Le malheur kurde

octobre 1996
CES BLESSURES OUVERTES AU PROCHE-ORIENT

De sanglantes scènes d’émeutes, l’armée israélienne pénétrant dans les régions autonomes en violation des accords d’Oslo, des membres du gouvernement palestinien rossés par la police, des dizaines de morts : jamais depuis l’Intifada, la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem n’avaient connu un tel embrasement. Trois ans après la poignée de mains entre Itzhak Rabin et M. Yasser Arafat, la fragile paix entre Israël et ses voisins arabes est menacée par l’intransigeance et la rigidité du gouvernement de M. Benyamin Nétanyahou. C’est une grave menace pour l’ordre régional difficilement mis en place par les Etats-Unis au lendemain de la guerre du Golfe. D’autant que, dans le Kurdistan de Turquie, l’armée d’Ankara a également engagé une importante opération militaire, et que la récente crise au Kurdistan irakien s’est traduite par un succès pour Bagdad. En effet, grâce à son alliance avec le Parti démocratique du Kurdistan de M. Massoud Barzani, le gouvernement de M. Saddam Hussein a repris pied dans le Nord. Comme le malheur palestinien, le malheur kurde se poursuit...


Par Kendal Nezan
Président de l’Institut kurde de Paris

L’INTERVENTION, le 31 août dernier, de l’armée irakienne à Erbil signe l’échec dramatique de l’expérience d’auto-administration kurde et celui, non moins retentissant, de la politique américaine à l’égard des Kurdes irakiens. L’image consternante du chef kurde Massoud Barzani, appelant à l’aide le bourreau de son peuple, tandis que son rival, M. Jalal Talabani, s’alliait avec l’Iran, autre bête noire de Washington, au lendemain même d’une ultime tentative de médiation du secrétaire d’Etat adjoint américain, M. Robert Pelletreau, illustre d’une manière saisissante ce double fiasco. Survenue en pleine campagne électorale américaine, l’incursion de l’armée irakienne dans le nord du pays a suscité une riposte des Etats-Unis, mais ni la quarantaine de missiles lancés sur quelques sites militaires dans le Sud ni l’extension de la zone d’exclusion aérienne du 32e au 33e parallèle n’ont pu modifier la situation sur le terrain. Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), soutenu par Bagdad, a chassé en une semaine les forces de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) de M. Jalal Talabani de ses fiefs d’Erbil et de Souleimanieh et pris le contrôle de l’ensemble de la « zone de protection » kurde. Le fragile Congrès national irakien, mis en place et financé par>Washington en vue de regrouper les diverses formations de l’opposition pro-occidentale au régime du président Saddam Hussein, a volé en éclats. Le Pentagone a dû évacuer en urgence, via la Turquie, environ 2 500 personnes ayant collaboré avec les divers organismes militaires et civils américains. Dans cette nouvelle épreuve de force, Washington se retrouve singulièrement isolé. Même ses obligés régionaux, comme la Turquie et l’Arabie saoudite, refusent de coopérer, tandis que la France et la Russie critiquent l’action américaine. La coalition alliée, forgée lors de la guerre du Golfe pour libérer le Koweït, semble de plus en plus réduite à son axe anglo-saxon, tandis que le maître de Bagdad fait la démonstration qu’on l’a un peu trop vite enterré, qu’il dispose toujours d’une armée puissante et que le temps travaille pour lui. En créant, en avril 1991, à travers la résolution 688 de l’ONU adoptée à l’initiative de la France, une zone de protection dans le nord de l’Irak et en décidant d’en garantir la sécurité par des patrouilles aériennes communes au nord du 36e parallèle, les trois pays occidentaux Etats-Unis, France et Grande-Bretagne alliés dans l’opération « Provide Comfort » avaient permis aux deux millions de civils kurdes réfugiés en Iran et en Turquie de regagner leurs foyers. Cette opération humanitaire n’a cependant pas été accompagnée d’une volonté politique de donner à la population naufragée les moyens financiers de s’administrer, de remettre