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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 276

19/11/2003

  1. VISITE À ANKARA DE JALAL TALABANI
  2. LES DÉPUTÉS KURDES DEMANDENT LE SOUTIEN DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE POUR UNE SOLUTION PACIFIQUE DE LA QUESTION KURDE EN TURQUIE
  3. LE RAPPORT RÉGULIER 2003 DE L’UNION EUROPÉENNE CONCERNANT LES PROGRÈS RÉALISÉS PAR LA TURQUIE EN VOIE DE L’ADHESION POSE LA QUESTION CHYPRIOTE COMME UN OBSTACLE À L’ADHÉSION ET DEMANDE LA MISE EN OEUVRE EFFECTIVE DES RÉFORMES ANNONCÉES
  4. FACE À LA VIVE RÉACTION DES IRAKIENS ET DES KURDES EN PARTICULIER, ANKARA NE DÉPLOIERA PAS DE SOLDATS EN IRAK
  5. L’ENSEIGNEMENT DU KURDE N’EST TOUJOURS PAS EFFECTIF MALGRÉ LES RÉFORMES ADOPTÉES
  6. LES AFFRONTEMENTS CONTINUENT ENTRE LE PKK ET L’ARMÉE TURQUE TANDIS QUE DES ENFANTS CONTINUENT À ÊTRE VICTIMES DES MINES AU KURDISTAN
  7. LE HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS S’INQUIÈTE DES CONDITIONS D’EXPULSION DES KURDES DE TURQUIE VENUS DEMANDER L’ASILE À L’AUSTRALIE
  8. LE PKK RENOMMÉ LE KADEK IL Y A PEU S’AUTO-DISSOUT À NOUVEAU ET SE BAPTISE LE CONGRÈS DU PEUPLE DU KURDISTAN (KONGRA-GEL)


VISITE À ANKARA DE JALAL TALABANI


L'actuel président du Conseil de gouvernement irakien, le leader kurde Jalal Talabani, est arrivé le 19 novembre à Ankara accompagné d’une délégation de 45 membres composés d’une dizaine de responsables du conseil de gouvernement et six ministres dont le ministre des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari. Il a été accueilli à l’aéroport Esenboga d’Ankara tel un chef d’Etat par le coordinateur pour l’Irak auprès du ministère des Affaires étrangères, Osman Koruturk et l’ambassadeur turc à Bagdad, Osman Paksut. D’anciens députés du parti de la Démocratie (DEP), Sirri Sakik et Ahmet Turk, de même que Feridun Yazar, ancien maire d’Urfa et autres responsables des partis pro-kurdes étaient également à l’aéroport pour l’accueillir.

Jalal Talabani a été aussitôt reçu par le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, pour un entretien d’une heure et quart portant aussi bien sur la sécurité et les camps du PKK en Irak, que la nature du futur Etat irakien et les marchés publics irakiens dont les Turcs veulent bénéficier dans le cadre de la reconstruction. “ Plus de 150 partis ont été créés en Irak et nous ne permettrons à aucun d’entre eux de se comporter comme des ennemis contre la Turquie… Ce sont les Etats-Unis qui sont compétents pour répondre de la question des camps du PKK en Irak et du camp des réfugiés à Maxmur… Nous n’avons pas de pouvoir sur cela. Les Américains veulent les faire déposer les armes, mais fin 2004 il va avoir des élections en Irak et les troupes américaines vont complètement se retirer en 2005. S’ils ne règlent pas ce problème, nous nous en chargerons après les élections et la question du PKK sera réglée ” a déclaré Jalal Talabani. Il a également souligné le fait que les Kurdes irakiens faisaient partie du pouvoir central aujourd’hui et s’est prononcé pour la nature fédérale de l’Etat irakien qui sera confirmée dans la Constitution irakienne à adopter en 2005.

Par ailleurs, Jalal Talabani a également accepté le principe d’un second post-frontalier avec la Turquie en déclarant “ nous y étions contre auparavant puisque cela revenait à étouffer les Kurdes ”.

