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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 7

6/9/1995

  1. LE PRIX DES DROITS DE L'HOMME DE LA VILLE D'AIX-LA-CHAPELLE DÉCERNÉ À LEYLA ZANA
  2. LES KURDES DE TURQUIE DEMANDENT UNE SOLUTION POLITIQUE À LEUR PROBLÈME DANS LE CADRE DES FRONTIÈRES EXISTANTES
  3. UN APPEL DES INTELLECTUELS POUR LA PAIX À L'OCCASION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
  4. FERMETURE DU JOURNAL YENI POLITIKA ET ASSASSINAT D'UN DE SES CORRESPONDANTS
  5. FIN DE LA GRÈVE DE LA FAIM DES PRISONNIERS POLITIQUES KURDES
  6. SIRRI SAKIK LIBÉRÉ


LE PRIX DES DROITS DE L'HOMME DE LA VILLE D'AIX-LA-CHAPELLE DÉCERNÉ À LEYLA ZANA


Lors d'une cérémonie officielle à la mairie d'Aix-la-Chapelle, en présence du maire, d'un avocat de Mme. Zana, de son fils, du directeur du C.I.L.D.E.K.T et de nombreuses personnalités le Prix International des Droits de l'Homme, outre le Lauréat national, a été remis à Me. Alatas, avocat de Mme. Zana. Ensuite, une manifestation, qui a emprunté les artères principales de la ville à l'occasion de la Journée internationale de la Paix s'est terminée par des discours où les différents participants qui ont pris la parole ont salué le rôle joué par Mme. Zana pour l'avancement de la paix et la démocratie dans son pays. Mme. Carole Sterne, présidente d'honneur du Pen-club allemand, a particulièrement mis l'accent sur le courage de Mme. Zana et de ses collègues parlementaires emprisonnés qui paient, au prix de leur liberté, le fait d'avoir dénoncé la guerre, le bain de sang, la destruction des villages et des forêts au Kurdistan turc et qui prônent pour qu'une solution politique, juste et équitable, soit trouvée à la question kurde. Lecture a été donnée des messages émouvants de Mme. Zana et de Mm. Mitterrand. La cérémonie de la remise du Prix a fait la "Une" des journaux régionaux.

LES KURDES DE TURQUIE DEMANDENT UNE SOLUTION POLITIQUE À LEUR PROBLÈME DANS LE CADRE DES FRONTIÈRES EXISTANTES


C'est en tout cas la conclusion que tire un rapport intitulé "Le problème du Sud-Est: diagnostics et observations", rendu public le 3 août, publié par l'Association des Chambres de Commerce et de Bourses de Turquie (TOBB) qui compte 700 000 membres. TOBB, organisation patronale officielle et de tendance conservatrice dont le président, M. Yalin EREZ, est un proche du premier ministre Mme Tansu Çiller. Les résultats de ce rapport sont basés sur une enquête conduite par le professeur Dogu ERGIL auprès d'un échantillon de 1267 personnes habitant six villes dont trois situées dans les régions proprement kurdes: Batman, Mardin et Diyarbekir, et trois autres villes à forte émigration kurde, sur la Méditerranée: Mersin, Adana et Antalya. Ce rapport, depuis sa publication, le 3 août, alimente un intense débat public qui fait et fera probablement la "Une" des journaux turcs durant les semaines à venir. La raison en est simple: c'est la première fois depuis la création de l'État turc qu'on demande aux Kurdes, fût-ce par le biais d'une enquête, leur avis sur des problèmes les concernant ! 90,8% des personnes sondées se disent éthniquement kurdes et de dialecte kurmanci; 5,6% de dialecte zaza, le reste étant des Chrétiens ou des Arabes; seulement 0,007% se disent de langue maternelle turque. A la question: quelle langue est utilisée dans la vie quotidienne; 65,1% ont répondu le Kurde et 15,1% le Turc. Par ailleurs, 34,8% des sondés ont répondu qu'ils avaient un proche parent militant dans les rangs du PKK. Reste toutefois qu'ils ont une perception différente de celle des autorités car 75% d'entre eux ne revendiquent pas l'établissement d'un État kurde ; ils se prononcent en faveur d'une solution dans le cadre des frontières existantes: par la reconnaissance de l'identité kurde et la mise en place d'une structure politique assortie de mesures législatives. 18% des personnes interrogées trouvent que l'État, dans son approche de la question kurde, use de la force et de la répression, tandis que 10% trouvent que les méthodes terroristes de l'État sont identiques à celles du PKK. L'enquête démontre que l'émigration forcée due à la guerre dans les régions kurdes n'a fait que radicaliser les émigrés kurdes nouvellement installés dans les trois villes de la Méditerranée car, 46,7% des personnes interrogées dans ces trois villes approuvent la politique et les méthodes actuelles du PKK. Les chercheurs chargés de l'enquête suggèrent dans leur conclusion que " l'objectif premier (de l'État) doit être le développement de la région afin d'élever le niveau de la population dans un environnement sain mettant ainsi un terme à l'émigration. Des réformes sociales, culturelles et éducationnelles doivent être entreprises afin d'assurer à l'individu les mécanismes de contrôle traditionnel. Tous programmes et organisations politiques ne prônant pas le séparatisme doivent être tolérés et encouragés. Si ces mesures ne sont pas entreprises, l'Est sombrera dans la guerre et le sous-développement."

