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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 94

23/4/1998

  1. LE VAL D'AOSTE DÉCERNE À LEYLA ZANA SON LE PRIX DE LA FEMME DE L'ANNÉE 1998
  2. CLAUDIA ROTH A ÉTÉ EMPECHÉE DE RENDRE VISITE À LEYLA ZANA
  3. LE MAIRE ISLAMISTE D'ISTANBUL CONDAMNÉ À 10 MOIS DE PRISON
  4. LE PARLEMENT TURC DÉCIDE DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA FORTUNE DE MME ÇILLER
  5. VIVE TENSION DANS LES RELATIONS D'ANKARA AVEC LE PKK IRAKIEN
  6. PLUS DE 1500 EXÉCUTIONS POLITIQUES EN IRAK EN 1997
  7. 5 ANS ET DEMI DE PRISON POUR AVOIR TORTURÉ À MORT UN ÉTUDIANT
  8. VISITE DE WILLIAM COHEN EN TURQUIE
  9. L'ARMÉE TURQUE VEUT MODERNISER SES CHARS DE COMBAT


LE VAL D'AOSTE DÉCERNE À LEYLA ZANA SON LE PRIX DE LA FEMME DE L'ANNÉE 1998


·Le Conseil régional du Val d'Aoste a remis samedi 18 avril 1998, au cours d'une cérémonie réunissant des personnalités du monde de la culture, de la science et de la presse, le Prix de la Femme de l'Année à Leyla Zana. Le jury, présidé par François Stévenin, président du Conseil régional du Val d'Aoste a motivé sa décision unanime par ces mots: "Première femme kurde élue députée de toute l'histoire de la Turquie, a renoncé au bien le plus fondamental de l'homme, la liberté, pour défendre son peuple. Condamnée et incarcérée à la prison d'Ankara, elle est devenue le symbole de la résistance kurde pour la reconnaissance des valeurs démocratiques fondées sur la paix et la justice sociale".

Deux autres candidates, la militante calabraise Mme Teresa Cordopatri dei Capece et la journaliste algérienne Salima Ghezali ont également été distinguées par le prix.

CLAUDIA ROTH A ÉTÉ EMPECHÉE DE RENDRE VISITE À LEYLA ZANA


Mme Claudia Roth, députée du parlement européen et vice-présidente de notre Comité s'est vue refusée l'autorisation de rendre visite à Leyla Zana, emprisonnée à Ankara. "Malheureusement ça s'est passé comme d'habitude () Le ministre des Affaires étrangères Ismail Cem m'avait dit lundi qu'il n'était pas en mesure de transmettre ma requête" a déclaré Mme Roth, qui est à Ankara pour une réunion de la commission parlementaire mixte Turquie-Union Européenne.

LE MAIRE ISLAMISTE D'ISTANBUL CONDAMNÉ À 10 MOIS DE PRISON


Le maire d'Istanbul, Recep Tayyip Erdogan a été condamné par la Cour de Sûreté de l'État de Diyarbakir à 10 mois de prison ferme pour des propos qui constitueraient une "provocation explicite du peuple à la haine par discrimination religieuse, raciale ou régionale". M. Erdogan dans une déclaration publique faite en décembre 1997 dans la ville kurde de Siirt avait dit "les mosquées sont nos casernes, les minarets nos baïonnettes, les coupoles nos casques et les croyants nos soldats". Il s'agit d'extraits d'une poème de Ziya Gökalp, idéologue et père fondateur du nationalisme turc, poème composé il est vrai au début du siècle dans un contexte de lutte contre "les puissances chrétiennes de l'époque". C'est la raison pour laquelle, le procureur de Diyarbakir a demandé l'acquittement du maire d'Istanbul mais la Cour, semi-militaire, sans doute sur instruction de la hiérarchie militaire, a décidé de le condamner dans le dessein de mettre fin à la carrière de cet homme politique populaire dont la gestion semble appréciée par les Stambouliotes. Après avoir décapité le mouvement kurde, les militaires cherchent à décapiter la mouvance islamiste modérée. Si sa peine est confirmée par la Cour de cassation, le maire d'Istanbul, considéré par beaucoup comme futur chef des islamistes en Turquie, sera déchu de son mandat de maire et ne pourra plus se présenter à des élections car selon le code pénal turc, tout citoyen condamné pour "crimes contre l'État" devient inéligible ad vitam.