Jalal Talabani s’est également entretenu avec Deniz Baykal, le chef du principal parti de l’opposition au Parlement turc, le parti républicain du peuple (CHP- kémaliste).

La presse turque a largement commenté le voyage de Jalal Talabani. “ Talabani est comme le Premier ministre de l’Irak ” titrait le quotidien turc Milliyet le 20 novembre et Hurriyet tout en mettant l’accent sur l’insistance du R. T. Erdogan sur le PKK précise, photo à l’appui, que les anciens députés du DEP étaient présents pour accueillir J. Talabani.

LES DÉPUTÉS KURDES DEMANDENT LE SOUTIEN DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE POUR UNE SOLUTION PACIFIQUE DE LA QUESTION KURDE EN TURQUIE


Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan, Selim Sadak, les anciens députés kurdes du parti de la démocratie (DEP) ont, le 10 novembre, rendu public un communiqué de presse envoyé à de nombreux responsables internationaux comme le président actuel de l’Union européenne, Silvio Berlusconi, le président du Parlement européen, Pat Cox, le président de la Commission européenne Romano Prodi, le responsable de l’élargissement auprès de l’UE, Gunter Verheugen, le Haut représentant de l'Union européenne pour la PESC, Javier Solana et de nombreux autres organisations internationales pour faire le point sur les évolutions politiques régionales et nationales et appeler à une solution pacifique à la question kurde. Voici de larges extraits de ce communiqué :

“ Cela fait une dizaine d’années que nous sommes emprisonnés. Et le monde comme la Turquie n’est plus tel que nous l’avions laissé. A côté des développements suscitant nos espoirs il existe des évolutions dont nous nous méfions. Sans nul doute, nous ne sommes pas en mesure d’influencer et d’orienter les évolutions mondiales et nationales. Cependant nous ne pouvons pas en toute bonne conscience nous résigner à rester comme des simples spectateurs. C’est la raison pour laquelle et eu égard aux responsabilités qui s’imposent de par l’histoire à nous, nous pensons que c’est notre devoir que de faire savoir notre opinion sur les développements dans notre pays.

Les vents de changement secouent le monde entier et cette période où se redessine le monde en général et le Moyen-Orient en particulier influence naturellement et profondément la Turquie (…)

La Turquie se trouve confrontée à son propre changement mais la mission de piloter ces mutations au Moyen-Orient lui incombe également. Reste que pour accomplir cette mission historique d’instigateur et constituer, dans le monde islamique, un Etat moderne, démocratique et laïc, il faudrait que la Turquie règle ses propres problèmes intérieurs (…)

C’est pour ces raisons et pour le compte de la géographie dans laquelle nous vivons que nous pensons avoir mené depuis des années une lutte pour la démocratie et la paix et dans ce processus critique où la solution démocratique à la question kurde se trouve être la priorité vitale de notre pays, nous appelons à tout simplement plus de réceptivité.

À vrai dire la question kurde qui transcende la seule spécifité turque et sa solution complexe mais pacifique est une question simple pour nous. Sa complexité trouve origine dans de nombreuses raisons mais la première d’entre elles est le fait que les Kurdes vivent principalement et en nombre en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie… Ces Etats qui ne font pas preuve des mêmes attitudes dans tous les domaines se servent tout de même de modèle aussi bien dans l’impasse que dans la réussite.

La seconde raison est due à la géographie d’ensemble du Kurdistan et donc à ses richesses du sol et du sous-sol, à sa situation stratégique comme sa particularité géographique propice aux interventions extérieures et au fait qu’il soit au centre des intérêts et des attractions de la dynamique extérieure. En d’autres termes, la solution n’est pas seulement à l’initiative de la dynamique intérieure. La solution pacifique de la question est accessible car les Kurdes à aucun moment de l’histoire n’ont choisi délibérément la violence. L’entrave des voies démocratiques, l’impossibilité d’expression dans le domaine juridico-légal, l’attitude prohibitive, oppressive, négationniste et destructrice des Etats leur interdisent l’ensemble des droits et libertés fondamentaux et par conséquent c’est sur la base de la légitime défense que la violence a pu être choisie sans possibilité à d’autres recours.

