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Bulletin N° 250 | Janvier 2006

 

 

ÉLECTIONS LEGISLATIVES EN IRAK : L’ALLIANCE CHIITE REMPORTE SANS SURPRISE LES ÉLECTIONS ET LA COALITION KURDE OBTIENT 53 SIÈGES ET AUGMENTE SES VOIX

Après avoir longuement examiné les plaintes et réglé les litiges, la Commission éléctorale irakienne, aidée des experts de l’ONU a rendu public les résultats des élections législatives du 15 décembre. Lors de ces dernières élections, 12 191 133 bulletins ont été validés contre 8 3 61 961 pour les élections du 30 janvier 2005. La coalition kurde a augmenté les voix exprimées en sa faveur même si elle a vu ses sièges diminuer. La coalition du Kurdistan a récolté 2 642 172 voix et obtenu 53 sièges alors que lors de la précédente élection avec 2 175 551 voix, elle avait disposé de 71 sièges au Parlement irakien. Le système d'attribution des sièges a fait l'unanimité contre lui, chacun des blocs politiques considérant qu'il l'a privé de nombreux sièges. En dépit des réclamations, aucun groupe politique n'a contesté, dans leur ensemble, les résultats, qui ont donné les chiites conservateurs (AIU) en tête avec 128 sièges (5.021.137 voix) dans le futur Parlement de 275 membres (ndlr : lors des précédentes élections, cette liste avait obtenu 4.075.295 voix et 132 sièges)

Selon le rapport de la Mission internationale pour les élections irakiennes, rendu public le 19 janvier, de nombreuses irrégularités et des fraudes signalées ont entaché les élections du 15 décembre dernier en Irak. L'instance regroupant 10 pays, présidée par le Canada, préconise des changements pour les scrutins à venir mais ne recommande aucune annulation du vote. Certains des 220.000 employés électoraux irakiens se seraient livrés à des pratiques « douteuses ou illégales », selon le rapport, tandis que certains membres des forces de sécurité ont participé au scrutin une nouvelle fois après avoir voté la veille lors du jour qui leur été réservé.

Le rapport de la Mission internationale est très prudent dans l'évaluation de l'impact des fraudes constatées. Le rapport précise que la Commission électorale irakienne a annulé les résultats de 227 des 30.000 urnes (ndlr : soit moins de 1%) après avoir enquêté sur les fraudes les plus graves. La Mission juge « regrettable » qu'un nouveau vote n'ait pas été organisé dans les circonscriptions concernées, mais ne réclame pas qu'il ait lieu. Les responsables électoraux ont reçu environ 2.000 plaintes dénonçant de présumés bourrages d'urnes, intimidations, violences, des listes électorales incorrectes, des manques de bulletins, des fraudes, des violations de la fin de la campagne. Cependant, malgré ces problèmes, la Mission internationale estime que les Irakiens doivent être félicités pour un scrutin qui s'est déroulé dans un calme relatif malgré le climat de violences. « En dépit de ces conditions, le peuple d'Irak a voté dans des nombres qui feraient honneur aux démocraties de coins plus calmes du monde », constate le rapport.

Les partis de la scène politique irakienne se préparent à de délicates négociations sur la formation d'un gouvernement d'union nationale. Des organisations laïques et sunnites irakiennes ont accepté de former un front uni dans leurs futures discussions avec des partis kurdes et chiites sur la formation d'un nouveau gouvernement de coalition. Le Front irakien de la concorde, principale organisation sunnite du pays, et la Liste nationale irakienne, emmenée par l'ancien Premier ministre Iyad Allaoui, un chiite laïc, ont décidé de rejoindre le Front irakien unifié du sunnite Salih Moutlak. « En négociant ensemble ils accroîtront leurs chances », a déclaré, le 28 janvier Abdoul Hadi Zoubeidi, un membre du Front de la concorde. « Ils ont les mêmes idées, telles que la formation d'un gouvernement de technocrates, l'opposition au fédéralisme dans le Sud et le Centre, et ils s'accordent tous à dire que le ministère de l'Intérieur ne devrait pas être contrôlé par des gens liés à des partis politiques ». En joignant leurs forces, les partis sunnites et laïcs disposeront d'un total de 80 sièges au parlement faisant d'eux le deuxième bloc politique à l'Assemblée.

Le ministre britannique des Affaires étrangères Jack Straw a apporté, lors d'une visite le 7 janvier à Bagdad, le soutien de Londres à un gouvernement élargi en Irak qui réunisse toutes les communautés du pays. « Il ne suffit pas que les responsables politiques disent, comme c'est aujourd'hui le cas, qu'il doit y avoir un gouvernement d'unité nationale, il faut s'assurer de la manière dont cela doit fonctionner », a déclaré M. Straw au milieu de deux entretiens avec les responsables irakiens. M. Straw, arrivé la veille à Bassorah, dans le sud de l'Irak, où son pays a 8.000 hommes, a rencontré le Premier ministre chiite Ibrahim Jaafari et le président kurde Jalal Talabani.

La composition du Parlement est comme suit :

  • L’Alliance irakienne unifiée : 128 sièges. Formée avec la bénédiction du plus influent imam chiite, le grand ayatollah Ali Sistani, pour les élections législatives intérimaires du 30 janvier 2005, elle est de loin la principale force politique. La liste comprend 18 groupes chiites mais est en réalité dominée par trois formations: le parti islamique Dawa de l'actuel Premier ministre Ibrahim Djaafari, le Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (CSRII, pro-iranien) dirigé par Abdelaziz Hakim et le mouvement nationaliste Sadr, fidèle à l'imam radical Moktada Sadr.
  • La Coalition du Kurdistan : 53 sièges. Cette coalition laïque unit les deux principaux partis kurdes, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de l'actuel président irakien Jalal Talabani, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dirigé par Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien et une dizaine de formations politiques du Kurdistan dont quatre partis chrétiens, le parti communiste et le parti socialiste, à l’exception notable de l’Union islamique du Kurdistan.
  • Front irakien de la Concorde : 44 sièges. Principal bloc politique sunnite, il réunit trois groupes politiques: le Parti islamique irakien, principale formation sunnite dirigée par Adnan Doulaïmi et Tarek al Hachémi; le Dialogue national irakien; et la Conférence générale pour le peuple d'Irak.
  • La Liste nationale irakienne : 25 sièges. Liste laïque conduite par le premier Premier ministre de l'après-guerre, Iyad Allaoui, elle regroupe 15 partis d'obédiences et de confessions différentes, dont le Parti communiste irakien, le sunnite Adnane al Pachachi, qui fut ministre des Affaires étrangères avant l'arrivée au pouvoir de Saddam Hussein, ainsi que des chefs tribaux et des imams chiites libéraux.
  • Le Front irakien pour le Dialogue national : 11 sièges. La liste est dirigée par une personnalité controversée, le sunnite Saleh al Moutlak, et comprend des baasistes et nationalistes sunnites opposés au gouvernement. S. al-Moutlak, un riche homme d'affaires, est un laïc ayant des liens avec des baassistes proches de l'insurrection. Il a promis de supprimer la loi de « débaassification » et de réintégrer les officiers de l'ancienne armée.



Les autres formations représentées sont l’Union islamique du Kurdistan avec 5 sièges (157.688 voix), le Bloc de Libération et de réconciliation compte lui 3 sièges. Le Risaliyoun, liste islamiste chiite constituée par certains fidèles de Moktada al-Sadr, dispose de deux élus. Le Parti de l’Oumma, du responsable sunnite Mithal al-Aloussi, le Front Turkmène irakien (ndlr : 87 993 voix contre 93 000 lors des élections du 30 janvier), le Mouvement Yézidi pour la Réforme et la Liste Rafidain, représentant une partie des Assyro-Chaldées, ont chacun obtenu un siège.

KURDISTAN IRAKIEN : NECHIRVAN BARZANI CHARGÉ DE FORMER UN GOUVERNEMENT D’UNION NATIONALE TANDIS QUE JALAL TALABANI EST DESIGNÉ COMME CANDIDAT DES KURDES POUR LA PRÉSIDENCE DE L’IRAK

Jalal Talabani, président irakien et leader de l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) et Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien et du parti démocratique du Kurdistan (PDK) ont, le 21 janvier, signé un accord prévoyant la mise en place d'une seule administration au Kurdistan irakien. L'accord a été paraphé lors d'une réunion extraordinaire du Parlement kurde à Erbil par M. Talabani et Massoud Barzani.

Les deux grands partis kurdes ont annoncé le 7 janvier mettre les dernières touches à cet accord qui mettra fin à la présence de deux administrations au Kurdistan, qui a élu le 30 janvier 2005 un seul Parlement kurde de 111 membres pour une période de quatre ans. L'accord signé ne prévoit toutefois pas de faire fusionner les départements de l'Intérieur, des Finances, de la Justice et des Peshmergas (forces armées) des PDK et UPK. Le Parlement kurde a chargé Nechirvan Barzani de former un gouvernement d’union nationale et les deux grands partis kurdes ont également décidé et de présenter la candidature de Jalal Talabani, l'actuel chef de l'Etat, à la présidence fédérale de l'Irak. « C'est une importante réalisation qui va protéger le Kurdistan devenu une base solide pour la démocratie, de l'unité et de la concorde nationale », a souligné M. Talabani dans une allocution au cours de la séance. M. Barzani a affirmé pour sa part que l'émergence d'une seule administration dans la région va « aider à récupérer d'autres parties du Kurdistan », une référence à la ville de Kirkouk, et d'autres régions habitées par des populations kurdes. Plusieurs diplomates ont assisté à la session dont l'ambassadeur américain à Bagdad, Zalmay Khalilzad.

Par ailleurs, Abdel Aziz Al Hakim, chef du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII a, le 12 janvier, défendu un Irak fédéral, au risque de crisper les partis sunnites qui veulent un régime central fort et craignent que leur région ne soit privée des richesses pétrolières concentrées dans le nord et le sud du pays. Dans une adresse à l'occasion de l'Aïd al-Adha, M. Al Hakim, a cité des lignes rouges à ne pas franchir pour la conclusion d'alliances pour le prochain gouvernement. Il a souligné notamment « la nécessité de ne pas toucher à certains articles de la Constitution ». « La question de la formation de régions autonomes ne peut faire l'objet de marchandages », a-t-il ajouté.