en marche son économie, de reconstruire son pays dévasté le dictateur irakien y avait rasé 4 500 villages et une vingtaine de villes, détruit le cheptel et l’agriculture. Soucieux de ne pas heurter leur important allié turc viscéralement hostile à toute forme de vie collective kurde organisée, même hors de ses frontières , sensibles aux critiques des pays arabes qui craignaient le démantèlement de l’Irak, les alliés ont abandonné à leur sort les quatre millions de Kurdes de cette zone protégée vaste comme sept fois le Liban. Rescapés de trente années de guerres, les Kurdes irakiens devaient se débrouiller tout seuls dans leur zone, une enclave sans débouché maritime, entourée d’Etats hostiles, soumise à l’embargo international contre l’Irak qui leur interdit d’importer le moindre équipement technique et de concevoir le moindre projet de développement. Cet isolement fut accentué par un blocus interne, décrété en octobre 1991 : Bagdad a retiré tous ses fonctionnaires des provinces kurdes et interdit l’entrée dans celles-ci de l’essence, du fuel et des produits pétroliers. Ainsi, lors de leur retrait du Kurdistan, les troupes irakiennes avaient emporté le disque-système du central téléphonique de Dohuk. Pour rétablir le téléphone dans cette ville de 400 000 habitants, une organisation non gouvernementale (ONG) française a essayé en vain, pendant des mois, d’acheter cette pièce coûtant environ 20 000 francs. Impossible, en raison de l’embargo visant l’Irak... De même, les agences de l’ONU ont rejeté la proposition d’installer une petite raffinerie au Kurdistan, où nombre de puits sont prêts à être exploités : elle aurait coûté le quart du budget annuel consacré par l’ONU à l’achat du fuel à Bagdad et permis aux Kurdes d’être autosuffisants sur le plan énergétique. A quoi s’ajoute le résultat pervers de l’exorbitant taux de change du dollar imposé par Bagdad : chaque fois que les agences de l’ONU dépensaient 100 dollars en Irak, 96 allaient en fait dans les caisses du régime et seulement 4 vers les Kurdes. Dans ce contexte et avec l’aide d’ONG occidentales, les Kurdes ont néanmoins pu reconstruire la majorité de leurs villages détruits, redémarrer l’agriculture, rouvrir leurs écoles et assurer même le fonctionnement de trois universités. Réunis depuis 1988 au sein d’un Front uni, les huit partis politiques en activité se sont entendus sur une loi électorale, et des élections libres ont permis la mise en place, en mai 1992, d’un Parlement et d’un gouvernement régionaux. Arrivé en tête avec 45,2 % des voix et 51 sièges sur 100, le PDK de Barzani cédait un siège à l’UPK, qui en avait obtenu 49, de sorte que les deux principaux partis du pays soient à égalité au Parlement. Et M. Talabani se félicitait de « l’unité indestructible du peuple kurde », jurant qu’il n’y aurait plus jamais de conflit fratricide. Les six autres formations du Front, n’ayant pu franchir la barre des 5 %, n’étaient pas représentées au Parlement. Soucieux de rassurer les Etats voisins, le Parlement kurde s’était prononcé en faveur d’un fédéralisme respectant l’intégrité territoriale de l’Irak. Non content, on le sait (1), de poursuivre sa « sale guerre » contre la guérilla kurde en territoire turc, le gouvernement d’Ankara n’avait pas hésité, à plusieurs reprises, à faire franchir à son armée la frontière irakienne afin d’en détruire les « bases arrière ». Pour ôter à la Turquie tout prétexte d’intervention, les milices kurdes irakiennes avaient délogé par la force, à partir d’octobre 1992, les bases du PKK situées sur son territoire. Malgré des efforts menés pendant près de deux ans, aucun Etat occidental n’a soutenu les nouvelles autorités kurdes. La Turquie poursuivait ses ingérences et 35 000 soldats déferlaient, le 20 mars 1995, sur la zone dite de « protection » pour multiplier, un mois et demi durant, destructions et massacres... Faute de moyens, la jeune administration kurde n’a pas pu mettre sur pied une force de police autonome, ni même payer régulièrement