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Bulletin N° 249 | Décembre 2005

 

IRAK : PARTICIPATION MASSIVE AUX ÉLECTIONS LEGISLATIVES.

Les Irakiens, toutes communautés confondues, ont voté en masse le 15 décembre pour élire leurs députés dans un scrutin historique caractérisé par un calme relatif et une forte compétition entre les candidats. Quelque 15 millions d'électeurs étaient appelés à désigner les 275 membres du nouveau Parlement. Les électeurs ont à choisir leurs députés parmi 7.655 candidats présentés par 307 « entités politiques » et 19 coalitions en lice. Environ 70% des électeurs irakiens ont participé aux législatives dans les quelque 33.000 bureaux de vote, une nette augmentation par rapport aux dernières élections. Plus de 23.000 Irakiens résidant en Allemagne, mais également en Espagne, en Pologne et aux Pays-Bas, ont voté en Allemagne au cours des trois derniers jours. « Le nombre de ceux qui ont participé au scrutin doit se situer entre 10 et 11 millions d'électeurs, selon nos premières estimations », a déclaré un haut responsable de la commission électorale, Farid Ayar. Ce taux avait atteint 59% aux élections générales de janvier, alors que celui du référendum constitutionnel d'octobre était monté à 63%. L'augmentation s'expliquerait notamment par la participation inédite de la minorité sunnite, qui avait boudé le scrutin de janvier.

La liste chiite arrive en tête dans cinq provinces situées au sud de Bagdad, alors que l'alliance kurde est victorieuse dans le Kurdistan, selon des résultats non officiels des législatives. Le résultat de l'Alliance unifiée irakienne (AUI) est sans surprise, ces provinces chiites étant acquises à cette liste qui réunit le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) d'Abdel Aziz Hakim, le parti Dawa du Premier ministre sortant Ibrahim Jaafari et le courant radical de Moqtada Sadr. C'est dans la province de Kerbala que cette liste obtiendrait, selon ces résultats, donnés le 16 décembre par des sources proches de la Commission électorale mais non certifiés par elle, le plus grand score avec 85%. Dans la province de Missane, l'AUI remporterait 86% des voix, selon un responsable du parti Dawa, Latif Abboud, un résultat qui reste à confirmer. A Najaf, elle a obtenu 80% et le taux de participation a atteint le même niveau, alors qu'à Qaddissiya ce taux atteint 85%, selon des sources proches de la Commission électorale. Dans la province de Babylone, 70% des 749.000 électeurs ont voté pour l'AUI, a indiqué une source de la Commission électorale dans la capitale provinciale Hilla.

Dans le Kurdistan, l'alliance regroupant notamment le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) a obtenu un score écrasant dans les trois provinces de la région. A Erbil, l'alliance a obtenu 86% des suffrages exprimés, suivie du parti islamique kurde (3,4%), selon un responsable de l'UPK. A Dohouk, elle a eu 76%, suivie par le parti islamique kurde également (7%), a-t-il ajouté. Enfin, à Souleimanieh, l'alliance a obtenu 71% alors que les islamistes ont 8,3%, selon la même source. La coalition kurde a remporté la majorité absolue des suffrages dans la province de Kirkouk, avec 52% des voix selon les résultats partiels. Les deux principales listes sunnites totalisent 20% des voix, et la liste turcomane 11%. « C'est un jour historique et une fête pour tous les Irakiens », a proclamé pour sa part le président irakien Jalal Talabani qui a été le premier à voter dans le bureau, installé dans une école de la ville de Souleimanieh.

Après avoir voté, un responsable de la Commission électorale indépendante, Hussein Hindaoui, a indiqué que dans la province sunnite d'Al-Anbar, hier encore théâtre d'offensives militaires, 162 bureaux de vote ont été ouverts sur les 207 prévus. A la surprise générale, les partisans de Saddam Hussein, qui se sont vivement opposés aux élections de janvier, ont appelé la communauté sunnite dont ils sont issus à voter et demandent aux activistes d'Al Qaïda de ne pas perturber les législatives. L'appel des baassistes pourrait trahir en outre un fossé grandissant entre les partisans de Saddam Hussein et les djihadistes musulmans. En janvier, l'Association des érudits sunnites avait exhorté la communauté à boycotter le vote. Aujourd'hui, l'organisation s´est dite neutre, mais certains de ses membres ont présenté la participation aux élections comme un « devoir religieux. » L’Organisation de la conférence islamique (OCI) a également exhorté les sunnites d’Irak à participer «massivement» aux élections législatives pour conforter leur position. Le Comité des oulémas musulmans, la principale association religieuse sunnite en Irak, avait annoncé le 6 décembre sa décision de ne pas participer aux législatives du 15 décembre, tout en n’appelant pas à leur boycottage.

Les résultats définitifs des élections sont attendus dès la première semaine de janvier. D'après les résultats préliminaires, l'Alliance irakienne unifiée est en tête, mais ne disposera vraisemblablement pas d'une majorité pour gouverner seule. Elle pourrait obtenir 130 sièges, loin des 184 requis pour éviter de devoir former une coalition avec d'autres partis. Les Kurdes pourraient remporter 55 sièges, les principaux partis sunnites une cinquantaine environ et la coalition d'Allaoui environ 25.

Le Kurdistan a connu l'effervescence de discussions post-électorales entre les partis kurdes et les chiites de l'Alliance irakienne unifiée, en tête des élections. Les négociations sur la mise en place d'une grande coalition, qui visent à apaiser les tensions ethniques et religieuses suscitées par le scrutin, se sont ouvertes avec la visite à Erbil, capitale du Kurdistan irakien, d'Abdoulaziz al-Hakim. Le chef de la coalition de partis chiites a ainsi rencontré successivement Massoud Barzani et Jalal Talabani, actuel président irakien et chef du second parti kurde, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). «Nous nous sommes entendus sur le principe de la formation d'un gouvernement impliquant tous les partis, avec une large base populaire», a déclaré Massoud Barzani, président du Kurdistan irakien, lors d'une conférence de presse donnée en compagnie de A. al­Hakim. Ce dernier, dont la formation tient depuis un an les rênes du gouvernement intérimaire aux côtés du bloc kurde, doit rencontrer le président Jalal Talabani. Une délégation sunnite devrait également se déplacer pour la première fois au Kurdistan irakien pour rencontrer les dirigeants kurdes.

Saluées de Canberra à Washington en passant par Moscou et Rome, les législatives irakiennes n'avaient suscité aucune réaction officielle le 16 décembre dans les pays voisins même si la presse arabe y a vu une avancée démocratique pour le pays. A Washington, le président américain George W. Bush a qualifié ces élections « de pas en avant capital » vers les objectifs américains pour l'Irak. Le Premier ministre britannique Tony Blair et son chef de la diplomatie Jack Straw ont salué, quant à eux, la tenue d'élections « pleinement libres» comme étant « une journée historique. » Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan s'est félicité du bon déroulement global des élections, tout en espérant que « chacun acceptera les résultats, respectera les règles et que tout le monde coopérera pour former un gouvernement national. »

Les journaux arabes de la région ont en effet souligné la participation massive au scrutin et notamment celle de sunnites qui avaient boudé les premières élections générales de janvier. En Europe, la France et l'Allemagne, qui s'étaient opposées à l'intervention américaine en Irak en 2003, n'ont pas fait de commentaire le lendemain du vote. Même la Russie, hostile à l'intervention en 2003, a salué l' « aboutissement de la période de transition », qui ouvre « une nouvelle page dans l'histoire de l'Irak contemporain. » Aucun pays du Moyen-Orient n'avait encore réagi officiellement, à l'exception de la Turquie. Ankara a évoqué « une étape importante du processus politique en Irak ». La presse arabe a cependant salué ce scrutin historique. « Tout l'Irak a voté », titrait le quotidien aux capitaux saoudiens Asharq Al-Awsat, basé à Londres, notant que « la journée électorale s'est achevée pacifiquement ». « C'est la voix du peuple irakien qui a été entendue hier, pas les bombes des terroristes », indiquait pour sa part le quotidien anglophone Arab News. Le quotidien émirati Al-Ittihad se réjouissait de « la participation massive des Arabes sunnites », comme An-Nahar, au Liban, qui estimait que cette participation « donne une légitimité aux élections ». « Les sunnites participent en force aux premières élections parlementaires en Irak », titrait en Egypte le quotidien semi-gouvernemental Al-Ahram. « C'est la démocratie et non le boycott électoral ou les groupes extrémistes qui protégera les sunnites et préservera leur position politique en Irak. Ce consensus est à même de sortir l'Irak de sa crise et de mettre la première pierre pour le retour du pays à sa pleine souveraineté, ce qui permettre au gouvernement de demander le retrait des troupes étrangères », notait l'éditorial d'Al-Ahram.