La Constitution adoptée par référendum le 15 octobre consacre le caractère fédéral de l'Irak, et le parti de M. Hakim, d'abord réticent, s'y est rallié et défend actuellement une région autonome dans le centre et le sud du pays. Les sunnites, qui habitent des régions dépourvues de pétrole, sont farouchement opposés au fédéralisme, même s'ils ne remettant pas en cause le statut d'autonomie du Kurdistan irakien. Ils ont obtenu lors de l'élaboration du projet de Constitution la possibilité d'amender le texte, avec comme arrière-pensée de faire barrage à des régions autonomes dans d'autres régions du pays. C'est ce qu'a d'ailleurs rappelé l'un de leurs leaders, Adnane al-Doulaïmi, le chef de la liste de la Concorde nationale aux législatives du 15 décembre. « Il y a un article dans la Constitution sur l'amendement et nous sommes déterminés à changer tout article qui risque de conduire à une partition de l'Irak », a-t-il déclaré. « Nous sommes d'accord pour donner plus de pouvoirs aux provinces pour renforcer la décentralisation, mais la création de régions autonomes à Bagdad, dans le centre et dans le sud menace l'unité du pays », a-t-il indiqué, avant d'ajouter: « Nous le rejetons et nous défendrons l'unité de l'Irak ». Dans des voeux télévisés à l'occasion de l'Aïd diffusés le 11 janvier, M. Al Hakim a espéré l'aboutissement des pourparlers pour la formation d'un gouvernement « avec la participation de tous les Irakiens dans les prochaines semaines ». Il a vu dans le taux de participation de près de 70% aux législatives un « signe de l'unité des Irakiens, qui ont fait le choix du processus politique et non pas celui des fidèles de l'ancien régime et des takfiris », les groupes extrémistes. M. Al Hakim a affirmé qu'il revenait à sa liste, celle de l'Alliance irakienne unifiée (AIU), de désigner le prochain Premier ministre, conformément à la Constitution et en raison de « la victoire qu'elle a remportée aux législatives ».

LA NOUVELLE RÉFORME DU CODE PÉNAL TURC PERMET AUSSI BIEN DES POURSUITES CONTRE ORHAN PAMUK QUE LA LIBÉRATION DE MEHMET ALI AGCA

Un tribunal d'Istanbul a, le 23 janvier, abandonné les charges contre l'écrivain turc Orhan Pamuk, poursuivi pour avoir évoqué le génocide arménien dans un entretien à un journal suisse en février 2005. Cette décision met fin à un procès à haut risque pour Ankara, alors que la Turquie frappe à la porte de l'Union européenne. L'écrivain, lauréat de nombreux prix littéraires en Europe, dont le prix Médicis étranger en 2005 en France pour « Neige », risquait jusqu'à trois ans de prison pour ses propos au supplément hebdomadaire du quotidien Tages-Anzeige, Das Magazin, où il avait notamment déclaré : « Trente mille Kurdes et un million d'Arméniens ont été tués sur ces terres (en Turquie) et personne n'ose en parler, à part moi ».

Dès l'ouverture de son procès le 16 décembre dernier, l'audience avait été ajournée et la suivante fixée au 7 février. Ce délai devait permettre de déterminer si l'article 301 du nouveau code pénal, réprimant les atteintes et insultes contre la République turque, pouvait s'appliquer de manière rétroactive à l'écrivain. « Le tribunal a abandonné les charges. Cette affaire n'aurait jamais dû avoir lieu », a déclaré à l'avocat d'Orhan Pamuk, Me Haluk Inanici. La veille, le ministre turc de la Justice Cemil Cicek avait choisi de laisser au tribunal d'Istanbul devant lequel comparaissait l'écrivain le soin d'abandonner ou non les poursuites à son encontre. Selon un responsable du ministère de la Justice, Cemil Cicek a estimé que le gouvernement turc n'avait pas son mot à dire sur l'interprétation de l'article 301 du nouveau code pénal adopté en juin dernier. Les avocats nationalistes, à l'origine des charges, ont toutefois promis de faire appel. « C'est un scandale », a réagi Kemal Kerincsiz, un membre de l'Union des avocats turcs. « Orhan Pamuk doit être puni pour avoir insulté la Turquie (...) C'est un crime grave et il ne devrait pas rester impuni ».

Avec le procès d'Orhan Pamuk, c'est aussi la Turquie qui risquait d'être jugée. « Le plus difficile, c'est d'expliquer pourquoi un pays s'engageant officiellement à entrer dans l'Union européenne souhaiterait emprisonner un auteur dont les livres sont bien connus en Europe », résumait en décembre dernier l'écrivain, auteur notamment de « Mon nom est Rouge », « Istanbul » ou « Neige ». L'affaire, de fait, a conforté les opposants de l'entrée de la Turquie dans l'UE. « Le procès d'un romancier qui a exprimé une opinion non-violente jette une ombre sur les négociations d'adhésion entre la Turquie et l'Union européenne », avait noté le commissaire européen à l'élargissement Olli Rehn. L'abandon des poursuites, a-t-il commenté, est « une bonne nouvelle pour la liberté d'expression en Turquie ». « Toutefois, Orhan Pamuk n'est pas la seule personne poursuivie pour avoir exprimé une opinion non violente en Turquie, il est simplement le cas le plus en vue. D'autres journalistes, écrivains et universitaires font l'objet de poursuites similaires. J'espère que la décision concernant M. Pamuk annonce d'autres issues positives pour ce qui les concerne, afin que la liberté d'expression soit respectée dans sa totalité pour tous les citoyens turcs », a souligné le commissaire. Ankara doit à présent « combler les vides juridiques » de son nouveau code pénal, susceptibles de porter atteintes aux libertés, a-t-il souligné. Le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul a récemment reconnu que ces poursuites contre Pamuk ont terni l'image du pays et déclaré, pour la première fois, que les lois limitant la liberté d'expression pourraient être modifiées.

Les livres d'Orhan Pamuk portent sur la mémoire et l'identité du pays, tiraillé entre ses influences occidentales et orientales, conservatrices et modernes, islamiques et laïques. L'écrivain s'est fréquemment élevé contre le traitement des Kurdes et a critiqué le manque de démocratie et le « nationalisme effréné » de la Turquie, refusant en 1998 le statut d'artiste officiel.

Pendant ce temps, un autre événement troublant, la libération puis la réincarcération de Mehmet Ali Agca, le nationaliste turc qui avait tenté de tuer le pape Jean Paul II en 1981, a secoué la Turquie. Il a été réincarcéré le 20 janvier à Istanbul après un bref intermède de liberté et doit être finalement libéré en 2010. Mehmet Ali Agca est retourné à la prison de Kartal qu'il avait quittée huit jours auparavant par le jeu de remises de peine et une ancienne amnistie, la Cour de cassation turque ayant annulé la décision de le libérer. La Cour a estimé que la peine purgée en Italie ne pouvait être déduite de la peine qu'il a purgée en Turquie pour d'autres délits et que de ce fait sa libération n'avait « pas de fondement juridique ». Il avait passé près de vingt-cinq ans derrière les barreaux, dont dix-neuf ans en Italie, après avoir grièvement blessé par balles le pape Jean Paul II sur la place Saint-Pierre, à Rome, le 13 mai 1981, alors qu'il avait 23 ans. Les raisons de son acte et l'identité de ses commanditaires éventuels restent un mystère. Au maquis du code pénal turc, compliqué par de fréquentes amnisties, s'est ajoutée une grossière erreur de calcul dans le rendu de la décision du juge qui l'a remis en liberté sur le nombre d'années purgées en Italie, donné comme 20 ans au lieu de 19 ans et un mois. En 2000, ce militant ultra-nationaliste, avait été extradé vers la Turquie où il a été incarcéré afin de purger des peines pour l'assassinat en 1979 d'un journaliste libéral turc célèbre, Abdi Ipekçi (ndlr : rédacteur en chef du quotidien Milliyet et l’un des journalistes de gauche les plus importants du pays), et pour deux attaques de banques dans les années 1970. La libération anticipée d'Agca a été rendue possible par une amnistie datant de 2002 et le jeu des remises de peines. Mais cette mesure a été vivement contestée. Les médias turcs ont publié depuis sa libération des extraits de lettres, qu'il a écrites en prison, dans lesquelles l'homme qualifié de « tueur national » par la presse propose ses services pour tuer Oussama ben Laden ou dit avoir refusé une offre du Vatican pour devenir cardinal. Le retour en prison de Mehmet Ali Agca a été applaudi par la presse turque le lendemain. « Ce résultat a été obtenu par la société, dont la réaction a été encouragée de manière salutaire par les médias turcs », a affirmé le juriste Türgüt Kazan. « Le meurtrier n'a pu s'échapper », « Marche, marche, en route vers la taule », se félicitaient les quotidiens Radikal et Hürriyet, saluant son arrestation. « De retour chez lui », se réjouissait le journal Milliyet, estimant qu' « une erreur historique a été réparée ».

Les milieux ultranationalistes avaient en revanche multiplié les hommages à son égard. « Il est né à Malatya, il a blessé le pape, bravo Mehmet Ali Agca! », ont scandé des supporteurs de l'équipe de football de 1ère division de Malatya, lors d'un match amical le 14 janvier. Selon CNN-Türk, des militants ultranationalistes se sont relayés sur la tombe à Kirsehir (centre) de son mentor Abdullah Catli au cas où Agca viendrait s'y recueillir. Abdullah Catli est mort en 1996 dans un accident de voiture resté célèbre en Turquie car un député et un chef de la police se trouvaient à bord du même véhicule, ce qui avait révélé au grand jour la collusion entre certains milieux politiques, la police et la mafia. Dès la sortie de prison d'Agca, des sympathisants avaient lancé des fleurs sur sa voiture. Et un groupe d'ultranationalistes se revendiquant des Loups gris, mouvement particulièrement actif dans les années 70/80 et auteur de nombreux assassinats de militants d'extrême gauche, était venu l'acclamer au bureau d'enrôlement de l'armée où il s'est ensuite rendu. La crainte des milieux libéraux en Turquie est de le voir devenir une sorte d'idole pour les milieux d'extrême droite, à un moment où le pays négocie son adhésion à l'Union européenne, généralement très critique de son bilan en matière de respect des droits de l'Homme. Ironiquement, sa libération est en partie liée à une réforme du code pénal turc effectuée à la demande de l'UE. Outre les mouvements sporadiques de sympathie manifestés ici et là, l'ex ministre de la Justice Hikmet Sami Turk a suggéré un lien entre sa libération et l'action au sein de l'appareil d'Etat d'éléments ultranationalistes, quel que soit le parti au pouvoir, phénomène résumé sous le terme d' « Etat profond ». « Malheureusement, c'est une possibilité qu'on ne peut écarter », a-t-il déclaré, liant cette libération à l'évasion de prison d'Agca en 1979, revêtu d'un uniforme de l'armée et avec la complicité d'éléments ultra-nationalistes. Le quotidien libéral Radikal rappelle avec indignation le nombre d'assassins de la mouvance ultranationaliste remis en liberté, dont une dizaine de mafieux célèbres condamnés à mort pour de multiples assassinats puis libérés.