On sait que Sukru Karatepe, maire islamiste de Kayseri (centre) avait été condamné, sous le même chef d'accusation, à un an de prison en 1997, peine confirmée en appel.

Par ailleurs, la police a procédé à une opération sans précédent dans les milieux d'affaires islamistes à Ankara, Adana, Bursa, Istanbul et Kayseri. Une vingtaine d'arrestations d'hommes d'affaires qui, selon la police, seraient impliqués dans le blanchiment de fonds d'origine frauduleuse et le transfert illégal d'argent à des organisations islamistes, ont été réalisées dans la nuit de lundi 20 à mardi 21 avril, dans le cadre d'une enquête lancée par la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara. Cinq sous-préfets et trois maires islamistes ont déjà été déférés en justice pour menées islamistes dans le cadre des mesures annoncées par M. Yilmaz.

LE PARLEMENT TURC DÉCIDE DE CRÉER UNE COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA FORTUNE DE MME ÇILLER


La motion présentée contre Mme Tansu Ciller, ancien Premier ministre turc, a été adoptée le mardi 21 avril au Parlement turc. Déposée le mois dernier par des députés des trois partis de l'actuelle coalition gouvernementale, la motion demande une enquête sur les biens personnels de l'intéressée. Les partis gouvernementaux affirment qu'elle a acquis illégalement des biens d'une valeur de 2,5 millions de dollars lorsqu'elle était Premier ministre. Une commission parlementaire sera constituée pour enquêter sur la fortune de Mme Çiller. A la suite du rapport de cette commission, qui devra être remis dans les deux mois, l'Assemblée plénière aura à se prononcer sur son sort et en cas d'approbation Mme Çiller sera alors déférée devant la Cour constitutionnelle.

Par ailleurs la commission préparatoire examine une autre requête demandant la levée d'immunité parlementaire des ténors du parti de la Juste Voie (DYP) dont Mme Çiller, Mehmet Agar, Meral Aksener, respectivement vice-premier ministre et ministre de l'Intérieur dans le précédent gouvernement de coalition DYP- Refah (islamiste).

Mme Çiller qui avait échappé de peu, sous le gouvernement à dominante islamiste, à trois motions parlementaires l'accusant de corruption, dément toutes les accusations portées contre elle et parle d'un réglement de comptes politiques.

VIVE TENSION DANS LES RELATIONS D'ANKARA AVEC LE PKK IRAKIEN


Le kidnapping de Semdin Sakik au Kurdistan irakien par l'armée turque continue de susciter des remous dans la région. Humilié, le Parti Démocratique du Kurdistan irakien (PDK) de M. Barzani s'en prend avec véhémence aux autorités turques. Après la démarche de son représentant à Ankara auprès du ministère turc des Affaires étrangères pour protester contre "le caractère inadmissible de cette opération", le numéro 2 du PDK, Neçirvan Barzani, dans une longue interview publiée dans le Turkish Daily News du 16 avril, parle d'un "acte de vol qui nuira sérieusement" aux relations de son parti avec la Turquie. "L'action militaire turque a ruiné les relations chaleureuses basées sur la confiance mutuelle existant entre la Turquie et le PDK" a-t-il souligné avant de demander: "Cela valait-il la peine de ruiner ainsi nos relations?". Il ajoute: "Beaucoup de militants du PKK se sont rendus au PDK. Semdin Sakik était l'une des dernières figures du PKK à se rendre au PDK. Selon nos sources de renseignement il y avait plusieurs autres personnes du PKK à des niveaux variés dans la chaîne de commandement qui voulaient se rendre. La reddition de Sakik était une période d'essai pour tous ces défecteurs futurs. Ils voulaient voir si Sakik allait rester dans des mains sûres. Maintenant qu'ils ont vu ce qui est arrivé, personne dans le PKK n'osera plus nous approcher".