Les premières élections législatives en Irak depuis la ratification de la Constitution en octobre permettront d'élire des députés chargés de désigner un gouvernement dont le mandat sera de quatre ans. Au cours de cette période, les États-Unis et leurs partenaires de la coalition devraient progressivement réduire leur présence militaire au profit des forces irakiennes. Sur les 275 sièges, 230 sont distribués aux 18 provinces et 45, appelés « sièges nationaux », seront alloués aux partis qui n'obtiendront pas de siège au niveau provincial, mais dont le score national sera assez élevé. Le taux de participation important confère une forte légitimité à l'Assemblée nationale, prévue pour siéger quatre ans, pour la première fois depuis la chute du régime de Saddam Hussein en 2003. Le Parlement sortant, le premier à être élu au suffrage universel depuis l'intervention en Irak, n'a en effet siégé que pendant onze mois. Les nouveaux députés devront choisir un Premier ministre qui formera le gouvernement et un conseil présidentiel composé d'un chef d'État et deux vice-présidents.

MASSOUD BARZANI ET JALAL TALABANI REÇOIVENT LES LEADERS IRAKIENS POUR LA CONSTITUTION DU FUTUR GOUVERNEMENT.

Les tractations pour un gouvernement élargi ont repris en Irak. Le Premier ministre sortant, Ibrahim Jaafari, est arrivé le 31 décembre au Kurdistan pour rencontrer le président du Kurdistan, Massoud Barzani, alors que le président Jalal Talabani devrait recevoir le président du Parlement Hajem al-Hassani.

Les trois leaders de la liste de la Concorde, Adnane al-Doulaïmi, Tarek al-Hachimi et Khalaf al-Olayane, sont également arrivés à Erbil pour des entretiens avec M. Barzani. Un représentant du courant radical de Moqtada Sadr a fait état quant à lui de contacts avec la liste de la Concorde et déclaré que son groupe, qui s'est présenté aux élections du 15 décembre sur la liste de chiites conservateurs, était en faveur de la reconduction du Premier ministre Ibrahim Jaafari. Ce dernier a été déclaré candidat à ce poste par son parti Dawa, pilier de la liste de l'Alliance irakienne unifiée, avec le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) de Abdel Aziz Hakim.

De son côté, Abdel Aziz Hakim, chef de conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) a fait un déplacement remarqué dans le Kurdistan au cours duquel il a souligné l'alliance « stratégique » entre chiites et Kurdes qui ont formé le gouvernement sortant. M. Hakim a rencontré le 29 décembre le président irakien, Jalal Talabani, qui défend l'idée d'un gouvernement d'union nationale. « La coalition kurde et l'alliance chiite sont d'accord sur le principe d'un gouvernement d'union nationale », a déclaré à la presse M. Talabani à Dokan, un lieu de villégiature à 400 km de Bagdad. Il a toutefois souligné que l'association avec d'autres partis devaient se faire sur un programme. « Les autres partis doivent croire en certains principes », a-t-il indiqué, citant en particulier « le rejet du terrorisme » Dans ce contexte, M. Talabani a souligné à propos du leader sunnite Saleh Motlak qu' « il ne peut pas être avec les terroristes la nuit et avec nous le jour. » De son côté, M. Hakim a loué l' « alliance stratégique » entre les siens et les Kurdes, piliers du gouvernement sortant. « Notre alliance ne signifie pas l'exclusion des autres et n'est dirigée contre personne », a-t-il déclaré.

Avant de rencontrer M. Talabani, M. Hakim a eu des entretiens le 27 décembre avec le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani qui a défendu un cabinet avec une « large assise populaire. » Le ministre sortant des Affaires étrangères Hoshyar Zebari, a expliqué, après les entretiens, le besoin du pays d'un gouvernement d'union nationale. « Nos deux listes peuvent à elles seules former un gouvernement mais ce ne sera pas dans l'intérêt de l'Irak ni du peuple irakien en ce moment », a-t-il déclaré à la presse. « Il y a un besoin de former un gouvernement d'union nationale avec la participation d'autres parties », a-t-il ajouté, en soulignant la nécessité de former rapidement ce cabinet. M. Hakim s'est également adressé le lendemain au Parlement kurde et rencontré des intellectuels.

La coalition chiite a prévenu avant même le début des négociations sur la formation du futur gouvernement, que le prochain Premier ministre serait soit l'actuel titulaire du poste, Ibrahim al Jaafari, soit le vice-président Adel Abdel Mahdi. « Ça va se jouer entre eux deux. Ce sont les candidats de l'Alliance et il n'y en a pas de troisième », a-t-on déclaré le 30 décembre de source autorisée au sein de l'Alliance irakienne unifiée (AIU). M. Jaafari, chef du Parti Dawa, dispose déjà de l'expérience de la fonction, qu'il exerce depuis le mois d'avril. Pour autant, le bilan de M. Jaafari au poste de Premier ministre pourrait finalement le desservir, soulignent certains au sein de l'Alliance. Son gouvernement n'a pas réussi à mater les terroristes et les Irakiens ordinaires lui reprochent en outre de ne pas avoir rétabli les services de base. Des doutes sur sa fiabilité démocratique ont en outre surgi après la découverte à l'automne d'une prison secrète dirigée par le ministère de l'Intérieur. Cette affaire a alimenté les soupçons sur des violations systématiques des droits de l'homme par des milices chiites au service du gouvernement.

Adel Abdel Mahdi, ancien ministre des Finances, bénéficie pour sa part de l'appui du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII), l'autre principale composante de l'AIU. Economiste parlant l'anglais et le français, qui a passé de longues années d’exil en France, M. Mahdi entretient de bonnes relations avec les Kurdes et Washington le considère comme un modéré.

Les États-Unis, qui tentent en coulisses d'influer sur le cours des événements politiques en Irak, ne cachent pas non plus leur irritation à l'égard de M. Jaafari. Outre l'économie et les droits de l'homme, les Américains mettent aussi à son passif ses liens avec l'Iran. Le Premier ministre irakien pourrait aussi souffrir de ses mauvaises relations avec les partenaires kurdes de la coalition sortante. Les Kurdes lui reprochent de ne pas avoir respecté l'accord de coalition et de ne pas soutenir leurs revendications sur la ville de Kirkouk. « Nous n'étions pas satisfaits de cette alliance, parce qu'ils n'ont pas respecté le protocole (d'accord) établi entre nous », avait déclaré le président du Kurdistan, Massoud Barzani, deux jours avant le scrutin du 15 décembre. « Cela ne signifie pas que nous annulerons cette alliance, mais nous chercherons à l'élargir », avait­il ajouté. Pour l'analyste et écrivain kurde Abdelghani Ali Yehya, il n'y a jamais vraiment eu d'alliance entre les deux parties. « Elles se sont entendues sur certains points sans vraiment s'allier », a-t­il déclaré. Il estime que le fossé politique est trop important entre l'AUI et les Kurdes, « notamment sur la question de Kirkouk. » Sami Shoresh, ministre de la culture du Kurdistan, explique que toute partie qui désire s'allier avec les Kurdes doit remplir certaines conditions. « Elle doit soutenir les droits du peuple kurde dans le cadre d'un Irak fédéral, permettre d'annuler les mesures d'arabisation à Kirkouk et adopter à fond la démocratie, qui est le seul moyen pour préserver les droits kurdes », affirme-t-il. « Nous devons mettre au point un programme politique avec nos éventuels alliés, avant de former le gouvernement », déclare pour sa part Adnan Moufti, président du Parlement du Kurdistan.

Des problèmes nombreux et sérieux étaient apparus entre l'AUI et les Kurdes, après la formation de leur alliance, notamment lors de l'élaboration de la Constitution, sur des sujets tels que la place de l'islam dans la loi, le rôle des femmes et le fédéralisme. Le président Jalal Talabani, était même allé jusqu'à accuser le Premier ministre, Ibrahim Jaafari, de l'AUI, d'accaparer le pouvoir et il demande désormais des prérogatives plus importantes pour le chef de l'État.

LA JUSTICE NÉERLANDAISE RECONNAÎT LE GENOCIDE COMMIS CONTRE LES KURDES A HALABJA ET CONDAMNE UN HOMME D’AFFAIRES POUR AVOIR VENDU DES PRODUITS CHIMIQUES A SADDAM HUSSEIN.