IRAK : SOMBRE BILAN POUR 2005 : 4020 CIVILS TUÉS DANS DES ATTENTATS

Selon des statistiques officielles irakiennes, 5.713 Irakiens, dont 4.020 civils et 1.693 membres des forces de sécurité, sont morts dans le pays dans des actes de violence en 2005. Plus de 15 Irakiens ont ainsi été tués en moyenne chaque jour, dans des centaines d'attaques à la voiture piégée, d'attentats suicides et d'autres assauts armés. Le nombre de blessés a atteint 8.378, dont 6.065 civils. Ces chiffres n’incluent pas les terroristes, qui ont eu 1.702 tués. Les forces de l'ordre ont procédé à 9.264 arrestations dans leurs rangs.

L’année 2006 a également commencé par une flambée de violence. L'Irak a vécu le 5 janvier l'une de ses journées les plus sanglantes depuis l'intervention de mars 2003, alors que ses dirigeants chechent à former un gouvernement d'union nationale. Pas moins de 130 personnes, dont neuf soldats américains, sont morts dans des attentats et des attaques, dont deux suicides, provoquant la colère de responsables chiites. Le pays n’avait pas connu autant de victimes en une journée depuis le 14 septembre 2005 lorsque près de 150 personnes avaient été tuées. Le Premier ministre sortant, Ibrahim Jaafari, a estimé que ces violences étaient la réponse des terroristes aux avancées du processus politique. Dans la ville sainte chiite de Kerbala, un kamikaze s'est fait exploser à une trentaine de mètres de l'entrée du tombeau de l'imam Hussein, l'un des plus hauts lieux saints chiites. La déflagration a tué 63 personnes et en a blessé 120 autres. Le kamikaze aurait utilisé huit kilos d'explosifs et plusieurs grenades. A Ramadi, à 115 km à l'ouest de Bagdad, un kamikaze a visé dans la matinée une file d'attente d'environ un millier de recrues de la police irakienne. Au moins 56 personnes ont été tuées et 60 autres blessées. Une bombe a également explosé au passage d'un convoi américain qui se rendait à Kerbala, tuant cinq militaires américains. A Bagdad, trois soldats irakiens ont été tués par l'explosion d'une voiture piégée, selon la police et trois autres personnes ont été tuées par des hommes armés lors de plusieurs attaques. La veille, cinquante-trois personnes au moins avaient été tuées, dont 34 par un kamikaze qui a déclenché sa bombe aux cours de funérailles chiites à Muqdadiyah, dans la province de Diyala, à 90km au nord de Bagdad.

Le nombre d'attaques contre les troupes américaines et leurs alliés en Irak a augmenté de 29% en 2005 par rapport à l'année précédente, a, le 23 janvier, rapporté USA Today, citant des chiffres de l'armée américaine. Les insurgés ont lancé 34 131 attaques l'an dernier, contre 26 496 en 2004. Malgré l'augmentation du nombre d'attaques, les forces américaines affirment qu'elles sont plus efficaces dans la protection contre les terroristes. En 2005, 673 soldats américains ont été tués contre 714 en 2004. Le nombre de blessés a diminué de 26% sur la même période. Sur la même période, les insurgés ont étendu leurs attaques aux forces irakiennes engagées dans les combats, indique le reportage. Selon des sources de l'armée américaines, le nombre de soldats irakiens formés et équipés est passé à 227 000 et les forces de sécurité irakiennes sont donc plus souvent la cible d'attaques des rebelles. Le nombre d'attentats à la voiture piégée a plus que doublé en Irak, passant de 420 en 2004 à 873 en 2005. Les bombes placées au bord de la route continuent à être les armes les plus souvent utilisées par les terroristes et les attaques de ce type se sont élevées à 10 953 en 2005 contre 5607 en 2004.

Par ailleurs, une série coordonnée d’attentats a frappé le 29 janvier sept églises à Bagdad et à Kirkouk, tuant trois personnes et blessant 17 autres. Cinq églises ont été visées dans la capitale avec 6 blessés. À Kirkouk, les attentats qui ont visé deux églises ont fait trois morts et 11 blessés. Les lieux de culte chrétiens, comme musulmans, sont régulièrement l’objet d’attaques en Irak. En août, une série d’attentats contre des églises avait fait 11 morts. Des voitures piégées ont explosé dans un intervalle d'une vingtaine de minutes à Bagdad et à Kirkouk. Le colonel Birhan Taha a déclaré que trois civils avaient péri et qu'un autre avait été blessé dans l'attaque contre l'église de la Vierge à Kirkouk à 16h30. Un quart d'heure après, une autre voiture piégée explosait devant une église orthodoxe, blessant six civils. Les deux bombes étaient télécommandées. A Bagdad, une voiture a sauté à 16h10 devant l'église catholique des disciples de Saint Pierre et Saint Paul dans le faubourg est de Sina'a, blessant deux personnes, d'après le commandant Qussaï Ibrahim. Une vingtaine de minutes plus tard, un autre véhicule a explosé devant une église anglicane du quartier est de Nidhal, sans faire de victimes. A peu près au même moment, une cinquième voiture explosait à une cinquantaine de mètres de la mission du Vatican dans la capitale, sans faire de blessés, d'après le commandant de police Abbas Mohammed. Les chrétiens représentent 3% des 26 millions d'Irakiens.

En revanche, rien ne va plus entre les mouvements nationalistes sunnites et leurs anciens alliés d'Al Qaïda depuis l'attentat qui a fait 80 morts parmi des recrues de la police irakienne le 5 janvier à Ramadi. Selon le général américain Rick Lynch, non seulement certains nationalistes s'opposent par les armes aux terroristes et combattants étrangers mais, en outre, ils en viennent à renseigner les autorités sur ceux-ci. Confirmant cette information, le quotidien arabophone international Al Hayat a publié le 23 janvier une déclaration de six groupes armés irakiens annonçant qu'ils avaient formé un front pour combattre la branche irakienne d'Al Qaïda. Baptisée « Cellule populaire », cette alliance condamne « les opérations armées qui visent des innocents » et proclame « la fin de la coopération avec Al Qaïda », dont la branche irakienne est dirigée par le Jordanien Abou Moussab Zarkaoui.

Par ailleurs, les autorités kurdes d'Irak ont, le 21 janvier, déclaré avoir mis au jour une fosse commune datant de l'époque du régime de Saddam Hussein lors de travaux d'aménagement d'une route. « Des conducteurs de bulldozers nous ont signalé la découverte de quatre restes humains près de Chamchamal, à 100 km au sud de Soulaimaniyah et on a décidé d'arrêter les travaux », a déclaré le chef de la police locale, le lieutenant-colonel Mehdi Mohammed Ali « Nous surveillons le site en attendant l'arrivée d'équipes spécialisées du département des droits de l'Homme …L'endroit était utilisé par les membres de la sécurité de Saddam Hussein pour filtrer les entrées et les sorties du Kurdistan après 1991 », a rappelé le chef policier. « Nous pensons que les agents de Saddam Hussein, qui tenaient ce poste jusqu'à la chute de son régime en 2003, sont responsables de nombreux enlèvements et exécutions », a-t-il indiqué. De nombreuses fosses communes de Kurdes, dans le nord, et de chiites, dans le sud de l'Irak, ont été mises au jour depuis 2003 et sont attribuées aux répressions contre les membres de ces deux communautés sous l'ancien régime dictatorial.

LE PRÉSIDENT SYRIEN EFFECTUE DES VISITES SURPRISES EN ARABIE SAOUDITE ET EN EGYPTE ALORS QUE SON ANCIEN VICE-PRÉSIDENT PLAIDE À L’ÉTRANGER POUR UN CHANGEMENT DE REGIME

Le président syrien Bachar el-Assad a effectué des visites surprises le 8 janvier en Arabie saoudite et en Egypte en vue d'obtenir le soutien de leurs dirigeants, à l'heure où la Syrie est mise en cause dans l'assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri. Ces visites ont aussi eu lieu alors que l'ancien vice-président syrien Abdul-Halim Khaddam a accusé le maître de Damas d'avoir menacé M. Hariri avant l'attentat qui lui a coûté la vie. Accusation démentie par Bachar el-Assad. Le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal est d’abord venu le 8 janvier à Damas, où il a rencontré le président syrien ainsi que son homologue syrien Farouk al-Chareh. Il a précisé, sans autres détails, que cette visite en Syrie visait à préparer un « important » déplacement de Bachar el-Assad en Arabie saoudite. Quelques heures plus tard, le chef d'Etat syrien s'est envolé pour la ville portuaire saoudienne de Djeddah où il s'est entretenu avec le roi Abdallah. A la suite de ces entretiens, le président Bachar el-Assad s'est rendu à Charm el-Cheikh, en Egypte, pour des discussions avec son homologue Hosni Moubarak, dans le cadre d'un autre déplacement surprise. Souleimane Aouad, porte-parole de la présidence égyptienne, a déclaré dans un communiqué que la rencontre d'une heure avait été consacrée à « l'impasse » entre Damas et Beyrouth et aux efforts de négociation déployés par M. Moubarak.

De son côté, l'ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam a fait état de discussions en cours entre les différentes composantes de l'opposition en Syrie pour convenir de l'action à mener pour un changement politique pacifique. « Des discussions ont lieu actuellement entre représentants de courants politiques, idéologiques, culturels et sociaux en Syrie dans le but de parvenir à une opposition unifiée », a affirmé M. Khaddam dans des déclarations au site internet en arabe Elaph, reproduites le 9 janvier dans le journal libanais An-Nahar. M. Khaddam a affirmé que son « appel à l'unification de l'opposition est adressé à toutes les catégories du peuple syrien (...) Il s'agit d'un appel pour sauver la Syrie et il trouve une réponse positive », a-t-il déclaré. Selon lui, cette « opposition de l'extérieur oeuvre pour un changement de l'intérieur, par des voies pacifiques et démocratiques ». « Le temps des coups d'Etat est révolu », a-t-il indiqué. Il a souligné qu'aucune action n'avait encore été décidée et fait état de « larges consultations à ce sujet entre dirigeants syriens » de l'opposition, soulignant que son « action est uniquement syrienne sans fils extérieurs qui la dirigent ». « Lorsque les choses seront mûres (...) il y aura un mouvement populaire général en Syrie », a-t-il ajouté, précisant qu'il regagnerait alors son pays.

