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Bulletin N° 262 | Janvier 2007

 

 

VISITE « HISTORIQUE » DU PRÉSIDENT IRAKIEN, JALAL TALABANI EN SYRIE

Le président irakien Jalal Talabani a effectué une visite qualifiée d’historique en Syrie car c’est la première du genre depuis près de trois décennies, le président syrien Bachar al-Assad lui a réservé un accueil chaleureux et a, le 14 janvier, affirmé que son pays était prêt à contribuer à la « conciliation nationale » et la stabilité en Irak. « La Syrie est prête à aider les Irakiens à réaliser la conciliation nationale, ainsi que l'unité, la sécurité et la stabilité » de ce pays voisin, a déclaré M. Assad, lors d'un premier entretien avec son hôte selon l'agence officielle syrienne Sana. M. Talabani arrivé à la tête d'une importante délégation pour un séjour de six jours a déclaré de son côté que « La Syrie nous a aidés dans les jours les plus noirs et nous lui sommes reconnaissants ». « Nous sommes déterminés à établir les meilleures relations politiques, commerciales et pétrolières, et nous voulons briser cet étau qui nous a été imposé et qui a été planifié par les forces colonisatrices pour empêcher toute coopération et tout rapprochement syro-irakien », a ajouté le président irakien cité par Sana. Les deux présidents ont tenu ces propos au cours d'une réunion élargie, à laquelle ont assisté les délégations officielles des deux pays. Outre le ministre irakien de l'Intérieur, Jawad Bolani, le président irakien est accompagné des ministres du Commerce Abdel Falah Hassan al-Soudani, des Ressources hydrauliques Latif Rachid et du conseiller à la sécurité nationale Moaffak al-Roubaïe, ainsi que de plusieurs députés. Des accords de coopération dans le domaine commercial et de la sécurité ont été signés au cours de la visite. Selon son conseiller Fakhri Karim, M. Talabani a été précédé à Damas par une délégation sécuritaire pour des entretiens qui ont abouti à des « résultats positifs pour les deux pays ». Le vice-président syrien Farouk al-Chareh avait, le 10 janvier, affirmé que « le rapprochement entre les deux pays visait à consolider les relations » et « n'intervenait pas pour des raisons extérieures », à savoir le désir de Damas d'améliorer ses relations avec les Etats-Unis.

La visite de M. Talabani intervient à la suite de la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays en novembre, après une rupture de plus de 25 ans. Le prédécesseur de Saddam Hussein, Ahmed Hassan al-Bakr, s'y était rendu en 1979, à l'époque où les deux pays, dirigés par des branches du parti Baas, envisageaient de fusionner en une seule nation. Bien que tous deux dirigés par le parti panarabe Baas, la Syrie et l'Irak de Saddam Hussein entretenaient de mauvaises relations. Elles ont été rétablies à l'occasion de la visite à Bagdad du ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem qui avait promis l'aide de son pays pour rétablir la sécurité en Irak. Fin décembre, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) à Damas, le mouvement du président irakien, avait annoncé que la visite de M. Talabani visait à « régler diverses questions (...) en toute amitié et fraternité ». M. Talabani séjournait régulièrement en Syrie à l'époque de Saddam Hussein et entretenait des liens étroits avec les responsables de Damas qui accueillait alors différents mouvements de l'opposition irakienne. Sa dernière visite en Syrie remonte à juillet 2003, avant son élection comme président en avril 2005 et sa réélection en avril 2006.

Dans une interview publiée  le 21 janvier par le quotidien koweïtien al-Anbaa, Jalal Talabani a, cependant, appelé à cesser toute intervention dans les affaires intérieures de l'Irak et à aider le pays à restaurer la paix et la stabilité. « Je sais qui intervient dans les affaires internes irakiennes  et qui ne le fait pas, mais ce n'est pas dans l'intérêt de l'Irak  de citer actuellement des noms des intervenants », a indiqué le président irakien. « Du moins, je ne devrais pas ajouter de l'huile sur le feu », a souligné M. Talabani, dans cette interview accordée lors de sa  visite à Damas. Le président Talabani a souhaité que le nouvel Irak puisse  jouer « un rôle positif dans le renforcement de la solidarité arabe et la véritable coopération régionale basés sur le respect de la  souveraineté et de l'indépendance de tous ses pays voisins ». 

De son côté, le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, a, le 22 janvier, annoncé que l'Iran et la Syrie se sont mis d'accord pour proposer l'organisation d'une conférence régionale sur l'Irak qui se tiendrait à Bagdad. «Nous nous sommes mis d'accord pour demander au gouvernement irakien et aux pays voisins de tenir à Bagdad une conférence des ministres des Affaires étrangères», a déclaré M. Mottaki, lors d'un point de presse avec son homologue syrien, Walid Mouallem, en visite à Téhéran.

Par ailleurs, le chef radical chiite Moqtada Sadr, qui dirige une importante milice, l'armée du Mahdi, régulièrement accusée d'exactions contre la communauté sunnite et d'attaques contre les forces de la coalition, a, le 21 janvier, décidé de suspendre son boycott du gouvernement renforçant la position du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki. « Nous allons participer de nouveau au processus politique », a déclaré un député sadriste, Saleh Hassan Issa al-Ogaïli, en expliquant que des demandes formulées par son mouvement avaient été satisfaites. Le président du Parlement, le sunnite Mahmoud al-Machhadani, qui a négocié avec le bloc Sadr son retour au gouvernement, a confirmé cette décision lors d'une conférence de presse. « Une commission de cinq membres, représentant les différents blocs parlementaires, a négocié avec le courant sadriste, et a présenté des recommandations qui ont été acceptées », a-t-il indiqué, estimant que les demandes du courant Sadr étaient « légitimes et servaient l'intérêt national ».

Les partisans de Moqtada Sadr -- qui détiennent 32 sièges sur 275 au Parlement et six ministères et secrétaires d'Etat sur 37 au gouvernement -- boycottaient ces institutions depuis le 29 novembre, pour protester contre une rencontre entre M. Maliki et le président américain George W. Bush. Leur retour dans le jeu politique devrait conforter la position du Premier ministre, affaibli par son incapacité à juguler les violences. Le soutien « de Sadr est une bonne chose car il va consolider la position de Maliki, d'autant que les deux parties sont alliées », a estimé le député kurde, Mahmoud Osmane. La décrispation politique fait suite à « un accord signé avec le Parlement prévoyant la discussion d'un calendrier de retrait des troupes américaines », a expliqué M. Ogaïli, sans en préciser les modalités. « Nous avons également demandé un calendrier pour la formation des forces de sécurité irakiennes et que le gouvernement s'abstienne de renouveler le mandat des forces d'occupation sans en référer au Parlement », a-t-il ajouté. Aujourd'hui, « le groupe Sadr veut montrer qu'il fait partie du processus politique et qu'il ne va pas recourir à la violence au moment où les forces irakiennes et américaines se sont fixé pour objectif de s'attaquer aux milices », a estimé Mahmoud Osmane.

LE PRÉSIDENT DU KURDISTAN IRAKIEN, MASSOUD BARZANI, REÇOIT Á SALAHADIN LE GÉNÉRAL JOSEPH RALSTON, COORDINATUER AMÉRICAIN POUR LA QUESTION DU PKK

Le Président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a, le 19 janvier, reçu à Salahadin le général Joseph Ralston, l’envoyé spécial du président américain et coordinateur pour la question du PKK afin de discuter des questions liées au statut final de Kirkouk et de la situation des Kurdes de Turquie. Le chef de cabinet de la présidence kurde, Dr. Fouad Hussein, a déclaré que le général Ralston a exprimé l’opinion officielle de l’administration américaine et du Département d’Etat en soulignant que Kirkouk était une affaire interne du peuple irakien. Le général Ralston a également visité les camps de réfugiés de Makhmour qui accueillent les réfugiés kurdes de Turquie depuis plus de dix ans.

A la suite de son voyage au Kurdistan irakien, le général Ralston s’est rendu en Turquie pour des entretiens avec son homologue turc Edip Baser et le ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül. L’émissaire américain, a, le 30 janvier, promis à Ankara de concourir à la lutte contre l’organisation kurde alors que la Turquie accuse les Etats-Unis d'inaction. « Nous travaillons à de nombreuses actions possibles pour contrer le PKK », a déclaré M. Ralston « Nous restons très concentrés sur cet effort, avec de nombreuses initiatives, et j'ai bon espoir qu'avec un peu de patience de la part du peuple turc nous remplirons avec succès notre tâche », a-t-il ajouté. Il a notamment émis l'espoir que le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani aiderait à combattre le PKK. « J'estime que je peux le convaincre que le PKK est une menace pour la stabilité dans le nord de l'Irak autant qu'une menace pour le peuple turc, et j'ai demandé son aide pour contrer le PKK », a déclaré le responsable américain. M. Ralston a également rencontré le chef d'état-major turc le général Yasar Büyükanit, avant de quitter la Turquie le 31 janvier. Sa visite faisait suite a des critiques sévères émises par le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, qui a accusé les Etats-Unis et l'Irak d'inaction face au PKK. M. Erdogan avait estimé le mois dernier que Washington et Bagdad n'avaient pas tenu leurs promesses et que la nomination de M. Ralston en août n'avait produit aucun résultat, avant d'évoquer une « tactique » dilatoire des autorités américaines. « Nous avons nommé ensemble des coordinateurs pour lutter contre le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, illégal) mais ça n'a rien donné (..) Nous attendions des avancées sérieuses mais cela ne n'est pas réalisé », a, le 3 janvier, regretté le Premier ministre. Interrogé par le journal turc Vatan, le coordinateur turc M. Baser a de son côté affirmé que sa mission pouvait prendre fin d'ici la fin février au début mars si des « pas concrets n'étaient pas faits » contre le PKK en Irak.

Les Etats-Unis expliquent leur peu d'empressement à aller combattre le PKK par les violences qui les occupent déjà dans de nombreuses régions irakiennes et disent privilégier des approches non militaires, comme des mesures pour couper les financements de l'organisation. Washington a enjoint Ankara de ne pas lancer d'opération transfrontalière unilatérale, estimant qu'une telle action pourrait déstabiliser le Kurdistan irakien et aggraver les tensions entre la Turquie et les Kurdes irakiens.

Les dirigeants kurdes irakiens ont, à de nombreuses reprises, appelé à une solution politique de la question kurde en Turquie et affirmé qu’ils s’opposeraient à toute intervention militaire turque dans leur région.

Par ailleurs, la Cour européenne de justice, a, le 18 janvier, décidé que les juges européens devront réexaminer un recours introduit par un des anciens dirigeants du PKK, Osman Öcalan, contre l'inscription de l'organisation kurde sur la liste d'organisations terroristes de l'UE. En février 2005, le tribunal de première instance avant jugé irrecevable le recours introduit par M. Öcalan, au motif qu'il ne pouvait pas représenter « une organisation qui n'existe plus ». « La Cour annule l'ordonnance du Tribunal dans la mesure où elle rejette le recours d'Osman Öcalan au nom du PKK comme irrecevable », a-t-elle résumé dans un communiqué de presse. « Le Tribunal doit maintenant statuer sur le fond du recours introduit par M. Öcalan au nom du PKK », a-t-elle ajouté. La Cour explique que le tribunal de première instance « a jugé à tort à l'examen des déclarations de M. Öcalan que le PKK n'existe plus et ne peut donc plus être représenté par celui-ci. » « Cette organisation ne peut pas, en même temps, avoir une existence suffisante pour faire l'objet de mesures restrictives (de l'UE) et ne pas en disposer aux fins d'une contestation de ces mesures », ajoute-t-elle.

L'inscription sur la liste des organisations terroristes de l'UE implique essentiellement pour les personnes ou organisations visées un gel des fonds. Le PKK, considéré comme une « organisation terroriste » par la Turquie et les Etats-Unis, figure sur la liste de l'UE depuis 2002. A l'appel d'Abdullah Öcalan, leader du PKK, se combattants ont décrété une trêve unilatérale le 1er octobre 2006, rejetée par Ankara. La liste européenne d'organisations terroristes, élaborée dans la foulée des attentats de septembre 2001, est sérieusement critiquée depuis plusieurs semaines. Le juriste en chef des 27 a reconnu en décembre que l'UE avait commencé à revoir la façon dont ils l'élaborent. Suite à un arrêt en décembre dernier de la Cour européenne annulant le gel par l'UE des fonds des Moudjahidine du Peuple, le juriste avait indiqué que l'UE allait mettre au point « une procédure plus claire et plus transparente » d'inscription et permettre le cas échéant un réexamen de certaines décisions.