La justice néerlandaise a jugé qu'un génocide avait bien eu lieu contre la population kurde d'Irak, notamment à Halabja en mars 1988, un massacre qui a fait 5000 morts en une journée. Mais les juges ont estimé que l'homme d'affaires de 63 ans ne connaissait pas les intentions génocidaires de l'ancien régime irakien. Toutefois, « les crimes de guerre auxquels a participé (l'accusé) sont extrêmement graves et ont provoqué la mort de nombreuses personnes », a noté le tribunal. Reconnu coupable de complicité de crimes de guerre, l'homme d'affaires néerlandais Frans van Anraat a été condamné à 15 ans de prison pour avoir vendu à l'Irak de Saddam Hussein des tonnes de produits chimiques utilisés pour mener des attaques au gaz.

L'homme était poursuivi par le tribunal de La Haye en vertu d'un jugement de la Cour suprême des Pays-Bas donnant aux tribunaux néerlandais compétence universelle pour juger les personnes suspectées de crimes de guerre et de génocide dès lors qu'elles résident aux Pays-Bas.

Le tribunal a déclaré que l'accusé avait vendu des tonnes d'agents chimiques en sachant qu'ils serviraient à la confection de gaz mortels utilisés par Saddam Hussein lors de la guerre Iran-Irak de 1980-1988 et contre la population kurde d'Irak, notamment dans le village de Halabja en 1988. « Ses livraisons ont facilité les attaques et elles constituent un crime de guerre grave. Il ne peut pas répondre avec l'argument selon lequel cela aurait quand même eu lieu sans sa contribution », a déclaré le président du tribunal à la cour. « Même la peine maximale (de 15 ans) est insuffisante eu égard à la gravité des actes », a-t-il ajouté. Les avocats de la défense ont annoncé qu'ils feraient appel de cette décision.

Plus d'une cinquantaine de proches des victimes, certains en habits traditionnels, ont assisté grâce à des interprètes à l'audience à laquelle Van Anraat n'était pas présent. Quinze Kurdes d'Irak et d'Iran s’étaient portés parties civiles devant le tribunal de La Haye et réclamaient chacun un montant symbolique de 680 euros de dommages-intérêts, le maximum qu'ils peuvent demander en vertu de la loi néerlandaise applicable au moment des faits. Bien qu'il s'agisse de la première fois qu'un tribunal prononce un jugement concernant le massacre d'Halabja, cette décision risque de ne pas avoir de conséquence sur les travaux du Tribunal spécial irakien.

Les inspecteurs des Nations unies avaient décrit Frans van Anraat comme l'un des plus importants intermédiaires de Saddam Hussein pour se procurer des armes chimiques. L'accusé avait été arrêté en décembre 2004 à son domicile alors qu'il s'apprêtait à quitter les Pays-Bas. Il avait été arrêté une première fois à Milan en 1989 à la demande des États-Unis, avant d'être relâché deux mois plus tard. Il s'était alors réfugié en Irak, où il vivait sous un faux nom donné par des membres de l'ancien régime: Faris Mansour Rasheed al Bazzaz, qui signifie «négociant en tissu courageux et intelligent», où il serait demeuré jusqu'à l'intervention américaine de 2003, année où il est rentré aux Pays-Bas via la Syrie.

Les procureurs ont déclaré que Van Anraat avait été impliqué dans la vente à l'Irak de plus de 1.000 tonnes de thiodiglycol - une substance chimique industrielle entrant dans la composition du gaz moutarde - dont 800 tonnes ont été utilisées sur les champs de bataille. Le président du tribunal a également déclaré que l'accusé n'avait fait preuve d'aucun remords puisqu'il a cherché à vendre d'autres cargaisons de thiodiglycol après avoir vu des images du massacre de Halabja, où quelque 5.000 personnes ont été tuées.

LE KURDISTAN IRAKIEN DEMEURE LA RÉGION LA PLUS STABLE MALGRÉ LES TENSIONS EN CE MOIS D’ÉLECTION.

Le président du Kurdistan, Massoud Barzani, a, le 4 décembre, démenti la présence au Kurdistan d'instructeurs israéliens venus selon le quotidien israélien Yediot Aharonot pour y entraîner des combattants kurdes. « Ces renseignements sont totalement faux », a déclaré M. Barzani à la presse, à l'issue d'un entretien avec le chef de l'Etat, Jalal Talabani, à Erbil.

Le quotidien israélien Yediot Aharonot a rapporté le 1er décembre que des dizaines d'instructeurs israéliens dépêchés dans le Kurdistan par des sociétés spécialisées dans le domaine sécuritaire y entraînent des combattants kurdes dans une base militaire « secrète ». Selon le journal, les sociétés israéliennes construisent également dans la région d'Erbil un aéroport international, l'aéroport Hawler. « L'aéroport d'Erbil est ouvert et des avions y atterrissent tous les jours en provenance de plusieurs pays », a-t-il ajouté. « Les peshmergas n'ont besoin de personne pour les entraîner », a affirmé M. Barzani.

De son côté, l'Assemblée nationale sud-coréenne a, le 30 décembre, adopté, le plan du gouvernement prévoyant le retrait d'un tiers des troupes sud-coréennes stationnées au Kurdistan irakien et la prolongation d'une année du mandat des troupes restantes. Le projet gouvernemental prévoit le retrait d'un millier de soldats sur les 3.200 soldats sud-coréens travaillant au Kurdistan irakien où ils sont chargés d'aider à la reconstruction.

Par ailleurs, trois Kurdes, dont un candidat aux législatives du 15 décembre, ont, le 6 décembre, été tués dans des attaques contre des bureaux de l'Union islamique du Kurdistan. Mouchir Ahmad, un dirigeant de l'Union et candidat aux prochaines élections est mort dans l'attaque contre la permanence du parti dans la ville de Dohouk. Deux autres membres du parti ont péri dans une autre attaque à Zakho et plusieurs autres personnes ont été blessées dans des actes de violence contre les permanences dans quatre autres villes de la province de Dohouk.

Le Parti islamique irakien, principale formation politique sunnite d'Irak, a condamné ces attaques qui ont eu lieu « au Kurdistan, une région qui jouit plus que d'autres de stabilité, de démocratie et de liberté d'expression ». Le président du Kurdistan Massoud Barzani a rejeté de son côté ces attaques. « Nous refusons ce genre de comportement et le condamnons », a-t-il déclaré dans un communiqué. « Au Kurdistan, tous les partis sont libres dans le cadre de la loi et nous ne permettrons aucune violation de cette liberté », a ajouté M. Barzani en appelant les autorités de Dohouk à y mettre un terme. L'Union islamique, qui faisait partie lors des dernières élections de janvier de la coalition kurde, participe seule aux législatives du 15 décembre.

DAMAS: LES ORGANISATIONS DES DROITS DE L´HOMME DENONCENT LES ARRÊSTATIONS ET LES PROCÈS INJUSTES ET ANTICONSTITUTIONNELS.

Les forces de sécurité syriennes ont, le 10 décembre, dispersé un sit-in organisé à l'occasion de la journée mondiale des droits de l'Homme par trois partis kurdes de l'opposition à Damas. Une cinquantaine de personnes, qui s'étaient rassemblées dans le centre de la capitale syrienne, ont peu après été dispersées par la police anti-émeutes. Le Rassemblement national démocratique (RND), une coalition de cinq partis syriens interdits, qui devait participer comme tous les ans à ce sit-in organisé à l'occasion de la journée mondiale des droits de l'Homme, a décidé la veille lors d'une réunion de ne pas participer à l'évènement. Le RND a pris cette décision en raison de « la situation que traverse le pays et les pressions externes qui pèsent sur la Syrie actuellement », a déclaré Aziz Daoui, responsable du Parti démocratique progressiste kurde. Les manifestants réclamaient lors de leur sit-in le respect « des principes des droits de l'Homme et une solution juste et démocratique à la question kurde dans le cadre de l'unité du pays ». Ils ont ainsi appelé à ce que les Kurdes puissent récupérer la nationalité qui leur a été retirée. Les manifestants ont demandé également aux autorités syriennes « d'annuler la loi d'urgence et d'accorder des libertés civiles » à la population.

De plus, le procès de l'opposant syrien Hassan Abdel Azim, porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND, coalition de partis de l'opposition) qui s'est ouvert le même jour devant un tribunal militaire à Damas, a été reporté au 19 janvier 2006, a indiqué l'organisation arabe des droits de l'Homme (OADH) dans un communiqué. Des diplomates américains ont assisté à la séance au tribunal militaire. M. Abdel-Azim est accusé d' « avoir en sa possession des publications » interdites, dans une allusion au journal du RND (Al Maouqef Al-Dimoucrati), qui est publié régulièrement depuis 1991. « L'OADH exprime son inquiétude des violations répétées de la Constitution par les autorités syriennes et leur demande l'abandon des accusations portées contre Abdel Azim », ajoute le porte-parole de l'OADH, Amar Qorabi.