La troisième raison : Les Kurdes n’ont jamais combattu les peuples avec qui ils ont vécu en toute fraternité, et n’ont pas été alimenté de contentieux intercommunautaire générant la rancune, la haine et l’indignation. Ces points favorisent la recherche d’une solution pacifique de la question.

(…)

Dans ces conditions critiques, notre plus grande attente de la part des organisations et de la communauté internationales est de les voir soutenir et renforcer les dynamiques en faveur de la paix et de la mutation en Turquie (… )”

La prochaine audience du nouveau procès de Leyla Zana et de ses collègues députés est prévue ce vendredi 21 novembre devant la Cour de sûreté de l’Etat d’Ankara.

LE RAPPORT RÉGULIER 2003 DE L’UNION EUROPÉENNE CONCERNANT LES PROGRÈS RÉALISÉS PAR LA TURQUIE EN VOIE DE L’ADHESION POSE LA QUESTION CHYPRIOTE COMME UN OBSTACLE À L’ADHÉSION ET DEMANDE LA MISE EN OEUVRE EFFECTIVE DES RÉFORMES ANNONCÉES


Dans son "document de stratégie" consacré aux trois pays candidats à l'Union, la Commission européenne relève que si la Turquie a adopté d'importantes réformes ces derniers temps, il lui reste néanmoins "beaucoup à faire dans bon nombre de domaines".

“ L'absence de règlement (à Chypre) pourrait devenir un obstacle sérieux aux aspirations de la Turquie ” à adhérer à l'Union si l'impasse persiste au moment de l'adhésion des dix pays adhérant à l'Union, le 1er mai 2004, a averti la Commission dans son “ document de stratégie ” consacré aux trois pays candidats à l'Union. Le document cite en particulier “ le renforcement de l'indépendance de la justice et l'amélioration de son fonctionnement ”, ainsi que le respect des libertés fondamentales (libertés d'association, d'expression et de religion). Mais la Commission réclame aussi “ l'alignement des relations entre le civil et le militaire sur les pratiques européennes ”.

“ La Turquie devra veiller à la mise en œuvre complète et effective des réformes pour garantir à ses citoyens le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conformément aux normes européennes ”, poursuit la Commission. “ Il faudra du temps pour que l'esprit des réformes se traduise pleinement dans les attitudes des organes exécutifs et judiciaires, à tous les niveaux et dans l'ensemble du pays, prouvant ainsi leur mise en œuvre effective ”, selon le "document de stratégie".

Dans son rapport consacré plus particulièrement à la Turquie, la Commission a recensé les différents domaines où les réformes adoptées par les autorités piétinent sur le terrain, leur mise en place pratique étant souvent entravée. Le rapport relève ainsi que certains cas de torture ou d'exactions sont toujours signalés dans le pays même si le phénomène s'est réduit. Le document cite aussi l'usage “ disproportionné de la force ” lors de manifestations ou de rassemblements.

La Commission européenne proposera fin 2004 aux pays membres de l'Union d'ouvrir ou non des négociations d'adhésion avec la Turquie.

Le rapport de la Commission européenne consacré à la Turquie est “ objectif ”, a affirmé le jour même à la presse le chef de la diplomatie turque Abdullah Gul, qui a cependant rejeté tout lien entre la candidature de son pays à l'Union européenne (UE) et un règlement à Chypre. “ Nous sommes conscients des problèmes et du retard pris au niveau de la mise en œuvre des réformes ”, a ainsi reconnu le ministre qui a cependant souligné que ces problèmes seraient réglés dans les “ prochains mois ”. M. Gul a indiqué que la question de Chypre ne figurait pas parmi les critères de Copenhague sur la démocratie et les droits de l'homme qu'un pays candidat est tenu de respecter pour amorcer des négociations d'adhésion à l'Union. “ Nous allons déployer beaucoup d'efforts pour trouver une solution à Chypre d'ici à 2004 ”, a-t-il assuré. Si Ankara refuse de lier adhésion à l'UE et dossier chypriote, le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül, a reconnu que “ résoudre le problème de Chypre pourrait effectivement créer une atmosphère positive ”.