les fonctionnaires assurant les services de base. Les milices des partis, héritées de la période de guérilla, se sont vu confier la tâche d’assurer l’ordre public. Face au développement de la délinquance dans un pays où sévit la misère, où le chômage touche plus de la moitié de la population active, face aux groupes armés islamistes recrutés avec l’argent iranien, face aussi aux menées déstabilisatrices de Bagdad et des Etats voisins, les milices des deux partis kurdes de la coalition ont rapidement augmenté leurs effectifs en se présentant comme le « bras armé » d’un gouvernement n’ayant aucune autorité réelle sur elles. En fait, elles dépendaient de MM. Barzani et Talabani. Or ceux-ci ne faisaient pas partie du gouvernement : les Etats voisins ou les pays occidentaux, qui ne veulent pas reconnaître notre gouvernement, expliquaient-ils en substance, ne nous recevraient pas si nous avions des fonctions officielles. Cette logique et les habitudes du passé ont fait que chacun a canalisé vers son parti les rares aides obtenues grâce à ses contacts à l’extérieur. De plus, les Etats-Unis, qui, dès mai 1991, avaient décidé, par une directive présidentielle confidentielle, de mener des actions de harcèlement du régime irakien, acceptaient volontiers de donner de l’argent pour la formation et l’équipement des milices et des groupes armés de l’opposition irakienne et kurde. Selon toute vraisemblance, les Américains ont dû verser aux deux chefs kurdes une partie des 100 millions de dollars que la CIA aurait dépensés en Irak via le Congrès national irakien basé à Londres et l’Accord national, dont le siège est à Amman (2). Ce programme, qui représentait 10 % de l’effort américain visant à « humilier, harceler et affaiblir Saddam Hussein », a eu pour effet pervers de contribuer au financement d’importantes milices, au point que la Turquie craignait, bien à tort, l’émergence d’une armée kurde. Dans une société fragmentée, dévastée, émergeant de trois décennies de dictature, sans véritable culture de compromis ni corps intermédiaires, le phénomène des milices finit par conduire à la guerre civile, d’autant plus vite que l’administration chargée de gérer la misère, mais dépourvue de moyens, perdait sa crédibilité aux yeux de la population. L’échec étant généralement orphelin, chaque parti rejeta sur l’autre la responsabilité de cette situation, l’accusant de favoritisme ou de détournement de fonds, et les vieux démons de la discorde reprirent du service. A la suite des premiers affrontements survenus en mai 1994, les dirigeants des deux partis semblaient encore disposés à enterrer la hache de guerre, se contentant de déplorer des « dérapages ». Le Parlement fut à nouveau réuni et les deux chefs rivaux présentèrent leurs excuses au peuple et au Parlement pour n’avoir pas pu empêcher les affrontements fratricides. Les délégations des deux partis vinrent ensuite en France, où, grâce au soutien discret de l’Elysée, elles menèrent pendant une semaine des discussions sur toutes les questions en litige. L’accord conclu à l’issue de ces pourparlers prévoyait notamment la dissolution des milices, la mise en place d’une force de police autonome sous l’autorité du gouvernement et la reconnaissance des institutions kurdes par la communauté internationale, en particulier par les Etats assurant l’opération « Provide Comfort ». Informé de cette entente, la Turquie a déclenché une véritable tempête diplomatique et médiatique contre un prétendu danger de création d’un Etat kurde. Pour ne pas mécontenter Ankara, les Etats-Unis et leurs alliés n’ont pas soutenu cet important accord, qui aurait pu empêcher la guerre civile. Au cours d’un entretien à l’Elysée, le 19 septembre 1994, le président François Mitterrand nous confiait sur un ton désabusé : « Les Turcs disent que les Kurdes irakiens veulent créer un Etat, et Washington ne veut pas leur faire de la peine. Les aspirations des Kurdes me semblent légitimes, mais dans cette affaire ni nos alliés ni même mon