Le quotidien officiel syrien As-Saoura a, le 5 janvier, annoncé que les biens d’Abdel Halim Khaddam et ceux de sa famille ont été « placés sous séquestre », en prévision des conclusions d'une enquête sur son implication dans des affaires de corruption. « Le ministère des Finances a décidé la mise sous séquestre des biens d'Abdel Halim Khaddam, de son épouse, de ses fils et de leurs familles ainsi que de ses petits-fils, en prévision des conclusions de l'enquête », écrit le journal. M. Khaddam a trois fils et une fille, propriétaires de plusieurs sociétés. M. Khaddam, considéré jusqu'alors comme un des piliers du régime syrien, soutient dans son interview que des responsables syriens, dont le président Bachar al-Assad, avaient proféré des menaces contre l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri avant son assassinat le 14 février à Beyrouth. Il a également affirmé que les services de renseignement syriens n'auraient pas pu assassiner Rafic Hariri sans l'aval de M. Assad. M. Khaddam, 73 ans, vit à Paris depuis plusieurs mois. Il avait annoncé en juin sa démission de ses fonctions au sein du Baas et de l'Etat, à l'occasion du dernier congrès du parti au pouvoir.

EN VISITE À DAMAS, LE PRÉSIDENT IRANIEN CHERCHE À CONSOLIDER LE TANDEM SYRO-IRANIEN

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, élu en juin 2005, a réservé sa première visite bilatérale à la Syrie répondant à celle qu'a effectuée le chef de l'Etat syrien Bachar al-Assad en Iran l'été dernier. Il a achevé le 20 janvier une visite officielle de deux jours en Syrie, consacrant l'alliance de Téhéran et Damas, soumises toutes deux à de fortes pressions internationales. Cette visite au président syrien survient alors que l'Iran fait face à des pressions grandissantes contre la reprise de son programme nucléaire et que la Syrie se trouve dans le collimateur de l'ONU dans l'enquête sur l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. Le président iranien a signifié que la Syrie et l'Iran formaient un « front » contre « l'arrogance et la domination ». « Nos relations sont solides et profondément enracinées et nos pays ont des positions communes », a pour sa part insisté le président iranien qui a évoqué les « excellents résultats » de sa visite. Les échanges entre la Syrie et l'Iran atteignent environ 100 millions de dollars par an, a indiqué l'ambassade d'Iran. Les investissements iraniens en Syrie, en constante augmentation, atteignent quelque 750 millions de dollars. Parmi les projets iraniens en Syrie, figurent la construction d'une cimenterie (200 M USD), de dix silos de céréales (200 M USD), d'une usine de voitures (60 M USD) ainsi que des projets dans le secteur de l'énergie.

Le président iranien a également rencontré à Damas le dernier jour de sa visite les dirigeants de dix mouvements palestiniens radicaux, parmi lesquels le Jihad islamique et le Hamas. Le président iranien a affirmé qu' « il soutenait avec force la lutte du peuple palestinien » au cours de cette réunion, qui a regroupé notamment les chef du Jihad islamique Abdallah Ramadan Chalah, du Hamas Khaled Mechaal, et du FPLP-CG Ahmad Jibril. Au cours de sa visite, M. Ahmadinejad est revenu à sa vieille antienne en mettant au défi les pays européens d'accueillir les juifs d'Israël en leur proposant un Etat. « Donnez l'autorisation pour que ces migrants se rendent chez vous et vous verrez qu'ils ne voudront plus vivre dans la terre (palestinienne) occupée », a-t-il lancé lors d'une rencontre avec les élites syriennes. Avant son départ, M. Ahmadinejad s'est rendu dans les lieux saints de l'islam chiite, ainsi que dans la célèbre Mosquée des Omeyyades à Damas. La Syrie accueille chaque année des dizaines de milliers de pèlerins iraniens.

ARABISTAN (KHOUZESTAN) IRANIEN : DEUX BOMBES FONT HUIT MORTS ET PLUS DE 40 BLESSÉS ALORS QUE LE PRÉSIDENT IRANIEN Y ÉTAIT ANNONCÉ POUR UNE VISITE

Deux bombes ont, le 24 janvier, explosé dans la ville d'Ahvaz (sud-ouest) faisant au moins huit morts et 46 blessés. Les attentats ont visé une banque et une agence chargée de l'environnement dans la capitale de la province pétrolière d’Arabistan (Khouzestan), frontalière avec l'Irak et peuplée majoritairement d’Arabes. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad avait prévu une visite dans cette ville, visite annulée au dernier moment pour des raisons officiellement liées à la météo qui prévoyait de la pluie. Avec la totalité de son gouvernement, Ahmadinejad était attendu à Ahvaz dans le cadre d'une série de visites dans les capitales provinciales. Un porte-parole du gouvernement a indiqué en soirée que le président Ahmadinejad avait ordonné une enquête sur ce qu'il a qualifié d' « acte brutal » mené par des « terroristes internationaux ». Un responsable proche du chef de l'Etat a indiqué que les bombes avaient explosé à l'heure même où M. Ahmadinejad devait prononcer un discours. La chaîne de télévision al Manar, du Hezbollah libanais pro-iranien, n'en déclare pas moins que les bombes visaient à tuer le président iranien. Le correspondant à Téhéran de la chaîne assure que le chef de l'Etat a annulé sa visite à la suite d'une alerte concernant sa sécurité.

Ahvaz a déjà connu des attentats en juin et octobre 2005. Le 12 juin 2005, trois bombes ont explosé simultanément près des installations publiques dans la ville, faisant huit morts et une vingtaine de blessés. Le 15 octobre 2005, deux explosions à la bombe ont frappé un centre commercial à Ahvaz, tuant six personnes et en blessant 50 autres.

La province d’Arabistan, rebaptisée par les Iraniens Khouzestan, a longtemps été une pomme de discorde entre l’Iran et l’Irak de Saddam Hussein. Elle constitue un enjeu stratégique de premier plan car elle comprend les plus grands champs pétrolifères d'Iran. En avril dernier, Ahvaz avait connu deux jours d'émeutes, après des informations diffusées par des séparatistes arabes selon lesquelles Téhéran envisageait des transferts de populations pour réduire la proportion d'Arabes dans la province. L'Iran ne cesse d'accuser Londres d'attiser les troubles au Khouzestan, qui borde la zone sud de l'Irak, qui est contrôlée par les 8.500 soldats britanniques.

LE KURDISTAN TOUCHÉ PAR LA GRIPPE AVIAIRE

Après le Kurdistan de Turquie, le Kurdistan irakien vient d’être affecté à son tour par la grippe aviaire. Quelque 500.000 volatiles ont été abattus dans une large zone frontalière du Kurdistan d'Irak, où un premier décès dû au virus H5N1 de la grippe aviaire a été confirmé, a indiqué le 31 janvier Tahsine Namek, responsable de santé kurde à Souleimaniyeh. Chanjin Abdelkader, une adolescente kurde originaire de la région kurde de Rania est décédée le 17 janvier des suites du virus H5N1 de la grippe aviaire. Dans certains secteurs, 50% des élevages ont été détruits, dans d'autres 30%, selon les autorités kurdes. Quatorze cas suspects sont par ailleurs signalés, dont deux - une homme et une femme - fortement soupçonnés d'être contaminés par le virus mortel. La femme, Mariam Kader, est hospitalisée à Souleimaniyeh. Les autorités kurdes ont le 31 janvier reçu par avion de Genève une livraison du médicament antiviral Tamiflu pour traiter les personnes contaminées par la grippe aviaire, a affirmé de son côté un responsable de santé local à l'aéroport d'Erbil. Le Dr Sirwan Noureddine a indiqué que « 30 doses ont été envoyées à Souleimaniyeh et 20 à Erbil, pour soigner les cas suspects ».

Pour sa part, le ministre de la Santé Abdel Mouttaleb Mohammed Ali, a annoncé l'envoi au Kurdistan de cinq hôpitaux mobiles, deux pour Souleimaniyeh, deux pour Erbil et un pour Duhok. Techniciens et vétérinaires ont été chargés de détruire les centaines de milliers de volatiles. La zone s'étend du lieu de villégiature de Doukane, à 60 km de Souleimaniyeh, à Rania, proche de la frontière avec l'Iran, soit 50 hameaux et points de peuplement concernés. Les équipes de désinfection arrosent les voitures et aspergent les automobilistes qui doivent frotter leurs chaussures sur des tapis imprégnés de désinfectant. Le chef des équipes, Abbas Ali, un vétérinaire, se plaint de la lenteur de l'aide venant de Bagdad pour endiguer tout risque de pandémie de la grippe aviaire. « Nous avons dû acheter nous-mêmes dix tonnes de désinfectant, ce qui nous a coûté 200.000 dollars. C'est de l'argent pris sur le budget de la province », affirme-t-il. Le chef des équipes de lutte contre la grippe aviaire regrette, par ailleurs, le manque de Tamiflu, le médicament le plus efficace pour lutter contre la grippe aviaire, pour ses hommes qui sont en contact avec le virus.

En outre, les moyens dont disposent sont dérisoires comparés à ceux sophistiqués des pays développés. Poules, canards, tout y passe. Les volatiles sont aussitôt mis dans un sac et transportés à bord d'un tracteur pour finir dans une fosse creusée à cet effet. Les villageois ont été réticents au départ à laisser partir leur volaille. Mais après les promesses de compensations annoncées par le gouvernement, ils ont accepté de le faire.

Le gouvernement irakien a consacré une enveloppe de 26 millions de dollars pour compenser les pertes des villageois dont les volailles sont décimées. Le ministre de l'Agriculture Ali al-Bahadli a annoncé un plan d'abattage systématique de volailles au Kurdistan irakien pour empêcher l'expansion de l'épizootie en provenance de la Turquie. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé le 31 janvier l'envoi d'une équipe au Kurdistan irakien afin d'enquêter sur le risque de transmission à l'homme du virus H5N1 qui a tué une adolescente dans ce pays.