L'agence de presse pro-kurde Firat News, a, le 17 janvier, rapporté qu’Abdullah Öcalan a lancé un appel pour la création d'une « commission vérité » sur le conflit kurde en Turquie afin de parvenir à une paix entre Turcs et Kurdes. « Il nous faut nous confesser nos erreurs et découvrir les réalités. Seule une telle démarche peut nous réconcilier », a déclaré le chef du PKK dans une lettre envoyée la semaine précédente aux parlementaires turcs et à des ONG. Il y propose la création d'une « commission des vérités » indépendante composée d'intellectuels, de juristes et d'universitaires notamment pour enquêter sur la question kurde, sans donner d'autres précisions. « Arrivés au stade de déposer les armes, nous les déposerons seulement à une telle commission qui œuvrerait pour la justice », a-t-il souligné dans sa lettre restée à ce jour sans réponse, selon un responsable de son cabinet d'avocats par lequel il communique avec l'extérieur.

La veille, un soldat turc et trois militants du PKK ont été tués pendant une opération et un second soldat a été blessé pendant les combats, survenus dans une région rurale située près de Diyarbakir. Quatre combattants du PKK avaient été tués le 14 janvier lors de combats. Un premier affrontement avait fait deux morts dans une zone rurale de Lice, province de Diyarbakir. Dans un autre incident, dans une zone reculée de la province de Bingöl, un autre combattant a été abattu dans la soirée, selon le gouvernorat local. Au cours de la même journée un premier combattant avait été tué et un soldat blessé dans la même zone.

LES AUDIENCES DU PROCÈS DE GÉNOCIDE CONTRE LES KURDES CONTINUENT EN PRÉSENCE NOTAMMENT D’ALI LE CHIMIQUE

Lors de la 39e audience du procès Anfal, au cours duquel six anciens responsables irakiens sont jugés devant le Haut tribunal pénal irakien, le cousin de Saddam Hussein, Hassan al-Majid, dit « Ali le chimique », accusé de génocide lors des campagnes militaires Anfal au Kurdistan irakien en 1987-1988, a, le 28 janvier, assumé sa responsabilité dans la destruction de villages et affirmé qu'il n'avait pas à s'en excuser. « C'est moi qui ai donné les ordres à l'armée pour qu'elle détruise les villages et déporte ses habitants », a déclaré avec assurance « Ali le chimique », ainsi surnommé pour son utilisation des armes chimiques contre la population kurde. « Je n'ai pas besoin de me défendre pour ce que j'ai fait. Je ne m'excuse pas. Je n'ai commis aucune erreur », a-t-il ajouté. Une nouvelle fois, « Ali le chimique » s'est installé dans la chaise précédemment occupée par l'ancien président irakien Saddam Hussein, qui était jugé dans ce procès, avant d'être pendu le 30 décembre en application du jugement d'une autre affaire, pour l'exécution de 148 chiites dans les années 1980. Au cours de l’audience, l'accusation a présenté une vingtaine de lettres et de télégrammes adressés à l'état-major et aux autorités politiques. Ces documents sont destinés à établir la chaîne des responsabilités dans les bombardements chimiques, la destruction de milliers de villages et la déportation de leurs habitants. « Nous avons pris les mesures nécessaires pour détruire les villages, comme cela a été ordonné par Ali Hassan al-Majid. Merci de confirmer davantage de villages à démolir », demande ainsi l'un des télégrammes, envoyé par un responsable du renseignement militaire dans le nord au ministère de la Défense. Une autre lettre signée d'un brigadier général informe: « Nous avons détruit tous les villages par des chars ». Dans un autre télégramme, des responsables du renseignement à Souleimaniyeh, préviennent les militaires: « Vous signalons qu'un groupe de journalistes s'est rendu sur le site des frappes chimiques », le procureur insistant sur ces deux derniers mots. Des enfants ont été séparés de leurs parents, lorsque les populations kurdes ont été déportées, a souligné le procureur. « Ces ordres ont été donnés alors que les agents iraniens infestaient la région. Nous devions isoler les saboteurs. L'Iran s'était emparé d'une partie importante de notre territoire, de la taille du Liban », s'est justifié « Ali le chimique ». Pourtant, l’opération militaire Anfal contre les Kurdes s'est poursuivie après la signature d'un cessez-le-feu mettant fin à huit ans de guerre contre l'Iran le 8 août 1988, a relevé le procureur.

Le procureur général Mounqith al-Faroun avait, le 24 janvier, présenté de nouveaux documents lors d’une précédente audience. Parmi ces documents écrits figurent des ordres de mission adressés par le pouvoir irakien aux services du renseignement du Kurdistan « leur demandant de confisquer les terres, d'interdire le voyage des personnes et de rayer de la carte certains villages ». La veille, « Ali le Chimique », avait déclaré devant le Haut tribunal pénal que ses invectives anti-kurdes lors des campagnes à la fin des années 1980, étaient des tactiques visant à intimider les combattants kurdes. Les procureurs avaient soumis de nouvelles cassettes audio. Sur l'une d'entre elles, une voix, présentée comme celle de Ali Hassan al-Majid, crie des insultes anti-kurdes lors de la campagne Anfal.

Ali le chimique avait reconnu au cours de l’audience du 11 janvier d’avoir ordonné l'exécution de villageois qui avaient refusé de quitter leur foyer. « Oui j'ai donné des instructions pour que ces villages soient décrétés zones interdites et j'ai ordonné aux troupes d'arrêter toute personne qu'elles trouveraient dans ces zones et de les exécuter après les avoir interrogées », avait-il déclaré. « Je suis responsable d'expulsions (d'habitants de leurs villages) et j'ai pris seul cette décision, sans m'en référer à la hiérarchie militaire ou aux responsables du parti Baas. Je le reconnais devant le tribunal et devant Dieu », avait-il ajouté. Mais l’ancien responsable du commandement nord a nié toute responsabilité dans l'exécution de 300 combattants kurdes évoqués par l'accusation. Dans des enregistrements audio présentés par le procureur et entendus durant cette 35e audience du procès, une voix qui semble être celle d'Ali Hassan al-Majid accuse tous les Kurdes d'être des « saboteurs » et affirme avoir reçu une lettre de l'actuel président, Jalal Talabani, l'appelant à des négociations et suggérant des concessions en échange de l'arrêt des démolitions des villages kurdes par le gouvernement.

A l'ouverture de la 34e audience du procès le 8 janvier, le juge Mohammed al-Oreibi al-Khalifa avait officiellement annoncé l'abandon des charges contre Saddam Hussein. Cependant, une bande sonore, un enregistrement de la voix de l'ex-dictateur et qui évoque l'utilisation de l'arme chimique contre les Kurdes, a été entendue à l'audience. « Je prendrai la responsabilité d'utiliser l'arme chimique. Personne ne peut décider d'une frappe chimique sans mon autorisation  (…) Il vaut mieux utiliser cette arme dans un endroit peuplé pour qu'elle fasse le plus de dégâts possibles », affirme Saddam Hussein dans les extraits. « Nous devons chasser le peuple kurde vers d'autres provinces et d'autres pays (...), mettre fin à la nationalité kurde, faire cesser les actes des saboteurs kurdes. Nous devons faire en sorte qu'ils puissent vivre et travailler à Tikrit, ceci afin qu'ils deviennent des Arabes », assure Saddam sur un autre enregistrement, non daté. L'accusation diffuse ensuite à la cour une vidéo montrant « Ali le chimique » en uniforme de parade, déclarant à deux reprises au cours d'une cérémonie militaire: « je vais les attaquer avec des armes chimiques. Au diable la communauté internationale ». De nouvelles images des victimes des bombardements chimiques sont également montrées: les cadavres de familles entières gisent sur le sol. Figées dans la mort, des femmes serrent encore leurs nourrissons dans les bras, comme pour les protéger des vapeurs mortelles. « Regardez ces enfants, leur peau brûlée. Sont-ils des saboteurs, les agents de l'Iran? », lance le procureur à l'adresse de « Ali le chimique ». Un document signé de Saddam Hussein et daté du 22 mars 1987 donnait « pleins pouvoirs au camarade Ali Hassan al-Majid dans la région Nord », tandis qu'un autre mentionnait l'utilisation de « l'arme spéciale » --en référence à l'arme chimique-- au Kurdistan. Les accusés risquent la peine de mort si leur responsabilité est prouvée dans les opérations Anfal, menées en 1987 et 1988 au Kurdistan, au cours desquelles 180.000 personnes ont été tuées dans des exécutions de masse ou des bombardements chimiques.

Nombreux sont les Kurdes qui regrettent que Saddam Hussein ne puisse répondre de l'accusation de génocide, chef d'inculpation le plus grave retenu contre lui. Le Premier ministre irakien Nouri al Maliki, issu de la majorité chiite, a souhaité l'exécution sans délai de Saddam Hussein, malgré les appels de Washington en faveur d'un report et des réserves de ses partenaires kurdes au sein du gouvernement d'union nationale, qui tablaient sur une longue procédure d'appel pour faire valoir leurs griefs devant la justice. Déplorant qu'il ne puisse plus en répondre, d'autres Kurdes disent néanmoins pouvoir se satisfaire d'une condamnation des six autres prévenus, en particulier Ali Hassan al Madjid, considéré comme le principal promoteur du massacre. Nombreux sont toutefois ceux qui craignent que l'absence de l'ancien dictateur ne prive le procès d'une bonne part de son intérêt. « J'ai attendu toutes ces années pour en savoir plus sur leur sort », souligne Chamsi Khader, dont le mari et un fils ont disparu en 1988. « A présent j'ai perdu tout espoir », tranche-t-elle.

Par ailleurs, le demi-frère de Saddam Hussein, Barzan al-Tikriti, ancien patron des services secrets, et Awad al-Bandar, ex-président du tribunal révolutionnaire, ont, le 15 janvier, été pendus dans le plus grand secret, deux semaines après l'exécution de l'ancien président irakien. Tous deux avaient été condamnés, avec l'ex-dictateur, à la peine capitale pour « crime contre l'humanité » pour leur responsabilité dans le massacre de 148 villageois chiites de Doujaïl, tués en représailles à un attentat manqué contre le convoi présidentiel dans les années 1980. L'exécution a eu lieu à 03H00 locales (00H00 GMT) dans un lieu qui n'a pas été révélé, en présence de témoins rigoureusement sélectionnés pour éviter tout incident. Aucune annonce préalable n'avait été faite par les autorités. Leurs corps ont été transférés dans un hélicoptère de l'armée américaine à Tikrit, où ils ont été inhumés près de Saddam Hussein, lui-même enterré dans son village natal d'Aouja. L'annonce de la mort des deux anciens dignitaires du régime baassiste n'a suscité aucune réaction notoire à Bagdad. Elle a été saluée par quelques manifestations de joie dans la ville sainte chiite de Najaf (centre).

KIRKOUK : Á L’APPROCHE DU RÉFÉRENDUM SUR LE STATUT DE LA VILLE, LES MENACES D’ANKARA S’AMPLIFIENT

La Turquie exerce une forte pression sur le gouvernement de Bagdad en vue de « protéger les intérêts de ses consanguins » comme elle affectionne appeler les Turcomans. Dans un communiqué, le conseil de la province de Kirkouk a, le 19 janvier, accusé le gouvernement turc d'accroître les violences confessionnelles en Irak. Razgar Ali, qui dirige le Conseil de la province, a notamment dénoncé la tenue les 15 et 16 janvier à Ankara d'une conférence sur l'avenir de Kirkouk. « Organiser une conférence sur des bases sectaires ne rendra service à aucun groupe ethnique. Cela va accroître les violences confessionnelles initiées par les takfiris (extrémistes sunnites), les partisans de Saddam Hussein et leurs alliés », a estimé M. Ali, membre de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). « Cette conférence s'inscrit dans la lignée des efforts continus menés par le gouvernement turc pour perturber le processus engagé en accord avec l'article 140 de la Constitution irakienne », a-t-il ajouté, en demandant au gouvernement irakien de prendre position.

Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul avait déclaré la veille que son pays ne pouvait rester indifférent au bien-être de la minorité turcomane lors d'un débat houleux au parlement turc. « La question de l'intégrité de l'Irak est devenue un problème pour l'intégrité de la Turquie », a déclaré le chef du parti d'opposition de centre-droit Mère Patrie (ANAP), Erkan Mumcu, lors du débat. « Si l'Irak se désintègre, la Turquie se scindera », a-t-il ajouté. Ankara est également frustré par la réticence des Etats-Unis et du gouvernement de Bagdad à sévir contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), dont les militants ont trouvé refuge au Kurdistan irakien. La principale formation d'opposition turque, le Parti Républicain du Peuple (CHP), a vivement critiqué le gouvernement pour s'être soumis aux Etats-Unis. « N'allons-nous pas protéger nos frontières tant que les Etats-Unis ne le permettront pas ? », s'est interrogé un important député du CHP, Onur Oymen, durant le débat. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, a, le 27 janvier, déclaré que Kirkouk pourrait être déchiré par une « grande guerre civile » si les Kurdes insistent pour vouloir rattacher cette ville riche en pétrole à leur région autonome. « Il est impératif que Kirkouk dispose d'un statut spécial. Elle appartient à tous les Irakiens et une mainmise d'une ethnie serait erronée », a indiqué M. Erdogan lors d'une interview à la chaîne privée Kanal 7. « J'ai souligné la sensibilité de la Turquie concernant les efforts pour changer la composition démographique de Kirkouk. Il  n'est pas possible pour nous de rester spectateurs des  développements en Irak, pays avec lequel nous avons des liens  historiques et culturels », avait, le 16 janvier, déclaré le Premier ministre turc lors d'une réunion de son Parti de la Justice et du Développement (AKP). «L'exécution de Saddam Hussein et surtout toute tentative de procéder à un référendum qui serait un fait accompli à Kirkouk peuvent provoquer de très dangereux développements tant en Irak que dans les pays voisins», avait-il déclaré devant les députés de son parti le 9 janvier.

En un siècle, Kirkouk a connu une succession de changements démographique. En 1957, date du dernier recensement irakien avec répartition ethnique, Kirkouk comptait 178.000 Kurdes, 48.000 Turcomans, 43.000 Arabes et 10.000 chrétiens assyro-chaldéens. Puis, en 23 ans de règne, Saddam Hussein a organisé l'arabisation de la ville et la déportation massive des Kurdes. Pour inciter les Arabes à s'installer à Kirkouk, Bagdad n'hésitait pas à leur fournir un gros pécule et un appartement gratuit. Parallèlement, les Kurdes étaient envoyés dans des camps de réfugiés dans les provinces voisines de Suleimaniyeh, Erbil et Douhok. Mais, depuis l'intervention américaine de mars 2003 et le renversement de Saddam, les lignes ethniques se sont à nouveau déplacées: des dizaines de milliers de Kurdes, peut-être jusqu'à 100.000, principalement d'anciens déportés, sont revenus dans leur ville d'origine, selon les estimations des autorités locales. Les responsables s'accordent à dire que les Kurdes sont à nouveau majoritaires, au niveau de la province de Tamim -dont la capitale est Kirkouk-, et que les Turcomans et les Arabes arrivent derrière, à peu près à égalité. Aux élections de décembre 2005, les Kurdes ont obtenu 26 des 41 sièges du Conseil provincial, les Turcomans neuf, les Arabes cinq et les chrétiens assyriens un. Dans son article 140, la nouvelle Constitution irakienne stipule que le statut de Kirkouk devra être réglé avant la fin 2007. Les Kurdes veulent s'en tenir à ce calendrier avec le souhait que la province de Tamim et sa capitale Kirkouk intègrent le Kurdistan irakien. Le gouvernement central irakien -dans lequel le président Jalal Talabani, le vice-Premier ministre Barham Saleh et le ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari sont kurdes- rejette toute ingérence étrangère, particulièrement de la Turquie.

Une autre controverse a suivi les avertissements d'Ankara concernant le statut de Kirkouk. Les autorités turques ont, le 11 janvier, pris connaissance des lettres de la compagnie nationale irakienne de commercialisation du pétrole (SOMO) envoyées aux entreprises turques les prévenant que les renouvellements de contrats s'effectueraient désormais exclusivement auprès du gouvernement régional du Kurdistan. La Turquie a, le 29 janvier, exigé du gouvernement irakien qu'il retire une décision désignant les représentants du Kurdistan irakien comme les uniques interlocuteurs des entreprises turques exportant des produits pétroliers vers l'Irak pour le renouvellement de leurs contrats. Le ministre d'Etat turc en charge du Commerce Extérieur, Kürsad Tüzmen, a accusé le gouvernement central irakien d'avoir rompu des accords bilatéraux et prévenu que si la situation ne revenait pas à la normale Ankara devrait « réviser certaines politiques » concernant son voisin irakien. « Une décision unilatérale telle que celle-ci implique un changement de politique (...) Nous attendons une explication », a déclaré M. Tüzmen à la presse. « Nous souhaitons que l'Irak respecte sa signature. S'il applique les accords, le problème sera résolu ». « Notre patience a des limites », a ajouté le ministre, dont les remarques ont été retransmises par la chaîne d'information NTV. « Un échec de l'Irak à appliquer les accords nous conduirait à réviser certaines politiques ». Une trentaine d'entreprises turques sont impliquées dans la vente de produits pétroliers à l'Irak. La Turquie importe du pétrole irakien qu'elle raffine et réexporte par camions-citernes vers l'Irak.

Par ailleurs, des bombes placées devant neuf maisons habitées surtout par des Kurdes ont explosé le 30 janvier à Kirkouk, blessant 11 personnes dont cinq enfants, selon les services de sécurité. Sept des habitations visées par les bombes appartiennent à des Kurdes et deux à des chiites arabes. La veille, le fils d'un commandant des forces de sécurité kurdes a été tué dans la ville dans l'explosion d'une voiture piégée qui a totalement détruit quatre habitations et endommagé sept.

ISTANBUL : MEURTRE DU JOURNALISTE ARMÉNIEN HRANT DINK PAR DES NATIONALISTES TURCS

Le journaliste arménien Hrant Dink, a, le 19 janvier, été assassiné devant le siège de son journal, l'hebdomadaire bilingue turco-arménien Agos, en plein cœur d'Istanbul. Un jeune chômeur Ogün Samast, âgé de 17 ans, a été écroué le 24 janvier avec quatre complices supposés. Le jeune homme a avoué avoir tué par balles le journalise âgé de 52 ans, qui a toujours défendu sa nationalité turque mais s'était attiré les foudres des cercles nationalistes pour avoir dénoncé le génocide arménien de 1915-1917 que la Turquie nie catégoriquement. L'assassin a expliqué son geste par les « injures » qu'aurait proférées, selon lui, Hrant Dink contre la Turquie dans le cadre de ses prises de position sur le sort des minorités, notamment les Arméniens, et sur la liberté d'expression.

Le meurtre a provoqué une onde de choc en Turquie car c'est la première fois qu'un membre de la minorité arménienne est victime d'un assassinat considéré comme étant de nature politique. Plusieurs quotidiens reproduisent le 22 janvier longuement les aveux de meurtrier et fournissent les détails de l'enquête. Selon le journal à grand tirage Hürriyet, Ogün Samast n'a semblé avoir aucun remords. « Il n'y a rien à dire. J'y suis allé et je l'ai buté », a-t-il déclaré à la police. « J'ai été choisi car je courais vite et je tirais bien », a déclaré Samast pendant son interrogatoire, assure Hürriyet. Toutefois, les autorités turques semblent exclure la piste terroriste et privilégier un acte qui serait l'affaire d'un petit groupe. Le procureur général d'Istanbul Aykut Cengiz Engin a, le 21 janvier, ainsi affirmé qu'aucun lien avec une « organisation » quelconque n'avait pour l'heure été établi. Soulignant la jeunesse du meurtrier présumé, l'avocat de Hrant Dink, Erdal Dogan, a, quant-à-lui, émis l'hypothèse d'une manipulation. « Le garçon a pu appuyer sur la gâchette, mais les autorités devraient trouver ceux qui sont derrière lui », a-t-il estimé. « Mon client n'a pas agi seul. Il a été poussé par quelqu'un », a déclaré pour sa part l’avocat du meurtrier, Me Levent Yildirim, commis d'office par le barreau d'Istanbul. Parmi les personnes interpellées figure Erhan Tuncel, un étudiant proche d'un groupe ultra-nationaliste, accusé d'avoir commandité l'attentat et Yasin Hayal, 26 ans, soupçonné lui aussi d'avoir commandité l'attentat, en contact étroit avec Erhan Tuncel. Yasin Hayal a déjà purgé une peine de prison de 11 mois après avoir commis un attentat à la bombe contre un restaurant McDonald's dans la ville de Trabzon pour dénoncer l'occupation américaine de l'Irak. Ce « grand-frère » (dixit la presse turque) a appris à une dizaine de jeunes qui fréquentaient tous des cafés internet, dont Ogun Samast, à manier le pistolet dans les bois de cette ville. Le pistolet avec lequel il a abattu Hrant Dink lui aurait été fourni par Yasin Hayal. Les projecteurs ont une nouvelle fois été braqués sur la grande ville portuaire de Trabzon, où, en février 2006, un prêtre catholique italien a été tué par balles à l'entrée de son église par un adolescent de 16 ans, reconnu coupable en octobre.

Dans une rare démonstration d'unité, plus de 100.000 personnes en majorité des Kurdes et des Arméniens, ont, le 23 janvier, assisté à Istanbul aux obsèques de cette personnalité respectée pour son engagement en faveur du dialogue turco-arménien. Les gens portaient de petits panneaux ronds noirs et blancs proclamant « nous sommes tous Arméniens ! » et « nous sommes tous Hrant ! », en turc, en arménien et en kurde. « Pour un pays où le mot arménien est une insulte pour pas mal de gens, c'est un grand pas que de dire aujourd'hui « nous sommes tous Arméniens » », a indiqué à un journaliste arménien, Raffi Hermonn. Les funérailles ont été marquées par des appels à la réconciliation entre les peuples turc et arménien, profondément divisés sur la question du génocide arménien sous l'empire ottoman. Ainsi, le patriarche arménien de Turquie, Mesrob II, saluant l'engagement de Hrant Dink en faveur du dialogue turco-arménien, a affirmé que sa mort avait, de manière paradoxale, permis de réunir, à l'occasion de ses obsèques, des responsables d'Ankara et d'Erevan. Le patriarche a également lancé un vibrant appel aux dirigeants turcs, leur demandant d'œuvrer pour l'éradication des sentiments anti-arméniens en Turquie. « Nous conservons toujours espoir de voir d'urgence l'amorce d'efforts visant à éradiquer l'animosité envers les Arméniens en Turquie, à commencer par (des efforts dans) les manuels scolaires et les écoles », a-t-il déclaré dans une homélie à l'église de son patriarcat. A la suite de l'office religieux, Hrant Dink a été inhumé sous de très nombreux applaudissements dans un cimetière arménien.

La Turquie, qui a reconnu l'Arménie voisine à son indépendance de l'URSS en 1991 sans toutefois établir de relations diplomatiques, a convié des religieux arméniens à Istanbul. De plus, le vice-ministre arménien des Affaires étrangères, Arman Kirakossian, a représenté Erevan. Khajak Barsamian, Primat du diocèse oriental des Etats-Unis, a fait le déplacement, ainsi que, pour la première fois, une délégation du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France. Le gouvernement turc a été représenté par le vice-Premier ministre, Mehmet Ali Sahin, et le ministre de l'Intérieur, Abdülkadir Aksu.