gouvernement ne me suivraient. Ils ne réalisent pas les risques du pourrissement de la situation. » Ce pourrissement a conduit en décembre 1994 à la reprise des hostilités. L’UPK de Talabani s’est alors emparé d’Erbil, siège du Parlement et du gouvernement kurdes, paralysant de fait ces deux institutions. Au printemps de 1995, devant l’aggravation de la situation, le département d’Etat américain a chargé l’un de ses fonctionnaires d’une mission de médiation entre les factions kurdes, mission qui a abouti à la conclusion d’un cessez-le-feu en août à Drogheda, en Irlande. Le texte prévoyait notamment l’évacuation des forces de l’UPK d’Erbil et la gestion par une commission indépendante des « droits de douane » perçus à la frontière turco-irakienne contrôlée par le PDK. Sa mise en oeuvre nécessitait pour la rétribution des moniteurs la somme dérisoire de 3 millions de dollars le prix de trois missiles Cruise ! , que Washington n’a jamais débloquée, laissant ainsi les chefs kurdes douter du sérieux de la médiation. Engagé, de son côté, dans une lutte d’influence avec les Etats-Unis dans cette région stratégique, l’Iran a également proposé publiquement de jouer les intermédiaires, tout en tentant, de concert avec la Syrie, de faire échouer la « paix américaine ». « Barzaniland » contre « Talabaniland » LA logique de confrontation militaire et les particularismes régionaux ont conduit à la partition de fait du Kurdistan irakien entre, au nord, un « Barzaniland » longeant les frontières turques et, au sud d’Erbil, un « Talabaniland » adossé à l’Iran. La géographie a décidé des alliances. Empêtrés, depuis lors, dans cet engrenage destructeur, les dirigeants kurdes se sont comportés de plus en plus en chefs de faction soucieux de leur clientèle. Après avoir cherché à s’allier à la Turquie, ne serait-ce que pour assurer l’approvisionnement en électricité de son territoire, M. Massoud Barzani a dû y renoncer devant le prix exorbitant d’une telle alliance : en échange, Ankara exigeait une extension de la lutte contre le PKK. Il a alors noué des relations « commerciales » avec Bagdad, qui a accepté de lui fournir, moyennant paiement en dollars, électricité et fuel. Convaincu que, malgré leur rhétorique enflammée contre le maître de Bagdad, les Etats-Unis laisseraient celui-ci en place et qu’ils n’hésiteraient pas, le moment venu, à sacrifier, comme en 1975 (3), les Kurdes sur l’autel de leurs intérêts, M. Barzani s’est engagé dans un « dialogue politique » avec Bagdad. Ce « dialogue » a fini par l’amener, fin août, à ce qu’il considère lui-même comme un « geste désespéré » consistant à lancer un « appel à l’aide face à l’offensive des forces de l’UPK soutenues par l’Iran ». Quant à M. Talabani, qui avait déjà essayé, en plein exode kurde, en 1991, cet impossible dialogue avec le président Saddam Hussein, ponctué d’embrassades télévisées, il a dû « pour nourrir sa population et avoir une porte de sortie vers le monde extérieur » se rapprocher de l’Iran, aux conditions de Téhéran, évidemment. Outre les dithyrambes d’usage à la gloire de l’ayatollah Khomeiny et de la République islamique, il a dû ouvrir son territoire à la brigade Al Badr de l’opposition chiite irakienne et aux gardiens de la révolution. Dernier épisode : fin juillet, une force de 3 000 pasdarans commandés par M. Sahraroudi, l’un des assassins du dirigeant kurde iranien Abdulraman Ghassemlou (4), est entré dans le Kurdistan irakien. Après avoir été accueillis à Suleimanieh, les pasdarans ont traversé sur plus d’une centaine de kilomètres le territoire contrôlé par M. Talabani pour aller bombarder les camps de Kurdes iraniens installés près de Koy-Sanjak. M. Barzani leur ayant interdit de transiter par son territoire, M. Sahraroudi lui a promis un « châtiment exemplaire ». Deux semaines plus tard, le 17 août 1996, l’artillerie à longue portée iranienne a soumis à un pilonnage intensif les localités de Choman et de Hajomran, sur la route stratégique Hamilton, tandis que l’UPK passait