour avoir refusé de remplacer un de ses directeurs accusés d'avoir publié des blasphèmes et des insultes contre des représentants des autorités. La direction du journal nie ces accusations et veut saisir la justice. La diffusion de Chark était limitée à 130.000 exemplaires, à comparer aux 70 millions d'habitants que compte l'Iran.

UN RAPPORT AMÉRICAIN INDIQUE QUE DES CHYPRIOTES GRECS CAPTURÉS LORS DE L’INVASION TURQUE ONT ÉTÉ UTILISÉS COMME COBAYES DANS DES LABORATOIRES BIOCHIMIQUES DE L’ARMÉE TURQUE



Citant le rapport publié dans le bulletin « Defense and Foreign Affaires strategic Policy », le journal chypriote Cyprus Mail, rapporte le 24 octobre que « durant les années 1984-1988, beaucoup de Chypriotes grecs et de soldats grecs capturés lors de l'invasion (turque en 1974) se sont retrouvés dans les laboratoires biochimiques secrets de l'armée turque » et « Ils ont été utilisés comme cobayes ». Le rapport « a été préparé par des employés qui se sont basés sur des recherches sur le terrain, principalement en Turquie », a expliqué à l'AFP Greg Copley, directeur du groupe « International Strategic Studies Association » auquel est affilié le bulletin auteur du rapport. En outre, les informations se sont « basées sur des livres et des articles de presse de l'époque ainsi que des récits de Kurdes qui se trouvaient sur place », a-t-il indiqué. « Lorsque les informations n'étaient pas documentées, nous ne pouvions qu'utiliser les récits que l'on recueillait de personnes qui connaissaient les installations ».

Le ministre chypriote des Affaires étrangères, George Lillikas, a indiqué que Chypre veut étudier ce rapport avant d'annoncer sa position. Le problème des disparus « est une tragédie pour beaucoup de familles qui souffrent encore plus lorsque de tels rapports sont publiés », a indiqué le ministre, cité par le journal Cyprus Mail. « Nous devons donc être très prudents avant d'annoncer notre position », a-t-il souligné, selon le quotidien. Il a indiqué en outre que le gouvernement attend de recevoir le rapport. Pour sa part, le porte-parole du gouvernement, Christodoulos Pashardis, a affirmé que « le gouvernement prenait très sérieusement en considération les éléments, choquants, du rapport américain sur nos personnes manquantes, mais n'était pas en position de les vérifier ». « Le gouvernement va enquêter sur le contenu de ce rapport très sérieusement et de manière responsable, mais n'a aucune preuve jusqu'ici pouvant confirmer qu'il est fiable », a-t-il précisé. Selon l'ONU, 1.468 Chypriotes grecs et 502 Chypriotes turcs ont disparu lors de violences communautaires, en 1963-64, et de l'invasion de l'île par les troupes turques, en 1974.

LA RUSSIE AFFIRME VOULOIR LIVRER Á LA SYRIE TOUTES LES ARMES NÉCESSAIRES



A l’occasion de la fin de sa mission en Syrie, l’ambassadeur de Russie à Damas a été reçu par les hauts dirigeants syriens et à leur tête le président Bachar Al-Assad. Robert Marcryan, le diplomate russe, qui a occupé ce poste sept ans durant, a, le 4 octobre, tenu une conférence au Centre arabe d’études stratégiques à Damas au cours de laquelle il a analysé les relations stratégiques entre les deux pays et les échanges de plus en plus développés, à tous les niveaux, qui caractérisent la coopération entre Damas et Moscou.

Insistant sur l’importante place géostratégique qu’occupe la Syrie dans la politique de la Russie sur l’échiquier mondial, l’ambassadeur russe a déclaré que son pays est fermement décidé à livrer à la Syrie toutes les armes dont elle aura besoin en quantité et en qualité, autrement dit celles de haute technologie, sans toutefois donner d’autres précisions sur la coopération militaire entre les deux pays.

L’intérêt que porte la Russie au développement de ses relations avec la Syrie et de les hisser davantage se confirme de plus en plus ces derniers temps, en témoigne la décision de Moscou d’éponger dix milliards de dollars de la dette syrienne envers la Russie.

Par ailleurs, le président syrien Bachar al-Assad a promulgué un décret autorisant la création d'une Bourse des valeurs, dans le cadre de mesures visant à édifier une «économie de marché sociale», a-t-on appris hier de source officielle économique. La «Bourse de Damas» ouvrira ses portes en 2007. Elle «renforcera les investissements, aidera à créer de nouveaux emplois. C'est une mesure qui aura un impact positif sur l'économie en général», a, le 2 octobre, estimé le ministre des Finances Mohammad al-Hussein, cité par l'agence Sana. «Elle est extrêmement importante pour le processus des réformes économiques», a poursuivi M. al-Hussein en rappelant la décision du gouvernement de transformer «graduellement» l'économie syrienne encore fortement étatisée en «une économie de marché sociale». La Syrie a commencé à libéraliser son secteur bancaire, en autorisant début 2004 l'installation de banques privées. Mais les investisseurs attendent la poursuite des réformes économiques et administratives.