Les eurodéputés ont, le 31 janvier, observé une minute de silence à la mémoire de Hrant Dink. « Je voudrais au nom du Parlement européen exprimer notre indignation », a déclaré le président du Parlement européen Hans-Gert Pöttering, lors d'une session plénière à Bruxelles. La participation de milliers de personnes à son enterrement « nous fait espérer que cet événement triste sera un prétexte pour les autorités turques pour procéder à de nouvelles réformes pour garantir la liberté », a-t-il ajouté. L'UE réclame sans arrêt à la Turquie la réforme d'un article du code pénal qui limite la liberté d'expression. L'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a, le 25 janvier, demandé également à la Turquie d'abolir l'article 301 de son code pénal. L'article 301, qui qualifie de crime toute insulte à l'identité turque, aux institutions nationales et aux forces de sécurité, a valu des poursuites à des dizaines d'intellectuels turcs dont Hrant Dink. « L'existence de cette disposition juridique limitant la liberté d'expression ne fait que valider les attaques légales et autres contre les journalistes », estime l'assemblée des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, dans une résolution sur la liberté de la presse.

Par ailleurs, l’éditeur allemand Hanser du romancier turc Orhan Pamuk, prix Nobel 2006 de littérature, a, le 31 janvier, indiqué que l’auteur avait annulé un voyage prévu début février en Allemagne pour des raisons de sécurité. Ohran Pamuk devait être fait docteur honoris causa par l'Université libre de Berlin, avant de lire des extraits de ses œuvres dans la capitale allemande puis à Hambourg (nord), Cologne (ouest), Stuttgart (sud-ouest) et Munich (sud). Le romancier a été menacé de mort par l'un des suspects dans le meurtre de Hrant Dink. Yasin Hayal avait lancé « Orhan Pamuk doit prendre garde » le 24 janvier à son entrée dans un tribunal. Un porte-parole du ministère de l'Intérieur a indiqué lors d'un point-presse qu'il ne disposait d'aucun élément concret provenant de ses services sur une éventuelle menace pesant contre l'écrivain turc en Allemagne. Cible des milieux nationalistes turcs pour ses prises de positions sur le conflit kurde et la question arménienne, l'auteur de « Neige » et du « Livre Noir », a été poursuivi pour « dénigrement de l'identité nationale turque » après avoir affirmé dans un magazine suisse en février 2005 : « Un million d'Arméniens et 30.000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d'autre que moi n'ose le dire ». Les poursuites ont été abandonnées début 2006.

ANKARA : PLAIDOYER POUR LA PAIX ET LA DÉMOCRATIE DE L’ÉCRIVAIN KURDE YASAR KEMAL

Intellectuels, universitaires et hommes politiques ont, le 13 janvier, entamé à Ankara deux jours de débats sur les moyens de résoudre pacifiquement le conflit kurde en Turquie et appelé à renoncer à la violence qui déchire tout particulièrement le Kurdistan de Turquie. Hôte de marque de la conférence, intitulée « la Turquie recherche sa paix », le célèbre écrivain kurde, Yasar Kemal, a lancé un vibrant plaidoyer pour la paix, proclamant lors de son discours: « une véritable démocratie ou rien ». Il a dénoncé le fait qu'une « guerre light » dans le Kurdistan ait coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes depuis le lancement, en 1984, d'une lutte armée par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). L'auteur de « Memed le Faucon » et de « Terre de fer, ciel de cuivre », âgé de 83 ans, a affirmé que les revendications des Kurdes de Turquie restaient à ce jour incomprises à cause notamment de la persistance des autorités à « ignorer » l'existence d'un problème et à « jouer avec l'honneur d'un peuple » kurde. « Cette situation ne peut plus durer, il faut qu'elle finisse (...) la guerre pourrit la Turquie. Je ne suis pas un héros mais je suis obligé de dire tout cela », a souligné le romancier plusieurs fois emprisonné et poursuivi par la justice turque pour ses opinions politiques.

La conférence, fruit de plusieurs colloques régionaux, vise à établir une « feuille de route » pour encourager le gouvernement turc à trouver une solution à la question kurde, selon ses organisateurs. « L'arrêt total des violences est d'une importance vitale pour la paix », a estimé Yusuf Alatas, président de l'Association turque des droits de l'homme. Une cinquantaine d'intellectuels et des journalistes ont pris la parole. Plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d'incorporer le principal parti pro-kurde, Parti pour une société démocratique (DTP), dans la scène politique nationale. Le politologue Fuat Keyman a ainsi proposé que le seuil des 10% de suffrages nécessaires au plan national pour être représenté au Parlement soit réduit à 5% d'ici les prochaines législatives, prévues en novembre.

Plusieurs soulèvements kurdes ont été réprimés depuis la création de la République turque en 1923. La dernière en date, celle du PKK, a fait 40.000 morts (dont plus de 25.000 combattants kurdes), a, le 12 janvier, déclaré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. La communauté kurde de Turquie est estimée de 15 à 20 millions de personnes sur 73 millions d'habitants. Le conflit kurde a fait trois millions de déplacés et a conduit à des violations des droits de l'Homme, telles que l'usage systématique de la torture ou l'incendie de villages kurdes par les forces turques.

Le discours de clôture de la conférence devait être prononcé le lendemain par l'écrivain kurde Mehmed Uzun, considéré comme un des fondateurs de la littérature kurde moderne, mais sa longue maladie l’empêchant, son discours a été lu dans la salle.

Voici l’intégralité du discours de Yasar Kemal :

« Le XXème siècle a connu une succession d’événements qui n’assombrirent pas peu la respectabilité de la race humaine. On y a vécu deux sanglantes guerres mondiales. Des génocides. Ce sont cent années terribles que nous laissons derrière nous. Les rescapés de la première guerre ne furent plus jamais les hommes qu’ils furent avant le conflit : en proie aux peurs, privés de toute confiance en eux-mêmes, de toute créativité, sans espoir avec des personnalités en lambeaux… Ceux qui devaient réchapper de la seconde ne connurent pas sort plus enviable. Surtout si l’on pense à cette « troisième guerre » que fut la guerre froide…Tout cela ne fut que ruine pour l’humanité… Nous ne pouvons pas dire que l’humanité ait complètement réchappé des destructions occasionnées par ces guerres. Et puis cette attente de la bombe atomique et de la boule de feu qu’elle pourrait faire de notre planète… Vivre dans l’attente de la guerre n’est pas autre chose qu’une petite mort.

Vous me direz que je mets tous les maux de l’humanité sur le dos de la guerre. Non bien sûr que je ne suis pas de ceux-là : je n’en reconnais pas moins que les guerres en sont les causes les plus fréquentes. Les guerres sont des arrêts de morts pour les personnes comme pour les terres et la nature où nous vivons. Nous laissons donc ce siècle derrière nous dans les peurs, les souffrances, avec cette rage de la mort. N’en oublions tout de même pas tout ce qui a pu être mis au crédit de l’humanité dans le même temps. Tout ce qui a pu, autant que faire se peut, déposer quelque lueur sur le visage des hommes. L’humanité peut aussi se flatter de certaines de ses réalisations en ce siècle.

Le projet européen

Progressivement, l’Europe travaille à s’extraire des décombres de ces trois grandes guerres. Et elle s’en sortira. Autant d’efforts ne peuvent pas ne pas aboutir. L’UE n’a pas été fondée pour rien. Elle a été fondée pour des paix sans morts, pour la fertilisation et l’enrichissement réciproque des cultures ; pour un monde sans guerre et heureux. Elle a été fondée au nom de la paix, de la beauté, au nom du respect de la personne, pour dégager les moyens de ne plus rabaisser ou exploiter les hommes. Ce que je dis-là ne relève pas du vœu pieux : ce sont les racines et les causes essentielles de la fondation du projet européen. Voilà ce que l’on pouvait lire en 1973 dans une déclaration de la l’Europe des 9 :

« Fondée dans la perspective de créer une collectivité développée et sur la volonté de garantir les valeurs politiques, légales et spirituelles de tous ceux qui se sentent vaincus, l’Europe est porteuse de l’espoir d’être en mesure de protéger les Droits de l’homme comme de développer vers la forme d’un Etat social la suprématie de la règle de droit, la démocratie représentative et le progrès économique qui participent de ses valeurs fondatrices et de son identité. »

Et voilà la communauté européenne qui embrasse cet espoir après avoir connu trois terrifiants conflits, après être passée par trois guerres portant en elles l’annihilation du genre humain. Les pays n’ayant pas participé à ces conflits n’en ont pas moins été affectés que les belligérants. Ces trois affrontements ont réduit le monde à la misère. Toute guerre fut toujours à travers les siècles la cause de massacres et de lourdes pertes. Les vainqueurs, les vaincus comme les non belligérants ne purent réchapper à son cortège de funestes conséquences.

Et si nous en venons à ce conflit de basse intensité que l’on dit "guerre light" et que nous connaissons depuis 25 ans, on constate que malgré quelques cessez-le-feu unilatéraux, elle ne trouve aucun moyen de prendre fin. Pourquoi cela ? Comment cela est-il donc possible ? Il doit bien y avoir ici un secret que seuls les dieux sont en mesure de partager. La première guerre mondiale a duré 4 ans. La seconde, 6. Notre guerre de 25 ans, combien de temps durera-t-elle encore ? Personne n’est en mesure de prédire quoi que ce soit.

Une guerre de 25 ans

Notre pays a beaucoup souffert de ce conflit. 30 000 morts parmi les combattants. Plus de 70 000 combattants civils, les fameux protecteurs de village, se sont mêlés à cette guerre. Plus de 5 000 villages ont été brûlés, des hommes et des femmes ont été envoyés aux quatre coins du pays. Certains brisés par la faim ou la pauvreté. Les assassinats « inexpliqués » sont devenus monnaie courante ; une arme de guerre parmi d’autres. On a repéré les élites kurdes pour les livrer à de telles méthodes de crime. C’est toute une partie des institutions d’Etat qui ont connu le virus de la corruption. Cela aurait-il été pire de participer à la seconde guerre mondiale ?

Ce conflit a brisé les reins du pays. Nous sommes entrés en guerre contre notre propre peuple. Et le temps aidant, c’est notre position qui se détériore auprès du reste de l’humanité. On ne nous donne raison en rien.

Le monde nous observe tout autant que notre situation. Nous avons donné à la guérilla le nom de terroristes en attendant secours et soulagement. Les mots changent tout le temps et partout : et il advient qu’un jour ils ne servent plus à rien. Du dehors, les observateurs ne connaissaient pas les raisons pour lesquelles de jeunes gens prenaient le maquis ; ils ont d’abord cru à une aventure de style guérilla. Or une partie de ces jeunes-là étaient des lettrés, des diplômés de l’université. Le presque totalité d’entre eux savaient lire et écrire. Et la presse européenne n’accordait alors pas trop d’importance à ces faits-là.

Aujourd’hui par contre, la presse du monde entier sait tout de ce qui se passe chez nous. C’est une guerre à mener et à poursuivre en regardant le monde entier droit dans les yeux ; une guerre qui pourrira irrémédiablement le pays. On dit aussi que ce sont quelques 100 milliards de dollars qui sont partis en fumée dans ce conflit. Qu’on dise ce que l’on veut mais tout cela est encore loin de la réalité. Le prix en est encore plus élevé. Quant à de nouvelles pertes encore, il est beaucoup de pays qui ne sauraient s’en relever.

Des civilisations

Si l’on pose la question des grandes civilisations, nous nous rendrons compte que celles-ci n’ont pu prospérer que sur les terres les plus fertiles, sous les climats les plus favorables : l’Egypte, l’Anatolie occidentale, la Mésopotamie…Les terres de l’Est et du Sud anatoliens sont au nombre de ces régions et ont constitué au fil des siècles et des millénaires le berceau de grandes civilisations.

Les terres de l’Est anatolien ont été des appuis au développement des civilisations mésopotamiennes. Ainsi les fleuves qui y prennent source comme le Tigre et l’Euphrate… La Mésopotamie tire d’ailleurs son nom de ces deux fleuves. Ces terres ont vu naître des civilisations comme l’Ourartu ou l’Hurri et bien d’autres encore. Aujourd’hui, les hommes de ces régions se traînent dans la misère. Avant cette guerre, les habitants de ces zones, malgré toutes les difficultés, ne connaissaient pas une telle pauvreté. Les terres des paysans entraînés dans la guerre sont restées incultes. C’en est fini de l’élevage. Les vergers sont asséchés, les ruches abandonnées. Ce qui pouvait rester des villages évacués a finalement été laissé au pillage des protecteurs de village (payés par l’Etat pour combattre le PKK). Et c’est une inimitié sans nom et sans baume qui est née de cette rivalité entre protecteurs et non protecteurs. Quant aux villageois restés sur place, la vie a été rendue impossible.

