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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 44

24/9/1996

  1. LE PROCÈS DE HADEP REPORTÉ AU 22 NOVEMBRE
  2. ARRESTATION D'UNE GRANDE FIGURE TURQUE DES DROITS DE L'HOMME
  3. L'ÉCRIVAIN YACHAR KEMAL ET SON ÉDITEUR EN SURSIS
  4. UN PRISONNIER KURDE S'IMMOLE PAR LE FEU
  5. UN TRADUCTEUR ET UNE ÉDITRICE POURSUIVIS PAR LA COUR DE SÛRETÉ DE L'ÉTAT D'ISTANBUL
  6. UN JOURNAL PRO-KURDE RONAHÎ INTERDIT DE PARUTION
  7. LE GOUVERNEMENT D'ERBAKAN OBTIENT LA CONFIANCE DU PARLEMENT
  8. LE FILM DOCUMENTAIRE "LEYLA ZANA PASSIONARIA DES KURDES" PRIMÉ
  9. UN NOUVEAU REBONDISSEMENT DANS L'AFFAIRE DES "MEURTRES MYSTÉRIEUX" À HAKKARI


LE PROCÈS DE HADEP REPORTÉ AU 22 NOVEMBRE


Les 17 dirigeants en détention du Parti pro-kurde HADEP ont comparu hier une nouvelle fois devant la Cour de Sûreté de l'État N° 1 d'Ankara. Après 11 libérations des cadres de ce parti le 25 septembre dernier deux autres ont suivi hier. Le cas du Président de HADEP et d'autres dirigeants du Comité directeur du Parti sera réexaminé le 22 novembre prochain.



ARRESTATION D'UNE GRANDE FIGURE TURQUE DES DROITS DE L'HOMME


Le musicien et porte-parole de l'association "Plate-forme de la Liberté d'expression", Sanar Yurdatapan, connu pour son action courageuse en faveur des droits de l'homme et fils d'un général, a été arrêté par la police turque, le vendredi 18 octobre. S. Yurdatapan est inculpé d'"aide à une organisation illégale" par les autorités turques en vertu de l'article 169 du Code pénal turc pour avoir participé à une émission de la télévision pro-kurde Med-TV. Il a été transféré à la prison d'Ankara en attendant son jugement par la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara. L'organisation américaine Human Rights Watch a condamné cette arrestation en la qualifiant d'un "sérieux coup porté à la libre expression en Turquie en violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme dont la Turquie est signataire".



L'ÉCRIVAIN YACHAR KEMAL ET SON ÉDITEUR EN SURSIS


La Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul a ratifié, cette semaine, le verdict condamnant à un an et huit mois le romancier Yachar Kemal et l'éditeur, Erdal Öz, pour son article "Ciel noir sur la Turquie" paru dans ouvrage collectif intitulé "La liberté de pensée". La condamnation a été prononcée en vertu de l'article 312 du Code pénal turc pour "incitation à la haine raciale". L'article 312 est de plus en plus utilisés par les juges turcs en violation du droit à l'expression garanti par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Le directeur de Human Rights Watch, organisation qui a accordé à Yachar Kemal le Prix de Helmann-Hammett des droits de l'homme en mai dernier, a déclaré que "c'est à la fois triste et ridicule que Yachar Kemal et son éditeur ont été condamnés pour délit d'opinion". L'écrivain et son éditeur restent en sursis pour une durée de 5 ans.



UN PRISONNIER KURDE S'IMMOLE PAR LE FEU


Protestant contre le massacre par les forces de sécurité turques de 11 de ses camarades, le 24 septembre dernier à la prison de Diyarbakir, un prisonnier kurde s'est immolé par le feu dans la Prison de Bayrampasa à Istanbul, selon le journal Ozgür Politika du 10 octobre. Après son transfert à l'hôpital de la faculté de Médecine d'Istanbul, il a succombé à la suite de ses blessures.



UN TRADUCTEUR ET UNE ÉDITRICE POURSUIVIS PAR LA COUR DE SÛRETÉ DE L'ÉTAT D'ISTANBUL


Le traducteur, Ertugrul Kürkçü, et l'éditrice, Ayse Nur Zarakoglu, du rapport "Transfert des armes et violations des droits de la guerre en Turquie" publié par l'organisation américaine Human Rights Watch HRW (voire notre bulletin N° 16) sont poursuivis par la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul. Ce rapport dénonçant notamment "l'utilisation massive des armes américaines et européennes par les forces armées turques contre les civils kurdes" a été traduit en turc, en mai 1996, par la maison d'édition Belge dont Mme. Zarakoglu est directrice. Ils sont tous deux poursuivis en vertu de l'article 159/1 du Code pénal turc pour "diffamation et dénonciation de la sécurité de l'État et des forces militaires". HRW a protesté avec force contre la persécution des individus en Turquie à la suite des recherches et rapports établis par une organisation non gouvernementale basée aux États-Unis. Les intéressés poursuivis par la justice turque n'ont aucun rapport institutionnel avec HRW, ils n'ont ni fait des recherches ni écrit le rapport en question. Le directeur en charge du programme d'interdiction d'armes au sein du HRW, M. Joost Hilterman, a déclaré: " Au lieu de poursuivre des messagers, le gouvernement turc devrait punir les responsables des violations au sein des forces de sécurité" et d'ajouter que "les pays fournisseurs d'armes, qui sont massivement utilisées par les forces de sécurité turques dans le conflit du Sud-Est, doivent reconnaître leur responsabilité et arrêter leurs ventes d'équipements militaires, y compris les hélicoptères".