L'exécutif européen publiera un rapport sur la situation turque et "formulera une recommandation, d'ici fin octobre 2004, précisant si la Turquie satisfait ou non aux critères politiques de Copenhague, ce qui permettra au Conseil européen de décembre 2004 de prendre une décision quant à l'éventuelle ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie ”.

Par ailleurs, le parti démocratique du peuple (DEHAP- pro-kurde) dans un communiqué publié le 7 novembre, a affirmé que “ la question de Chypre est mise en avant dans le rapport de la Commission (européenne) mais les plus importantes questions qui pourraient entraver le processus d'intégration de la Turquie à l'UE sont la question kurde et la démocratisation ”.

FACE À LA VIVE RÉACTION DES IRAKIENS ET DES KURDES EN PARTICULIER, ANKARA NE DÉPLOIERA PAS DE SOLDATS EN IRAK


Le gouvernement turc a finalement abandonné son projet de déployer des soldats en Irak pour épauler les forces de la coalition après avoir été confronté à la vive opposition des Irakiens et aux hésitations des Américains. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Huseyin Dirioz a, le 7 novembre, déclaré aux journalistes que le gouvernement turc avait décidé de ne plus utiliser l'autorisation, votée le 7 octobre par le parlement turc, d'envoyer des soldats dans le pays voisin. Selon M. Dirioz, le chef de la diplomatie américaine Colin Powell a appelé la veille son homologue turc Abdullah Gul pour évoquer l'Irak. “ M. Powell a remercié le peuple et le parlement turcs pour leur solidarité et leur amitié, appréciées par le peuple américain et son gouvernement ”, a-t-il expliqué. Déjà le 4 novembre l'ambassadeur turc aux Etats-Unis, Osman Faruk Logolu, avait déclaré que la Turquie n'enverra pas de soldats en Irak à moins qu'un changement significatif ne survienne. “ Nous n'insisterons pas pour aller en Irak, à moins qu'une initiative claire ne vienne du peuple irakien ”, avait déclaré l’ambassadeur turc. Mais la Turquie se réserve le droit d'envoyer des renforts à ses troupes déployées dans le Kurdistan irakien pour combattre contre les combattants kurdes de Turquie, avait affirmé le 4 novembre le ministre turc de la Défense Vecdi Gonul, interrogé par les députés lors des débats au parlement sur le budget de son ministère.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, interrogé par des journalistes, a rappelé ses déclarations du mois dernier selon lesquelles “ l'autorisation des députés ne veut pas forcement dire que l'on va envoyer des soldats ” en Irak. Le projet de dépêcher en Irak une dizaine de milliers de soldats était au point mort en raison de l'opposition du Conseil de gouvernement transitoire irakien, particulièrement de ses membres kurdes. M. Gul avait récemment évoqué la “ maladresse ” et les “ hésitations ” des Etats-Unis, incapables, selon lui, de convaincre leurs alliés irakiens, notamment les Kurdes. Abdullah Gul a par ailleurs demandé aux Etats Unis de ne pas faire preuve de favoritisme envers les Kurdes irakiens, sous peine de mettre en danger l'équilibre ethnique de l'Irak. Dans un entretien avec la télévision NTV le 8 novembre, M. Gul a affirmé que le revirement turc n'avait rien à voir avec l'opposition des Kurdes, tout en reconnaissant qu'Ankara avait “ la nette impression ” que les Américains prenaient en général le parti des Kurdes. “ Nous espérons que ceci ne mènera pas à des dangers en Irak dans l'avenir ”, a déclaré M. Gul.

L'actuel président du Conseil de gouvernement irakien, le leader kurde Jalal Talabani, a, le 5 novembre, confirmé que “ la question de l'envoi de soldats turcs est close, comme l'a dit le président turc ”.