La Cour de sûreté de l'État syrien a également condamné le 18 décembre un Kurde à une peine de deux ans de prison pour appartenance à « une organisation secrète », a indiqué Me Anouar Bounni, le militant des droits de l'Homme. Mohammad Dib Bilal, membre du Parti de l'union démocratique, formation kurde syrienne interdite, a été arrêté en janvier 2004. « Son état de santé s'est détérioré en raison des conditions de sa détention » a souligné Me Bounni.

D'autre part, le tribunal a reporté à l'année prochaine le procès de quatorze Kurdes, incarcérés depuis près d'un an et « accusés d'appartenir à Al-Qaïda », le réseau terroriste d'Oussama ben Laden, a ajouté l'avocat. Ces accusés ont annoncé leur intention d' « entamer aujourd'hui une grève de la faim » ainsi qu'une trentaine de leurs camarades incarcérés à la prison de Saydnaya près de Damas, « pour protester contre les conditions de leur détention », a ajouté Me Bounni en qualifiant ces procès d' « injustes » et d' « anticonstitutionnels ».

La Ligue française des Droits de l'Homme (LDH) et un Français d'origine libanaise ont pour leur part indiqué le 20 décembre avoir déposé plainte contre X le 15 décembre auprès du procureur de Nanterre, près de Paris, pour «arrestation, détention arbitraire, torture et mauvais traitements» perpétrés en Syrie. «Lors d'un récent séjour en Syrie, mon client a été victime d'arrestation et de détention arbitraire, de tortures et mauvais traitements, actes prohibés par les conventions internationales et constituant des infractions réprimées par le Code pénal français», a expliqué Me Patrick Baudouin. «Le 5 septembre 2005, alors qu'il se rendait du Liban en Syrie, Monsieur F. a été interpellé par des douaniers syriens à un poste frontière, suite à une confusion avec un homonyme», a pour sa part déclaré la LDH dans un communiqué. «Après un premier interrogatoire assez violent, pendant lequel la méprise sur l'identité était pourtant apparue, Monsieur F. a été emmené à Damas, au centre de détention 235, plus connu sous le nom de «Branche de Palestine», placé sous l'autorité des services secrets militaires», selon l'association. «Mon client a alors été frappé notamment avec un câble électrique et une matraque en fer. Puis, il a été placé pendant dix jours dans une cellule sombre et sans aération, de toute petite dimension, où il y avait une cinquantaine de personnes avant d'être finalement relâché le 15 septembre sans qu'aucune explication ne lui soit donnée», a ajouté Me Baudouin. La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme (FIDH) s'est associée au dépôt de cette plainte, a précisé la LDH.

Par ailleurs, des affrontements ont, le 4 décembre, opposé des « activistes » aux forces de sécurité syriennes sur la route menant du centre-ville à l'aéroport d'Alep. La chaîne Al-Arabiya a fait état d'affrontements entre soldats et activistes à Alep, les premiers dans la région en trois mois. On ignore si ces affrontements ont fait des victimes et à quel groupe appartenaient les militants. Amar Qorabi a de plus annoncé qu´onze islamistes, arrêtés il y a plus d'un an, ont comparu le 20 décembre devant la Haute Cour de sécurité de l'État à Damas. «Onze personnes originaires de la région de Al-Oteiba (20 km à l'est de Damas) ont comparu pour la quatrième fois devant la Haute Cour de sécurité de l'État à Damas sous l'accusation d'appartenance au courant salafiste», prônant le retour aux sources premières de l'islam, a indiqué M. Korbi. À l'issue de cette audience, le procès a été reporté au 2 avril prochain, a-t-il précisé. Les autorités syriennes ont arrêté ces personnes «depuis environ un an et demi ». Elles ont interdit à leurs proches de leur rendre visite à la prison de Sidnaya (40 km au nord-est de Damas), selon M. Korbi qui a demandé que «les accusés soient renvoyés devant un tribunal ordinaire au lieu de la Haute Cour de sécurité de l'État, qui est inconstitutionnelle, et qu'il soit permis à leurs familles de leur rendre visite. »

Huit autres militants ont été tués par les forces de sécurité syriennes lors d'un accrochage le 8 décembre à Idlib dans le nord de la Syrie. Les soldats syriens ont tué cinq extrémistes alors que trois autres se sont suicidés avant d'être capturés, a précisé l´agence de presse syrienne SANA. L'agence a indiqué que les militants appartenaient au groupe « takfiri », référence à des militants qui considèrent que les musulmans ne partageant pas leurs opinions sont des infidèles.

Les attaques terroristes sont rares en Syrie, pays étroitement contrôlé où le régime use de méthodes sévères pour réprimer l'extrémisme islamiste ainsi que toute forme d'instabilité, mais plusieurs affrontements impliquant des « activistes » se sont produits cette année. Le 2 septembre, les forces de sécurité syriennes ont tué cinq membres du groupe extrémiste Jound al-Cham dans le nord de la Syrie et saisi des bombes ainsi que des armes lors d'une opération qui a permis selon les autorités de contrecarrer plusieurs projets terroristes. Les forces syriennes sont également intervenues dans une autre cache de Jound al-Cham (Soldats du Levant) à Damas, faisant deux morts. Un membre des services de sécurité a aussi été tué. Le groupe a été formé en Afghanistan par des Syriens, des Palestiniens et des Jordaniens liés à Abou Moussab al-Zarqaoui, chef d'Al-Qaïda en Irak. En juillet, des affrontements entre les forces de sécurité et des militants -dont d'anciens gardes du corps de l'ex-président irakien Saddam Hussein et des hommes impliqués dans l'insurrection irakienne- ont eu lieu dans une zone dominant Damas.

Les autorités syriennes tentent de démontrer aux Américains qu’elles luttent activement contre les islamistes et accueillent en même temps les Américains qui sont à leurs images. Ainsi, David Duke, célèbre homme politique de Louisiane, s'est rendu au début du mois d’août en Syrie, où il a prononcé un discours antisémite en s'attaquant aux « sionistes qui occupent New York et à l'Etat d'Israël. » Ce discours a été retransmis par la télévision syrienne. David Duke, partisan de la suprématie de la race blanche, ancien « chevalier » du Ku Klux Klan, s'adressant à la foule à Damas a déclaré : « mon pays est occupé par les sionistes, comme le plateau du Golan. » Dans sa dernière mouture, le site web de Duke cite un parlementaire syrien, Muhammad Habash, qui parle de la « magnifique visite de Duke. » Habash aurait ajouté : « Il nous a apporté une perspective nouvelle et positive de l'Américain moyen. »

TÉHÉRAN ACCUSÉ PAR L‘UNION EUROPÉENNE DE VIOLATIONS GRAVES ET REPETÉES DES DROITS DE L’HOMME.

L'Union européenne a, le 20 décembre, accusé l'Iran de violations graves et répétées des droits de l'Homme et d'exécutions d'enfants, dans une déclaration publiée à la veille de la reprise à Vienne des pourparlers avec Téhéran sur le nucléaire. «Le fait que la situation des droits de l'Homme en Iran ne se soit pas améliorée ces récentes années, et ait même par certains aspects empiré, inquiète profondément l'UE», souligne cette déclaration publiée par la présidence britannique.

«L'Iran a exécuté plus d'enfants en 2005 que dans les années récentes», accuse l'UE, qui ajoute que «le recours à la peine de mort est fréquent, y compris pour des crimes mineurs, et les exécutions ont souvent lieu en public». «La liberté d'expression est encore sévèrement limitée. La censure sur l'Internet et dans la presse est répandue», ajoute l'UE.

«Des personnalités de haut rang ont rapporté des manquements importants dans la conduite de l'élection présidentielle de juin 2005 et le processus permettant de sélectionner les candidats autorisés à se présenter, parmi les nombreuses personnes qui voulaient se porter candidates, n'a pas été démocratique», relève la déclaration. «Nous continuons de recevoir des informations faisant état de torture», ajoute l'UE. «Les militants des droits de l'Homme continuent de faire état de harcèlement et d'intimidation et l'Iran continue de détenir des prisonniers de conscience comme Akbar Ganji et son avocat Abdolfattah Soltani».