Comment une région entière a été réduite à l’abandon : les pâturages verdoyants, les terres les plus fertiles ont été laissées à l’abandon. L’Etat mène sa guerre : déplacer les populations et laisser les terres vides…Et condamner, qu’on le veuille ou non, les enfants délaissés de l’exil, à prendre le maquis… Combien de nos jeunes ont-ils gagné les montagnes ? Le gouvernement en a-t-il la moindre idée ? A-t-on conscience en haut lieu des potentialités destructrices d’une telle attitude ?

Sait-on la nature et la profondeur des pertes ainsi affligées à la Turquie du côté de nos très chers nationalistes « polémophiles » ? Y a-t-il quelqu’un pour penser à la façon dont nous nous épuisons, nous nous épuiserons au fil de ces jours de guerre ? Y en a-t-il pour savoir vers où nous nous dirigeons ?

Il n’est au Turc d’autre ami que le Turc !

Quoi que vous puissiez faire à un homme ou à un peuple, veillez à ne jamais jouer avec son honneur. Voilà une parole que, depuis ma plus tendre enfance, je n’ai cessé de répéter. Or ceux qui nous dirigent n’ont cessé de faire le contraire. Il n’est plus rien qu’ils n’aient fait subir au peuple : que ce soit eux ou bien ces protecteurs de village agissant indépendamment. Tant de douleurs, d’injustices et d’oppressions que ma bouche ne saurait dire.

Il est dans notre pays des racistes drapés dans les refrains nationalistes et qui ont pour habitude de se fendre d’un mot fameux : il n’est au Turc pas d’autre ami que le Turc. Je ne pense pas qu’il puisse être proposé au peuple de quelque pays que ce soit, plus terrible parole. Et surtout lorsqu’il s’agit des Kurdes, tu ne dois pas dire de telles choses. Les Kurdes t’en voudraient. Permettez-moi de dire à mes amis nationalistes, qu’ils peuvent tout à fait se détendre et se réjouir. Il est d’autres amis aux Turcs que le Turc. Ils ne sont pas si invisibles que cela. De Mantzikert à nos jours, les Kurdes sont les amis des Turcs. Une amitié qui a perduré jusqu’à la guerre de libération. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à dire et à écrire que sans le soutien des Kurdes, cette guerre aurait été difficile et mal engagée. L’intelligence de Mustafa Kemal Pacha a pu parer à cette difficulté. Après avoir pris pied à Samsun, pourquoi n’a-t-il pas tenu de congrès sur la Mer Noire ? Allez disons que la côte se prêtait mal à telle organisation, pourquoi ne l’a-t-il alors pas tenu à Amasya ou à Ankara ? Pourquoi ?

Ce cerveau devait bien avoir une solide raison pour agir de la sorte. A Erzurum se tenait une armée devant se tenir à la disposition de l’Inspecteur d’armée qu’était Kemal. Le commandant de ce corps d’armée était Kazim Karabékir Pacha : il a répondu à l’appel de son Inspecteur. Et puis aux côtés du Pacha se tenait encore une autre force : les Kurdes. A Erzurum comme représentant des Kurdes, c’est Haci Musa qui est venu et avec qui un accord a été conclu. De cet accord aujourd’hui, il n’est plus aucune trace.

Dans les années 50, Nurullah Ataç nous avait invités à dîner, son ami Cevat Dursunoglu et moi-même. Au cours du repas, nous en sommes venus à parler du seigneur Haci Musa. L’un des convives devait alors demander à Dursunoglu, qui fut en 1919 l’un des membres du Congrès d’Erzurum si Haci Musa et Mustafa Kemal avaient conclu un accord ? Et Dursunoglu de répondre : « Et heureusement que Kemal a passé cet accord. C’est grâce à cette décision qu’a pu prendre fin la révolte des Koçgiri (nom d’une tribu kurde en révolte contre Ankara dans la région de l’anti-Taurus, Sivas, au début de l’année 1920) ».

A cette époque, l’Assemblée nationale comptait 93 députés kurdes. Ces 93 représentants votent une résolution précisant que jusqu’à la fin de la guerre ils resteront sous commandement de Mustafa Kemal. Puis il y a la conférence de Lausanne. Si les Kurdes n’avaient pas soutenu les Turcs mais les Anglais, en serions-nous là aujourd’hui ? Et puis pensez un peu au fait que des Kurdes, au tout début de la révolution bolchévique en Russie, s’étaient alliés aux Kurdes vivant en Russie. La majorité restant fidèle aux Ottomans. Imaginez donc qu’ils aient pris le parti des Russes, les Soviétiques n’en auraient-ils pas fait au final une république kurde soviétique ?

S’il en est ainsi, pourquoi, selon vous, ont-ils accepté tant de souffrances et d’isolement ? Les Kurdes n’étaient-ils pas au courant de ce qui se passait dans le monde ? Si l’on s’en tenait à la politique d’Etat menée aujourd’hui, on les ferait passer pour les rois des ânes.

Et l’Irak aujourd’hui ?

Nos dirigeants, nos journalistes font de l’indépendance des Kurdes d’Irak un véritable casus belli. Pourquoi ? Qu’avez-vous à voir avec les Kurdes d’Irak ? Que l’on en pense ce que l’on veut, eh chers nationalo-racistes, mais s’il nous est en ce monde un seul ami, alors ce sont bien les Kurdes d’Irak qui se tiennent au sud sur de vastes gisements pétrolifères ?

Et tel ami en vaut bien de nombreux autres. Quel dommage que de leurs amis ils aient tant goûté du bâton pour aujourd’hui n’apprécier le yaourt qu’avec l’appréhension de la brûlure !!! Les Kurdes d’Irak ne veulent pas de l’indépendance. Parce qu’elle ne leur serait d’aucun intérêt. C’est à une fédération qu’ils aspirent au plus profond d’eux-mêmes. Vivre dans le cadre d’un Etat fédéré viendrait bien mieux servir leurs intérêts.

Et certaines personnes, l’Etat, la presse, tous comme un seul homme se dressent : «  les Kurdes vont diviser la Turquie. » Peut-être savent-ils quelque chose que nous ignorons. Peut-être sont-ils en possession d’une information que tout le monde leur envie. Peut-être encore savent-ils que cette violence ne cessera ni ne s’amoindrira jamais. Et s’ils ne le savent pas, peut-être le souhaitent-ils. Peut-être enfin que personne ne sait rien.

Une guerre, d’aussi faible intensité soit-elle, n’en reste pas moins une guerre. Et l’Etat qui souhaite que la guerre perdure, aussi puissant soit-il, ne peut pas ne pas connaître de pertes, ne pas être affecté. Nous nous rendons bien compte que les forces de ceux qui veulent poursuivre la guerre en pure perte ne servent pas à grand-chose. La douleur occasionnée par la guerre se loge dans le cœur de tout un chacun.

Les Kurdes veulent la paix. Et si ce désir n’était pas sincère, cela se comprendrait très vite. Il est toujours nos nationalo-racistes à exclure les Kurdes. Ils sont tout à fait libres de discuter de ce qu’ils veulent. Mais ces gens sont restés sans nouvelle du monde. Bien que notre peuple brûle d’un désir de démocratie, nous n’avons pas été en mesure d’en épouser les formes et les bienfaits. Et si une telle situation venait à perdurer, nous ne la connaîtrons jamais. A notre époque, les noces d’un pays avec la démocratie font le lit de sa respectabilité.

Il y a des années, j’avais dit que la démocratie passerait par la question kurde. Et toi, continue donc d’interdire la langue maternelle de millions de tes concitoyens, de refuser l’ouverture d’écoles où lire et écrire cette langue… Les universités où étudier et développer cette même langue… Les Kurdes ne sont pas une minorité d’après le Traité de Lausanne. Et c’est tant mieux. Parce qu’il ne leur serait rien resté qu’on ne puisse pas interdire.

Comment aurions-nous pu faire une minorité de nos frères depuis Mantizkert, de ceux qui se sont battus à nos côtés durant la guerre d’indépendance ? Les Kurdes ne se sont d’ailleurs jamais vus comme une minorité. Même dans les pires conditions, ils ne se sont jamais considérés comme une minorité. A tous les exils, toutes les vexations, à tous ceux qui tenaient leur langue pour une invention, ils n’ont jamais brandi l’identité de la minorité. Pour la simple et bonne raison qu’ils ne sont pas minorité mais bien des frères. Personne ne peut les arracher à leur fratrie. Il en va d’un passé millénaire.

Si l’on n’avait pas connu ces interdictions pendant 80 ans, si l’on n’avait pas oublié la proximité des Kurdes, si on ne les avait pas étouffés sous des lignes et des lignes d’interdictions, alors aujourd’hui il ne me serait même pas venu à l’esprit de dire de telles choses. Le peuple turc n’a pas oublié son frère. Une farouche propagande a pris les Kurdes pour cible. Ils ont dû endurer des lynchages, des exils puis des exils encore. Certains ont tenté de nous pousser tous à la guerre civile. Mais voilà, les gens qui vivent ensemble sur ces terres n’ont pas laissé d’espace à ces provocations, à ces incitations à la haine. Voilà, une attitude réjouissante, une réaction chargée d’espoir. Nous sommes passés par tant de tempêtes jusqu’à présent que nous irons dorénavant là où nous devons aller par la voie la plus courte.

Démocratie et richesses culturelles

Puis il y eut tous ceux qui prétendirent qu’il n’y avait pas de langue kurde, qu’elle n’était qu’une mosaïque de parlers locaux ! Soit ils ne savent pas, soit ils inventent. La langue kurde est une langue riche. Et des langues kurdes procèdent de nombreux parlers selon les régions, selon les villes. La langue kurde est également forte d’une riche littérature. Et les langues dotées d’une littérature écrite savent se perpétuer à travers les siècles. Il est des grandes et anciennes épopées en langue kurde. Les aèdes kurdes continuent aujourd’hui encore d’aller chanter ces épopées de village en village : ils en créent de nouvelles. On parle encore d’anciens auteurs comme Evdalê Zeyniki : à la fois grand poète et grand conteur…

Feqiyé Teyran fut un autre aède. Il vécut au 14ème siècle. Fils de Mukus Emiri. On lui connaît des compositions de cette poésie du Divan. Ses textes se colportent encore de conteurs en chanteurs. La plupart de ses poèmes ont les oiseaux pour sujet. Voilà pourquoi on le tient pour le « conteur des oiseaux ». Il a passé toute sa vie avec les oiseaux. Aujourd’hui sur la planète, il est des conteurs et créateurs d’épopée au Kirghizistan. On les appelle Manasdji. Il y en avait encore en Irlande jusqu’au siècle dernier.

Notre époque traverse une crise de la culture. Et particulièrement ces dernières années, on mène de nombreux travaux sur les cultures. Les questions culturelles constituent des problèmes de tout premier plan, notamment en Europe…

Il n’est pas anodin que l’on donne de plus en plus d’importance à la culture. Ce qui fait d’un homme un homme c’est bien la culture. Et le monde est un jardin de cultures couvert de milliers de fleurs. Chaque fleur possède une couleur, un parfum particulier. L’humanité se doit de frémir sur chaque culture. Si de toutes ces fleurs nous en coupons une alors c’est un parfum et une couleur dont nous restons orphelins.

Jusqu’aux temps de l’impérialisme, les cultures se sont nourries les unes des autres en toute réciprocité. Il en va ainsi des civilisations… Il n’est aucune culture, aucune civilisation en ce monde qui ait pu se développer seulement par elle-même.

Il est un certain nombre de gens parmi les scientifiques ou les intellectuels qui refusant la pluralité des cultures se déchirent eux-mêmes et notre pays par la même occasion. Ils nous parlent de l’Anatolie comme du berceau de grandes cultures. Mais pour eux, nous n’avons pas le droit à l’expression.

