KENDAL NEZAN : " UNE OCCASION DE FAIRE LA PAIX A ÉTÉ MANQUÉE "

 30.06.1999


Président de l’Institut kurde de Paris, Kendal Nezan répond à nos questions sur la condamnation d’Abdullah Öcalan.

Comment réagissez-vous au verdict ?

Kendal Nezan. Je ne suis pas surpris que, dans un pays qui a 10.000 prisonniers politiques, où un intellectuel comme le professeur Ismaïl Besikci est condamné à 200 ans de prison pour délit d’opinion et des députés à 15 ans d’emprisonnement, le chef d’une insurrection armée soit condamné à mort. Ce verdict était prévu et annoncé. Mais je suis extrêmement triste qu’une occasion de tourner la page de tant d’années de violences ait été manquée, et cela par manque de mobilisation internationale. Öcalan était vraiment en mesure de mettre fin à la lutte armée au Kurdistan contre une reconnaissance des droits culturels de la population kurde et l’enseignement du kurde dans les écoles. La communauté internationale aurait pu faire pression pour éviter cette condamnation. C’était un prix modeste à payer quand on pense à tout ce qui a été fait pour l’autonomie de 1,8 million de Kosovars. En Turquie, 15 millions de Kurdes ne demandent rien d’autre que l’autonomie culturelle.

Pourquoi, selon vous, la Turquie a-t-elle laissé passer cette chance ?

Kendal Nezan. J’ai le sentiment que l’armée turque a besoin de cette guerre avec le PKK pour maintenir sa mainmise sur le pays, continuer sa modernisation et ses achats d’armements, et achever la dispersion des Kurdes pour éradiquer le problème.

L’Europe ne peut-elle pas encore réagir ?

Kendal Nezan. Je crois que des voix s’élèvent en Europe contre ce verdict. Mais j’ai peur que ces voix ne soient ni assez unies ni assez fermes pour être entendus par la Turquie. L’Europe aurait pourtant intérêt à convaincre les États-Unis que ce conflit n’a que trop duré. D’autant plus qu’il pose de graves problèmes de paix intérieure en Europe même. À cela s’ajoute une décrédibilisation de l’OTAN qui, pour ses cinquante ans, a inscrit dans sa nouvelle charte l’action pour le respect des minorités. Et on laisse la Turquie, membre de l’OTAN, se comporter comme elle le fait à l’égard de Kurdes !

Propos recueillis par F. G.-R.
http://www.humanite.presse.fr/journal/1999-06-30/1999-06-30-292250