Le virus H5N1 a sévi au Kurdistan turc où il a fait des victimes humaines, avec 21 personnes contaminées au total, dont quatre sont décédées. Il s'est déclaré fin décembre à Dogubeyazit, près de la frontière avec l'Iran, et s'est rapidement propagé d'est en ouest. Parallèlement à une active campagne d'information dans les médias et la diffusion de brochures dans tout le pays, les autorités turques ont déjà fait abattre plus d'un million de volailles. Mais, les villageois kurdes font trop souvent la sourde oreille sur les dangers que représenteraient leurs volailles, qui constituent souvent leur seule et unique source de revenus. De son côté, la mairesse kurde de Dogubeyazit a, le 11 janvier, critiqué la gestion de la crise par le gouvernement, dénonçant des « préjugés » à l'encontre de la population kurde. « Les précautions, les mesures appropriées ne sont pas prises ici face à la grippe aviaire », a affirmé Mme Mukaddes Kubilay, élue en 1999 sous les couleurs du parti pro-kurde DEHAP. « A Kiziksa, les autorités ont réagi tout de suite, à Aralik aussi, pourquoi pas à Dogubeyazit? », s'est-elle interrogée. « Il y a une non acceptation, des préjugés contre les habitants de notre région ». L'édile faisait référence au village de l'ouest de la Turquie où ont été détectés en octobre sur des dindes les premiers cas de H5N1, et à une bourgade située à environ 150 kilomètres au nord de Dogubeyazit, où des mesures de quarantaine et d'abattage des volailles ont été prises dès la fin décembre. Selon des sources vétérinaires, la sous-préfecture de Dogubeyazit, qui compte un peu plus de 56.000 habitants, dispose actuellement de 12 équipes de trois personnes pour collecter et abattre les volailles, secondées par l'armée pour le transport des volatiles. Pour elle, l'administration centrale n'en fait pas moins payer aux habitants de Dogubeyazit le prix de leur soutien au parti pro-kurde. « Les gens dans l'administration du parti au pouvoir disent: " vous ne nous avez pas donné vos voix, vous les avez données au Dehap, adressez vous à votre maire Dehap " », a indiqué Mme Kubilay, précisant que « ce sont les fonctionnaires locaux, les policiers qui disent cela ». Montagneuse et difficile d'accès, le Kurdistan turc est une des régions les plus déshéritées de Turquie. A Dogubeyazit, l'industrie est à peu près absente, la population vivant de l'élevage bovin et ovin, d'un peu d'agriculture et du commerce d'alcool et de cigarettes avec l'Iran voisin.

Le ministre turc de la Santé, Recep Akdag, arrivé le 9 janvier sous bonne escorte à Dogubeyazit, a été chahuté par des habitants dénonçant l'inaction du gouvernement. Accompagné d'une délégation d'experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), M. Akdag entendait démontrer à la population locale que les autorités ne les avaient pas abandonnées à leur sort. C'est cependant devant les journalistes, et derrière une haie de policiers empêchant l'accès aux habitants, qu'il a multiplié les assurances quant à la construction d'un nouvel hôpital (ndlr : il n’y a que quatre docteurs à l'hôpital de Dogubeyazit) dans la ville et les conseils sur les moyens de se prémunir de la maladie. D'abord interrompu par un journaliste local s'exclamant : « Ce n'est pas la grippe aviaire qui frappe Dogubeyazit, c'est la pauvreté, le chômage et le désespoir », le discours du ministre s'est achevé sur un départ au pas de course vers le bus de la délégation, sous les huées d'une quarantaine d'habitants. « On veut des docteurs », ont hurlé les manifestants tandis que le véhicule effectuait une sortie en trombe. Son déplacement, sur une colline enneigée de la périphérie de la ville, s'est effectué sous la protection de véhicules blindés stationnés le long du parcours et de soldats armés de pistolets mitrailleurs sur les hauteurs surplombant la masure des Koçyigit.

Les autorités font face à de nombreuses critiques les accusant de traîner des pieds: les premières alertes à la grippe aviaire dans le Kurdistan turc remontent à près de deux mois. L'Union des vétérinaires turcs a accusé le gouvernement d'avoir fait preuve de « lassitude » après avoir endigué une première flambée de grippe aviaire dans le nord-ouest en octobre. A Dogubeyazit, on continue de voir des volailles en liberté dans les rues et des gens les attraper à mains nues pour les abattre. Des enfants pauvres de la ville de Batman égorgent des poulets, sans porter de gants, pour une livre turque (0,75 dollar).

UN NOUVEAU JUGE POUR LE PROCÈS DE SADDAM HUSSEIN

Le nouveau juge kurde, Raouf Rachid Abdel Rahmane, a fait montre de fermeté en présidant le 29 janvier pour la première fois l'audience du Haut tribunal pénal irakien jugeant Saddam Hussein et sept de ses lieutenants pour le massacre de 148 chiites en 1982. Ce juge a remplacé son prédécesseur démissionnaire, Rizgar Amine, également kurde, critiqué pour son laxisme supposé à l'égard du président déchu. D'entrée de jeu, le nouveau juge a voulu asseoir son autorité en sévissant contre le demi-frère de Saddam Hussein, Barzan Al-Tikriti, qui a pris la parole sans en demander la permission et a continué à discourir malgré l'injonction du juge de se taire. Le magistrat a pris la décision d'expulser manu militari l'accusé de la salle d'audience. « Sortez-le de la salle », a-t-il ordonné aux huissiers qui l'ont aussitôt embarqué sous l'oeil médusé des autres accusés.

Au cours des sept précédentes audiences, Barzan Al-Tikriti, avait multiplié les interventions et même s'il avait été régulièrement rappelé à l'ordre, il n'a jamais été expulsé par le juge Rizgar Amine. Le nouveau juge a adressé alors une mise en garde aux autres accusés. « Sachez que vous avez le droit de prendre la parole. Mais les discours politiques n'ont pas de place dans cette enceinte. Je vous prie donc de respecter la procédure. Toute intervention, qui serait faite en dehors de ce cadre, sera effacée du procès-verbal du tribunal », a-t-il déclaré. « Celui qui désire faire des discours politiques, qu'il le fasse ailleurs car nous ne permettrons aucun discours politique ou violation du règlement », a-t-il martelé, comme pour marquer sa différence avec le juge Amine auquel des responsables politiques et la presse irakiens reprochaient de laisser parler les accusés, transformant le tribunal en « tribune politique ». « Tout accusé, a-t-il poursuivi, qui outrepasserait ces limites ou porterait atteinte à l' (autorité) du tribunal ou d'un de ses membres, sera expulsé et son procès se poursuivra selon la loi » comme s'il était présent. Quand Saddam Hussein a demandé à quitter la salle, le juge lui a répondu: « Vas-y » et a donné l'ordre aux huissiers de l'escorter hors de la salle en leur ordonnant: « Sortez-le ». Dépité, le président déchu s'est alors lancé dans une longue diatribe sur sa qualité d'ancien maître de l'Irak et de fin connaisseur des lois. Non impressionné par ce monologue, le juge a cherché à remettre Saddam Hussein à sa place. « Je suis le juge, vous êtes l'accusé et vous devez m'obéir. Vous avez troublé l'ordre de l'audience et je suis là pour appliquer la loi », a-t-il indiqué.

Après le départ de Saddam Hussein, suivi par deux autres accusés, Taha Yassine Ramadan, ancien vice-président, et Awad al-Bandar, juge du tribunal d'exception de Saddam Hussein, celui de la Révolution, Raouf Rachid Abdel Rahmane a tenu à faire preuve d'autorité devant les quatre accusés restant dans la salle. « Des mesures seront prises contre tous ceux qui dépassent les limites de la courtoisie et de la politesse à l'intérieur de ce tribunal ... (la présidence) du tribunal a fait sortir ceux qui ont dépassé cette limite, en vertu de l'article 58 du code de procédure pénale qui prévoit des mesures contre ceux qui ne respectent pas le règlement du tribunal ». La manière forte du juge Abdel Rahmane tranche avec le style calme et serein de son prédécesseur démissionnaire Rizgar Amine.

Un des avocats de Saddam Hussein, Saleh al-Armouti, a déclaré le 31 janvier que la défense ne serait pas présente lors de la prochaine audience prévue le 1er février et qu'elle « ne retournerait au tribunal que si le juge est limogé. Le tribunal a été agressif avec nos clients et les avocats », a-t-il déclaré. M. Armouti a ajouté qu'outre le limogeage du nouveau juge, les avocats de la défense ont présenté une demande écrite de transférer le tribunal en Jordanie ou au Qatar, ce que le juge a refusé. Le président irakien Jalal Talabani a proposé le 17 janvier que le procès soit transféré de Bagdad au Kurdistan irakien afin de mieux en assurer la sécurité. « S'il y a ici des juges qui doivent se sentir en danger à l'avenir, nous sommes prêts à les emmener au Kurdistan, où ils seront en sécurité et très bien protégés », a déclaré M. Talabani.

Raouf Rachid Abdel Rahmane, âgé de 65 ans, est né dans le village kurde martyr de Halabja bombardé aux armes chimiques par le président déchu en 1988, et a été actif dans la politique et la défense des droits de l'Homme. Il entre à l'école de droit de Bagdad en 1959, un an après le renversement de la monarchie, et sera arrêté en 1963 pour appartenance au Parti démocratique du Kurdistan de Mollah Moustafa Barzani, le père du nationalisme kurde. Il passera onze mois en détention mais sera autorisé à passer l'examen alors qu'il était emprisonné. Le juge Raouf Abdel Rahmane gardera des séquelles des tortures subies à cette époque en éprouvant jusqu'à aujourd'hui des difficultés pour marcher, selon ses proches. Condamné à perpétuité en 1965 pour « rébellion », il sera gracié deux ans plus tard. Il sera à nouveau condamné pour les mêmes raisons en 1973 et gracié en 1975, année de l'accord d'Alger entre l'ancien Chah d'Iran et l'homme fort de Bagdad, Saddam Hussein, alors vice-président d'Irak. Après 1975, Raouf Rachid Abdel Rahmane, s'installe à Bagdad où il pratique le métier d'avocat avant de rentrer en 1983 à Souleimaniyeh, où il est élu un an plus tard membre du comité exécutif du syndicat des avocats. En 1991, année durant laquelle le Kurdistan échappe à l'autorité du régime de Bagdad dont les troupes refluent en désordre après avoir été chassées de Koweït, il participe à la création d'une association locale des droits de l'Homme. Il est également actif au sein de l'Association des juristes kurdes et d'une ONG qui s'occupe de la reconstruction de Halabja, ce qui ne l'empêche pas de participer aux travaux de commissions chargées par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de mettre en place un système juridique pour l'administration des deux provinces d'Erbil et de Duhok. Raouf Rachid Abdel Rahmane poursuit également sa carrière au Kurdistan, d'abord en tant que juge du tribunal de première instance d'Erbil et ensuite en tant que président du Tribunal pénal de la ville. Avant d'être sollicité par le Haut Tribunal pénal irakien, il était le vice-président du Tribunal d'appel d'Erbil. Figure de la justice kurde et irakienne, il a traduit des termes juridiques de l'arabe au kurde et a supervisé, en tant que juge, de nombreuses élections, notamment celles de syndicats étudiants dans le Kurdistan et des élections municipales tenues en 2002.