Jusqu’aux temps impérialistes, qu’on le veuille ou non, les cultures se fécondaient l’une l’autre. L’impérialisme, quant à lui, s’est attaché deux notions héritées de la Renaissance : l’homme primitif et l’homme supérieur. Et les impérialistes, sûrs de leur bon droit, se sont mis en tête d’apporter la culture aux hommes primitifs.

Si nous sommes en mesure de créer une véritable démocratie en Anatolie alors les cultures de cette région se remettront à se féconder l’une l’autre. Et la Turquie, comme par le passé, renouera avec cette habitude de contribuer de la plus belle manière au patrimoine culturel de l’humanité.

Si les hommes de ce pays font le choix de la beauté, du bonheur et de l’humanité, alors cela ne pourra pas passer par autre chose que les Droits universels de l’Homme et la liberté d’une pensée sans borne et universelle.

Quant aux citoyens des pays qui s’opposeront à ces valeurs, ils vivront sans respectabilité aucune dans le siècle qui vient, comme des personnes incapables de regarder l’humanité dans les yeux.

Il est en notre pouvoir de sauver l’honneur, le pain et la richesse culturelle de notre pays. Une véritable démocratie ou rien. »

BILAN 2006 : LES CIVILS NOTAMMENT LES CHIITES CONTINUENT D’ÊTRE LES PRINCIPALES VICTIMES DES VIOLENCES EN IRAK

Le Premier ministre Nouri al-Maliki a, le 6 janvier, annoncé le lancement dans les prochains jours d'un nouveau plan de sécurité pour Bagdad. Troisième du genre depuis six mois, ce plan sera mis en œuvre par des troupes irakiennes, avec le soutien de l'armée américaine. Le ministre des Peshmergas, Jaafer al-Cheikh Moustafa, a, le 8 janvier, déclaré, que « les brigades kurdes de l'armée irakienne participeront aux opérations de sécurité à Bagdad ». Trois brigades kurdes de l'armée irakienne sont envoyées à Bagdad pour participer au plan de sécurisation de la capitale sans que les Peshmergas ne prennent part aux opérations. Basées à Soulaimaniyeh, Erbil et Dohouk, les brigades kurdes de l'armée irakienne sont quant à elles sous l'autorité du ministère de la Défense du gouvernement central.

Selon un rapport publié le 16 janvier par l'Onu, plus de 34.000 civils ont été tués dans des violences en Irak en 2006, dont près de la moitié à Bagdad. Les violences ont tué 34.452 civils en Irak en 2006, soit une moyenne de 94 morts par jour, ont annoncé les Nations unies dans leur rapport bimensuel sur la situation des droits de l'Homme dans le pays. Près de la moitié des violences ont eu lieu à Bagad, qui dénombre 16.867 tués selon l'institut médico-légal de la capitale, tandis que 17.585 ont été recensés à travers l'Irak, précisent les auteurs du rapport. « Bagdad est au centre de la violence confessionnelle », ont-ils constaté: « les groupes armés sunnites et chiites tentent de prendre le contrôle des quartiers mixtes en intimidant et en assassinant les populations civiles, forcées de se réfugier dans les quartiers de la ville habités ou contrôlés par leur propre groupe ethnique ». Plus de 36.000 Irakiens ont également été blessés en 2006, tandis qu'au moins 470.094 personnes ont été déplacées sous la contrainte, selon l'Onu, depuis l'attentat en février 2006 contre la mosquée chiite de Samarra (nord de Bagdad) qui avait provoqué une explosion des violences confessionnelles. Les statistiques du rapport ont été établies à partir d'informations du ministère de la Santé, des morgues et des hôpitaux à travers le pays.

Le bilan des violences politiques dans la population civile irakienne établi par le ministère de l'intérieur a atteint un nouveau record en janvier. Les chiffres publiés qui n'apportent qu'un éclairage partiel sur le nombre de morts violentes, font état de 1.992 décès dus au terrorisme en janvier, contre 1.925 en décembre, le précédent record. Ce bilan, qui se fonde sur des informations collectées auprès de différents ministères, n'est pas exhaustif, mais confirme la tendance révélée par d'autres statistiques. Les Nations unies, qui recoupent les données du ministère de la Santé et celles de la morgue de Bagdad, évaluent les pertes civiles de décembre à 2.914 morts. Elles avaient recensé 3.462 décès en novembre. Les chiffres obtenus auprès des services de sécurité irakiens incluent les dizaines de corps de personnes non identifiées découverts chaque jour en Irak. Dans le même temps, « 586 terroristes ont été tués et 1.921 arrêtés en janvier, contre 314 tués et 1.034 détenus en décembre », selon la même source. Les pertes des forces de sécurité irakiennes sont en baisse en janvier par rapport à décembre : 95 membres des forces de sécurité ont été tués (55 policiers et 40 soldats), contre 148 en décembre (125 policiers et 23 soldats). Le nombre des blessés est également légèrement inférieur: 220 en janvier (135 policiers et 85 soldats) contre 249 en décembre (211 policiers, 39 soldats).

Les chiites continuent d'être les principales victimes de la violence en Irak (77%), selon le président irakien Jalal Talabani. Les commémorations en Irak du deuil chiite d'Achoura, qui ont drainé cette année près de 1,5 million de pèlerins dans la ville sainte de Kerbala, ont été endeuillées dans plusieurs villes. Au total, au moins 56 personnes ont, le 30 janvier, été tuées dans des attaques en Irak, dont dix habitants du quartier sunnite d'Adhamiyah, dans le nord-est de Bagdad, tués par des obus de mortier tombés sur leurs maisons, tandis que les corps de huit personnes assassinées ont été découverts dans la capitale.

Au Kurdistan, douze Kurdes chiites ont été tués et 38 blessés dans l'explosion d'une bombe près d'un lieu de culte chiite dans le centre de Khaneqine. L'attentat visait la communauté faylie, au moment où elle commémorait le deuil de l'Achoura, la principale fête religieuse chiite en mémoire de la mort de l'imam Hussein, en 680 après une défaite face aux armées du calife omeyyade Yazid. Le 18 novembre 2005, des kamikazes avaient frappé les deux principales mosquées de Khanaqin tuant au moins 74 personnes et provoquant des dégâts importants aux deux édifices religieux. Khaneqine ne se trouve pas dans la province autonome du Kurdistan, mais dans la province de Diyala. Elle est aujourd'hui habitée essentiellement par des Faylis.

D’autre part, environ deux millions d'Irakiens ont fui leur pays pour échapper aux attentats quotidiens et aux violences intercommunautaires, provoquant des tensions en Syrie et en Jordanie, deux pays voisins accueillant la plus grande partie des réfugiés. Selon les Nations unies, il s'agit du plus important déplacement de population au Proche-Orient depuis l'exode des Palestiniens au moment de la création d'Israël en 1948. Selon, Stéphane Jacquemet, représentant régional du Haut Commissariat de l'Onu pour les réfugiés (HCR) « entre un demi-million et un million d'Irakiens se trouvent en Jordanie, un nombre équivalent en Syrie, probablement plus de 100.000 en Egypte, entre 20.000 et 40.000 au Liban, 54.000 en Iran et un nombre indéterminé en Turquie ». De plus, selon l'ONG américaine International Medical Corps (IMC), plus d'un demi million de personnes ont fui l'an dernier leur domicile en Irak en raison des violences intercommunautaires et un million d'autres pourraient aussi y être contraintes d'ici l'été. IMC, qui dispose de plus de 300 employés en Irak, a, le 30 janvier, souligné que le nombre de personnes déplacées augmentait à un rythme très important, en particulier dans la capitale, qui compte environ six millions d'habitants. Selon une étude effectuée par l'ONG, 80% des près de 550 000 civils irakiens qui ont fui leur domicile après l'attentat contre le sanctuaire chiite de Samarra, en février 2006, se trouvent à Bagdad. Les Nations unies ont estimé à 1,7 million le nombre de personnes déplacées à l'intérieur de l'Irak.

Par ailleurs, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a, le 16 janvier, obtenu à Koweït l'appui des dirigeants arabes au plan Bush pour l'Irak, mais sans engagement précis envers le gouvernement irakien pour contrer l'influence de l'Iran en Irak. Réunis dans la soirée autour de Mme Rice, les chefs de la diplomatie des pays du Golfe, de Jordanie et d'Egypte ont appelé l'Iran à s'abstenir de toute ingérence dans la région et se sont félicités de la décision du président George W. Bush de renforcer le dispositif militaire américain dans le Golfe. Leur communiqué commun, le premier depuis la création en septembre du « CCG+2 » --le Conseil de Coopération du Golfe (Arabie saoudite, Koweït, Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn et Oman), l'Egypte et la Jordanie-- ne mentionne pas nommément l'Iran. « Les participants affirment que les différends entre Etats devraient être réglés par des moyens pacifiques et conformément aux normes internationales, et que les relations entre tous les pays devraient être fondées sur le respect mutuel de la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les Etats, ainsi que sur le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures », indique le document. Les alliés arabes des Etats-Unis, sur lesquels Mme Rice compte pour contrer la montée de l'influence iranienne dans la région, se sont par ailleurs félicités du nouveau plan américain pour l'Irak. Celui-ci prévoit l'envoi de plus de 20.000 soldats supplémentaires et une augmentation de l'aide à la reconstruction pour l'Irak, ainsi que le déploiement de missiles antimissiles Patriot dans le Golfe pour protéger les alliés de Washington.

Selon un rapport de 130 pages publié le 29 janvier par l'Institution Brookings, un Institut privé de géopolitique proche des démocrates, l'Irak est en train de  plonger dans une guerre civile qui va probablement se propager dans les pays voisins, suite à des morts en masse et des afflux de réfugiés.  Le rapport prévoit des conséquences désastreuses, dont de  graves perturbations dans la production de pétrole et une baisse  considérable de l'influence américaine dans la région. Le rapport préconise la création d'un groupe régional pour  aider à contenir la guerre civile en prenant contact avec l'Iran  et la Syrie, ce que refuse jusqu'à présent l'administration Bush. L'Institution, située à Washington, indique que le rapport se  base sur les leçons tirées des autres guerres civiles, notamment  en Afghanistan, au Congo, au Liban, en Somalie et en ex- Yougoslavie.

LU DANS LA PRESSE TURQUE : « NOUS SOMMES LES PREMIERS Á REFUSER LE CONTRÔLE DE L’ARMÉE TURQUE » DÉCLARE L’ANCIEN VICE-PRÉSIDENT DE CHYPRE DU NORD

L’ancien vice-président de Chypre du Nord (ndlr : sous occupation turque depuis 1974, entité reconnue que par Ankara) et président du parti du Mouvement pour la paix et la démocratie, Mustafa Akinci, a accordé une longue interview au quotidien turc Radikal. Voici de larges extraits de cet entretien réalisé par Nese Duzel publié le 15 janvier sous le titre de « Nous sommes les premiers à refuser le contrôle de l’armée turque »

Musafa Ankinci definit Chypre du Nord en ces termes : « La République turque de Chypre du Nord (KKTC) est une entité dénommée État mais qui ne peut remplir aucune fonction étatique. C’est une construction sous contrôle de la Turquie. C’est aussi une entité proclamée en 1983, reconnue par aucun État, dont la Turquie même ne remplit pas toutes les conditions requises pour sa reconnaissance ».