Selon Barzani le kidnapping de Sakik "servira les intérêts du PKK et préviendra l'éclatement possible de cette organisation". Affirmant que son parti est en train de "réexaminer nos relations avec la Turquie" qui "ont été profondément blessées par cette affaire", le responsable kurde irakien dénonce aussi "les fanfaronnades turques" autour de cet enlèvement: "ils (les hélicoptères turcs) viennent dans notre territoire et se posent. Nos gens ont pour instructions de ne pas tirer sur eux. Dès lors, présenter ce kidnapping comme une opération militaire extraordinaire n'a vraiment pas de sens. Cela ressemble davantage à un film hollywoodien bon marché () Si les gens en Turquie estiment que nos relations sont basées sur le nombre de gens du PKK que nous aurons tués ou capturés, ils se trompent. Nous ne sommes pas vos protecteurs du village (Ndt. milice pro-gouvernementale). Nos relations doivent être basées sur le respect mutuel. Elles ne doivent pas être basées sur l'enlèvement des gens chez nous pour nous embarrasser". Enfin Barzani évoque le précédent dangereux créé par cette action militaire turque: "l'Iran se plaint toujours des dirigeants kurdes iraniens qui ont fui en Irak du Nord et les réclame. Nous refusons de le faire et les dirigeants iraniens en représailles ferment les bureaux du PDK en Iran et arrêtent nos gens. Nous avons 18 responsables du PDK dans les prisons iraniennes à cause de cela".

Les commentaires de la presse turque autour du kidnapping de Sakik soulignent surtout l'ignorance dans laquelle les militaires ont tenu le gouvernement dans cette affaire. Les ministres et le Premier ministre ont appris l'enlèvement par les médias diffusant le communiqué militaire. Réagissant à ces critiques, le ministre de l'Intérieur Ismet Sezgin a eu cette formule: "Il n'est pas nécessaire que tout le monde soit informé de tout". Quelques journalistes écrivent que l'armée par cette opération a voulu étouffer dans l'uf la tentative de création d'une faction politico-militaire dirigée par Sakik qui aurait conduit à la dislocation du PKK. Contrairement à Barzani, qui avait tablé sur cette option, les militaires turcs ne souhaitent apparemment pas la dislocation ou la disparition du PKK qui est pour eux "un ennemi en or" avancent certains commentateurs tandis que le politologue Dogu Ergil se demande dans le TDN du 20 avril si ce kidnapping hâtif ne vise pas également à empêcher Sakik de faire des révélations sur les liens financiers entre le PKK et certains responsables turcs corrompus. "Si une telle information était divulguée toute la légitimité de la méthode actuelle de traiter le problème kurde et les pertes humaines s'effondrerait" affirme-t-il.

Certains journaux turcs estiment que la capture de Sakik aura des répercussions régionales dans la mesure où il pourrait faire des révélations "sur les camps d'entraînement du PKK en Syrie, en Iran, en Grèce, en Arménie et en Chypre du Sud". A suivre donc

PLUS DE 1500 EXÉCUTIONS POLITIQUES EN IRAK EN 1997


Selon Max van der Stoel, rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, réunie à Genève, plus de 1500 exécutions extrajudiciaires répondant à des motivations politiques ont eu lieu en 1997 en Irak. Non admis sur le territoire irakien depuis 1992, le rapporteur spécial appuie son enquête sur les informations recueillies par deux spécialistes des droits de l'homme en février dernier en Turquie auprès des réfugiés et d'autres personnes pouvant représenter des sources intéressantes à leur arrivée d'Irak.