«La façon dont l'Iran traite ses minorités ethniques et religieuses nous inquiète également beaucoup», poursuit la présidence britannique de l'UE. «L'UE appelle l'Iran à démontrer par ses actions un engagement à respecter les droits de l'Homme» et à rouvrir le dialogue sur les droits de l'Homme, qui a eu lieu entre 2002 et 2004. Selon le texte, la déclaration engage les 25, mais a aussi le soutien de la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, la Turquie, la Macédoine, l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro, l'Islande, le Liechtenstein, la Norvège, l'Ukraine et la Moldavie.

VISITES EN IRAK DE DICK CHENEY, DONALD RUMSFELD ET TONY BLAIR.

Le vice-président américain Dick Cheney a effectué le 18 décembre une visite surprise en Irak, où il a rencontré le président Jalal Talabani et le Premier ministre Ibrahim Jaafari. Il s'agit de la première visite de M. Cheney en Irak, depuis l’intervention en Irak en mars 2003. M. Cheney a estimé que « le niveau de participation (aux législatives) à travers le pays est remarquable », à l'issue d'une rencontre à Bagdad avec les principaux commandants militaires américains. « C'est exactement ce qui doit arriver au cours de la mise en place d'une structure politique (...), qui peut unir les différentes composantes de la population et à terme être responsable de la sécurité », a-t-il ajouté aux journalistes. Le vice-président est arrivé dans la matinée à Bagdad, où il a rencontré séparément MM. Talabani et Jaafari. Il a également effectué une visite à la base militaire américaine de Taji, au nord de la capitale, où il a salué les troupes américaines et irakiennes.

La visite de Dick Cheney a été suivie par celle du secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld qui est arrivé inopinément en Irak pour y rencontrer les chefs du contingent américain et évaluer avec eux la situation sur le terrain. En provenance d'Afghanistan, le secrétaire américain à la Défense a été accueilli le 22 décembre à l'aéroport de Bagdad par le général George Casey, commandant les forces américaines en Irak. Donald Rumsfeld a choisi Falloujah pour annoncer le lendemain l'intention de son pays de retirer d'Irak deux brigades de combat, soit 5.000 à 9.000 soldats, d'ici le printemps 2006.

Par ailleurs, le Premier ministre britannique, Tony Blair a également rendu une visite brève et inopinée à Bassorah pour maintenir le moral des troupes britanniques à la veille de Noël. S'adressant aux soldats du toit d'un porte-chars à la base logistique de Chaïba, près de la grande ville du Sud, le Premier ministre travailliste leur a affirmé que leur présence en Irak contribuait à la sécurité du pays, du Moyen-Orient et du monde entier face au terrorisme international. « Il est important d'aider ce pays et la seule manière de le faire est d'apporter la sécurité afin que les forces irakiennes puissent se consolider - alors, nous pourrons réduire nos propres capacités », a-t-il assuré. Tony Blair, dont c'est la quatrième visite en Irak depuis mars 2003, a rencontré les responsables militaires britanniques et américains pour s'informer de la situation en matière de sécurité après les élections législatives du 15 décembre. Le général George Casey, commandant des forces américaines en Irak, a affirmé au Premier ministre britannique que, d'ici cet été, les Irakiens auront pris en main 75% de la sécurité dans certaines régions. M. Blair s'est refusé jusqu'à présent à avancer un quelconque calendrier pour le retrait de ses 8.000 derniers soldats présents en Irak mais il a semblé considérer le 22 décembre que le bon déroulement des législatives avait constitué un tournant.

Comparée à celle de Bagdad, que les forces américaines ont du mal à contrôler, la région de Bassorah, aux mains des soldats britanniques, est relativement calme mais la violence y est en recrudescence depuis quelques mois. De source militaire, on estime que la police locale est infiltrée par les terroristes. La Grande-Bretagne avait engagé au début de la guerre 45.000 hommes. Ses pertes depuis près de trois ans se montent à 98 morts, un chiffre sans rapport avec les quelque 2.160 hommes perdus par les États-Unis.

L’ANNÉE 2005 S’ACHÈVE AVEC DES PERTES AMÉRICAINES IDENTIQUES À CELLES DE 2004 EN IRAK MAIS AVEC DES AVANCÉES POLITIQUES.

L'armée américaine aura enregistré des pertes presque identiques à celles de 2004 en Irak, mais avec des avancées notables en matière politique. Le dernier décès d'un GI, mort le 31 décembre des suites de ses blessures consécutives à une attaque au mortier à Bagdad, porte à 842 le nombre de militaires américains tués en Irak en 2005, dont 65 pour le seul mois de décembre. En 2004 et 2003, le bilan des pertes américaines s'était élevé respectivement à 846 et 485.

La violence se poursuivait par ailleurs en ce mois de décembre consacré aux élections, malgré les opérations militaires américano-irakiennes lancées pour mater les terroristes. A Bagdad, un kamikaze a déclenché le 8 décembre la ceinture d'explosif qu'il portait à bord d'un autocar en partance pour la ville à majorité chiite de Nassiriyah dans le sud de l'Irak, faisant au moins 30 morts et près de 40 blessés, de sources hospitalières irakiennes. Onze cadavres ont été trouvés le 5 décembre près de la bourgade de Routba, à 370 km à l'ouest de la capitale irakienne, dans la province d'Anbar, non loin du principal axe routier reliant Bagdad à Amman. Les corps portaient des vêtements civils. La police a également découvert le même jour les corps de neuf civils tués par balle sur les bas-côtés d'une route des environs de Falloudja, à 50 km à l'ouest de la capitale.

Le président irakien, Jalal Talabani, dans un message de voeux pour 2006 a déclaré que « les problèmes de la sécurité, de l'électricité et de l'eau persistent et j'espère qu'ils seront les priorités du nouveau gouvernement, qu'on espère d'union nationale ». Il a dressé un tableau contrasté de l'année 2005, s'arrêtant sur les succès que constituent à ses yeux les élections, l'adoption d'une constitution permanente, le procès du dictateur déchu Saddam Hussein et des mesures sociales en faveur des retraités et des personnes à faible revenu. « Le procès de Saddam Hussein marque la différence entre les jugements expéditifs de l'ancien régime, de l'injustice totale et ceux de la nouvelle ère, où les accusés ont droit à la parole et peuvent même l'utiliser pour lancer des insultes », a-t-il notamment affirmé sur la télévision publique Iraqia. Il a noté parmi les succès de l'année les « progrès dans l'entraînement et l'équipement des forces de sécurité », mais a reconnu la persistance des actes terroristes et de l'incurie des services publics.

M. Talabani a également reconnu « des violations ici et là des droits de l'Homme » et souhaité une « réponse légale et morale à la corruption qui gangrène les administrations ». Il a aussi demandé aux religieux, notamment sunnites, de condamner sans ambiguïté les actes terroristes, avant de souhaiter à tous les Irakiens une année prospère, eux qui outre la violence, connaissent une pénurie de carburants née de menaces consécutives à la hausse du prix de l'essence.

De son côté, le Premier ministre sortant, le chiite Ibrahim Jaafari, a estimé dans ses voeux que « le processus politique a franchi tous les obstacles » en 2005, en référence aux élections générales du 30 janvier, au référendum constitutionnel du 15 octobre et aux législatives du 15 décembre. « Les Irakiens ont prouvé qu'ils tenaient à leur unité, une unité inébranlable », a-t-il ajouté, avant d'espérer que le nouveau Parlement sera représentatif de toutes les communautés irakiennes sans exception et d'inviter toutes ces communautés à « bâtir l'Irak nouveau. »

LA TURQUIE POURSUIT ET CONDAMNE DES INTELLECTUELS QUI NE SUIVENT PAS LES THÈSES OFFICIELLES.

Un procureur d'Istanbul a classé sans suites, le 29 décembre, une plainte déposée contre l'écrivain turc Orhan Pamuk pour « atteinte ouverte à l'image de l'armée ». Déjà poursuivi pour des propos sur les massacres d'Arméniens commis sous l'Empire ottoman – la Turquie conteste la réalité du génocide – le plus célèbre écrivain de Turquie a été visé fin octobre par une plainte d'une association de juristes nationalistes. « Je ne vois pas l'AKP (Parti de la justice et du développement, au pouvoir) comme une menace pour la démocratie turque. Malheureusement, la principale menace est l'armée qui nuit parfois au développement de la démocratie », avait affirmé l'écrivain dans le quotidien allemand Die Welt. Le procureur a pris une décision de non- lieu.

M. Pamuk reste cependant poursuivi pour « insulte délibérée à l'identité turque ». « Un million d'Arméniens et 30 000 Kurdes ont été tués sur ces terres, mais personne d'autre que moi n'ose le dire », avait-il déclaré dans un magazine suisse. Le tribunal chargé de l'affaire a remis le procès au 7 février, dans l'attente d'une décision du ministère de la justice, qui doit déterminer s'il y a lieu ou non-lieu de poursuivre l'écrivain.

