Bush et le fantôme de Saddãm

 
C DANS L'AIR - le mercredi 3 janvier 2007

La pendaison de Saddãm Hussein, samedi 30 décembre 2006, après un jugement pour "crimes contre l'humanité", a suscité des réactions diverses au sein de la communauté internationale. L'Europe, rappelant son opposition à la peine de mort, évoque son malaise face aux conditions de l'exécution et au procès bâclé de l'ancien président irakien.
 
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De leur côté, les Etats-Unis, bien que satisfaits de cette "étape importante" pour l'Irak, s'inquiètent également des conséquences de cette exécution. Washington avait d'ailleurs tenté de dissuader le gouvernement irakien de procéder aussi précipitamment à la mise à mort de l'ancien raïs, craignant un regain de violences, notamment à l'encontre des sunnites, minorité privilégiée sous Saddãm Hussein.

Au Moyen-Orient et dans le monde arabe, les réactions se montrent partagées. Hormis l'Iran, le Koweït et Israël, qui saluent ce "juste châtiment", la colère est perceptible. Les musulmans s'offusquent du choix de la date de l'exécution, survenue le jour même de la fête de l'Aïd-el-Kébir. Le Hamas palestinien et la Libye dénoncent quant à eux ce qu'ils décrivent comme "un assassinat politique".

Considéré comme un héros par nombre de Palestiniens, Saddãm Hussein laisse également une image mitigée. Sa pendaison a en effet été filmée et depuis, la vidéo de l'exécution circule largement sur Internet. Des images chocs qui font craindre à de nombreux observateurs l'accession de l'ancien raïs au statut de martyr et de "symbole du nationalisme arabe", à l'instar de Che Guevara à Cuba.

En outre, cette pendaison met fin aux autres poursuites qui étaient engagées contre l'ancien chef de l'Etat, particulièrement concernant le génocide perpétré lors des campagnes militaires Anfal, de 1987 et 1988 : 180 000 kurdes y avaient trouvé la mort. Un crime que le président de la région autonome du Kurdistan, Massoud Barzani, craint de voir tomber dans l'oubli.

Capturé le 13 décembre 2003 par des soldats américains, Saddãm Hussein était considéré comme responsable de la mort de plusieurs centaines de milliers d'Irakiens (essentiellement chiites et kurdes) durant ses trente ans de règne.


INVITES

Antoine Sfeir
Directeur de la rédaction des Cahiers de l'Orient, Antoine Sfeir est aussi président du Centre d'études et de réflexion sur le Proche-Orient et publie La Lettre de Bagdad. Il a dirigé, avec Olivier Roy, Le dictionnaire mondial de l'islamisme et est l'auteur de l'ouvrage Les réseaux d'Allah, les filières islamistes en France et en Europe, édités par Plon en 2002 et 2001. Son dernier livre, Vers l'Orient compliqué, est paru en octobre 2006 aux éditions Grasset. Il a également contribué au Livre noir de Saddãm Hussein, paru chez Oh Editions !, sous la direction de Chris Kutschera.

Kendal Nezan
Président de l'Institut kurde de Paris, Kendal Nezan est spécialiste des problèmes politiques et culturels kurdes. Il se rend d'ailleurs régulièrement au Kurdistan irakien. L'Institut kurde de Paris a publié Génocide en Irak : la campagne d'Anfal contre les Kurdes, aux éditions Karthala. L'ouvrage revient sur le massacre de cette population entre mars et septembre 1988.

Emmanuel Ludot
Avocat aux barreaux de Reims et de Paris, Emmanuel Ludot étaitt membre du comité de défense des avocats de Saddãm Hussein, mandaté par la famille de l'ancien président irakien.

François Clémenceau (en duplex de Washington)
Correspondant pour "C dans l'air".