Dans le rapport, il est fait état de "l'exécution massive de centaines de prisonniers" dont la plupart en novembre et en décembre dernier lors de la campagne de purification des prisons qui a frappé des détenus condamnés soit à la peine capitale soit à un minimum de quinze ans de détention. Les proches souhaitant récupérer leurs corps ont dû rembourser le prix de la balle utilisée qui leur a donné la mort. Le rapporteur signale des cas d'exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires de personnes soupçonnées d'être hostiles au gouvernement et mentionne également des listes de personnes exécutées pour complot ou tentative d'attenter à la vie d'un responsable du régime. Une liste de 145 prisonniers qui auraient été victimes de la campagne de purification comprend des membres du parti Da'wa, de l'Union patriotique du Kurdistan, du Conseil national irakien et du Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak. Le rapport reproche aussi aux autorités les déplacements forcés de populations turkmène et kurde et de multiples atteintes aux droits fondamentaux, concluant que "la situation a plutôt empiré en 1997". C'est l'aggravation de la situation sur place qui est à l'origine de l'afflux des réfugiés irakiens en Turquie et en Europe.

5 ANS ET DEMI DE PRISON POUR AVOIR TORTURÉ À MORT UN ÉTUDIANT


Le Tribunal d'Aydin a condamné mardi 21 avril 1998 six policiers turcs pour avoir fait subir il y a cinq ans à Baki Erdogan, âgé de 21 ans, étudiant accusé d'appartenir à une organisation de gauche interdite, des tortures ayant entraîné sa mort. Arrêté à Aydin en août 1993, il a été tué dix jours plus tard dans le centre de détention de la police.

VISITE DE WILLIAM COHEN EN TURQUIE


William Cohen, secrétaire américain à la Défense, accompagné de Marc Grossman, assistant du secrétaire d'Etat pour les affaires européennes et canadiennes, sont arrivés vendredi 17 avril en Turquie pour une tournée qui le conduira également en Jordanie, en Égypte, en Israël et en Grèce.

Les relations bilatérales entre les États-Unis et la Turquie, ainsi que les différends avec la Grèce- toutes deux membres de l'OTAN- à propos notamment de Chypre et des missiles russes commandés par Nicosie qui suscitent la colère et l'inquiétude d'Ankara, étaient à l'ordre du jour.

Par ailleurs, l'agenda du M. Cohen comprenait d'autres discussions non moins importantes; le projet turc d'acquisition des F-15, son programme d'achat d'hélicoptères d'assaut pour un montant de $3,5 milliards, son projet de fabrication d'au moins 800 tanks pour un contrat de $4,5 milliards et la question des frégates en supplément des trois premières Perry-class.

Le secrétaire américain s'est également rendu samedi 18 à la base d'Incirlik auprès des troupes américaines participant à l'opération "Northern Watch" de surveillance de la zone d'exclusion aérienne dans le nord de l'Irak. Il a déclaré que l'Irak n'obtiendra "pas d'allégement" des sanctions de l'ONU tant qu'il ne fournira pas la preuve de la destruction de ses stocks d'armes chimiques et bactériologiques.

L'ARMÉE TURQUE VEUT MODERNISER SES CHARS DE COMBAT


La Turquie projette de lancer cette année un appel d'offres international pour moderniser ses vieux chars de combat M60 de fabrication américaine, un contrat atteignant plus de $500 millions. Des firmes américaine, israélienne et européennes s'intéressent de près à ce marché.

En plus de la modernisation de ses M60, la Turquie a l'intention de fabriquer quelque 1000 chars de combat avec une firme qui reste à choisir et pour un montant de $5 milliards.

La Turquie, qui a la plus grande armée au sein de l'OTAN après les États-Unis, projette de dépenser quelque $31 milliards sur les dix prochaines années pour moderniser son armée. Parmi ses grands projets figurent la production locale avec des partenaires étrangers de 145 hélicoptères d'assaut pour $3,5 milliards et l'éventuelle acquisition de chasseurs bombardiers américains F-15.