(…) « Les Chypriotes turcs ne veulent être une minorité ni pour la Turquie et ni pour les Chypriotes grecs majoritaires en nombre sur l’île. Mais aujourd’hui on tend à être une minorité de la Turquie. En KKTC, le nombre des Chypriotes turcs se réduit de jour en jour alors que celui des originaires de Turquie augmente (…) Aujourd’hui le parti de la Justice et du Développement (AKP-au pouvoir), c’est-à-dire Recep Tayyip Erdogan, a plus d’influence sur des milliers d’électeurs de Chypre du Nord qu’un politicien local car ils y sont installés par la Turquie et donc sont tournés en permanence vers Ankara… »

(…) « KKTC est en principe indépendante mais concrètement elle est dirigée par la Turquie par l’intermédiaire de la bureaucratie civile et militaire et cela depuis toujours. Des élections ont eu lieu pendant la phase du plan Annan, un nouveau président et un nouveau gouvernement ont été élus, comme si le statu quo en place avait été invalidé. Cette image allait dans le sens de la Turquie mais le statu quo n’a jamais été détruit. On a pu constater que le président d’un État dit indépendant ne pouvait même pas faire démolir un passage (ndlr : pont de passage de Lokmaci) dans la capitale de son pays sans autorisation (turque). La Turquie a essayé depuis des années de faire reconnaître KKTC comme un Etat indépendant mais avec ce dernier incident tout le monde a pu constater clairement que ce n’est pas un État indépendant en réalité et qu’elle est sous tutelle militaire (turque). De toute façon en KKTC, à côté des militaires, il y a également la domination de la bureaucratie du ministère turc des affaires étrangères. Il faudrait aujourd’hui se préserver de la domination de cette bureaucratie militaire et civile et définir à nouveau les relations entre la Turquie et la KKTC. »

(…) Bien entendu, il y aura des militaires sur ces terres, mais un président élu par le peuple va-t-il continuer à être en difficulté lors qu’il voudra démolir un simple passage ? Dans ce pays le service des sapeurs-pompiers va-t-il continuer à être sous les ordres des militaires (turcs) ? Le président de la banque centrale ne pourra-t-il pas être issu des Chypriotes turcs ? »

« Lors de la dernière crise de Lokmaci, la police de la KKTC a empêché l’application des décisions du président même de ce pays. La police de la KKTC est-elle sous les ordres de l’état-major turc ? », interroge alors Nese Duzel.

Mustafa Akinci répond par l’affirmatif en soulignant que « des annonces telles que « Ne venez pas détruire ce passage. Celui qui viendrait le détruire sera emprisonné » ont été publiées dans la presse, sans avoir jamais été démenties » (…)

« Chez nous la police n’est pas sous les ordres des autorités de la KKTC ni des Chypriotes turcs. Elle n’est pas liée à l’autorité civile c’est-à-dire au ministère de l’intérieur. Dans la KKTC, il n’y a aucune force de sécurité sous les ordres des autorités civiles. La police est liée au Commandement des forces de sécurité dont le commandant en chef n’est autre qu’un général (parachuté) de la Turquie (…) La police agit donc selon la volonté des autorités militaires. De toute façon le pont de passage de Lokmaci n’a pu être détruit qu’après un consensus avec Ankara. Il n’y a en fait aucune évolution depuis la fondation en 1983 de la KKTC. La Turquie n’a jamais accepté que les Chypriotes turcs se régissent par leur propre volonté libre. La bureaucratie civile et militaire turque y est toujours intervenue, sous couvert d’un parti politique, ou par l’intermédiaire des vice-présidents des partis politiques ou encore sous couvert militaire et via des bureaucrates civiles. Des gouvernements sont tombés, d’autres ont été formés, on est intervenu dans les élections. La Turquie est aussi intervenue dans les élections de 1990 de la KKTC (…) », poursuit Mustafa Akinci.

Vice-Premier ministre de la KKTC en 2000, Mustafa Akinci expose ainsi sa propre expérience gouvernementale : « Nous faisions partie à l’époque d’une coalition gouvernementale. Nous avons prôné un gouvernement civil et demandé à ne pas fuir des négociations avec les Chypriotes grecs. Ce fut la raison pour laquelle on a renversé notre coalition gouvernementale. Les autorités militaires sont ouvertement intervenues en ce sens. Lors que j’ai dit à notre partenaire gouvernemental, le président du parti de l’Union nationale et Premier ministre de surcroit, Dervis Eroglu, « On a tous besoin de démocratie. Aujourd’hui pour moi et demain ce sera pour toi », il m’a rétorqué « je ne peux pas donner un coup de poing au couteau ». Le Premier ministre a ainsi expliqué qu’il ne pouvait s’opposer aux autorités- autorités militaires clairement- qui renversaient le gouvernement »

(…)

« Il y a deux armés dans la KKTC. La première est une armée appelée les forces de sécurité des Chypriotes turcs composée de 2 à 3 milles militaires et la seconde est les forces de paix turques. Les deux armées ont à leurs têtes des commandants parachutés par l’état-major turc à partir d’Ankara. Un Chypriote turc ne peut pas être le chef des armées de la KKTC. L’indépendance de la KKTC n’est qu’un maquillage, il faut arrêter de l’appeler un État indépendant (…) C’est un territoire où la parole de la bureaucratie militaire et civile de la Turquie a toute autorité sur les questions importantes. Il y a quelque temps, il y a eu des rixes dans le casino de Yasar Oz, personnage impliqué dans le scandale de Susurluk (ndlr : accident de voiture en 1996 dans la ville turque de Susurluk mettant en lumière la collusion entre la police, la mafia et les politiciens turcs). Deux personnes ont été tuées et une autre a été gravement blessée. Yasar Oz était un des accusés de cette affaire, et pourtant après cinq ou six jours de garde à vue il a été expulsé par une décision soudaine du Conseil des ministres (de la KKTC). Il est rentré en Turquie et a été libéré. La question est de savoir si cet homme est coupable. Si c’est le cas, pourquoi le libérer ? Sinon pourquoi l’avoir expulsé ? En plus, il était marié avec une fille chypriote turque d’ici. (…) Une force au moins au dessus du Conseil des ministres a pu faire cela. On dit que c’est le Conseil qui a pris la décision mais ce n’est qu’une formalité. Personne ne croit que notre Conseil des ministres ait pu élaborer cette décision de par sa propre volonté… »

« On dit toujours que Chypre est une île du crime et qu’elle obtient une importante part de ses revenus de l’argent sale », interpelle Nese Duzel l’ancien vice-président de la KKTC.

« Tant que le droit international n’aura pas cours ici, il y aura ce genre d’embarras dans la KKTC. Cela veut dire par exemple ne pas donner la possibilité aux criminels, en infraction dans d’autres pays, venir se balader sans être inquiétés dans la KKTC. Aujourd’hui, ils s’y baladent tranquillement (…) N’étant pas reconnu par d’autres Etats, on ne peut pas signer des traités d’extradition de criminels avec les Etats. Ces gens là peuvent alors venir travailler tranquillement en Chypre du Nord ou alors nous avons des Yasar Oz dans le secteur des casinos (…) Lorsque j’étais ministre du tourisme, j’ai imposé la condition des « 500 lits et 5 étoiles » pour l’ouverture d’un casino afin d’éviter que des casinos ne pullulent, mais par la suite l’autorisation des salles de jeux a été facilitée. En 2000, à mon époque, le nombre des salles de jeux était près de 19, aujourd’hui on atteint les 30 avec les nouvelles constructions sur un tout petit territoire de 3 300 km2. Des rapports internationaux indiquent le blanchiment d’argent. Les propriétaires de la plupart de ces casinos sont de Turquie. En Chypre du Nord, outre cela, il y a plus d’une centaine des lieux de paris. On peut faire des paris sur des matchs de foot ou des courses hippiques ou canines. On compte également 45 à 50 boîtes de nuit où travaillent des jeunes filles originaires des pays de l’Est et l’État sait que la prostitution existe dans ces lieux (…) Il n’est pas possible pour la mafia de se développer dans une entité indépendante qui évolue dans le cadre du droit international. Mais si l’indépendance s’effectue en dehors du droit international, dans le cadre d’une île pirate, il peut y avoir aussi bien la mafia, que l’argent sale ou le trafic de drogue. Aujourd’hui il y a aussi le trafic d’êtres humains ici. On enlève des personnes du Nord au Sud. Ce ne sont pas des petites affaires, il y a la mafia des jeux et du trafic de drogue. Nous n’avons pas un panorama brillant »

(..)

« La KKTC, ne prétend pas vouloir être un Etat indépendant à part entière au sens politique du terme. Les Chypriotes turcs veulent ce qui est dans les possibilités. Ils veulent composer une fédération avec les Chypriotes grecs. Ils veulent se réunir avec les Chypriotes grecs dans un Etat fédéral avec un Etat fédéré au statut égal. Le plan Annan auquel nous avons répondu par le « oui » à 65% et dont les Chypriotes grecs ont rejeté à 75%, statuait ceci. Ce que nous voulons c’est d’être un Etat européen fédéral proche des exemples comme la Belgique ou la Suisse. Nous n’avons pas dit « oui » au plan Annan que pour des raisons économiques, nous l’avons accepté pour une nouvelle façon de vivre… », conclue Mustafa Akinci.

AINSI QUE...

STRASBOURG : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR MAUVAIS TRAITEMENTS ET VIOLATION DU DROIT Á LA LIBERTÉ D’UN KURDE DÉTENU SANS PROCÈS DEPUIS SEPT ANS



La Cour européenne des droits de l'homme a, le 16 janvier, condamné une nouvelle fois la Turquie pour des mauvais traitements infligés par des policiers et des gendarmes à un détenu soupçonné d'appartenir au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Les juges de Strasbourg ont accordé 15.000 euros à Veli Tosun, 41 ans, détenu à la prison de Diyarbakir, qui se plaignait d'avoir été roué de coups par les policiers d'Istanbul et les gendarmes à son arrivée à la prison de Diyarbakir en juillet 1999.

Placé en garde à vue le 22 juillet 1999 dans les locaux de la sûreté d'Istanbul, Veli Tosun avait été transféré à Diyarbakir où un examen médical révéla ultérieurement une ecchymose couvrant entièrement le biceps gauche. Suite à sa plainte, une procédure pénale fut ouverte. Une partie des gendarmes mis en cause furent acquittés mais l'affaire est toujours pendante concernant les autres gendarmes impliqués. En l'absence d'explication sur la cause des lésions constatées, la Cour européenne estime que la Turquie porte la responsabilité de ces blessures et conclut que le requérant a subi un traitement inhumain et dégradant, en violation de l'article 3 de la Convention, une violation maintes fois constatée en Turquie par les juges européens.

La Cour note aussi dans son arrêt que la détention provisoire du requérant pour appartenance au PKK dure à ce jour depuis plus de sept ans et quatre mois, une durée qui n'est pas justifiée par les circonstances. Les juges européens ont de ce fait conclu à la violation du droit à la liberté du requérant ainsi qu'à son droit à un recours effectif.

RECONSTRUCTION EN IRAK : UN AUDIT OFFICIEL AMÉRICAIN ÉPINGLE LA GESTION DES 21 MILLIARDS DE DOLLARS CONSACRÉS Á LA RECONSTRUCTION



Selon un rapport officiel publié le 31 janvier, des dizaines de millions de dollars de l'aide à la reconstruction de l'Irak ont été gaspillés par le gouvernement américain, notamment dans des projets tels qu'une piscine olympique jamais utilisée ou pour du matériel militaire dont on a perdu la trace. La guerre en Irak a déjà coûté aux contribuables américains plus de 300 milliards de dollars (232 mds euros), dont 21 milliards pour la reconstruction, avec « à ce jour un succès limité », estime l'inspecteur général Stuart Bowen Jr dans son audit trimestriel. D'après ce document, le Département d'Etat américain a par exemple payé 43,8 millions de dollars (33,8 millions d'euros) à DynCorp International pour réaliser dans la banlieue de Bagdad des logements pour les formateurs de la police irakienne. Ce complexe résidentiel reste vide depuis des mois. Environ 4,2 millions de dollars (3,2 millions d'euros) ont servi à la construction d'une piscine olympique et à l'acquisition d'un parc de 20 caravanes, censées accueillir les visiteurs de marque. Ces dernières dépenses ont été décidées par le ministère irakien de l'Intérieur sans l'aval des Etats-Unis. Autre irrégularité, de taille: des responsables américains ont dépensé 36,4 millions de dollars (28 millions d'euros) pour des véhicules blindés, armures corporelles et des équipements de communication dont on ne trouve plus de trace. DynCorp aurait aussi émis 18 millions de dollars (14 millions d'euros) de factures qui pourraient être injustifiées, selon l'audit. Le Département d'Etat a assuré avoir mis en place un système de vérification des factures, qui a d'ailleurs rejeté une note de 1,1 million de dollars (850.000 euros) de DynCorp ce mois-ci.