à l’offensive sur plusieurs fronts. La trêve était rompue à la surprise des Etats-Unis, qui avaient cette fois-ci chargé leur secrétaire d’Etat adjoint, M. Robert Pelletreau, de ramener à la raison les deux chefs kurdes. Se disant encerclé par la coalition des forces de l’UPK et de l’Iran, M. Barzani a d’abord sollicité l’aide urgente des Etats-Unis, puis face au refus de Washington, il a écrit le 2 août dernier à M. Saddam Hussein pour demander son aide « pour contrer l’invasion de l’Iran et de ses alliés de l’UPK ». La guerre civile, qui sévissait de façon intermittente dans le Kurdistan irakien depuis mai 1994 et qui avait déjà fait plus de deux mille morts, ne pouvait alors que reprendre sur une grande échelle. Elle s’est conclue provisoirement par la victoire du PDK. Grâce à son alliance avec Bagdad, celui-ci a pu se rendre maître de l’ensemble des trois provinces formant le territoire autonome kurde. L’Iran n’est pas venu au secours de M. Talabani, préférant sans doute voir celui-ci à genoux pour mieux lui imposer ses conditions. Fort de son succès et cherchant à réparer les dégâts, M. Massoud Barzani a promis l’organisation « avant la fin de 1996 » d’élections générales, l’amnistie à tous ceux qui ont été impliqués dans la guerre civile, M. Jalal Talabani compris, et la liberté pour tous les partis de s’organiser, à condition de ne pas former de milices armées. Il a affirmé aussi son indépendance à l’égard de Bagdad, « malgré une alliance provisoire pour une opération limitée », et déclaré ne vouloir s’associer avec l’Irak que dans le cadre d’une fédération. Il a écrit au président William Clinton une lettre en ce sens, demandé la poursuite de la protection américaine et alliée contre les attaques irakiennes confirmée par des garanties écrites et la fourniture d’armes lourdes lui permettant d’assurer son indépendance face à Bagdad. Répondant à sa demande, Washington a dépêché M. Robert Pellettreau pour le rencontrer, le 18 septembre 1996, en Turquie. Par ailleurs, à Ankara, M. Barzani s’est engagé à garantir la sécurité de l’oléoduc et des routes commerciales traversant son territoire et à assurer une large protection de la minorté turcomane à l’administration régionale. « Je demande, a-t-il ajouté, la reconnaissance par la Turquie et par les alliés d’un Etat fédéral kurde. »> Entre-temps, pour marquer la normalisation progressive, le Parlement kurde s’est réuni à Erbil en présence de soixante-neuf députés. Il a chargé l’ancien vice-premier ministre, M. Roznouri Shawesh (PDK), de former un nouveau cabinet, jusque-là dirigé par un membre de l’UPK. Une délégation s’est rendue en Iran pour y rencontrer M. Talabani et le persuader de renoncer à se lancer dans des actions de guérilla et de revenir au Kurdistan. Ces initiatives auront du mal à redonner aux Kurdes irakiens confiance et espoir dans leur avenir. Lasse de trente années de guerres, suivies de cinq années d’incertitudes, la population kurde semble sans illusions sur ses dirigeants discrédités et sur les pays occidentaux. Elle paraît résignée à s’abandonner à ceux qui pourraient lui apporter paix et nourriture, à défaut d’une liberté rêvée mais inaccessible. Le malheur kurde est loin d’être fini.

 

 


(1) Lire Kendal Nezan, « Dernier quart d’heure pour l’armée turque », et Jean-François Perouse, « Terre brûlée au Kurdistan », dans « Conflits fin de siècle », Manière de voir, no 29, février 1996.

(2) Cf. The Washington Post, 16 septembre 1996.

(3) Signé le 6 mars 1975 par l’Irak et l’Iran, encouragés par les Etats-Unis, l’accord d’Alger mettait fin au différend frontalier entre les deux pays et entraînait l’arrêt de toute aide iranienne à la rébellion kurde en Irak, qui s’effondrait en quelques semaines.

(4) Secrétaire général du Parti démocratique kurde d’Iran, le docteur Abdoul Rahman Ghassemlou fut assassiné le 13 août 1989, à Vienne (Autriche), par des agents du régime iranien.

octobre 1996 - Pages 1, 18 et 19
http://www.monde-diplomatique.fr/1996/10/NEZAN/7314