UN JOURNAL PRO-KURDE RONAHÎ INTERDIT DE PARUTION


Un jugement du 2ème Tribunal correctionnel d'Istanbul a banni de parution le journal pro-kurde Ronahî, un des rares périodiques en langue turque couvrant la situation dans le Sud-Est kurde de la Turquie, signale cette publication dans son dernier numéro daté 12-18 octobre. Le motif invoqué par le Tribunal est que " l'adresse du rédacteur en chef, Sinan Gül, de ce journal en question est fausse et contrevient à l'article 10 de la loi 5680 régissant la presse". Toutefois, Ronahî dans son dernier numéro indiquait que l'adresse mentionnée du rédacteur en chef est "correcte" et que c'est "une décision politique" visant "la ligne antimilitariste du journal et interdisant de ce fait un journal qui couvre la guerre du Kurdistan"



LE GOUVERNEMENT D'ERBAKAN OBTIENT LA CONFIANCE DU PARLEMENT


Après le voyage controversé du Premier ministre islamique en Libye et la polémique qu'il a suscitée, une motion de censure a été déposée contre le gouvernement par les trois partis d'opposition. Celle-ci a été soumise au vote le mercredi 16 octobre au Parlement qui l'a repoussée par 275 voix contre 256. L'échec de ce vote contre la politique étrangère du gouvernement peut s'expliquer par le manque de projet politique alternatif par les autres partis de l'échiquier politique turc, d'autant plus que l'ensemble de ces partis se sont déjà essayés au pouvoir sans apporter les remèdes promis à une société en panne et une élite dirigeante en manque d'imagination et de courage politique. D'autre part, la présence d'un "traître laïc" au sein d'un gouvernement à dominante islamique contrarie les plans des autres partis politiques se disant "laïcs" eux aussi. Le "mieux" que ces partis sont en mesure de proposer à l'heure actuelle, c'est de faire appel à l'armée. Mesut Yilmaz, président du parti de la Mère-Patrie, avait par exemple indiqué que des préparatifs de coup d'Etat étaient en cours au sein de l'armée; démenti par l'état-major, il fait marche arrière. Le jeu mené par les deux partenaires de circonstance de la coalition gouvernementale peut être plus subtile. Ils semblent se livrer à un certain partage des tâches. Tansu Çiller, ministre des Affaires étrangères, s'occupe du dossier occidental, tandis que le Premier islamiste Erbakan est en charge des relations avec le monde arabo-musulman. Après son périple en Libye, Iran et Nigeria, il vient de conclure plusieurs contrats juteux avec l'Indonésie, autre pays "musulman frère".



LE FILM DOCUMENTAIRE "LEYLA ZANA PASSIONARIA DES KURDES" PRIMÉ


Le 7ème "Festival de films des peuples minorisés en Europe" qui a eu lieu à Limoges du 18 au 21 octobre a attribué le Prix de solidarité du Jury au film "Leyla Zana Passionaria des Kurdes" produit par CILDKET. Ce film, en 18 minutes, relate le combat de Leyla Zana pour la promotion des droits de l'homme et la coexistence pacifique entre les Kurdes et les Turcs. 30 films ont été envoyés cette année au comité de sélection dont 16 ont été sélectionnés et projetés durant les trois jours de festival. Le film produit par CILDKET est le film qui a suscité le plus d'intérêt auprès des spectateurs, largement couvert par la presse locale, et autour duquel un débat question-réponse a été animé par le directeur du CILDKET. Notons enfin pour les organisations intéressées par ce film que des copies vidéo de ce film, en français et en anglais, peuvent être obtenues auprès de notre Comité.



UN NOUVEAU REBONDISSEMENT DANS L'AFFAIRE DES "MEURTRES MYSTÉRIEUX" À HAKKARI


Les conclusions d'une mission d'enquête conduite par trois parlementaires du Parti Républicain du Peuple (CHP) dans la région de Hakkari au moins de mars dernier (voire notre bulletin N° 28) connaissent un nouveau rebondissement. Le rapport qui avait été communiqué il y a six mois au Président de la République, au Premier ministre, et aux ministères chargés de sécurité (Intérieur et Défense) n'a pas connu de suite et a été classé. Devant la multiplication de "meurtres mystérieux", les députés du CHP ont cru nécessaire de rouvrir ce dossier. Le rapport mettait, en son temps, expressément en cause le chef de la gendarmerie locale, le major Emin Yurdakul. De nouveaux éléments d'enquête font croire qu'une bande dirigée par un repenti du PKK dont le nom serait Kahraman Bilgiç, alias Havargot, serait derrière ces "meurtres mystérieux". Celui-ci disposerait d'un salaire et d'une carte d'officier que la gendarmerie locale ont mis à sa disposition, lui permettant d'opérer et de "nettoyer" tous les "suspects", d'extorquer des fonds, en toute impunité. Les députés dans une déclaration rapportée par le journal Milliyet du 1er octobre, disent notamment: "Il y a un grand cas d'irresponsabilité dans l'affaire de Yüksekova (localité dépendante de Hakkari). Si la lumière avait été faite sur cet incident, nous aurions fait le nécessaire pour punir ceux qui ont négligé leurs responsablités" et que " si le rapport avait été pris au sérieux par les autorités, nombre d'assassinats auraient pu être évités. Mais toute la vérité est évidente à l'heure actuelle". Ils se préparent par ailleurs à porter plainte contre ceux qui ont dissimulé leur rapport et n'ont pas fait leur travail " y compris le Ministre de l'Intérieur de l'époque". Le rapport avait à l'époque mis en colère l'état-major des armées qui dénonçait les députés "pour avoir utilisé un certain nombre d'expressions ingérieuses à l'égard du procureur de la République d'Ankara". Par ailleurs, un officier, Hüseyin Oguz, qui avait donné certaines informations aux membres de la délégation a été dégradé et expulsé de l'armée.