UN APPEL DES INTELLECTUELS POUR LA PAIX À L'OCCASION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX


Appel signé notamment par le romancier Yasar Kemal, M. Melik Firat, député, M. Munir Ceylan, ancien président du Syndicat ouvrier Petrol-Is et M. Ercan, vice-président de l'association turque des Droits de l'Homme. Les auteurs veulent, par leur appel, mettre l'État devant ses responsabilités et informer l'opinion publique sur les désastres causés par la guerre au Kurdistan turc. Cet appel commence par énumérer les conséquences dévastatrices de la guerre " Il y a vingt mille morts, des milliers de villages détruits et évacués, des millions de personnes chassées de leur pays, des forêts brûlées, des terres devenues arides...". Les signataires de l'appel réclament qu'un débat libre soit ouvert sur la question kurde, que ceux qui s'expriment sur cette question ne soient plus arrêtés à cause de leur opinion, que la guerre cesse et que les autorités abandonnent d'urgence leur politique militariste et enfin que le l'état d'urgence soit aboli dans les provinces kurdes et qu'une amnistie générale soit décrétée. En désignant l'État comme source du problème à cause de "sa conception et de sa mentalité", les signataires invitent tout le monde à soutenir leur appel et demandent que " l'État reconnaisse aux Kurdes leurs droits et leur identité et fasse des pas vers une solution démocratique. L'avenir et le bonheur libres de notre société, avec ses Kurdes, Turcs et d'autres peuples passent par la défense de nos cultures communes, la reconnaissance et le respect réciproques des identités." Dans le droit fil de cet appel des intellectuels, le 1er septembre à l'initiative de nombreuses organisations et personnalités kurdes et turques diverses manifestations ont eu lieu en Turquie. A Istanbul plusieurs milliers de manifestants ont défilé pour réclamer une "paix immédiate". Au cours d'un meeting, le romancier Orhan Pamuk, la vice-présidente du CILDEKT Claudia Roth et Akin Birdal, président de l'Association turque des Droits de l'Homme, ont fait des interventions vibrantes en faveur de la paix et d'une cohabitation pacifique des Kurdes et des Turcs en Turquie. Des chanteurs ont chanté en kurde et en turc, en arabe et laz pour souligner la diversité culturelle du pays. L'accolade donnée par la veuve d'un colonel turc récemment tué par le PKK à la soeur d'un jeune guérillero kurde tué par l'armée, leur appel commun ont suscité une forte émotion et des applaudissement nourris de l'assistance.

FERMETURE DU JOURNAL YENI POLITIKA ET ASSASSINAT D'UN DE SES CORRESPONDANTS


Le quotidien pro-kurde Yeni Politika a été interdit de facto le 16 août sur décision du 5ème tribunal correctionnel d'Istanbul. La raison officielle avancée par le Tribunal est que ce journal a suivi la même ligne éditoriale que Ozgur Gundem et Ozgur Ulke, deux autres journaux pro-kurdes, respectivement interdits en avril 1994 et en février 1995. Selon l'organisation internationale, Reporters Sans Frontières, depuis le 1er janvier 1995, 33 publications ont fait l'objet d'une mesure de suspension ou de fermeture, 251 éditions de journaux ont été saisies, dont 118 des 127 éditions de Yeni Politika, 79 journalistes ont été interpellés ou arrêtés. Par ailleurs, le correspondant régional de Yeni Politika, basé à Batman, M. Seyfettin Tepe, a été arrêté, le 22 août, avec deux autres collègues dans les bureaux de la rédaction locale, et a été transféré dans une ville voisine, Bitlis, le 26 août. Le soir du 29 août, la police informe sa famille qu'il s'était pendu dans sa cellule avec ses vêtements, sans communiquer le rapport d'autopsie. Version démentie par les frères de M. Tepe et de ses avocats. De nombreuses organisations internationales dont Reporters sans frontières, Human Rights Watch et Amnesty International ont dénoncé ce qu'elles qualifient d'assassinats de sang froid d'un journaliste de l'opposition.

FIN DE LA GRÈVE DE LA FAIM DES PRISONNIERS POLITIQUES KURDES


Cette grève déclenchée le 14 juillet par plusieurs milliers de prisonniers politiques kurdes a pris fin le 20 août. Deux personnes ont décédé au cours de cette action. Aucune organisation humanitaire n'a été autorisée à rendre visite aux prisonniers grévistes de la faim.

SIRRI SAKIK LIBÉRÉ


16 militants kurdes, dont le député de Mus Sirri Sakik, poursuivis pour avoir protesté "en kurde" lors du procès des quatre dirigeants du HADEP, le 6 juillet dernier, ont comparu le 16 août devant la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara. Poursuivis sans aucune preuve pour des délits qui n'existent pas même dans le Code pénal turc, détenus arbitrairement sur un coup de colère du procureur général Nusret Demiral, ces militants kurdes ont tous été libérés. Mais l'affaire n'est close pour autant, la justice turque va continuer les poursuites.