L'article 301 du nouveau code pénal turc, qui réprime les insultes aux institutions et à l'identité turque, a servi de base au lancement de poursuites contre plusieurs intellectuels, dont M. Pamuk et l'eurodéputé néerlandais Joost Lagendijk. Son application a été sévèrement critiquée par l'Union européenne.

Toujours en vertu de l'article 301 du nouveau Code pénal, un tribunal d'Istanbul a, le 22 décembre, condamné pour insulte envers l'État turc l'écrivain Zulkuf Kisanak, auteur d'un ouvrage sur l'évacuation forcée au XXe siècle de villages kurdes, arméniens et chrétiens. Il a également sanctionné l'éditeur Aziz Ozer pour un article sur la politique turque à l'égard de l'Irak. Les deux hommes ont été condamnés à cinq mois de prison mais cette peine a par la suite été commuée en une amende de 2.200 dollars. M. Kisanak, dans son livre « Les villages disparus », raconte l'histoire de 14 localités kurdes qui ont été évacuées au cours du siècle dernier, notamment lors des affrontements avec le PKK dans les années 1990.

Par ailleurs, cinq journalistes turcs risquent de six à dix ans de prison pour avoir critiqué la décision d'un tribunal turc de bloquer la tenue d'une conférence sur les massacres d'Arméniens sous l'empire ottoman, a, le 2 décembre, rapporté l'agence de presse turque semi-officielle Anatolie. Les journalistes ont été inculpés par un procureur en vertu d'articles de loi punissant les injures à magistrat et les tentatives d'influencer la justice, a indiqué l'agence. Les inculpés sont quatre journalistes du quotidien libéral Radikal, le rédacteur en chef Ismet Berkan, Erol Katircioglu, Haluk Sahin et Murat Belge, ainsi que Hasan Cemal, éditorialiste pour le quotidien à grand tirage Milliyet. En septembre dernier, un tribunal, saisi par un groupe de nationalistes, avait bloqué la tenue d'une conférence organisée par des intellectuels qui mettent en cause la position officielle de la Turquie sur les massacres d'Arméniens survenus pendant la Première guerre mondiale. La conférence, déjà suspendue une première fois en mai, s'était finalement tenue avec une journée de retard, ses organisateurs ayant changé de lieu pour déjouer la décision du tribunal.

« Les modifications récentes apportées au code pénal ne suffisent pas (...) La liberté d'expression est toujours restreinte et nous devons nous battre pour elle », a déclaré le président du Pen Club turc, Vecdi Sayar, lors d'une réunion organisée pour les médias et observateurs étrangers couvrant le procès Pamuk le 15 décembre. Le nouveau code pénal turc est entré en vigueur en juin dans le cadre des vastes réformes entreprises par Ankara à la demande de l'Union européenne. « Je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'UE a approuvé (ce document). Si nous sommes déjà confrontés à des problèmes à ce propos, c'est à cause de la mentalité (de l'institution judiciaire), et non de la loi », a souligné Metin Celal Zeynioglu, secrétaire de l'Union des éditeurs turcs.

VISITE SUCCESSIVE DES DIRECTEURS DE LA CIA ET DU FBI Á ANKARA QUI DEMANDE AUX AMÉRICAINS D’AGIR CONTRE LE PKK DANS LE KURDISTAN IRAKIEN.

La Turquie a continué à exercer une pression sur les États-Unis, profitant de la visite le 11 décembre à Ankara du directeur de la CIA, Porter Goss et pour renouveler sa demande à Washington d'agir contre les combattants du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). « Nous avons des attentes spécifiques en ce qui concerne les États-Unis, notamment à propos de cette organisation séparatiste terroriste », a souligné le ministre de la Justice, Cemil Cicek, après une réunion de cabinet. Lors de son voyage, Porter Goss s'est entretenu avec le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et des responsables militaires et du renseignement. Selon le quotidien à grand tirage Hürriyet, M. Goss devrait discuter avec ses interlocuteurs turcs du renforcement de la lutte contre le PKK, considéré comme une organisation terroriste par Washington et Ankara.

La visite à Ankara de M. Goss et celle, deux jours plus tôt, du directeur du FBI Robert Mueller, pourraient annoncer la prise par Washington de mesures concrètes -incluant des opérations militaires- contre le PKK après la tenue d'élections législatives en Irak le 15 décembre, estime Hürriyet. Le quotidien souligne également le fait que le général Yasar Büyükanit, commandant les forces terrestres turques, est actuellement en visite officielle aux États-Unis, où il a rencontré son homologue américain Peter Schoomaker et des responsables du Pentagone.

La Turquie est depuis longtemps irritée par la réticence des États-Unis à agir contre les bases du PKK établies dans le Kurdistan irakien vers lequel les combattants se sont repliés après avoir décrété un cessez-le-feu unilatéral en 1999. Elle a même menacé de se livrer à des opérations hors de ses frontières, au Kurdistan irakien, si la menace n'était pas éliminée. Mais à l'engagement militaire, Washington préfère jusqu'à présent, agir en amont, pour assécher les ressources financières du groupe.

Les violences dans le Kurdistan de Turquie ont sérieusement gagné en intensité depuis le début de 2005. Des combats entre le PKK et l'armée turque ont éclaté le 9 décembre dans la province de Sirnak, faisant six morts, dont quatre militaires près de la localité de Guclukonak. Selon des responsables locaux, les combats à Guclukonak ont fait suite à une opération menée la veille par l'armée près de cette ville contre les combattants du PKK. Des violences se sont également produites dans la soirée à Silopi, une autre ville de la province, où trois explosions quasi-simultanées devant des magasins ont fait au moins un blessé et des dégâts matériels.

La tension dans les provinces kurdes a connu une escalade en novembre. De violentes manifestations ont suivi un attentat à la bombe, le 9 novembre, contre une librairie de la ville de Semdinli, dans la province de Hakkari, propriété d'un ancien membre présumé du PKK. Les habitants et les élus locaux de Semdinli avaient accusé des éléments de l'armée ou des services secrets d’être à l'origine de l'attentat, qui avait fait un mort. Cinq autres personnes ont été tuées dans les émeutes qui ont suivi. Le gouvernement turc, sous pression de l'Union européenne pour faire respecter la démocratie et l'État de droit sur l'ensemble du territoire en vue de son adhésion, a promis de faire la lumière sur cet attentat.

Par ailleurs, cinquante-six maires kurdes de Turquie ont appelé le gouvernement danois à résister aux demandes d'Ankara de fermer la chaîne de télévision kurde Roj TV, basée au Danemark et accusée par la Turquie de « liens avec le PKK ». « Pour qu'une vie pleinement démocratique s'épanouisse en Turquie, Roj TV ne doit pas être réduite au silence » affirment les édiles dans une lettre en anglais envoyée au Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen le 27 décembre. « Éliminer la voix de Roj TV signifierait la perte d'un vecteur important dans le combat pour la démocratie, les droits de l'Homme et les libertés fondamentales d'une civilisation démocratique », poursuivent-ils.

Les maires estiment que les pressions exercées par Ankara sur le Danemark en vue de l'interdiction de Roj TV vont à l'encontre de l'objectif affiché par la Turquie, dans son cheminement vers l'adhésion à l'Union européenne, d'améliorer ses résultats en matière de droits de l'Homme. Ankara a demandé aux autorités danoises d'abroger la licence de diffusion accordée à Roj TV au motif que la chaîne aurait des liens avec le PKK. Les autorités turques considèrent que la chaîne, qui émet depuis mars 2004, « incite à la haine » en soutenant ouvertement le PKK. Pourtant, l'instance danoise de surveillance de l'audiovisuel a estimé au début de l'année que les programmes de Roj TV ne contenaient pas d'incitation à la haine de la Turquie. Le ministre danois des Affaires étrangères Per Stig Moeller a affirmé en novembre 2005 qu'il n'avait pas relevé de preuves de liens entre la chaîne et le PKK.

De son côté, le ministre turc des Affaires étrangères Abdullah Gül, a, le 2 décembre, déclaré que la Turquie considérait le Kurdistan irakien comme un « hinterland » de la Turquie. « Le nord de l'Irak est un sujet d'intérêt pour la Turquie, c'est notre hinterland », a-t-il soutenu au journal turc Aksam. Soulignant que la « première priorité » de son pays est la sauvegarde de l'unité territoriale de l'Irak, le ministre a estimé que c'est « parce que la Turquie y a contribué et l'a autorisé » que le Kurdistan irakien est en plein essor. « Vous ne pouvez pas marginaliser la Turquie là bas », a-t-il ajouté. Il a également annoncé l'inauguration d’un consulat turc à Mossoul sans préciser de date mais a indiqué qu'il avait nommé Hüseyin Avni Botsali, un responsable du département des affaires moyen orientales, comme consul.