L’ENSEIGNEMENT DU KURDE N’EST TOUJOURS PAS EFFECTIF MALGRÉ LES RÉFORMES ADOPTÉES


Plus de 200 Kurdes se sont inscrits pour apprendre le kurde dans un centre d'apprentissage des langues, le premier du genre, mais le gouvernement n'a toujours pas donné son feu vert à l'ouverture de l'école, a, le 6 novembre, déclaré, le fondateur du centre, Aydin Unesi, originaire de Batman, qui fait partie des nombreux hommes d'affaires aux prises depuis des mois avec une bureaucratie tentaculaire pour obtenir l'ouverture de cours de langue kurde. La mesure s'inscrit dans un ensemble de réformes engagées par le gouvernement turc dans le but de se conformer à l'esprit des exigences européennes vis-à-vis des candidats à l'Union. “ Jusqu'à maintenant, nous avons fait preuve de patience mais dorénavant nous allons voir de mauvaises intentions derrière chaque obstacle ”, a déclaré M. Unesi qui attend l'autorisation d'ouvrir le centre depuis avril dernier.

Le mois dernier, des inspecteurs la lui ont refusée au prétexte que les portes étaient de cinq centimètres plus étroites que ne l'exigeaient les normes. M. Unesi a refait depuis les portes mais alors qu'il attendait l'accord d'Ankara, on lui a fait savoir qu'il devait encore présenter de nombreux autres documents. En attendant le propriétaire du centre a ouvert les inscriptions. “ Il y a des gens de tous âges et de toutes conditions et il y a même des Turcs qui souhaitent apprendre le kurde ” souligne-t-il.

Les émissions de radio en langue kurde sont confrontées à des difficultés analogues. Elles n'ont toujours pas commencé alors qu'elles ont théoriquement été légalisées depuis plusieurs mois.

Par ailleurs, des intellectuels kurdes ont pu organiser le 4 novembre en Turquie, pour la première fois depuis des décennies, une conférence dans leur propre langue à Diyarbakir. “ Nous n'aurions même pas pu rêver d'organiser une telle chose à Diyarbakir il y a dix ans ”, a déclaré à l'ouverture de la conférence le maire kurde de la ville, Feridun Celik, qui s'exprimait en langue turque, en présence de la presse. Des intellectuels kurdes de Turquie, d’Iran, d’Irak, de Syrie et de pays européens ont assisté à cette conférence, tenue dans le cadre d'un festival littéraire de cinq jours, organisé par la municipalité.

LES AFFRONTEMENTS CONTINUENT ENTRE LE PKK ET L’ARMÉE TURQUE TANDIS QUE DES ENFANTS CONTINUENT À ÊTRE VICTIMES DES MINES AU KURDISTAN


Quatre enfants, trois filles et un garçon, âgés de 7 à 10 ans, ont, le 2 novembre, été tués et sept autres blessés lors de l'explosion d'un engin qu'ils manipulaient dans un petit village d'Uludere, province de Sirnak. L'engin avait été dissimulé près d'une école primaire. Sirnak et ses environs avaient été le théâtre de violents combats entre l'armée et les combattants du PKK entre 1984 et 1999.

Par ailleurs, quatre combattants du PKK ont, le 5 novembre, été tués lors d'accrochages avec l'armée turque à Almus (centre) et à Bingol.

LE HAUT COMMISSARIAT DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS S’INQUIÈTE DES CONDITIONS D’EXPULSION DES KURDES DE TURQUIE VENUS DEMANDER L’ASILE À L’AUSTRALIE


Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a, le 6 novembre, exprimé son inquiétude sur le sort de 14 réfugiés turcs d'origine kurde arrivés sur une île du nord de l'Australie, et expulsés vers l'Indonésie. L'Australie n'a pas respecté ses obligations internationales a estimé le 11 novembre le Haut commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR). Les 14 Kurdes originaires de Turquie et l'équipage indonésien composé de quatre hommes avaient accosté le 4 novembre sur l'île de Melville, proche de la ville de Darwin, dans le nord de l'Australie. Après des discussions avec Jakarta, les autorités australiennes les ont renvoyés en Indonésie d'où ils avaient embarqué. Elles avaient auparavant exclu à la hâte 4.000 îles de leur zone d'immigration pour empêcher une demande d'asile. La décision a également été critiquée par des groupes de défense des réfugiés et l'opposition travailliste au gouvernement conservateur australien.