Par ailleurs, le parquet national des Pays-Bas a fait appel du jugement contre l'homme d'affaires néerlandais Frans van Anraat, condamné le 23 décembre à La Haye à 15 ans de prison pour complicité de crimes de guerre en Irak, selon les sources judiciaires hollandaises. Dans son jugement, la chambre de première instance avait indiqué qu'un génocide de la population kurde avait eu lieu en Irak, et elle avait reconnu Van Anraat coupable d'avoir fourni au régime de Saddam Hussein les produits chimiques utilisés lors des attaques au gaz contre ces populations dans les années 1980. Frans van Anraat avait toutefois été acquitté de complicité de génocide, et c'est sur cette question que le parquet veut l'avis d' « une autorité juridique supérieure », en l'occurrence la Cour d'appel, est-il écrit dans un bref communiqué du parquet national du 6 janvier. Van Anraat était poursuivi par le tribunal de La Haye en vertu d'un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle pour juger les personnes soupçonnées de crimes de guerre et de génocide dès lors qu'elles résident aux Pays-Bas.

LES FONDS DESTINÉS À LA RECONSTRUCTION EN IRAK SONT RÉAFFECTÉS À CAUSE DE L’INSECURITÉ QUI Y REIGNE

Selon un rapport d'audit gouvernemental américain publié le 26 janvier, plusieurs milliards de dollars destinés à l'amélioration de systèmes d'épuration d'eau, d'égouts et d'électricité en Irak ont du être affectés au maintien de la sécurité. Depuis le 30 septembre dernier, près d'un tiers des 18,4 milliards de dollars (15 milliards d'euros) que le Congrès américain a débloqués en 2003 pour la reconstruction de l'Irak -soit 5,6 milliards de dollars (4,6 milliards d'euros)- ont été redirigés vers des priorités sécuritaires. Par conséquent, de nombreux plans de réparation de réservoirs, d'épuration de l'eau et de construction d'égouts, essentiels pour améliorer la situation sanitaire dans plusieurs villes irakiennes, ne verront jamais le jour.

Seulement 49 des 136 projets de réhabilitation sur le réseau d'évacuation des eaux seront menés à terme, et 300 des 425 projets initialement prévus pour les infrastructures électriques, selon le rapport rédigé par Stuart Bowen, inspecteur général pour la reconstruction de l'Irak. « Environ 60% des projets portant sur les ressources en eau et les équipements sanitaires n'ont pas été menés à bien » indique le rapport. Sur le réseau électrique, la capacité de production a augmenté de 2.109 mégawatts au lieu des 3.400 qui étaient prévus initialement. Les budgets portant sur les installations d'eau ont été réduits de moitié à 2,1 milliards de dollars contre 4,3 et ceux portant sur l'électricité d'un quart, à 4,3 milliards de dollars contre 5,5 milliards.

Le rapport fait suite à une enquête sur les activités de reconstruction de l'ancienne Autorité provisoire de la coalition (CPA) en Irak, durant lesquelles des millions de dollars se sont volatilisés. Le rapport estime que l'Autorité provisoire avait, entre autres, largement sous-estimé les mauvaises conditions des infrastructures du pays. L'audit rédigé par les services de l'Inspecteur général pour la reconstruction en Irak estime que le personnel du CPA pour la région centrale-sud (provinces d'Anbar, Babil, Kerbala, Najaf, Qadissiyah et Wasit) « n'a pas géré correctement » plus de 2.000 contrats de reconstruction représentant au total 88,1 millions de dollars. Les enquêteurs ont constaté ainsi dans de nombreux cas qu'il n'y avait pas eu de vérification sur la réalisation effective des projets qui avaient été payés à l'avance, que le personnel n'avait pas signalé l'argent perdu, qu'il n'y avait souvent pas de trace écrite sur le suivi des projets financés etc. « Des indications de fraude potentielle » ont également été trouvées et « des enquêtes sont en cours », ajoute l'audit. Stuart Bowen a déjà publié plusieurs rapports en 2005 mettant en cause la gestion et le suivi des contrats de reconstruction en Irak par l'autorité provisoire dirigée à l'époque par l'Américain Paul Bremer. Le rapport qui vient d'être publié apporte de nouveaux éléments sur cette mauvaise gestion. Il conseille notamment à l'ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, « d'obtenir le remboursement de 571.823 dollars versés indûment concernant 11 contrats ». Le gouvernement américain n'aurait pas l'intention de demander au Congrès une aide supplémentaire pour l'Irak lors de la présentation du budget 2007 en février.

Par ailleurs, Assem Jihad, le porte-parole du ministère du Pétrole à Bagdad a, le 22 janvier, affirmé que l'Irak va régler ses arriérés de paiement aux compagnies turques qui ont arrêté les livraisons de produits pétroliers. « L'Irak va régler ses arriérés aux firmes turques et multinationales et il leur a versé il y a deux jours 250 millions de dollars », a déclaré Assem Jihad. « La production des raffineries irakiennes est passée de 10 millions de litres de produits pétroliers à 14 millions de litres par jour et on espère arriver à 18 millions dans les mois prochains », a précisé M. Jihad. « Si on arrive à ce niveau de production, les besoins en importations vont diminuer de même que la facture qui atteint actuellement 6 milliards de dollars », a encore indiqué le porte-parole. Les compagnies turques exportant des produits pétroliers à l'Irak ont décidé le 21 janvier d'arrêter les livraisons en raison d'importants arriérés de paiement de Bagdad. Les 34 compagnies turques, actives notamment dans l'exportation de l'essence vers l'Irak, ont décidé de ne plus charger leurs camions-citernes, en attendant le remboursement d'une dette de plus d'un milliard de dollars (824 millions d'euros), selon la même source.

L'Irak éprouve beaucoup de mal à retrouver son niveau de production de pétrole d'avant la guerre. En 2005, les exportations de brut ont chuté de 4,7% par rapport à 2004, avec un total de 508 millions de barils, soit 1,41 million par jour. Avant la guerre, l'Irak exportait environ 2,2 millions de barils par jour et le gouvernement irakien s'était fixé pour objectif d'atteindre entre 1,6 et 1,7 million par jour. Conséquence des actes de sabotage persistants contre les installations pétrolières à Kirkouk, la majeure partie des exportations provenait des terminaux du sud du pays. Sur l'année, 496 millions de barils ont exportés depuis le Sud, contre 19 dans le Nord. Le 18 décembre, le gouvernement irakien a relevé les prix du gazole et du kérosène notamment, les multipliant par cinq voire sept. Une décision destinée à lutter contre la revente au marché noir à l'étranger. Les prix de l'essence ont longtemps été subventionnés par l'Etat et restent relativement bas comparés au reste du monde. Le gouvernement a démenti les rumeurs d'une nouvelle hausse des prix.

De plus, l'Irak aura besoin d'au moins 8 milliards de dollars pour reconstruire son système de santé mis à mal par les guerres et l'embargo du passé. « Au cours des quatre prochaines années, nous aurons besoin de huit milliards de dollars, uniquement pour la reconstruction de notre système de santé. Et ce montant n'inclut pas le budget de fonctionnement », a estimé Ammar al-Saffar vice-ministre de la Santé dans une déclaration le 11 janvier. L'état des finances irakiennes ne permet pas un tel investissement, a prévenu ce responsable. « Nous lançons un appel à la communauté internationale pour qu'elle nous aide », a-t-il ajouté. Les Etats-Unis ont déjà été fortement sollicités. Ils avaient promis en 2004 de consacrer 786 millions de dollars à la construction d'hôpitaux et à l'achat d'équipements médicaux mais 25% de ce budget a été consacré pour protéger les sites en construction et les entrepreneurs qui y travaillaient. Washington s'était engagé à construire et à équiper 150 centres de soins d'ici la mi-2006, mais leur nombre a été ramené à 142 et leur mise en service retardée à la fin de l'année, au mieux. Les Etats-Unis avaient également promis de rénover 19 hôpitaux irakiens, mais un seul l'a été, dans la ville sainte chiite de Najaf. Et il se trouve à nouveau en travaux aujourd'hui, après avoir été la cible d'un attentat, selon le responsable américain. Quant aux 75 millions de dollars destinés à équiper les hôpitaux irakiens (lits, matériels de stérilisation, ventilateurs, scanners...), ils doivent être versés d'ici le mois d'avril.

George W. Bush, confronté au coût exorbitant de la reconstruction en Irak, a appelé le 10 janvier la communauté internationale à annuler les dettes contractées par Bagdad et à tenir ses promesses d'aide à la reconstruction. Après les Etats-Unis, la Slovaquie et Malte, qui ont annoncé l'annulation de la dette irakienne, « davantage de pays doivent faire de même afin que le peuple irakien ne soit pas lesté par le poids écrasant» de la dette accumulée par Saddam Hussein, a-t-il déclaré dans une allocution à Washington devant l'association des anciens combattants. Il a aussi appelé « tous les gouvernements ayant promis une assistance, à mettre en oeuvre leurs promesses aussi vite que possible pour que les Irakiens puissent reconstruire leur pays». « Jusqu'alors les membres de la communauté internationale ont promis plus de 13 milliards de dollars d'assistance à l'Irak, mais beaucoup se sont montrés lents à tenir leurs engagements», a-t-il indiqué. Il a appelé les « nombreuses nations n'ayant pas encore restitué les biens irakiens gelés sous le régime de Saddam Hussein» à les rendre à leurs « véritables propriétaires».