RECONSTRUCTION EN IRAK : L’UNION EUROPÉENNE PROPOSE UN ACCORD COMMERCIAL ET DE COOPÉRATION Á BAGDAD.

l'Union européenne a proposé le 12 décembre d'entamer des négociations avec l'Irak sur un accord commercial et de coopération et s'est engagée à ouvrir un bureau à Bagdad, ont annoncé de hauts responsables européens. « L'Irak est à un tournant crucial », a souligné la commissaire européenne aux Relations extérieures et Politique extérieure de voisinage, l'Autrichienne Benita Ferrero-Waldner, lors d'une cérémonie de signature avec l'ambassadeur d'Irak auprès de l'Union européenne Jawad Al-Doreky.

« L'Irak aborde une étape cruciale [... ] Les Irakiens souhaitent un partenariat important avec l'Union européenne, et nous avons l'intention d'être à la hauteur de leurs attentes », a déclaré Mme Benita Ferrero-Waldner. « Les négociations sur l’accord de commerce et de coopération, qui marquent le début d’une coopération plus étroite entre l’Union européenne et l’Irak en matière de commerce et d’économie, déboucheront sur le renforcement des liens qui nous unissent », a pour sa part indiqué le commissaire au commerce, Peter Mandelson.

La stratégie cadre de l'Union européenne pour l'Irak, adoptée en juin 2004, porte essentiellement sur la création d'un État irakien stable et démocratique. Parmi les objectifs de cette stratégie figurent la mise en place d'une économie de marché ouverte, stable, durable et diversifiée et l'intégration économique et politique de l'Irak dans sa région et dans le système international ouvert.

« En entamant des négociations contractuelles avec l’Irak, la Commission vise les objectifs suivants:

  • faciliter l’engagement de l’Irak envers la communauté internationale en général, et l’Union européenne en particulier, au profit du processus de stabilisation interne et régional;
  • stimuler et enraciner les réformes institutionnelles et socio-économiques actuelles, tant au niveau politique que sur le terrain, et favoriser un mécanisme de réforme globale à un moment historique et crucial pour le pays;
  • contribuer au développement socio-économique de l’Irak et à l’amélioration des conditions de vie dans le pays;
  • promouvoir les relations commerciales bilatérales conformément aux principes de l’OMC fondés sur le développement de relations économiques harmonieuses entre les parties;
  • garantir un niveau minimum de prévisibilité, de transparence et de sécurité juridique aux opérateurs économiques »



Par ailleurs, la reconstruction en Irak est lourdement pénalisée par la violence et la corruption de l'aveu même des responsables à Washington et Bagdad. « La reconstruction ne s'est pas toujours déroulée aussi bien que nous l'aurions espéré, principalement en raison des défis dus à la sécurité sur le terrain», a reconnu le 12 décembre le président américain George W. Bush. « La sécurité et la reconstruction sont indissociables», renchérit à Bagdad le général William McCoy, en charge du corps des ingénieurs de l'armée américaine. Il cite en exemple l'alimentation de Bagdad en courant électrique. « Alors que nous avions une bonne alimentation fin octobre, soit 11 à 12 heures par jour, aujourd'hui, nous en sommes à 4-5 heures» a-t-il déclaré. Cette situation est « un résultat direct des attaques des insurgés.»

Dan Speckhard, responsable du Bureau de gestion de la reconstruction, précise le 8 décembre que les sabotages ne visent pas les centrales électriques, mais les lignes de haute tension, notamment au nord de Bagdad et dans son voisinage sud. Mais quand on sait que 4 des 21 milliards de dollars alloués par Washington à la reconstruction de l'Irak sont consacrés à l'électricité, la facture des contretemps dus à la violence risque d'être salée. M. Speckhard affirme en outre que de 16 à 22% des 21 milliards de dollars vont à la sécurité sans toutefois y voir « un gaspillage de ressources». « Il s'agit d'un élément important du programme de reconstruction de ce pays», a-t-il ajouté, car ces fonds servent à lutter « contre les terroristes» qui veulent nuire au développement de l'Irak.

Un rapport du Congrès américain, publié fin octobre, avait indiqué que de nombreux projets de reconstruction financés par les États-Unis ne devraient pas sortir des cartons en raison de la hausse des coûts de sécurité. Selon ce texte, qui couvre le troisième trimestre 2005, 120 civils américains travaillant pour des entreprises privées ont été tués en Irak depuis mars 2003. Autre obstacle: la corruption qui touche, de l'aveu même du président Bush, tous les niveaux de l'État irakien. « La corruption existe aussi bien au niveau national qu'au niveau local du gouvernement irakien», a-t-il indiqué. Un rapport parlementaire américain a enfoncé le clou en décrétant que la corruption « n'est pas seulement endémique mais systématique».

Dawn Liberi, responsable en Irak de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), assure que son équipe travaille étroitement avec le ministère irakien des Finances pour mettre en place un système de contrôle dans les 33 ministères. Le général McCoy se veut optimiste, en assurant que « plus de 90%» de la population soutiennent le travail de son équipe. Les Américains se dirigent, selon lui, vers la remise du contrôle de la reconstruction aux Irakiens. Jusqu'à présent, « 44% de nos projets ont été accomplis par des Irakiens», souligne-t-il.

AINSI QUE

DES FEMMES ET DES ENFANTS RETROUVÉS DANS UNE FOSSE COMMUNE À KERBALA.



Des restes de femmes et d'enfants ont été trouvés dans la fosse commune découverte le 26 décembre dans la ville chiite de Kerbala. «Des crânes d'enfants et de femmes avec de longues chevelures ont été trouvés dans la fosse», a indiqué le porte-parole de la police de la province, Abdel Rahmane Méchaoui. Selon lui, une vingtaine de corps ont été exhumés et transportés dans l'hôpital de la ville où des tests ADN sont en cours pour les identifier. «Des habitants, qui ont perdu des proches dans la répression du soulèvement chiite de 1991, se sont présentés pour aider à l'identification», a-t-il ajouté.

Le porte-parole a indiqué que «la fosse a été découverte par hasard par des ouvriers municipaux qui installaient des conduites d'eau potable», à 500 mètres seulement du mausolée de l'imam Hussein, dans le centre de la ville, située à 100 km au sud de Bagdad. Un habitant, Salmane Saadoun, a affirmé avoir vu en 1991, après l'entrée de la Garde républicaine, corps d'élite de l'ancienne armée de Saddam Hussein, des bulldozers creuser à cet endroit. «Des corps ont été ensevelis et l'endroit a été transformé en petit jardin public», a-t-il ajouté.

De nombreux charniers ont été découverts en Irak depuis la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003, notamment dans le sud chiite et le Kurdistan irakien. L'ancienne Autorité provisoire de la coalition, dirigée par les États-Unis, avait indiqué en 2004 que 259 charniers contenant des restes de 300 000 personnes ont été découverts dans le pays. Selon les autorités, les charniers du sud contiennent les restes des victimes de la répression, par l'ancien régime, de la majorité chiite qui s'était soulevée contre Bagdad après la fin de la guerre du Golfe en 1991.

L’IRAN SIGNE AVEC LA RUSSIE UN CONTRAT D’ACHAT ANTIMISSILE D’UNE VALEUR DE 700 MILLIONS DE DOLLARS.



L'Iran, soumis à des pressions occidentales à propos de son programme nucléaire, a acheté un système antimissile et a développé lui-même un tel programme, a confirmé Ali Larijani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale. La presse russe a, le 2 décembre, annoncé que l'Iran avait signé un contrat avec la Russie pour l'achat de 29 systèmes antimissile russes Tor M-1 d'une valeur de 700 millions de dollars. Interrogé pour savoir si l'achat de ce système signifie que l'Iran craint une attaquer contre ses installations nucléaires, M. Larijani a répondu : « Non. Ce n'est pas la première fois que nous achetons un système antimissile. Nous en fabriquons nous-mêmes. » A propos du programme balistique iranien, M. Larijani a déclaré que l'Iran annonçait toujours « la portée des missiles qu'il teste ». L'Iran cherche notamment à « défendre sa centrale nucléaire » que Moscou est en train de construire à Bouchehr, car « Israël a affirmé qu'il examinait la possibilité de lancer des frappes préventives contre ce site », explique pour sa part un professeur de l'Institut russe des relations internationales, Sergueï Droujilovski.