L'Australie a signé la convention de l'Onu de 1951 sur la protection des réfugiés. A ce titre elle est dans l'obligation de recevoir les demandes d'asile et ne doit pas renvoyer les candidats vers un pays où il seraient en danger. Or, l'Indonésie ayant refusé de les accueillir, les 14 Kurdes risquent de retourner en Turquie, a expliqué le HCR. L'Indonésie n’est pas signataire de la convention de 1951.

LE PKK RENOMMÉ LE KADEK IL Y A PEU S’AUTO-DISSOUT À NOUVEAU ET SE BAPTISE LE CONGRÈS DU PEUPLE DU KURDISTAN (KONGRA-GEL)


Le Congrès pour la Démocratie et la liberté au Kurdistan (KADEK), qui a annoncé le 11 novembre son auto-dissolution, a affirmé le 15 novembre qu'il renonçait au séparatisme et appelé les autorités turques au dialogue.

Le KADEK, anciennement le PKK, a affirmé dans un communiqué qu'il s'appellera désormais le Congrès du peuple du Kurdistan (KONGRA-GEL). “ Le Congrès du peuple du Kurdistan ne se fixe pas pour but la division ou la séparation. Au contraire, il vise une union moderne et démocratique qui respecte l'unité de l'Etat ”, selon un communiqué de la nouvelle organisation. “ Il pense que cette approche répond aux besoins vitaux des Kurdes et des pays voisins ”, ajoute le texte distribué à la presse dans un camp de formation situé dans une zone montagneuse à la frontière irako-iranienne. “ Nous allons garder les armes tant qu'il n'y a pas de solution à la question kurde (...) dans un but d'autodéfense ”, a déclaré le chef de la nouvelle formation, Zubeyir Aybar, 42 ans, ex-député au Parlement d’Ankara. Il a exprimé l'espoir que les Etats-Unis serviront de médiateur pour ouvrir des négociations entre son organisation et Ankara. “ Nous ne sommes pas en état de guerre avec la Turquie mais en état d'autodéfense. La fin de la guerre doit être décrétée par les deux parties ”, a-t-il ajouté.

“ Le KONGRA-GEL cherche à empêcher l'utilisation réciproque de la violence, provoquée par les sentiments nationalistes, et à présenter une solution non-violente qui permettra de transformer l'existence kurde au Moyen-Orient d'une cause de crise en une source d'énergie ”, assure le communiqué. “ Les peuples kurde et turc ont toujours favorisé la démocratie. KONGRA-GEL respecte ce désir et invite le gouvernement de Turquie à montrer le même respect ”, dit le document diffusé à cette occasion. “ Le développement dans la région et le désir (de la Turquie) d'adhérer à l'Union européenne facilitent une solution de ce type. Pour cette raison, nous appelons les autorités turques à abandonner leur politique qui a échoué et à amorcer un dialogue avec le KONGRA-GEL ”, conclut le texte.

La nouvelle formation est le successeur direct du KADEK, lui-même héritier du PKK, qui a mené une guerre contre Ankara jusqu'en 1999. La décision de changer de nom et de stratégie a été prise lors d'un congrès qui aurait réuni 360 délégués qui se serait tenu du 27 octobre au 6 novembre dans le district de Qandil, au Kurdistan irakien. Sans surprise, cette réunion des cadres de l’ex-PKK a gratifié Ocalan du titre de “ leader du peuple kurde ” annonçant dès le départ la couleur de cette formation qui se veut “ nouvelle ”. Les Etats-Unis avaient déclaré le 14 novembre qu'ils considéraient que toute organisation issue du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) serait considérée comme terroriste. Le département d'Etat a ainsi fait savoir qu'il ne changerait pas de ligne vis-à-vis de cette organisation, malgré l'annonce de la dissolution du KADEK.