AINSI QUE…

ABDULLAH OCALAN, PLACÉ EN ISOLEMENT CELLULAIRE, DEMANDE À ÊTRE REJUGÉ CONFORMÉMENT À L’ARRÊT DE LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME



Un des avocats d’Abdullah Ocalan, le chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), a, le 31 janvier, déclaré que son client demandait à être rejugé conformément à un arrêt en ce sens de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), mais des obstacles judiciaires se présentent devant cette demande. « Notre client a remis une pétition aux autorités pénitentiaires pour qu'ils transmettent au tribunal son recours pour être jugé à nouveau », a déclaré Me Ibrahim Bilmez.

La CEDH a recommandé aux autorités turques en mai 2005 d'organiser un nouveau procès contre A. Ocalan, ayant jugé que celui en 1999 au cours duquel il avait été condamné à mort sur l'île-prison d'Imrali (nord-ouest), dont il est toujours le seul détenu, était « inéquitable ». La Turquie doit toutefois amender une loi qui permet de nouveaux procès pour les détenus dont le jugement a été condamné par la CEDH, mais qui exclut A. Ocalan et près d'une centaine d'autres personnes, a expliqué Me Bilmez. « Cette loi est toujours en vigueur et devrait être modifiée », a souligné Me Bilmez, qui a rappelé les engagements des autorités turques lorsque la CEDH avait rendu public son arrêt concernant Abdullah Ocalan. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait assuré à l'époque que « la justice turque suivra la décision » de la CEDH dans l'affaire A. Ocalan, sans toutefois expliquer comment son gouvernement procéderait. La peine de mort prononcée pour « trahison et séparatisme » avait été commuée à la réclusion à perpétuité en 2002 après l'abolition de la peine de mort en Turquie, l'une des mesures adoptées par Ankara afin de conformer aux normes européennes. Un nouveau procès pour le chef du PKK, toujours considéré comme l'ennemi public numéro un en Turquie, s'avérera un casse-tête pour le gouvernement en raison des nombreuses critiques qu'il devrait affronter sur le plan intérieur, notamment des milieux nationalistes. L'intéressé avait pour sa part indiqué, il y a quelques mois qu'il refuserait d'être jugé de nouveau en Turquie tant que l'impartialité des cours turques ne serait pas assurée.

Les avocats d’Abdullah Ocalan ont, le 17 janvier, également dénoncé à Istanbul le placement de leur client en isolement cellulaire, une sanction l'empêchant de recevoir la moindre visite. Lors d’une conférence de presse, Irfan Dündar, avait indiqué que leur client avait été « placé en isolement cellulaire pour 20 jours ». « Le 11 janvier, alors qu'ils s'apprêtaient à rendre visite à M. Ocalan, des membres de sa famille ont été informés par des autorités militaires qu'ils ne pourraient pas le rencontrer en raison de son placement en isolement cellulaire », avait déclaré Me Dundar, lisant une déclaration cosignée par plusieurs organisations pro-kurdes. M. Dündar a déploré les « obstacles » dressés par les autorités turques depuis plusieurs mois pour empêcher les visites des avocats à leur client, évoquant une succession de « justifications irréalistes », comme des « conditions météorologiques défavorables » ou un « véhicule en panne ».

Par ailleurs, Selim Sadak et Hatip Dicle, anciens parlementaires du parti de la démocratie (DEP, pro-kurde, dissous en 1994), ont, le 26 janvier, été inculpés par un procureur d'Ankara pour avoir utilisé des « propos élogieux » à l'égard d’Abdullah Ocalan et risquent jusqu'à deux ans de prison chacun. Ils sont poursuivis pour un entretien accordé en septembre 2005 à la chaîne de télévision kurde Roj TV, basée au Danemark et accusée par la Turquie de « liens avec les rebelles kurdes ». Les deux hommes sont accusés notamment d'avoir qualifié l'emprisonnement d'Ocalan en Turquie d'« isolation » et d'avoir affirmé que « cela ne sera jamais accepté par le peuple kurde » de Turquie. MM. Dicle et Sadak, actuellement membres du Parti de la société démocratique (DTP, pro-kurde), avaient passé dix ans derrière les barreaux avec leurs compagnons, également ex-députés, Orhan Dogan et Leyla Zana, pour « séparatisme », avant d'être libérés en juin 2004 dans l'attente d'un troisième procès à leur encontre.

PREMIÈRE VISITE D’UNE DÉLÉGATION D’AMNESTY INTERNATIONAL EN SYRIE DEPUIS PRÈS DE 10 ANS



Le président de la Cour de sûreté de l'Etat syrien, un tribunal d'exception, Fayez Nouri, a reçu le 22 janvier à Damas une délégation de l'organisation des droits de l'Homme Amnesty International, en visite en Syrie depuis le 17 janvier, a fait savoir l'avocat Anouar Bounni. Cette visite, qui s’est achevé le 23 janvier, est la première visite d'une délégation d'Amnesty International en Syrie depuis 1997. La délégation composée de deux membres a été reçue par des responsables des ministères des Affaires étrangères, de la Justice et de l'Intérieur. Elle a rencontré en outre plusieurs militants des droits de l'Homme et de la société civile. Me Bounni a qualifié la visite d'Amnesty de « pas positif qui permet de s'informer de la situation des droits de l'Homme en Syrie ainsi que des violations ». La Syrie a adhéré en 2004 à la Convention internationale contre la torture mais a émis des réserves sur le Comité chargé de contrôler son respect par les pays signataires

Les deux responsables d'Amnesty ont rendu visite notamment à cinq opposants qui avaient été libérés le 18 janvier, parmi lesquels les anciens députés Riad Seif et Maamoun Homsi, dont l'arrestation en 2001 avait sonné le glas du « Printemps de Damas », période caractérisée par une certaine liberté d'expression. « Les députés Riad Seif et Maamoun Homsi ont été libérés sur décision de justice. Trois autres opposants, Habib Issa, Fawaz Tello et Walid Bounni ont été également libérés », a déclaré l'avocat Anouar Bounni. Ces personnalités avaient animé ou participé à des débats dans des « salons politiques » qui avaient vu le jour dans le pays entre septembre 2000 et février 2001. MM. Seif et Homsi avaient été condamnés à cinq ans de prison par la Cour pénale pour avoir voulu « changer la Constitution de manière illégale ». Les trois autres, jugés par la Cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception, avaient reçu la même peine, pour des accusations de même ordre: tentative de changer la Constitution par des moyens illégaux et de nuire à l'image de l'Etat, incitation à la sédition, propagation d'informations mensongères. Riad Seif a affirmé que ces libérations n'avaient pas fait l'objet de négociation avec le pouvoir. « Nous avons refusé toute condition préalable…Nous avons même insisté pour supprimer la formule habituelle: « Je me suis amendé », lorsque nous avons signé la demande de libération…Nous ne nous « amenderons pas » car nous n'avons rien fait de mal…Quatre ans et sept mois après notre arrestation, il est devenu évident que nous avions raison », a-t-il déclaré. Les cinq opposants ont été libérés selon une loi permettant aux détenus d'être élargis après avoir purgé les trois quarts de leur peine, selon lui. Me Bounni s'est « félicité » de ces libérations tout en estimant « nécessaire de clore définitivement ce dossier en relaxant tous les prisonniers politiques et en supprimant les tribunaux d'exception ». Il a estimé le nombre de détenus politiques à 1.500.

Depuis Damas ou l'étranger, l'opposition syrienne lance régulièrement des appels de profondes réformes démocratiques. La libération des détenus politiques, notamment des deux députés, avait été l'une des conditions posées par l'Union européenne à la signature d'un accord d'association avec la Syrie, toujours gelé pour des raisons politiques. Parmi les personnes arrêtées en 2001, l'économiste Aref Dalila, qui purge une peine de dix ans, Kamal Labouani, le fondateur d'un mouvement non autorisé, et Habib Saleh, un militant des droits de l'Homme, sont toujours derrière les barreaux. Les autres personnes arrêtés en 2001 sont l'enseignant Hassan Saadoune, libéré après deux ans et demi de prison et le militant communiste Riad Turk, élargi en 2002 après plus d'un an de détention.

TÉHÉRAN SUSPEND UN QUOTIDIEN ÉCONOMIQUE, BLOQUE LA BBC EN PERSAN ET LA CHAINE CNN PROVISOIREMENT ET CONTINUE À EMPRISONNER SES JOURNALISTES



Le quotidien économique iranien Asia daily a, le 2 janvier, reçu l'ordre du gouvernement de suspendre sa publication. « Ce matin le ministère de l'Ershad (Culture et Guidance islamique) nous a dit que le journal était temporairement banni », a déclaré Saghi Baghernia, la propriétaire du journal qui a précisé que les autorités n'avaient « pas fourni de raison ». « Nous n'avons pas reçu de préavis pour cette mesure radicale », et aucun délai sur sa durée n'a été fourni, a-t-elle ajouté.

C'est la première fois qu'un quotidien est soumis à une mesure de cet ordre depuis l'élection en juin dernier du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Pendant les deux mandats de son prédécesseur, le réformateur Mohammad Khatami, de nombreuses publications avaient été fermées sur ordre des autorités, et des journalistes emprisonnés sur ordre de la justice. Asia daily a été contraint de fermer pour sa part de juin 2003 à mars 2005 après avoir publié la photo de la dirigeante de l'organisation des Moudjahiddines du peuple, Maryam Radjavi, le principal mouvement d'opposition armée au régime, qui est basé à l'étranger et considéré par Téhéran comme terroriste. Le mari de Mme Baghernia, M. Jamshidi avait été emprisonné pendant treize mois durant cette période.