Washington accuse Téhéran de chercher à se doter de l'arme nucléaire sous couvert d'activités civiles. L'Union européenne (France, Allemagne et Grande-Bretagne, UE-3) et l'Iran ont repris le 21 décembre à Vienne des pourparlers cruciaux sur le programme nucléaire de Téhéran, mais des diplomates ont indiqué qu'il n'y avait que peu d'espoir de les voir déboucher. Les discussions entre les directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères de l'UE-3 et Javad Vaidi, membre du Conseil de la sécurité nationale iranien, doivent définir un cadre dans lequel pourraient se dérouler, à l'avenir, des négociations sur la maîtrise du cycle du combustible nucléaire que l'Iran revendique mais que l'Occident craint de voir utilisé pour fabriquer une bombe.

A Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a indiqué que, lors de ces pourparlers, son pays insistera sur son droit à enrichir l'uranium sur son territoire. L'Iran veut discuter d'un calendrier précis pour reprendre ses activités d'enrichissement d'uranium, a parallèlement précisé le porte-parole du Conseil suprême de la sécurité nationale dans la capitale iranienne. L'UE-3 avait rompu les négociations après que l'Iran eut repris en août ses activités de conversion d'uranium, étape préalable à l'enrichissement.

FIN DU BRAS DE FER ENTRE LE PRÉSIDENT ET LE PARLEMENT IRANIEN: LE PARLEMENT NE CONFIRME QUE LE QUATRIÈME CANDIDAT PROPOSÉ DEPUIS JUIN 2005.



Soucieux de mettre fin à des mois de désaccords, le président Mahmoud Ahmadinejad a désigné un vétéran de l'industrie pétrolière, Kazem Vaziri-Hamaneh, pour le poste de ministre du Pétrole de l'Iran. Le Parlement iranien a, le 11 décembre, confirmé le candidat du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad à ce poste stratégique, après avoir refusé trois candidats précédents pour incompétence. Sur 259 députés ayant participé au scrutin, le candidat, qui occupait jusqu'ici le poste de ministre du Pétrole par intérim, a recueilli 172 voix en sa faveur, 53 contre et 34 abstentions. Le Parlement avait refusé les trois précédents candidats du président iranien, en l'accusant de ne pas s'être concerté avec la Chambre sur ces candidats, jugés inexpérimentés et à la carrure insuffisante pour ce poste.

Né en 1945 à Yazd (centre), M. Vaziri-Hamaneh a effectué toute sa carrière dans le secteur, au ministère et dans la compagnie nationale pétrolière NIOC, en démarrant comme ingénieur jusqu'au poste de vice-ministre du Pétrole. M. Vaziri-Hamaneh était ministre par intérim depuis le 29 août, après que M. Ahmadinejad, élu en juin dernier, eut proposé un nouveau gouvernement. L'attribution du poste de ministre du Pétrole avait tourné au bras de fer entre le président ultraconservateur et la chambre, pourtant dominée par les députés conservateurs, avec le refus de trois candidats présentés par M. Ahmadinejad.

La personnalité et les compétences du ministre sont déterminantes pour défendre le développement de ce secteur, qui rapporte à l'Iran 80% de ses rentrées en devises, mais aussi pour son rôle d'acteur de premier plan au sein de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep). L'Iran possède 12% des réserves de pétrole dans le monde et produit environ 4,2 millions de barils par jours (mbj), soit 5,2% de la production mondiale. Il est le deuxième producteur de l'Opep.

La longue dispute autour de la nomination du ministre du Pétrole a illustré les divisions au sein des conservateurs, partagés entre les pragmatiques et les purs et durs. Les premiers se sont opposés aux choix initiaux de M. Ahmadinejad qui privilégiait selon eux la fidélité politique face aux compétences, à l'inverse des seconds. Le président ultraconservateur s'est plaint par le passé que le ministère soit contrôlé par une « mafia ». Avant d'être présenté officiellement par le président, M. Vaziri-Hamaneh a déclaré que son pays devait abandonner la formule « buy-back », qui permet aux compagnies étrangères d'exploiter des champs pétroliers ou gaziers en étant payées par une partie de la production. « La formule buy-back n'est plus approuvée et le projet de financement est également problématique. Nous devons trouver d'autres alternatives », avait-il déclaré en marge d'une conférence sur l'énergie. Ce système a été choisi par les Iraniens pour contourner l'obstacle constitutionnel qui empêche la présence de compagnies étrangères dans le secteur énergétique du pays.

TURQUIE­UE : LES NEGOCIATIONS POUR L’ADHESION DE LA TURQUIE COMMENCENT EN MARS 2006 SELON ANKARA.



Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé le 30 décembre que les négociations pour l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne (UE) commenceraient en mars 2006. M. Erdogan a indiqué que l'événement le plus important de 2005 pour la Turquie était la décision de l'UE d'entreprendre les négociations pour l'adhésion de la Turquie. L'adhésion de la Turquie à l'UE sera une étape très importante pour la paix et la prospérité dans le monde ainsi que pour l'alliance des civilisations, a-t-il souligné.

Faisant référence au développement économique de la Turquie, M. Erdogan a indiqué qu'en enlevant six zéros à la monnaie nationale, la livre turque, la nouvelle livre turque (YTL) allait faire diminuer le taux d'inflation. Il a indiqué que le taux d'inflation qui était de 30% il y a trois ans, était descendu au-dessous de 8%, le taux d'inflation le plus faible depuis 35 ans. Par ailleurs, la Turquie a également augmenté son revenu par tête à 5000 dollars et réduit le déficit budgétaire qui est passé de 40 milliards de YTL (environ 29,6 milliards de dollars) à 14,6 milliards de YTL (environ 10,8 milliards de dollars).

De son côté, la Cour européenne des droits de l'homme somme la Turquie de mettre en place « d'ici trois mois » un mécanisme de réparation pour les Chypriotes grecs spoliés de leurs biens par l'intervention de ses troupes dans la partie nord de l'île en 1974. Les juges de Strasbourg formulent cette injonction dans un arrêt favorable à une chypriote grecque de 45 ans, Myra Xenides-Arestis, qui avait dû quitter la ville de Famagouste, où elle possédait plusieurs propriétés dont sa résidence familiale. Dans un arrêt rendu par six voix contre une (celle du juge turc), la juridiction du Conseil de l'Europe affirme qu'elle a été victime d'une violation du droit au respect de sa vie privée et familiale et d'une violation de son droit de propriété.

A l'unanimité cette fois, la cour déclare que la Turquie « doit introduire un mécanisme de réparation qui assure la protection effective (de ces droits) vis-à-vis du présent requérant mais aussi de toutes les requêtes similaires actuellement pendantes devant la Cour ». « Un tel mécanisme devrait être en place dans les trois mois suivant l'arrêt et les réparations devraient être effectives dans les trois mois suivant », ajoutent les juges. Environ 1.400 requêtes similaires sont pendantes devant la Cour européenne des droits de l'homme. L'arrêt n'est cependant pas définitif. La Turquie dispose de trois mois pour demander que l'affaire soit réexaminée par la grande chambre de la cour. C'est la quatrième fois que les juges strasbourgeois tranchent en faveur de chypriotes grecs spoliés de leurs biens par l'intervention militaire turque depuis un arrêt rendu le 18 décembre 1996 en faveur de Titina Loizidou. La Turquie n'a consenti qu'en décembre 2003 à verser à cette dernière la somme de 1,12 million d'euros. Le gouvernement turc refusait de payer en estimant que la loi sur l'indemnisation des propriétaires de biens immobiliers promulguée le 30 juin 2003 en République turque de Chypre du Nord (RTCN, qui n'est reconnue que par Ankara) était un remède effectif pour les victimes. La Cour européenne des droits de l'homme a battu cet argument en brèche lorsqu'elle s'est prononcée sur la recevabilité de la requête de Myra Xenides-Arestis. Dans une décision du 2 septembre 2004 rendue publique en avril 2005, la Cour note que cette loi ne concerne que la compensation du dommage matériel et ne prévoit ni l'indemnisation du dommage moral, ni l'éventuelle restitution du bien spolié.

Le nouvel arrêt de la cour intervient alors que le parlement de Chypre nord a ratifié le 26 décembre une réforme de la loi sur la propriété qui autorise désormais les Chypriotes grecs à demander la restitution de leurs biens. La Cour européenne des droits de l'homme ne s'est pas encore exprimée sur la conformité de cette réforme avec ses propres critères.