L'audit de Stuart Bowen Jr tombe au moment où le président américain George W. Bush tente de convaincre le Congrès, désormais à majorité démocrate, d'approuver une enveloppe complémentaire de 1,2 milliard de dollars (930 millions d'euros) pour la reconstruction en Irak. Au cours du trimestre écoulé, le bureau de Stuart Bowen a ouvert 27 nouvelles enquêtes, portant le nombre d'affaires à 78. Vingt-trois devraient faire l'objet de poursuites, la plupart pour corruption. Cependant, « la fraude n'a pas été un élément significatif de l'expérience américaine en Irak », tempère Stuart Bowen. Sur les 21 milliards de dollars (16 milliards d'euros) du Fonds de reconstruction de l'Irak, créé en 2003, la plus grande partie a été allouée à la sécurité et la justice (34%) ainsi qu'à la production et la distribution d'électricité (23%), qui reste cependant inférieure au niveau d'avant-guerre. Douze pour cent des dépenses de reconstruction ont été consacrées à l'eau, autant au développement économique, 9% au pétrole et au gaz, 4% aux transports et communications et 4% encore à la santé. Les auditeurs se déclarent « inquiets » pour la gestion future de la reconstruction par le gouvernement irakien. Ce dernier disposait encore de « milliards de dollars alloués qui restaient inutilisés fin 2006 », écrivent-ils. Et de souligner que « le défi le plus important (en Irak) reste le renforcement de l'Etat de droit -système judiciaire, prisons et police ». « Les Etats-Unis ont dépensé des milliards de dollars dans ce domaine, avec à ce jour un succès limité. »

Par ailleurs, l'ex-directeur du programme « Pétrole contre nourriture »  de l'ONU en Irak, le Chypriote Benon Sevan, a, le 16 janvier, été accusé de corruption par un tribunal new-yorkais qui a lancé un mandat d'arrêt international contre lui. Selon le chef d'accusation, M. Sevan aurait reçu 160.000 dollars du gouvernement irakien par l'intermédiaire d'Ephraim Nadler, autre Chypriote également accusé. Benon Sevan, âgé de 69 ans, risque 50 ans de prison. Il avait démissionné de l'ONU en août 2005 après avoir été mis en cause par la commission d'enquête dirigée par l'ancien banquier américain Paul Volcker. Il avait alors quitté New York pour Chypre. Dans un communiqué, l'avocat américain de Benon Sevan a réfuté les accusations à l'encontre de son client qu'il a qualifiées de « sans fondement ». Son co-accusé Ephraim Nadler est le beau-frère de l'ancien secrétaire général de l'ONU Boutros Boutros-Ghali, qui n'est pas impliqué dans le scandale. M. Nadler risque une peine de 112 années de prison. La justice américaine a émis des mandats d'arrêt internationaux pour MM. Sevan et Nadler et réclame leur extradition. « Le programme “Pétrole contre nourriture“ a été mis en place pour fournir de l'aide humanitaire au peuple irakien et non pour aller dans les sacoches de fonctionnaires corrompus », a déclaré le juge Robert Morgenthau. La justice américaine a accusé de corruption au total 14 personnes dans cette affaire. Un porte-parole de l'ONU, Farhan Haq, a indiqué que le secrétaire général, Ban Ki-moon, qui se trouvait à Washington pour des entretiens avec le président George W. Bush et des membres du Congrès, « tient à dire que les Nations unies ont coopéré avec les autorités en ce qui concerne le suivi du rapport Volcker et (...) vont continuer à le faire ».

Le programme « Pétrole contre nourriture » avait été établi par le Conseil de sécurité. Il avait permis à l'Irak de vendre sous contrôle des Nations unies, de 1996 à 2003, des quantités limitées de pétrole et d'acheter en échange des biens pour sa population, alors que le pays était soumis à un embargo international après l'invasion du Koweït. Mais le gouvernement irakien avait perverti le système et plusieurs milliards de dollars avaient été détournés. Le scandale avait été révélé en janvier 2004. Une commission indépendante d'enquête dirigée par l'ancien banquier fédéral américain Paul Volcker avait été mise sur pied. Elle a produit plusieurs rapports d'enquête dans lesquels elle détaillait de nombreuses faiblesses et erreurs dans la gestion du programme par l'ONU, ainsi que des cas de corruption. Plusieurs gouvernements ont lancé des enquêtes sur certains de leurs ressortissants à la suite de ces rapports.


LES ÉTATS-UNIS PRENNENT DE NOUVELLES MESURES POUR ISOLER L’IRAN



Les Etats-Unis ont, le 30 janvier, annoncé un gel des ventes de pièces détachées de F-14 pour éviter qu'ils n'atterrissent dans les mains des Iraniens et prévenant qu'un blocage du Golfe par Téhéran pourrait se retourner contre la République islamique. L'Iran avait acheté 79 F-14 aux Etats-Unis avant la chute du Shah en 1979. Les ventes ont été suspendues le 26 janvier. Jusqu'à ce jour, les Américains proposaient aux enchères des pièces détachées de cet avion. Le président américain George W. Bush a répété lors d'un entretien sur la chaîne ABC que les Etats-Unis n'avaient aucun plan pour envahir l'Iran mais allaient augmenter la pression diplomatique pour convaincre Téhéran de mettre fin à son programme d'enrichissement d'uranium. Le renforcement militaire américain dans le Golfe est également un signe adressé à l'égard de Téhéran. Le président Bush a aussi décidé d'envoyer un deuxième porte-avions, l'USS John C. Stennis avec son groupe naval, dans le Golfe. Cette arrivée renforcera les troupes navales américaines stationnées dans la région à leur plus haut niveau depuis l'intervention en Irak en mars 2003.

Selon la revue spécialisée américaine Aviation Week, citant un haut responsable iranien, l'Iran est sur le point de lancer un satellite dans l'espace. Un tel lancement pourrait représenter un nouveau seuil dans les capacités militaires de la République islamique. « L'Iran a transformé son missile balistique le plus puissant en véhicule lanceur de satellite », écrit la revue spécialisée dans les questions spatiales sur son site internet le 26 janvier. Le lanceur a été assemblé récemment et décollera bientôt pour mettre en orbite un satellite iranien, affirme la revue citant des propos du président de la commission pour les affaires étrangères et la sécurité nationale du Parlement iranien, Allaeddin Boroudjerdi. Le haut responsable aurait tenu ces propos devant un groupe d'étudiants en théologie chiite et des religieux dans la ville sainte de Qom. C'est près de Qom que l'Iran a déjà réalisé plusieurs de ses essais de missiles balistiques, précise la revue. Les agences américaines de renseignement, citées par le magazine, croient que le lanceur pourrait être une version modifiée du missile balistique Shahab-3. D'une portée de 3000 km, les missiles Shahab-3 sont capables d'atteindre Israël, l'Arabie saoudite, toute la région du Golfe et le sud de la Turquie. Un lanceur avec un rayon d'action plus important donnerait à Téhéran la possibilité de frapper l'Europe centrale, la Russie, l'Inde ou la Chine.

Par ailleurs, la Russie a achevé la livraison  du système de défense de missiles Tor-M1 à l'Iran, a rapporté  le 23 janvier l'Agence de presse Itar-Tass, citant le chef de  l'exportateur d'armes géré par l'Etat, Rosoboronexport. La Russie a rempli son contrat et « totalement achevé la  livraison du système de défense Tor-M1 à l'Iran à la fin de  décembre 2006 », a indiqué le chef de Rosoboronexport Sergueï  Chemezov. L'Iran a signé en novembre 2005 un contrat avec la Russie pour l'achat de 29 systèmes de missiles Tor-Ml dans le cadre d'un contrat de 700 millions de dollars (615 millions d'euros). Des responsables russes ont décrit les missiles comme systèmes de défense aérienne qui ne  peut que servir à attaquer des avions et des missiles guidés à  basse altitude mais ne peuvent pas bombarder les cibles terrestres. « Nous développons notre coopération militaire et technique avec l'Iran conformément au droit international et nous continueront à le faire », avait, le 16 janvier, souligné le ministre russe de la Défense, Sergueï Ivanov. L'accord russo-iranien, portant sur des armes conventionnelles, ne viole aucun texte international. Le système Tor-M1 peut identifier jusqu'à 48 cibles et tirer sur deux cibles simultanées à une altitude pouvant atteindre les 6.000 mètres.

Le département d'Etat a, le 5 janvier, annoncé que les Etats-Unis ont imposé des sanctions économiques à des sociétés chinoises, russes et nord-coréennes accusées d'avoir vendu des missiles et des armes à l'Iran et à la Syrie. Les sanctions, qui interdisent pendant deux ans le commerce entre le gouvernement et les entreprises américaines et ces sociétés, ont pris effet le 28 décembre, a indiqué un responsable du département d'Etat. Il n'a pas précisé ce qui avait provoqué ces mesures punitives mais selon le Washington Times, qui a révélé l'existence de ces sanctions, les entreprises visées ont notamment vendu des missiles à la Syrie, et des armes à l'Iran et la Syrie. Les trois sociétés d'Etat chinoises sont Zibo Chemical Equipment, China National Aerotechnology Import Export Corp. et China National Electrical Import and Export Co, selon un communiqué du département d'Etat publié au journal officiel. Les trois entreprises russes visées sont la société d'Etat Rosoboroneksport et les entreprises Kolomna Design Bureau et Tula Design Bureau d'Instructment Building. La compagnie minière nord-coréenne est la Korean Mining and Industrial Development Corp. Les sociétés russes ont vivement dénoncé ces mesures, affirmant respecter la législation internationale.

PARIS : UN CONGRÈS SUR LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EN IRAK Á L’UNESCO



Un congrès organisé par le Conseil supérieur de l’Audiovisuel et de la télécommunication irakienne sur la liberté de la presse en Irak s'est, le 8 janvier, ouvert au siège de l'UNESCO à Paris où les participants, dont une centaine de députés et de journalistes irakiens, ont notamment examiné la question de la protection des journalistes dans ce pays qui reste le plus meurtrier pour les professionnels des médias. En grande partie venus d'Irak, les participants ont observé une minute de silence à la mémoire des journalistes tués dans ce pays, à la demande du directeur de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), Koïchiro Matsuura. L'Irak est resté en 2006, pour la quatrième année consécutive, le pays «le plus dangereux» pour les professionnels des médias avec 64 journalistes et collaborateurs tués et 17 enlevés, selon un bilan annuel publié le 31 décembre par l'organisation Reporters sans frontières (RSF). «La plupart des victimes sont des journalistes locaux qui défendent la liberté d'opinion et encouragent le dialogue», a observé le directeur général de l'UNESCO, confirmant le constat de RSF qui évalue à 90 % le nombre de victimes irakiennes dans les violences contre les médias.

Au total, 139 journalistes ont été tués en Irak depuis le début de la guerre en mars 2003, «soit plus du double du nombre de journalistes tués pendant les 20 années de la guerre du Vietnam (63 tués entre 1955 et 1975)». Le directeur de l'UNESCO a souhaité qu'il «soit mis fin à cette violence» et que les journalistes puissent travailler «en toute sécurité». Il a aussi plaidé en faveur d'une «stratégie pour la liberté de la presse» dans ce pays où les médias étaient placés sous le contrôle strict de l'ancien régime déchu de Saddam Hussein. «Il faut aider le gouvernement irakien à offrir un environnement propice au libre exercice du métier de journaliste», a-t-il dit, appelant les journalistes irakiens à «ne pas s'impliquer dans le conflit confessionnel» qui déchire leur pays.

L'UNESCO contribue à la mise en œuvre d'un programme international de formation des journalistes irakiens doté d'une enveloppe de trois millions d'euros. Selon un document adopté après trois jours de travaux au siège de l'UNESCO, les congressistes ont recommandé la suppression d'une autorisation administrative préalable à l'exercice du métier de journaliste et à l'édition de journaux. Ils demandent aussi l'abrogation de toutes les lois irakiennes qui entravent la liberté d'expression et empêchent les médias d'exercer «en toute liberté». «Le gouvernement, l'armée américaine et les forces internationales doivent œuvrer à consolider la liberté de la presse».