Hommage à Nelson Mandela défenseur de la cause kurde

mis à jour le Mardi 10 decembre 2013 à 18h13

Institut kurde de Paris | Par Kendal Nezan

La disparition de Nelson Mandela a suscité une grande émotion au Kurdistan où on se souvient avec gratitude de ses prises de position en faveur du peuple kurde dans les années 1990.

J’ai eu le privilège et l’honneur de le rencontrer lors de sa toute première visite en France en juin 1990 à la Fondation France-Libertés de Danielle Mitterrand. En réponse à ses questions, je lui ai brièvement présenté le sort des Kurdes sans abuser de son temps, conscient qu’après 27 ans de captivité il avait bien d’autres préoccupations.

Cependant, au-delà de la courtoisie et de la simple curiosité, il m’a semblé soucieux de s’enquérir de l’évolution du monde qu’il n’avait pu suivre pendant ses décennies d’isolement. Il m’a convié à le tenir informé de la situation des Kurdes. C’est ce que Danielle Mitterrand et moi-même avons essayé de faire régulièrement.

Sa femme, Winnie, que nous avions rencontrée à plusieurs reprises à Paris et sensibilisé à la question kurde avait, en 1988, signé une pétition internationale pour la défense de la langue et de la culture kurdes alors interdites en Turquie.

En mai 1992, le gouvernement turc, pour redorer son image ternie par les horreurs de la guerre du Kurdistan, a décidé de décerner à Nelson Mandela le « Prix International Ataturk de la Paix ». Nous lui avons écrit pour l’informer qu’en son temps Ataturk avait déporté et massacré les Kurdes, interdit jusqu’à l’usage oral de leur langue et que le gouvernement actuel de la Turquie était engagé dans une guerre dévastatrice contre la population kurde. Quelques jours plus tard, Mandela fit annoncer par son porte-parole qu’il refusait le prix Ataturk « en raison de la persécution du peuple kurde en Turquie ».

Ce refus lui valut une virulente campagne dans la presse turque. « Terroriste », « Sale Africain », « Ingrat », « Mufle », « Ignorant » sont les épithètes les plus fréquemment utilisées par les éditorialistes des grands média turcs dont certains allèrent jusqu’à affirmer que le refus serait dû à la dotation financière insuffisante du prix.

Evoquant au nom de son gouvernement ce « problème triste », le premier ministre Demirel s’était voulu plus serein : « C’est un événement infortuné. Pour montrer que nous n’étions pas racistes et que nous nous attachions aux droits de l’homme, nous avons voulu l’honorer. Il a décliné cet honneur. Il doit s’agir d’un malentendu et de l’influence néfaste du lobby kurde ».

Ces commentaires outranciers n’ont fait que renforcer la conviction de Mandela sur la pertinence de sa décision de refus et aiguiser son intérêt pour la cause kurde.

Nous rêvions d’une visite de Mandela au Kurdistan irakien, la seule partie libre du pays kurde. Malheureusement, cela n’a pu se faire en raison des conditions éprouvantes d’un tel déplacement pour un homme de son âge.