De plus, la BBC a, le 24 janvier, annoncé que le site d'information en langue persane de la BBC a été bloqué en Iran à la demande des autorités de Téhéran. « L'accès (au site) BBC Persian.com, le site international d'information de la BBC et le plus grand site internet en langue persane, est bloqué en Iran à la demande des autorités », a précisé la BBC dans un communiqué. « Nous sommes très préoccupés par cette action et regrettons qu'elle prive un grand nombre d'Iraniens ordinaires d'une source fiable d'informations impartiales et éditorialement indépendantes », a déclaré Nigel Chapman, le directeur du service monde de la BBC, soulignant que l'Iran comptait une « communauté très active en ligne ». Le site Persian.com de la BBC (http://www.bbc.co.uk/persian/index.shtml) comptabilise 30 millions de « hits » par mois et il est utilisé selon la BBC par un tiers des sept millions d'internautes que compte l'Iran. La BBC a précisé que son site international en anglais n'était pas affecté par le blocage. La BBC est le deuxième grand média international touché par une mesure d'interdiction récemment en Iran. La chaîne de télévision américaine CNN y avait été brièvement interdite, pour avoir fait dire au président Mahmoud Ahmadinejad que l'Iran voulait la bombe atomique. CNN s'était excusée et le lendemain, le président l'avait autorisée à reprendre ses activités. Lors de la conférence de presse du chef de l'Etat le 14 janvier, la chaîne d'information continue américaine, lors de sa traduction simultanée, lui avait fait dire que « le recours aux armes nucléaires est un droit pour l'Iran ». En réalité, le président iranien avait déclaré que « l'Iran a le droit à l'énergie nucléaire ». La chaîne d'Atlanta avait par la suite rectifié le tir et présenté des excuses dès le lendemain. Mohammad Hossein Khoshvaght, responsable de la presse étrangère au ministère, avait cependant déclaré que l'interdiction concerne aussi les stringers de CNN en Iran et n'est pas due qu'à l'affaire de la traduction, mais à la couverture de l'Iran par CNN en général.

Par ailleurs, l'épouse du journaliste iranien emprisonné Akbar Ganji a déclaré le 2 janvier que l’état physique de son mari « s'est détérioré après 122 jours en isolement pénitentiaire ». « Les maladies de Ganji se sont aggravées, avec l'apparition de troubles digestifs, sans qu'il bénéficie d'un traitement », a indiqué Masoumeh Shafiie, au lendemain d'une troisième visite à son mari depuis qu'il est sorti de l'hôpital le 3 septembre. Le plus connu des prisonniers politiques iraniens a été renvoyé en prison, après avoir accepté de mettre un terme à une grève de la faim de près de deux mois. « Il n'y a pas eu de changement positif dans son état... il pèse toujours 50 kilos », a ajouté son épouse, qui a pu voir son mari pendant une heure, en compagnie de ses filles, sa mère, son frère, et son avocat. Mme Shafiee, s'est inquiétée du silence des autorités judiciaires sur une éventuelle libération anticipée de M. Ganji, avant la fin de sa peine d'emprisonnement, prévue le 21 mars. Arrêté en avril 2000 alors qu'il travaillait au quotidien Sob-e Emrouz, Akbar Ganji a été condamné en 2001 à six ans de prison après une série d'articles mettant en cause plusieurs dignitaires dans des meurtres d'intellectuels et d'écrivains survenus en 1998.

JACK STRAW EN VISITE DANS LES DEUX PARTIES DE CHYPRE IRRITE LES CHYPRIOTES GRECS MAIS DECLARE QUE CELA « NE SIGNIFIE PAS LA RECONNAISSANCE DE CHYPRE DU NORD »



La Turquie a lancé mardi une offensive diplomatique destinée à lever les restrictions commerciales à Chypre dans l'espoir de raviver le processus de paix dans l'île, au point mort depuis 2004. Le chef de la diplomatie britannique Jack Straw a fermement appuyé le 26 janvier les propositions formulées le 24 janvier par la Turquie en vue d'un règlement du conflit chypriote, tandis qu'Ankara appelait les Chypriotes grecs à répondre positivement à leur « plan d'action ». Au terme d'un entretien à Ankara avec son homologue turc Abdullah Gül, M. Straw a déclaré qu’ « il n'est dans l'intérêt de personne à Chypre que l'île demeure divisée au détriment des deux communautés ». Soulignant que le plan en dix points proposé par Ankara avait été bien accueilli par l'Onu et l'Union européenne, le chef du Foreign Office a exprimé l'espoir que les mesures seront approuvées par les autres parties concernées. « J'espère que ceci est vu par les autres comme une initiative constructive, qui n'est pas le dernier mot sur la question, mais aide à faire avancer les choses », a-t-il indiqué.

Le « plan d'action » présenté par M. Gül, à la veille de l'arrivée de M. Straw en Turquie, envisage une levée réciproque des restrictions aux échanges économiques avec l'île dans l'espoir de faciliter un règlement global du conflit qui divise Chypre depuis 1974. Il a été immédiatement critiqué par le gouvernement chypriote grec, le seul reconnu internationalement sur l'île, ainsi que par la Grèce, qui ont estimé qu'il ne contenait rien de nouveau. Après avoir rencontré M. Straw à l'aéroport d'Ankara, le Premier ministre turc a appelé les Chypriotes grecs à considérer les propositions turques avec attention et à faire les pas nécessaires vers un règlement du conflit. « Nous sommes tranquilles parce que nous avons toujours eu une longueur d'avance » dans les efforts pour réunifier l'île, a déclaré M. Erdogan à la presse. « Nous attendons maintenant que l'autre côté effectue un pas positif en réponse à ceux que nous avons faits », a-t-il ajouté.

Le plan d'Ankara prévoit l'ouverture des ports et aéroports turcs aux navires et avions chypriotes grecs, exigée par l'UE, en échange de l'allègement des sanctions économiques pesant sur la République turque de Chypre Nord, promise par le bloc européen mais non appliquée. Jack Straw a reconnu le 25 janvier au soir à Istanbul que « l'UE comme la Turquie a des responsabilités à assumer », mais a estimé qu'il s'agissait de deux problèmes « séparés » et ne devant pas nécessairement être réglés simultanément. Bien que le plan turc puisse « mener à une meilleure atmosphère en Europe », Ankara doit néanmoins remplir ses obligations pour pouvoir adhérer au bloc européen, a-t-il précisé. « La Turquie, comme n'importe quel autre pays candidat, est soumise à des obligations découlant de sa candidature à l'intégration dans l'UE », a-t-il déclaré.

Les négociations d'adhésion entre la Turquie et l'UE ont débuté le 4 octobre 2005. Dans un entretien à la chaîne d'information CNN-Türk, M. Straw a déploré l'hostilité avec laquelle les Chypriotes grecs ont réagi à sa visite, la veille, dans les deux parties de Chypre. « Si on doit trouver une solution, et si on se dirige vers une solution fédérative, avec deux parties, deux régions, (...) il est alors nécessaire de pouvoir rencontrer les deux parties et de pouvoir s'entretenir avec les dirigeants chypriotes turcs », a estimé M. Straw. « Cela ne signifie pas la reconnaissance de la RTCN », a-t-il souligné. Le ministre chypriote des Affaires étrangères, George Iacovou, a, le 25 janvier, déclaré à Jack Straw, que Nicosie rejetait la proposition. « J'ai demandé à M. Straw de transmettre notre réponse au ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gul », a déclaré M. Iacovou. « Ouvrir les ports et les aéroports est une obligation que la Turquie doit remplir pour devenir un membre de l'Union européenne (UE). Cela n'a rien à voir avec le problème de Chypre », a affirmé M. Iacovou.

Le président de la République de Chypre, Tassos Papadopoulos, a refusé de rencontrer M. Straw en signe de protestation contre sa visite au président de la RTCN Mehmet Ali Talat, perçue comme une forme de reconnaissance de l'entité unilatéralement proclamée. Chypre est divisée depuis 1974 et l'invasion du nord de l'île par les troupes turques en réaction à un coup d'Etat mené par des nationalistes chypriotes grecs et visant au rattachement de l'île à la Grèce. En avril 2004, l'ONU avait proposé un plan de réunification de Chypre. Soumis à référendum, ce plan avait été approuvé par les Chypriotes-turcs, mais rejeté par les Chypriotes-grecs

CRÉATION D’UN FRONT UNI KURDE POUR DÉFENDRE LES DROITS DES KURDES EN IRAN



Bahaeddin Adab, ancien député kurde iranien a, le 2 janvier, annoncé la création d'un Front uni kurde pour défendre les droits des Kurdes, « négligés » par la république islamique. « Un grand nombre d'activistes et ONG kurdes proéminents se sont ralliés dans un front indépendant pour demander pacifiquement les droits niés aux Kurdes », a déclaré à la presse son fondateur, M. Adab. Il a insisté sur le fait que son mouvement n'avait pas d'objectif séparatiste, à la différence selon lui de nombreux partis d'opposition kurdes. « Nous insistons pour travailler dans le cadre de la loi et en évitant la violence », a-t-il souligné, en expliquant que la décision de créer le Front avait été accélérée à la suite de troubles entre les autorités et la population des deux provinces à population majoritairement kurde du Kurdistan et de l'Azerbaïdjan de l'ouest. « Les Kurdes n'ont presque pas eu leur mot à dire sur les décisions les affectant et ils se sont vu nier leurs droits mentionnés par la Constitution », a ajouté M. Adab qui a exprimé l'espoir que le régime autorisera l'enregistrement de son mouvement ou ne s'opposera pas à son activité. Les partis politiques et ONG doivent être enregistrés s'ils veulent pouvoir faire de la publicité, tenir des réunions et admettre des membres. Des défenseurs iraniens des droits de l'Homme, comme le prix Nobel Shirin Ebadi, accusent régulièrement le ministère de l'Intérieur de faire obstruction à l'enregistrement de telles organisations.

M. Adab qui avait été disqualifié par le Conseil des gardiens pour participer aux dernières élections législatives de 2004, a déploré les hausses du chômage et du taux de toxicomanie affligeant les provinces à population kurde, ainsi que les restrictions touchant la presse en langue kurde. Plusieurs activistes et journalistes kurdes ont été arrêtés par les autorités ces dernières années. Un certain nombre ont été condamnés à de longues peines de prison à la suite de troubles survenus notamment en août. « Vous ne pouvez pas conserver un pays uni avec des menaces. Si la liberté et l'égalité existent les mouvements séparatistes meurent » a-t-il indiqué.

Plus de 10 millions de Kurdes, sur une population iranienne de 68,5 millions, habitent principalement quatre des provinces du nord-ouest, qui sont parmi les moins développées du pays. Les Kurdes avaient participé en masse aux élections présidentielles de 1997 et 2001, qui avaient vu la victoire du président réformiste Mohammad Khatami, qui avait promis la reconnaissance des droits culturels kurdes. Selon M. Adab, « le gouvernement n'a pas fait assez pour satisfaire les demandes des Kurdes et ils ont montré leur insatisfaction en ne participant pas à la (récente) élection », de 2005, qui a vu l'arrivée au pouvoir de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad.