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Bulletin N° 235 | Octobre 2004

 

CONFÉRENCE INTERNATIONALE À PARIS : « LES ENJEUX DE LA CANDIDATURE TURQUE À L’UNION EUROPÉENNE »

L’Union européenne devant se prononcer le 17 décembre 2004 sur l’opportunité de fixer une date pour l’ouverture des négociations en vue de l’adhésion éventuelle de la Turquie, l’Institut kurde de Paris a organisé le 1er octobre une conférence internationale sur le thème des « enjeux de la candidature turque à l’Union européenne », dans la salle Victor Hugo de l’Assemblée Nationale.

La conférence a proposé de faire le point sur différentes questions en donnant la parole à la fois à des personnalités et à des experts venant de Turquie et des personnalités politiques et spécialistes européens de sensibilités et d’horizons divers afin de contribuer à l’information de l’opinion publique.

Après la présentation sommaire de la conférence, une première table ronde a débuté sur le thème de la « démocratie et droits de l’homme » sous la présidence de Me Patrick Baudoin, président d’honneur de la Fédération Internationale des droits de l’homme (FIDH). Les intervenants ont salué les réformes engagées par la Turquie sur la voie de la démocratisation tout en critiquant la non-application sur le terrain et les limites de ces réformes législatives. Ainsi, Salih Akin, maître de conférence à l’Université de Rouen, a mis en relief les défaillances concernant l’enseignement et la diffusion de la langue kurde, complété Mme Ruken Keskin, éditrice à Istanbul qui a parlé de la situation des publications et de l’édition en kurde. Me Hasip Kaplan, avocat à Istanbul et Me Sezgin Tanrikulu, bâtonnier du barreau de Diyarbakir, ont informé sur les problèmes juridiques rencontrés et les violations des droits de l’homme sur le terrain. Ahmet Insel, professeur à l’Université de Galatasaray et à Paris Sorbonne-I et Umit Firat, éditeur à Istanbul ont dressé un tableau général du système politique turc en revenant sur le gouvernement turc issu d’un mouvement islamiste et l’omniprésence de l’armée dans la vie politique turque.

La seconde table ronde a traité un problème relevé dans les différents rapports de l’Union européenne sur la Turquie, « le sort des populations kurdes déplacées et des exilés ». Présidée par le journaliste, Jonathan Randal, cette table ronde a rappelé les données de base sur les déplacements forcés des populations kurdes, les conditions actuelles de survie de celles-ci et les perspectives grâce aux l’interventions de Joost Jongerden, chercheur à l’Université d’Amsterdam, puis de Nazan Ustundag, maître de conférences à l’Université de Bogaziçi qui a présenté une analyse conconstanciée des problèmes psychologiques et identitaires de ces populations déplacées.

Dans l’après-midi, la première table ronde présidée par Marc Semo, journaliste au quotidien Libération, spécialiste de la question turque, a abordé la situation de la « laïcité et des libertés » en Turquie. Olivier Abel, professeur de philosophie éthique à la Faculté protestante, a plaidé pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne et Hamit Bozarslan, maître de conférences à l’Ecole des Hautes études en Sciences sociales (EHESS) a analysé le particularisme de la laïcité turque plutôt sous contrôle de l’Etat, qui, contrairement aux idées reçues, n’observe pas de neutralité vis-à-vis non seulement des différentes religions et privilégie clairement les musulmans de rite sunnite, la confession majoritaire dans le pays, au détriment des autres confessions comme l’alévisme représentant un quart de la population.

Face aux différents problèmes qui ont été dressés dans les différentes tables rondes, l’avant dernière table ronde s’est donnée pour objectif de répondre à la question « Quelle solution pour la question kurde ? ». Ce thème a d’abord été esquissé par Abbas Vali, professeur de sciences politiques à l’Université de Swansea, qui revenait de plusieurs mois de séjour en Turquie où il a enseigné à l’Université de Bogaziçi. Dans le souci de proposer des solutions existantes en Europe et qui ont fait leurs preuves, la table ronde a accueilli Aureli Argemi, président du Centre International pour les minorités ethniques (CIEMENS) dont le siège se trouve à Barcelone. Ce dernier a donc présenté le statut des Catalans en Espagne et rappelé l’évolution historique qui a permis la mise en place de ce statut. Ensuite, Serefettin Elçi, ancien ministre des travaux publics en Turquie a défendu l’idée d’un système fédéral en Turquie pour régler la question kurde, idée reprise par Feridun Yazar, ancien président du parti pro-kurde HEP et ancien maire d’Urfa (Edesse). En revanche, selon Hasan Cemal, journaliste et essayiste turc, la solution se trouve plutôt dans la satisfaction des droits culturels et le renforcement de la démocratie en Turquie.

Pour finir, la dernière table ronde relative aux « enjeux géopolitiques de l’adhésion turque » a accueilli plusieurs députés européens. Cette table présidée par Dominique Moïsi, conseiller spécial à l’Institut français des relations internationales (IFRI) a donné lieu à des échanges de vue très différentes entre les intervenants. Ainsi, Emma Bonino, ancienne membre de la Commission européenne, euro-députée italienne, a plaidé pour l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne en saluant les réformes et en s’appuyant sur les promesses faites à Ankara. Cette idée a été fermement contestée par Ignasi Guardans, euro-député catalan, qui a mis en avant la fragilité de la démocratie turque qui s’écroulerait, selon certains, face au refus européen. Il a également rejeté l’idée d’être tenu par des promesses formulées il y a des dizaines d’années par la CEE et il a enfin recommandé aux Kurdes de ne pas chercher leur salut dans l’Union européenne, qui selon lui met une sourdine sur les revendications des minorités. Pour Harlem Désir, euro-député français et vice-président du Groupe socialiste au Parlement européen, l’Europe doit fixer une date pour engager des négociations avec la Turquie mais elle doit établir une feuille de route rigoureuse pour le respect des droits de l’homme et des minorités et pour la reconnaissance du génocide arménien. Hélène Flautre, présidente de la Sous-commission des droits de l’homme au Parlement européen, a critiqué les arguments reposant sur la religion tendant à rejeter la candidature turque, et tout en saluant les réformes entreprises, a souligné la nécessaire amélioration des droits de l’homme dans ce pays. Le journaliste et essayiste turc Cengiz Çandar, longtemps conseiller du président turc Turgut Ozal qui avait amorcé le dialogue avec les Kurdes, est également intervenu pour soutenir la candidature turque.

La conférence a été conclue par le président de l’Institut kurde de Paris, Kendal Nezan, qui a demandé aux Européens de ne pas négliger la question kurde dans les négociations avec la Turquie. Il s’est étonné que les autorités turques refusent des droits aux 15 à 20 millions de Kurdes de Turquie alors que le système fédéral est considéré comme insuffisant pour les 150 000 Turcs de Chypre du Nord.

Kendal Nezan a remercié les intervenants de la conférence mais également les quelques 400 participants qui ont pu interpeller les conférenciers à chaque fin de table ronde par des différentes questions. Les journalistes de la presse turque et aussi française ont montré un intérêt particulier à cette conférence, traduite simultanément en anglais, en français, en turc et en kurde, puisque le rapport de la Commission européenne était attendue pour le 6 octobre. Les principales interventions peuvent être consultées sur le site de l’Institut kurde : www.institutkurde.org

BRUXELLES: LA COMMISSION EUROPÉENNE RECOMMANDE L’OUVERTURE DES NÉGOCIATIONS AVEC LA TURQUIE

La Commission européenne a, le 6 octobre, recommandé l'ouverture de discussions sur l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne, en y mettant des conditions pour éviter que la Turquie ne fasse marche arrière en matière de démocratisation et de droits de l'homme. Si les recommandations de l'exécutif européen sont approuvées par les 25 lors de leur sommet du 17 décembre, les négociation pourraient commencer en 2005.

Les dirigeants turcs ont salué le verdict positif de la Commission européenne, préférant minimiser les conditions très strictes assorties à la conduite de ces pourparlers. “Ce que nous attendions est ressorti” dans le rapport de Bruxelles, a estimé, visiblement détendu, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui s'est félicité de “développements très favorables” pour son pays, lors d'un entretien accordé le 7 octobre à la chaîne d'information CNN-Turk.

Tout en qualifiant de “discriminatoires” les conditions nouvelles et fermes imposées par l'exécutif communautaire à son pays, M. Erdogan, de retour d'une visite à Strasbourg, s'est voulu confiant: “Si nous avons confiance en nous-mêmes, il ne faut pas en avoir peur”.

Le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gul, a tenu des propos similaires, le 6 octobre, mais a critiqué le fait que le rapport présente, sur des questions “techniques” relatives à la manière dont se dérouleraient les pourparlers, des conditions différentes de celles appliquées aux autres candidats. “Nous ne pouvons pas dire qu'il s'agit d'une attitude constructive”, a-t-il déclaré, citant en exemple une disposition recommandant l'examen de la législation turque après l'ouverture des négociations, alors que la Turquie a déjà dû se soumettre à cette procédure.

Bruxelles a salué les “efforts importants” d'Ankara en matière de réformes mais souligné que leur “mise en oeuvre (...) doit être encore consolidée et élargie”, d'où les garde-fous inédits de sa recommandation. Le plus symbolique d'entre eux serait la possibilité pour l'UE de “suspendre les négociations” en cas d'”infraction sérieuse et permanente” de la Turquie aux normes démocratiques européennes. Pour les responsables turcs, cette clause serait applicable dans le seul cas d'un coup d'Etat militaire. Après son ouverture au pluralisme politique, dans les années 50, la Turquie a connu trois putschs, en 1960, 1971 et 1980.

Il aurait été préférable que cette clause, qui s'applique également à la Croatie, ne figure pas dans le document car elle est dans la “nature” des négociations, a estimé Yasar Yakis, ancien ministre des Affaires étrangères et député du parti, au pouvoir, de la Justice et du Développement (AKP). “S'il y a un problème lors d'une négociation, celle-ci peut naturellement être interrompue le temps de pouvoir le régler”, a-t-il indiqué.

Pour M. Erdogan, une décision finale en faveur d'Ankara au sommet européen du 17 décembre ne fait plus de doute en dépit des réticences de l'opinion publique dans plusieurs pays membres de l'Union. Il a rappelé aux Européens leurs engagements à lancer les discussions dans les plus brefs délais, de préférence dès le premier semestre de 2005. La Commission a laissé aux chefs d'Etat et de gouvernement la responsabilité de fixer une date pour le lancement des négociations, laissant ainsi la porte ouverte à un démarrage tardif, fin 2005, voire début 2006, ce qui déplaît aux Turcs, même s'ils admettent que l'intégration ne se fera pas du jour au lendemain.

Arborant des drapeaux de l'UE et turc, la presse turque jubilait au lendemain de cette recommandation attendue depuis des décennies par la Turquie, dont la vocation européenne remonte à 1963 avec la signature d'un accord d'association avec la Communauté économique européenne (CEE). Soucieux de présenter le bon côté des choses, la plupart des journaux soulignaient en Une le caractère "historique" du rapport, mentionnant généralement les conditions de Bruxelles dans les pages intérieures.

HOMMAGE DU PARLEMENT EUROPÉEN À LEYLA ZANA, PRIX SAKHAROV 1995

Pour son premier séjour à l'étranger depuis sa sortie de prison, près de dix ans après avoir été distingué par le Prix Sakharov pour les droits de l'homme du Parlement européen, l'ancienne députée kurde Leyla Zana, libérée de prison en juin dernier par Ankara, a, le 14 octobre, finalement reçu sa récompense, une distinction annuelle créée en 1988 en hommage au dissident soviétique Andreï Sakharov. Invitée par le Parlement européen, Leyla Zana est arrivée, le 11 octobre à Bruxelles, accompagnée des ses trois collègues kurdes incarcérés avec elle, Orhan Dogan, Selim Sadak et Hatip Dicle et de leurs avocats.

Reçue avec tous les honneurs réservés aux chefs d’Etat, Leyla Zana a également retrouvé sa famille, son mari Mehdi Zana et son fils Ronay réfugiés en Europe qu’elle n’avait pas vus depuis dix ans. Le groupe des Verts du Parlement européen avait organisé le soir du 12 octobre une réception en son honneur au Parlement européen, permettant des retrouvailles émouvantes avec ses amis et ses défenseurs de longue date tels que Claudia Roth et Daniel Cohn-Bendit, mais également des parlementaires européens comme Joost Lagendijk, président de la Commission parlementaire mixte UE-Turquie, Angelika Beer, Helène Flautre, présidente de la sous-commission des droits de l’homme, Cem Ozdemir, Baronness Nicholson, Luisa Morgantini et Feleknas Uca.

Au cours de sa visite officielle, Leyla Zana a été, le 13 octobre, auditionnée dans le cadre d’une réunion co-organisée par la commission des affaires étrangères, la sous-commission des droits de l’homme et la commission parlementaire mixte UE-Turquie. Lors de cette audition, l’ancienne députée kurde a appelé le gouvernement turc à être « beaucoup plus résolu » dans ses réformes et a souhaité une nouvelle Constitution en Turquie, tout en saluant le « chemin parcouru » ces dernières années dans le pays. Le gouvernement turc « doit être beaucoup plus résolu. Il reste à faire preuve d'une volonté politique très importante, ce qui fait défaut à ce gouvernement pour l'instant », a estimé Mme Zana. « Le gouvernement en place fait quelques retouches qui ne sont pas suffisantes. Il est important qu'une nouvelle Constitution moderne voie le jour », a poursuivi l'ex-députée, qui s'exprimait en turc. Selon elle, la Turquie « est candidate au changement ». Pour l'ancienne députée, une nouvelle Constitution turque est « indispensable » pour que les Kurdes, mais aussi les communautés non-musulmanes de Turquie, « puissent s'exprimer librement ».

Leyla Zana a toutefois reconnu l'ampleur des réformes engagées ces derniers temps en Turquie. « Je ne peux que constater le grand chemin parcouru », a-t-elle déclaré. « Il est évident que le processus engagé avec l'UE (..). a contribué aux changements », a-t-elle ajouté. « Il peut y avoir ça et là encore des actes de torture. Mais on ne peut plus parler aujourd'hui de tortures systématiques. Cela me donne des espoirs pour l'avenir », a conclu Mme Zana.

Leyla Zana a également rencontré les présidents de tous les groupes politiques du Parlement européen ainsi que le chef de la diplomatie européenne Javier Solana. Ce dernier lui a assuré que l'Union européenne « continuerait de défendre les valeurs et principes démocratiques sur lesquels est fondée la construction européenne ».

Le 14 octobre au cours d’une session plénière du Parlement européen, Leyla Zana a délivré un message de paix en turc puis en kurde, traduit simultanément dans les vingt langues officielles de l’Union européenne. Vêtue de noir, menue, volontiers souriante, Leyla Zana, s’est exprimée devant le Parlement européen après avoir été accueillie par M. Josep BORREL FONTELLES, président du Parlement qui s’est félicité de la venue de Mme Leyla ZANA en déclarant en kurde « Hatina we ji bo parlementoya me serbilindî ye » [ndlr : Notre Parlement est honoré de vous recevoir]. Leyla Zana n’a pas manqué de le remercier en catalan et en espagnol.

Dans une allocution de 30 minutes entrecoupée d’applaudissements, Leyla Zana a souligné que les mesures en faveur de la démocratie adoptée en Turquie « semblent encore cosmétiques ». « Les critères de Copenhague doivent être appliqués sur le fond et non pas seulement en mots », a ajouté Leyla Zana, sous les applaudissements. Elle a tendu la main au « peuple turc frère » et apporté à Bruxelles son soutien à la candidature d'Ankara à l'Union européenne, tout en appelant le pays à redoubler d'efforts pour assurer la démocratie.

« Vous n'avez pas attribué ce prix à moi toute seule. Vous l'avez attribué au peuple kurde, vous l'avez attribué au peuple turc frère. Vous l'avez en fait attribué à la Turquie », a déclaré aux eurodéputés Mme Zana. « La violence a fait son temps (...) Les Kurdes veulent une solution pacifique au sein de l'intégrité territoriale de la Turquie (...) Personne ne doit douter d'une manière ou d'une autre du soutien des Kurdes aux mesures en faveur de la démocratisation », a-t-elle ajouté.

Leyla Zana a également insisté sur le fait que le gouvernement turc pour résoudre le problème kurde doit d’abord l'appeler celui-ci par son nom. Selon elle, il n'y a pas de raison de redouter le dialogue et la paix. Les Kurdes sont une des composantes de la Turquie. Bien que des mesures importantes aient été prises, il faut faire disparaître la base du conflit, il faut associer les prisonniers politiques et les intellectuels en exil à la vie publique, il faut faire disparaître les disparités économiques, il faut que les Kurdes soient reconnus et leurs droits garantis par une nouvelle Constitution.

« J’en appelle au monde entier. La paix civile en Turquie va de pair avec la paix au Moyen-Orient, mais aussi la paix en Europe et donc dans le monde. Cette paix est aujourd’hui entre nos mains. Elle est entre vos mains. Dans l’union de nos mains. La première chose est avant tout de savoir la vérité (…) La vérité c’est qu’il faut avant tout dénommer le problème, le reconnaître puis le définir. Toute chose sans dénomination et sans définition demeure sans identité et est considérée comme inexistante. Il est temps pour le monde de reconnaître les droits politiques, sociaux, et culturels démocratiques des Kurdes, forts de plus de 40 millions d’âmes. Les Kurdes ont démontré leur volonté d'intégrer le monde moderne en entreprenant leur période de renaissance. Nous attendons du monde qu’il respecte cette volonté et qu’il ne la marchande pas dans le cadre de ses relations internationales. Tant que l’on n'abordera pas ce problème avec humanité et conscience, il continuera à être un risque potentiel menaçant la paix régionale et mondiale. Les Etats se sont isolés car ils ont construit des murs au lieu des ponts. L’Europe a souffert pendant longtemps de ces maux, puis l’humanité a abattu un par un tous ces murs. L’Europe et le monde en abattant les murs invisibles instaurés avec les Kurdes devront pouvoir être des ponts à la solution du problème. Ne n’oublions pas qu’une Turquie membre de l’Union européenne ayant résolu le problème kurde, favorisera la rencontre de la civilisation occidentale avec le riche patrimoine culturel de la Mésopotamie (… )»

Après cet appel aux Européens pour qu’ils pèsent de tout leur ponds afin que le peuple kurde puisse vivre dans la dignité et dans la reconnaissance de ses droits, Leyla Zana s’est adressée aux Kurdes : « Mon dernier message est adressé aux Kurdes. Luttant pour la démocratie dans toutes les régions géographiques qu’ils habitent, les Kurdes devront avant tout vivre entre eux en paix, dans la démocratie, la liberté et dans l’union. Sans respect réciproque de ces valeurs, il ne peut y avoir de solidarité, sans la solidarité pas d’union et sans union pas de force capable d’assurer la paix. Il faut savoir que tout le monde veut avoir son propre Kurde à la table des loups. Pour empêcher cela il n’y a qu’une solution : une union et une paix intérieure, une solidarité réciproque et une politique saine »

En achevant son discours, Leyla ZANA a souligné le fait qu'elle le dédie à la fraternité et au bonheur des peuples turcs et kurdes. Le Président du Parlement européen l’a remercié en turc et Leyla Zana a été saluée par des ovations debout des euro-députés.

Les chefs d'Etat et de gouvernement doivent décider le 17 décembre d'ouvrir ou pas des négociations d'adhésion avec la Turquie. La Commission européenne a préconisé le 6 octobre d'entamer ces négociations, mais en les encadrant de plusieurs conditions.

Leyla Zana ne s'est pas exprimée directement sur le sujet devant l'hémicycle, ni devant les journalistes qui l'ont par la suite pressée de questions.

Les médias turcs ont diffusé les principaux extraits de ce discours dont la totalité a été retransmise en direct par une chaîne de télévision kurde satelittaire. Les médias européens comme Euronews, France 3 et International Herald Tribune, Roj TV ont également accordé une large place à cet évènement.

Le lendemain de cette cérémonie, Leyla Zana, a repris l’avion en compagnie de ses trois collègues et accompagné de son mari Mehdi Zana, ancien maire de Diyarbakir, qui après avoir passé 14 ans dans les geôles turques pour sa défense pacifique de la cause kurde, vivait en exil en Suède depuis 1995. Au terme d’une nuite en garde-à-vue où l'avait placé la police, Mehdi Zana a été relâché par les autorités turques. Le juge turc a estimé que les charges retenues contre lui dans le passé avaient cessé de constituer un délit dans le cadre des réformes démocratiques adoptées par le parlement turc ces dernières années pour favoriser sa candidature à l'Union européenne.

De retour en Turquie, Leyla Zana a, le 22 octobre, annoncé la création d'un nouveau mouvement politique pro-kurde, peu avant l'ouverture à Ankara d'un troisième procès à son encontre et de trois de ses collègues pour “soutien aux rebelles kurdes”. “Nous, anciens députés (...) voulons servir la démocratie et la paix. Nous lançons pour cette raison le mouvement populaire démocratique”, a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse, parlant d'un “parti”.

Les principes fondamentaux de ce mouvement dont le nom n'a pas encore été fixé seront de “soutenir le processus européen de la Turquie” et de “viser à parvenir à une solution pacifique et démocratique” de la question kurde en Turquie qui aspire à intégrer l'Union européenne (UE), a souligné Mme Zana.

Elle a indiqué que ni elle ni ses autres anciens collègues députés ne brigueront la présidence de ce nouveau mouvement, qui oeuvrera également pour un amendement constitutionnel qui prendra en compte les “diversités ethniques et culturelles” en Turquie, notamment les Kurdes. “Aucun parti politique (turc) n'a su répondre aux demandes du peuple en faveur d'un changement social”, a affirmé la lauréate en 1995 du Prix Sakharov du Parlement européen. Mme Zana a appelé les peuples turcs et kurdes à se rallier massivement à ce mouvement. “Le monde a changé et la Turquie ne peut être tenu à l'écart de ce changement”, a-t-elle ajouté. Mme Zana était accompagnée de Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, anciens députés comme elle du parti pro-kurde de la démocratie (DEP, dissous en 1994) qui ont passé dix ans derrière les barreaux après avoir été condamnés à 15 de prison pour “soutien aux rebelles kurdes”.

Ces quatre ex-députés doivent comparaître devant une Cour d'assises de la capitale qui les jugera une troisième fois, puisque le Parlement turc a aboli les cours de sûreté de l'Etat (DGM), tribunaux d'exception, dans le cadre des réformes menées pour rapprocher le pays des normes européennes. Ils avaient été libérés par une cour d'appel en juin en attendant la révision de leur dernier procès.

MASSOUD BARZANI RENCONTRE BACHAR AL-ASSAD APRÈS UNE VISITE EN TURQUIE ET EN JORDANIE

Massoud Barzani, président du parti démocratique du Kurdistan (PDK) a entamé le 15 octobre une visite de trois jours en Syrie. Auparavant, il s'était rendu en Turquie et en Jordanie. Selon lui, sa tournée régionale, axée sur les « problèmes irakiens et la situation au Kurdistan », a réalisé ses objectifs.

Le président syrien Bachar al-Assad et le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), l'un des deux principaux mouvements kurdes irakiens, ont souligné lors d'un entretien le 18 octobre à Damas la nécessité de préserver « l'unité nationale » de l'Irak, rapporte l'agence syrienne Sana. MM. Assad et Massoud Barzani ont évoqué « la situation sur la scène irakienne ». Ils ont souligné que « l'unité nationale était nécessaire pour assurer la sécurité et la stabilité en Irak et pour mettre fin à l'occupation » de ce pays, selon l'agence officielle Sana. M. Assad a déclaré lors de l'entretien que « la Syrie se tenait aux côtés du peuple irakien et qu'elle voulait user de tous les moyens disponibles pour faire cesser ses souffrances ».

Le 17 octobre, M. Barzani avait demandé aux pays voisins de l'Irak « de ne pas s'ingérer » dans la question de Kirkouk, objet de discussion entre les communautés kurde, arabe et turcomane, en réaffirmant le caractère kurde de cette ville. « Kirkouk est une ville kurde irakienne. Le problème de cette ville est une affaire intérieure irakienne, les pays voisins n'ont pas à s'ingérer » dans cette question, a réitéré M. Barzani à la presse, à l'issue d'un entretien avec le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam.

Massoud Barzani, a en outre affirmé être « sûr » que la ville de Kirkouk sera rattachée administrativement au Kurdistan irakien après un référendum. « Nous sommes sûrs qu'après la normalisation de la situation à Kirkouk, l'organisation d'un référendum (montrera) que l'immense majorité des habitants (de cette ville) sont kurdes. Nous sommes sûrs par conséquent que Kirkouk retournera au Kurdistan » irakien, a déclaré M. Barzani lors d'une conférence de presse à l'issue d'une visite de trois jours à Damas.

M. Barzani a également indiqué que le conflit à Kirkouk entre les différentes ethnies, kurde, arabe et turcomane, « n'est pas du tout motivé par le pétrole, qui appartient à tous les Irakiens ». Les revendications des Kurdes, a-t-il souligné, ont pour but d' « annuler les traces de l'arabisation effectuée par le régime déchu (de Saddam Hussein) et l'injustice qui a frappé les Kurdes et les Turcomans aussi » dans cette ville. « Les Syriens ont affirmé qu'ils ne voulaient pas intervenir dans les affaires intérieures irakiennes », a par ailleurs souligné M. Barzani.

« J'ai obtenu un soutien total du président Assad », a-t-il affirmé. « Un rôle positif de la Syrie aidera les Irakiens à traverser beaucoup d'obstacles à l'approche des élections » prévues en janvier en Irak, a-t-il poursuivi.

Avant de se rendre à Damas, Massoud Barzani avait tenu des pourparlers le 11 octobre en Turquie sur la situation en Irak et l'avenir de Kirkouk. Il avait été reçu par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le ministre de Affaires étrangères Abdullah Gul. “Je pense toujours que Kirkouk constitue le coeur du Kurdistan, mais je suis ouvert au dialogue ici”, avait déclaré Barzani à son arrivée en Turquie. Ankara craint une prise de contrôle de la ville par les Kurdes et estime que le contrôle des ressources pétrolières de cette ville pourrait renforcer les Kurdes irakiens. La Turquie les soupçonne de vouloir se séparer du reste de l'Irak.

Massoud Barzani, n’a pas manqué de rappelé le 12 octobre à Ankara que Kirkouk a une « identité kurde », affirmant que les Kurdes d'Irak étaient prêts à faire la guerre contre toute force qui opprimerait son peuple. « Si quelqu'un, un régime ou un système, souhaite poursuivre l'arabisation (de Kirkouk) ou opprimer le peuple kurde (...) nous défendrons leurs droits (les droits des Kurdes, ndlr) et nous sommes prêts à combattre pour eux », avait-il déclaré, avant de quitter la Turquie au terme d'entretiens à Ankara avec des responsables turcs.

M. Barzani a expliqué que les Kurdes irakiens ne défendraient pas seulement la population kurde de Kirkouk, mais « toutes les autres minorités » de la ville. « Notre position est que Kirkouk fait partie du Kurdistan ».

TEMPÊTE POLITIQUE AUTOUR D’UN RAPPORT EMANANT D’UN COMITÉ CONSULTATIF AUPRÈS DU PREMIER MINISTRE

Un rapport issu du Comité consultatif des droits de l’Homme du Premier ministre, rendu public par le quotidien Radikal daté du 17 octobre a mis en relief la duplicité des autorités turques qui affichent d’un côté à l’étranger, une volonté de négociation avec l’Union européenne entraînant l’amélioration des droits et libertés en Turquie, mais qui ne veulent accepter aucune critique même issue d’un organe officiel à l’intérieur de la Turquie. Le rapport qui demande le respect intégral du traité de Lausanne et donc des minorités en Turquie, a soulevé les critiques des milieux conservateurs qui n’ont pas hésité à proférer ces dernières semaines des menaces ouvertes au cours des réunions publiques. Lors d’une conférence de presse présentée par le Pr. Ibrahim Kaboglu, président en exercice du Comité consultatif, le secrétaire général d’un syndicat des fonctionnaires, membre du comité, a saisi et déchiré le rapport en question devant de nombreux journalistes et caméras de télévision, ne tolérant pas des recommandations pourtant promises à l’Europe.

Voici de larges extraits de ce rapport officiel adopté à l’unanimité par le sous-comité sur les droits des minorités et rédigé par Baskin Oran, professeur de sciences politiques à l’Université d’Ankara et intellectuel turc de renom, suivi d’une interview accordée par ce dernier au quotidien Radikal :

« La Turquie soutient une acception plus étroite des conventions internationales qu’elle signe avec les différentes réserves qu’elle oppose (abstention, clause de réserve). Conformément au « décret d’interprétation », la Turquie invoque les limitations du traité de Lausanne et/ou de la Constitution de 1982 dans le contexte international et annonce lors des conventions internationales la non-application des droits interdits par la Constitution de 1982 ou restés en dehors de ceux reconnus à Lausanne. Nous pouvons résumer en deux points les préoccupations de la Turquie sur cette question:

L’attitude limitative de la Turquie va de plus en plus à l’encontre des orientations mondiales. Après la décision du Comité des droits de l’homme des Nations-Unies dans la décennie 1990, la tendance n’est plus de demander au pays l’existence ou non des minorités en leur sein mais de les reconnaître à partir du moment où ils abritent des groupes « manifestant des différences ethniques, linguistiques, religieuses et considérant cette différence comme un élément consubstantiel à leur identité ». Cependant, il appartient aux différents Etats-nations de leur accorder ou pas le statut de minorité. Précisons tout de suite que l’Union européenne n’a aucune requête demandant les droits et le statut de minorité aux différents groupes culturels en Turquie. Elle demande cependant un traitement égal pour tous les citoyens de cultures différentes. Il faut bien comprendre ce point.

La Turquie ne fait pas non plus une exacte application du traité de Lausanne et viole certaines dispositions de ce traité fondateur pour la Turquie. D’abord, les droits reconnus aux non-musulmans ne sont pas pleinement respectés. Ces droits ne sont non seulement reconnus qu’aux trois grandes minorités (Arméniens, Juifs et Grecs), à l’exception des autres groupes non-musulmans (ex : L’article 40 relatif aux droits à l’enseignement pour les Syriaques), mais les droits afférant aux groupes situés en dehors de ces non-musulmans exposés par le traité de Lausanne, Partie III, sont ignorés par l’Etat. Nous pouvons donner pour la première situation l’exemple de la disposition appelée par la presse « la déclaration de 1936 » et pour la seconde l’article 39/4 du traité de Lausanne. Cet article octroie « le libre usage à tout ressortissant turc d’une langue quelconque, soit dans les relations privées ou de presse, soit en matière de religion, de presse et de publication, soit dans les réunions publiques ». Autrement dit, la seule exception pour cette utilisation résidait dans le cadre du service public. Cependant, nul ne pouvait entreprendre une diffusion radio-télévisée dans la langue qu’il souhaitait et c’est la raison pour laquelle un paquet d’harmonisation daté du 3 août 2002 a été voté, mais resté non appliqué, un septième paquet daté du 30 juillet 2003 a été à son tour adopté. Fin 2003, le Haut Comité de surveillance de la radio et télévision turque (RTUK) a élaboré un règlement sur la question en y apportant cependant des restrictions de durée et de lieu. Si l’article 39/4 du traité de Lausanne était appliqué, les discussions embarrassantes qui occupent inutilement tant la Turquie, par exemple sur la diffusion (télévisée) en kurde, n’auraient pas de raison d’être. Une telle situation aura un impact bénéfique pour la Turquie sur quatre points :

Il est évident qu’à court terme la Turquie sera obligée d’abandonner « le décret d’application » qui ne lui a été de toute façon d’aucune utilité. Il est très important pour le concept de souveraineté nationale de réaliser cela de par sa propre volonté et non pas à cause des pressions de l’Union européenne en appliquant simplement les dispositions de son acte fondateur, le traité de Lausanne.

Incontestablement, chacun pourra un jour diffuser dans la langue qu’il souhaite. Dans cette transition, au lieu de s’employer à élaborer de nouvelles lois controversées, il serait plus simple pour l’Etat de soutenir la nécessité d’application des dispositions du traité de Lausanne qui ont une valeur au moins équivalente à la Constitution.

Il est nécessaire d’octroyer les libertés les plus larges possibles à tous les citoyens pour éviter d’avoir des minorités sous la protection internationale en Turquie et l’article en question vise « tous les citoyens de la République de Turquie ».

Nul doute qu’une conduite plus humaine de la part de l’Etat à l’égard de son propre peuple sera très bénéfique dans le pays en ce qui concerne « l’unité et l’union ». Car un pays constitué de « citoyens forcés » est un pays fragile. L’Etat se verra renforcé lorsque les individus satisfaits et heureux deviendront des « citoyens volontaires ». Le citoyen le moins redouté par l’Etat est le citoyen qui jouit de ses droits. (…)

e) Cette question des minorités est regardée d’une manière très étroite et erronée en Turquie. Nous pouvons résumer les principes de base de ce point :

Au lieu de prendre en considération le développement de la notion et du droit des minorités dans le monde, la Turquie reste suspendue à l’année 1923 mais interprète de surcroît mal et d’une manière incomplète le traité de Lausanne de 1923.

La reconnaissance d’une identité différente et l’octroi du statut / des droits aux minorités est considérée comme étant la même chose. Et pourtant, la première est une attitude objective et la seconde reste du domaine de compétence de l’Etat. (…)

5) Nous pouvons constater que lorsque l’on parle des « Turcs » en tant que nation, le terme « Turc » couvre en même temps un groupe ethnique ( voire religieux). Ces situations résultent de deux sources, l’une structurelle et l’autre historico-politique. Structurel car, la relation entre une sous-identité et une identité supérieure dans la République turque, donc les sous-identités (différents groupes ethniques, religieux etc) existantes dans l’Empire ottoman, ont été héritées par la Turquie lors de l’effondrement de l’Empire ottoman. Cependant, l’identité supérieure dans l’empire (l’identité octroyée par l’Etat à son citoyen) était définie par le terme « Ottoman » alors que dans la République turque c’est le terme « Turc » qui a été adopté. Cette identité supérieure tend à définir le citoyen à travers la race, voire par la religion. Par exemple l’expression « nos congénères à l’étranger » couvre les personnes issues de la race ethnique turque. D’un autre côté, en appelant « citoyens » et non pas « Turcs » nos compatriotes non-musulmans nous démontrons que pour être « Turcs » il faut également être musulmans. En Turquie, personne n’utilise le terme « Turc » en parlant d’un citoyen Grec ou Juif, car il s’agit d’un citoyen musulman (…). Cette situation a rendu étranger les diverses sous-identités ne s’identifiant pas comme Turcs et créé des problèmes (…)

Les plus inoffensives revendications identitaires en Turquie sont considérées comme une volonté de division de la Turquie et sont donc immédiatement réprimées. Cette situation invite en même temps l’intervention des grands pays occidentaux, car cela constitue une atteinte à la démocratie alors même que la Turquie a exprimé volontairement son désir d’adhésion à l’Union européenne. Ce n’est pas rendre service à la Turquie que de retarder la démocratie dans son propre pays avec une telle paranoïa. Le risque de division de la Turquie, d’incitation à la terreur est tout de suite invoqué tout particulièrement lorsque des réformes doivent être engagées pour l’utilisation de la langue kurde ; une volonté d’obstruction de toutes les réformes est d’ailleurs affichée dans un tel climat de paranoïa. Et pourtant, ceux qui provoquent cela voient bien que certains milieux seraient acculés à considérer à nouveau la terreur comme seule alternative si les réformes sont empêchées. Cette perspective d’adhésion à l’Union européenne a créé une période très favorable pour les droits culturels et les droits des minorités en Turquie. Cette période constitue une véritable continuité par rapport aux réformes judiciaires engagées par le kémalisme pour la modernisation du pays entre 1920 et 1930 appelées « la révolution par le haut ». (…)

La Constitution de la République de Turquie et autres lois organiques doivent être élaborées à nouveau sur la base démocratique de la liberté et du pluralisme avec la participation des groupes organisés de la société.

Sur la base de l’égalité des droits de la citoyenneté, les droits de protection et de développement (tels que la publication, l’expression, l’enseignement) des individus issus d’une identité et d’une culture différentes doivent être garantis.

Les administrations centrale et locale doivent mettre en œuvre plus de transparence et se démocratiser en adoptant comme principe la participation et le contrôle des citoyens.

Les conventions internationales et documents fondamentaux relatifs aux normes universelles comprenant les droits et libertés de l’homme, et tout particulièrement la convention-cadre du Conseil de l’Europe doivent être signés et ratifiés et mis en application. Dans les conventions internationales, il ne faudrait plus opposer de réserves ou de déclarations interprétatives tendant à nier l’existence des identités inférieures en Turquie. »

Dans une interview publiée par le quotidien turc Radikal daté du 25 octobre, le Pr. Baskin Oran, explicite sa position en revenant sur les grandes lignes de ce rapport. Voici de larges extraits de cette interview.

« Je suis l’un des 78 membres du comité [Comité consultatif des droits de l’homme du Premier ministre], présidé par Pr. Ibrahim Kaboglu, composé de 13 groupes de travail. Je suis le président du groupe de travail des droits des minorités et culturels (…) Le comité est lié au ministère en charge des droits de l’homme, donc à Abdullah Gül (…) Ayant en même temps en charge le ministère des affaires étrangères, il a simplement inauguré une réunion et puis il est parti. Nous pouvons le comprendre mais nous ne pouvons pas concevoir qu’il ait refusé de nous accorder un rendez-vous depuis six mois. En réalité, le parti AKP [de la Justice et du développement] n’est pas en conflit avec nous mais on veut vraisemblablement que ce comité soit juste une vitrine et ne créé pas de problème au gouvernement (…)

Ils peuvent faire ce qu’ils veulent, ce rapport est un rapport officiel de l’Etat, puisque nous sommes une organisation officielle instituée par la loi et dotée d’un règlement. De toute façon, c’est la raison pour laquelle ce rapport fait autant de bruit. J’ai personnellement écrit à plusieurs reprises des choses beaucoup plus fortes dans des articles et des livres. J’ai utilisé les termes « d’identités supérieure et inférieure » dans les cours que je dispensais au ministère des affaires étrangères, mais comme c’est la première fois qu’un rapport officiel contient ces termes, certaines personnes ont commencé tout à coup à attaquer (…) Il s’agit d’un rapport consultatif. Il appartient au gouvernement de l’appliquer ou pas mais ce que l’on soulève c’est ce que le gouvernement devrait engager pour l’adhésion à l’Union européenne. (…)

Juridiquement, qui sont les minorités en Turquie ?

Tous les citoyens non-musulmans en Turquie. Mais on a tort de les identifier comme étant les Juifs, les Grecs ou les Arméniens, puisque l’article 143 du traité de Lausanne ne les énumère nullement. Le traité de Lausanne parle des « non-musulmans ». Les Syriaques, les Chaldéens et les Assyriens sont compris dans cette définition et pourtant nous ne leur reconnaissons pas les droits garantis à Lausanne (…) De plus, la notion de minorité ne couvre pas les mêmes choses en Turquie et dans l’Union européenne (…) Lorsque l’UE parle de minorité, elle demande que ceux qui ne sont pas en majorité et souverains dans un pays soient traités de la même façon que ceux qui sont en majorité et souverains. Par exemple, il y a une majorité de musulmans sunnites en Turquie qui utilisent gratuitement l’électricité dans les mosquées, alors que les musulmans de confession alévie doivent payer pour bénéficier de l’électricité dans les cemevi [leur lieu de culte]. L’Union européenne refuse une telle conception. Autre exemple, la majorité turque est scolarisée, publie et diffuse en turc mais les Kurdes ne peuvent pas apprendre leur langue à l’école, même les quelques cours privés ont mis deux ans pour être autorisés (…) Quand l’Union européenne parle des droits des minorités elle parle de l’égalité des droits. Il s’agit de ne pas forcer la citoyenneté des nôtres mais de passer à la citoyenneté librement consentie et d’abolir les lois interdisant la culture propre aux individus. Les associations plus étatistes que l’Etat prétendent que l’abolition de ces lois divisera l’Etat. Mais, un Etat fondé sur une citoyenneté forcée est assis sur de la dynamite et n’est pas solide. Un Etat reposant sur une citoyenneté volontaire est un Etat fort ; c’est la démocratie dans un Etat unitaire (…)

Nous n’avons pas à légiférer, tout au contraire, il s’agit de l’égalité pour tous, pour que personne ne soit discriminée, il faut abolir toutes les lois restrictives. La Turquie a besoin de cela et il ne faut pas avoir peur. Si vous abolissez l’interdiction « il est interdit d’enseigner dans une autre langue que le turc », toute personne peut enseigner dans la langue qu’elle désire. Vous allez constater par vous même, dans quelque temps ces langues seront optionnelles dans les écoles. En réalité, l’interdiction de diffusion qui pèse sur le kurde, le laz et le Circassien viole le traité de Lausanne qui est supra-constitutionnel ou d’une valeur équivalente à la Constitution (…) Le traité énonce clairement que les citoyens peuvent parler en tous lieux dans la langue qu’ils désirent, exceptés les bureaux officiels (…) De plus, l’Union européenne en nous recommandant de reconnaître les droits des minorités ne nous demande nullement d’octroyer le statut de minorité (…)

Qui sont les minorités d’un point de vue sociologique ?

(…) Une minorité doit être quantitativement faible, ne devrait pas être dominante politiquement et devrait se sentir différente et être consciente de cette différence. Par exemple, les homosexuels constituent également une minorité (…)

Il y a également les Alévis dont la pratique religieuse subit des pressions. Il y a encore quelque temps ils ne pouvaient même pas célébrer leur mois saint et aujourd’hui encore les Cemevi ne sont pas considérés comme des lieux de culte mais on les appelle « des maisons de la culture » (…)

Notre rapport démontre pour la première fois que la Turquie va dans le bon sens. Nous avons proposé dans ce rapport de rompre avec la paranoïa du traité de Sèvres [ndlr : Traité signé en 1920, en marge du traité de Versailles qui prévoyait la création d’une Arménie et d’un Kurdistan indépendant], d’élaborer une nouvelle Constitution fondée sur la liberté et le pluralisme, de garantir les droits culturels et d’adopter la convention-cadre des minorités. Mais deux choses ont été très critiquées dans le rapport. La première c’est la notion « citoyen de la Turquie » et la seconde c’est la proposition d’amendement de l’article 3 de la Constitution, disposant que « l’Etat turc avec sa patrie et sa nation indivisible est une et sa langue est le turc ». Cet article devrait être modifié comme ceci : « l’Etat turc est unitaire avec son territoire indivisible. Sa langue officielle est le Turc ». Car, parler d’unité avec une nation indivisible est une négation des identités inférieures et de la culture majoritaire. De toute façon la nation n’est pas une entité divisible. C’est l’Etat qui est divisible c’est le territoire de l’Etat qui peut être séparé. De plus, dire que sa langue est le turc veut dire qu’il n’est pas possible de parler une autre langue que turc.

Il y a aussi la notion de « citoyen de la Turquie » qui est discutée. Le Premier ministre lui même utilisait parfois cette notion. Celle-ci peut-elle suffire à résoudre le problème de la minorité ?

Oui, car en disant « citoyen de la Turquie », personne n’est l’élément fondateur. En prenant en considération le concept de « citoyen de la Turquie » comme une identité supérieure, il n’y a plus de minorité. Personne ne peut regarder de haut l’autre et les Kurdes seront largement apaisés et seront attachés à l’Etat. L’identité supérieure « Turc » divise la Turquie, car un Kurde ne dit pas qu’il est Turc mais qu’il est Kurde de Turquie. Et c’est la même chose à Chypre où on retrouve la notion de Turc de Chypre et Turc de Turquie. Mais certains ne comprennent pas cela alors que la seule notion qui pourrait embrasser l’Arménien, le Grec, le Circassien, le Kurde, le Turc, le Laz, l’Albanais, le Syriaque, le Chaldéen, l’Assyrien et le Gitan, c’est la notion de « citoyen de la Turquie ». Les Turcs ne seront pas perturbés par cela car ils sont de toute façon une entité forte puisque la langue officielle est le turc, le nom de la patrie est la Turquie et le drapeau est celui institué par les kémalistes.

Est-on arrivé à discuter des minorités à cause de l’Union européenne ou est-ce que l’évolution de la Turquie pousse celle-ci à discuter ouvertement des problèmes ?

L’Union européenne a accéléré le travail. Si il n’y avait pas eu Mustafa Kemal et sa révolution par le haut, la Turquie serait arrivée à son niveau actuel mais dans 150 ans mais Mustafa Kemal a changé la Turquie en 10 ans. Aujourd’hui avec les paquets d’harmonisation de l’Union européenne nous vivons la deuxième phase de la révolution par le haut de Mustafa Kemal. Les révolutions par le haut suscitent des réactions de la base. Dans les années 20, il y a eu les réactionnaires, aujourd’hui nous nous affrontons à la paranoïa du traité de Sèvres. Le réactionnarisme d’aujourd’hui est la paranoïa du traité de Sèvres. Ces paranoïaques ne finissent pas d’avoir peur d’une division. Il s’agit des kémalistes restés dans les années 20 et malheureusement, de peur, les vrais kémalistes n’osent pas élever leur voix contre eux. ».

L’IRAK SE PRÉPARE AUX ÉLECTIONS NATIONALES ET DÉPLORE QUE L’ONU SOIT DANS L’INCAPACITÉ DE SUPERVISER LE SCRUTIN AVEC SEULEMENT 30 EXPERTS

Le gouvernement irakien a déploré le 22 octobre que l'Onu ne s'implique pas assez dans le processus électoral. “Il est regrettable de constater que la participation des Nations unies (à la préparation) des élections n'est pas au niveau requis”, a déclaré le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari. “Le nombre d'experts onusiens envoyés en Irak ne dépasse pas les 30 alors qu'ils étaient plus de 300 au Timor Oriental”, a-t-il fait valoir, tout en réaffirmant la volonté de son gouvernement d'organiser la consultation à la date prévue, janvier 2005.

Le secrétaire général de l'Onu, Kofi Annan, a déclaré de son côté que les élections étaient encore possibles malgré la présence limitée de l'Onu sur le terrain du fait d'inquiétudes sur la sécurité de son personnel, tandis que le secrétaire d'Etat américain Colin Powell indiquait que les forces de la Coalition assurerait leur protection si les Nations unies ne trouvaient pas assez de troupes nouvelles pour le faire. En dehors des îles Fidji, les candidats ne se bousculent pas pour l'instant pour participer à la force réclamée par l'Onu pour augmenter sa présence en Irak.

Faute d'un engagement plus poussé de l'Onu, le gouvernement irakien peut éventuellement compter sur le ralliement de la mouvance du chef chiite radical Moqtada Sadr, dont les combattants ont massivement rendu leurs armes dans le quartier pauvre de Sadr City, à Bagdad. Le colonel Zayer, un membre du Comité de réception des armes, a qualifié l'opération, censée s'achever le 21 octobre, de ‘très réussie” car elle a “permis de pacifier (le quartier) et de le préparer aux élections”. Il a expliqué que “plus de trois millions de dollars” avaient été distribués aux Irakiens qui avaient bien voulu remettre leurs armes. En vertu d'une entente conclue entre la mouvance de Sadr, le gouvernement irakien et l'armée américaine, les combattants chiites devaient désarmer en contrepartie d'argent et de la libération des miliciens détenus.

Les dirigeants kurdes et chiites se préparent activement aux élections de janvier 2005 tandis que les sunnites laissent planer le doute sur leur participation en faisant monter les enchères à moins de trois mois du scrutin. Selon un sondage réalisé en Irak par l'Institut républicain international (IRI) et publié à Washington, plus de 85% des Irakiens ont l'intention de participer à ces élections.

Début novembre, l'inscription des électeurs et des candidats commencera dans quelque 600 bureaux au milieu de doutes sur la capacité de l'Onu à superviser ce processus.

Les sunnites arabes, se sentant marginalisés après avoir été choyés sous l'ancien régime de Saddam Hussein, lui-même de confession sunnite, ont opté pour la confrontation pour faire valoir leur poids sur le nouvel échiquier. Leur principale organisation religieuse, le Comité des oulémas, a menacé d'appeler au boycottage des élections en cas d'offensive sur le bastion rebelle de Falloujah ou de poursuite des raids américains quasi-quotidiens. Le gouvernement irakien et les troupes américaines, pressés par le temps, ont lancé des opérations visant à réduire les activistes des villes sunnites rebelles de l'ouest et du nord de Bagdad, Tall Afar, Samarra, Youssoufiyah.

Les chiites, au pouvoir pour la première fois en Irak, ont quant à eux tout à gagner d'une consultation. Leurs dirigeants ne s'y sont pas trompés en appelant à participer massivement à ce scrutin. Le grand ayatollah Ali al-Sistani, le plus prestigieux de leurs chefs religieux, a appelé, dans une fatwa (avis religieux) à y participer en force. Un de ses représentants à Kerbala, Sayyed Ahmad al-Safi, a affirmé le 22 octobre, que voter “est un devoir dicté par la charia”.

Une commission non partisane a été mise sur pied pour encadrer l'opération d'inscription des chiites sur les listes électorales. Des tractations se déroulent depuis des semaines entre les hautes autorités religieuses et les partis politiques sur des listes de candidats.

Dans ce paysage contrasté, les Kurdes qui ont déjà passé avec succès l'expérience des élections parlementaires et municipales, se sentent à l'aise et bien préparée pour ce processus. Mais, le problème de Kirkouk, que les leaders Kurdes exigent de rattacher à leur province, risque de générer des tensions avec les autres communautés.

FACE À LA RECRUDESCENCE DE LA VIOLENCE, LE PREMIER MINISTRE IRAKIEN CRITIQUE POUR LA PREMIÈRE FOIS LA COALITION SOUS COMMANDEMENT AMÉRICAIN

Le Premier ministre irakien Iyad Allaoui a pour la première fois le 26 octobre blâmé la Force multinationale de n'avoir pas su empêcher le massacre de 49 recrues, alors que l'état de la sécurité dans le pays, à trois mois des élections, est de plus en plus préoccupant. Les soldats irakiens, en civil et sans armes, ont été tués le 23 octobre dans l'est du pays dans une embuscade sans précédent, qui renforce les soupçons d'une infiltration des forces irakiennes par l'insurrection. Leurs cadavres ont été retrouvés alignés sur une route isolée près de la frontière iranienne. Les militaires, qui avaient terminé un entraînement au camp militaire de Kirkouk rentraient chez eux à bord de trois minibus quand ils ont été attaqués par des insurgés.Le massacre des recrues a été revendiqué par le réseau de l'islamiste jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui.

Par ailleurs, la disparition de près de 400 tonnes d'explosifs très puissants en Irak qui devaient être gardés par l'armée américaine, continue à susciter la polémique et est largement dénoncée par le candidat démocrate à la Maison Blanche John Kerry, à huit jours de l'élection présidentielle.

Le Premier ministre irakien Iyad Allaoui a aussi déploré l'insuffisance des forces de l'ordre pour sécuriser les élections prévues en janvier, et a affirmé avoir demandé l'aide de l'Onu. Après le massacre de 49 recrues et de trois chauffeurs de la nouvelle armée irakienne, le Premier ministre irakien a accusé de “négligence” la Force multinationale (FMN), conduite par les Etats-Unis. “Un crime odieux a été commis coûtant la vie à un nombre important de recrues de l'armée et nous pensons qu'il y a une grande négligence de la part de certains éléments de la Force multinationale”, a déclaré Iyad Allaoui. Il n'a pas précisé la nature des négligences, ni identifié les “éléments” qu'il tient pour fautifs.

D’autre part, si l'on en croit un rapport d'experts américains de la santé publique diffusé le 28 octobre, environ 100.000 civils irakiens seraient morts au cours de violences depuis l'intervention par la coalition sous commandement américain en mars 2003, Dans une étude publiée sur le site internet de la revue médicale The Lancet, le docteur Les Roberts, de l'hôpital Johns Hopkins de Baltimore, explique qu'il a comparé la mortalité dans différentes zones de l'Irak durant les 14,6 mois ayant précédé le déclenchement de la guerre et les 17,8 mois suivants.

A partir de cette comparaison, il a tiré des projections “prudentes” qui font apparaître une “surmortalité” d'environ 100.000 personnes, “voire plus”. D'autres estimations des pertes irakiennes font état d'un nombre maximum de 16.053 civils tués et de 6.370 militaires.

Selon le Département américain de la Défense, au moins 1.117 soldats américains ont été tués depuis le début de la guerre en Irak en mars 2003. Parmi eux, au moins 858 soldats sont morts au combat ou à la suite d'une action hostile. L'armée britannique compte pour sa part 70 morts; l'Italie, 19; la Pologne, 13; l'Espagne, 11; l'Ukraine, 9; la Bulgarie, 7; la Slovaquie, 3; l'Estonie, la Thaïlande et les Pays-Bas, 2 chacun; le Danemark, le Salvador, la Hongrie et la Lettonie, un mort chacun.

Par ailleurs, les églises de Bagdad ont été la cible le 16 octobre d'une série d'attaques simultanées qui n'ont pas fait de victimes mais ont choqué la minorité chrétienne. Des bombes artisanales ont explosé près de cinq églises de la capitale irakienne, provoquant d'importants dégâts dans les édifices, dont un a entièrement brûlé, mais sans faire de victimes. Ces attaques, qui coïncidaient avec le début du mois de jeûne musulman du ramadan, ont ravivé les inquiétudes de la petite minorité chrétienne -- 700.000 personnes, soit 3% des 24 millions d'Irakiens --, qui avait déjà été la cible de violences le 1er août dernier. Six attentats contre des lieux de culte chrétiens avaient alors fait au moins 10 morts et 50 blessés à Bagdad et Mossoul.

Sur le plan économique, le Fonds monétaire international (FMI) a estimé dans un rapport publié le 18 octobre que l'insécurité persistante et l'absence de solution au problème de la dette irakienne constituaient des obstacles de taille au financement de la reconstruction du pays, tout en tablant sur une croissance de 52% en 2004. « Les financements futurs de l'Irak dans les circonstances actuelles sont sujets à un degré de risque considérable. La situation au niveau de la sécurité n'est toujours pas sous contrôle et l'Irak a un niveau insoutenable de dette" », affirment les experts du FMI.

Les débiteurs de l'Irak peinent toujours à s'entendre sur un allègement de la dette de près de 125 milliards de dollars de l'Irak, dont 42 milliards USD aux pays créanciers réunis au sein du Club de Paris. La situation macroéconomique a été globalement stabilisée, ont noté les experts, avec des pressions inflationnistes relativement faibles, des taux de change « largement inchangés » et des réserves en devises de près de 4,4 milliards USD à la mi-août.

Selon leurs prévisions, le PIB irakien devrait croître de 52% en 2004, de 17% en 2005 et en moyenne de 9% par an entre 2006 et 2009, après une baisse de 35% en 2003 en raison de la guerre. En outre, l'avenir du secteur pétrolier s'annonce prometteur selon les experts du FMI qui insistent sur les réserves estimées entre 100 et 130 milliards de barils (11% des réserves mondiales) d'un pétrole de bonne qualité et pas trop cher à produire.

BARHAM SALEH, LE VICE-PREMIER MINISTRE IRAKIEN, DEMANDE AUX BAILLEURS DE FONDS DE TENIR LEUR PROMESSES D’AIDES

Le vice-Premier ministre irakien a demandé le 13 octobre aux bailleurs de fonds internationaux réunis à Tokyo de tenir leurs promesses d'aides pour financer la reconstruction de l'Irak et a reproché leur manque de soutien aux Nations unies.

Barham Saleh et quatre autres membres du gouvernement intérimaire ont plaidé la cause de l'Irak à l'ouverture de la conférence, qui réunit 57 pays donateurs pour deux jours. Ils ont assuré que de nombreuses régions irakiennes étaient assez sûres pour que des projets de reconstruction y soient menés. « Le développement et la stabilité de l'Irak ne peuvent être conduits à la pointe du fusil », a souligné M. Saleh dans un vibrant discours. «

L'assistance et l'aide à court terme sont la clé pour détruire les causes du terrorisme. C'est aussi la seule manière de construire un avenir viable sur le long terme pour notre peuple. » « S'il vous plaît, ne tardez pas, c'est maintenant le moment de s'engager fermement. Honorez vos promesses maintenant», a-t-il poursuivi avant que les délégués ne se réunissent à huis clos.

M. Saleh a noté qu'il s'agissait de la première conférence des pays donateurs depuis que les Américains ont transféré la souveraineté aux Irakiens fin juin, et a souligné que des élections étaient toujours prévues pour janvier en Irak malgré la poursuite des violences.

Il a reconnu que la sécurité et la corruption restaient des problèmes et a appelé les organisations internationales, notamment l'ONU à s'impliquer davantage. « Je demande aux Nations unies où est le soutien essentiel pour le processus politique qu'elles sont mandatées à fournir? », a-t-il dit. « Nous avons besoin du soutien de l'ONU et nous en avons besoin maintenant. »

Le représentant de l'ONU a répondu qu'envoyer davantage d'employés de l'organisation en Irak ne ferait aujourd'hui que donner de nouvelles « cibles » à la guérilla irakienne. L'action de l'ONU « n'est pas suffisante et nous le savons », a souligné Mark Malloch Brown, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). « Mais nous devons rester prudents. »

La conférence de Tokyo intervient un an après celle de Madrid où 37 pays et institutions financières avaient promis de verser 13,6 milliards de dollars (11 milliards d'euros) sous forme de dons et de prêts. Mais sur ce total, seulement un milliard de dollars (805 millions d'euros) ont été réunis à ce jour, et la poursuite des violences en Irak a paralysé les efforts de reconstruction en entraînant une réorientation des fonds vers la sécurité.

Le chef de la délégation américaine, le secrétaire d'Etat adjoint Richard Armitage, a reconnu que Washington avait été initialement trop lent à envoyer des fonds américains en Irak mais a promis d' « accélérer le rythme ». Les Etats-Unis sont le premier pays donateur en Irak avec une promesse d'aide de 18,4 milliards de dollars (14,8 milliards d'euros). M. Armitage a également admis que la réorientation récente de fonds américains pour financer des mesures de sécurité avait créé un « vide », particulièrement dans le secteur de l'eau et de l'électricité. Il a également appelé la communauté internationale à alléger l'énorme dette de Bagdad, estimée à 125 milliards de dollars (102 milliards d'euros). Il a précisé que Washington avait obtenu des assurances qu'au moins la moitié de l'ardoise serait effacée.

Les Etats-Unis ont déboursé jusqu'ici environ trois milliards de dollars (2,4 milliards d'euros) pour la reconstruction de l'Irak et le représentant américain a promis que Washington y consacrerait bientôt 400 millions de dollars par mois. Peu de nouvelles promesses d'aides sont attendues à Tokyo. L'Iran s'est toutefois engagé à hauteur de dix millions de dollars (8,1 millions d'euros).

JACQUES CHIRAC ET GERHARD SCHRODER AFFICHENT UN SOUTIEN FORT À ANKARA POUR SA CANDIDATURE À L’UNION EUROPÉENNE

Jacques Chirac et Gerhard Schröder encadrant le Premier ministre d'une Turquie candidate à l'entrée dans l'UE: c'est l'image symbole qui restera du quatrième conseil des ministres franco-allemand, au cours duquel Paris et Berlin ont, le 26 octobre, affiché leur soutien à Ankara, non sans réserves ou arrière-pensées de part et d'autre. Recep Tayyip Erdogan est ressorti visiblement satisfait de son entretien d'une heure avec le président français et le chancelier allemand.

Venu assister à la signature de la commande de 36 Airbus par Turkish Airlines, M. Erdogan a déclaré que “l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne a cessé d'être un processus ambigu pour l'UE et a pris une direction irréversible”.

Lors de la conférence de presse de clôture du sommet franco-allemand, le chancelier allemand a souligné que “Nous sommes tout à fait d'accord sur ce point avec le président” Jacques Chirac. “Mon voeu le plus cher, c'est que nous arrivions au terme de cette procédure, qui durera dix ou 15 ans, à une possibilité d'adhésion. C'est l'intérêt des Turcs, et c'est l'intérêt des Européens”, a confirmé Jacques Chirac. “Nous nous engageons dans cette procédure avec l'espoir et la volonté qu'elle aboutisse comme nous le souhaitons”.

Alors que la décision d'ouvrir des négociations d'adhésion avec Ankara –“en 2005 ou autour de 2005” selon Jacques Chirac-, sera “probablement” prise selon lui par les 25 lors du sommet de Bruxelles le 17 décembre, il s'est dit personnellement “favorable aux conclusions de la Commission”, qui se prononçait dans son rapport pour le lancement de ces pourparlers.

Jacques Chirac a rappelé que les Français seront consultés par référendum, mais que dans dix ou quinze ans, le problème “ se posera avec beaucoup moins de passion”. “ Le problème doit être apprécié dans le temps “, mais l'adhésion de la Turquie “ est de l'intérêt de l'Europe, de l'intérêt de la Turquie et de l'intérêt de la paix et de la démocratie dans le monde et dans la région”, a-t-il ajouté.

Reste le symbole: la France et l'Allemagne côte à côte pour soutenir la Turquie, à la veille du sommet européen décisif de Bruxelles. Fervent opposant de l'entrée de la Turquie dans l'UE, le président de l'UDF François Bayrou a aussitôt accusé Jacques Chirac de “passer en force et d'imposer une solution qui ne correspond pas aux voeux de la majorité des Français et de l'idée qu'on se fait de l'Europe”.

Devant les vives réactions provoquées par ce soutien ostensible à la candidature turque, le chef de l'Etat a rappelé dès le lendemain à Paris que le résultat des négociations avec Ankara “n'est pas acquis d'avance”.

François Hollande a accusé le chef de l'Etat de pratiquer le “double langage” et réclamé une “clarification”. “Le double langage, le double discours, c'est une fausse habileté”, a déploré le Premier secrétaire du PS, “il faut dire à un moment la vérité”.

Jacques Chirac a donc tenu à clarifier sa position lors du conseil des ministres le 27 octobre. Si le Conseil européen se prononce le 17 décembre pour une ouverture des négociations, Jacques Chirac a évoqué “trois hypothèses”: soit la Turquie adhère au terme du processus, soit “les négociations n'aboutissent pas et là le processus serait interrompu”. Dans la troisième “hypothèse”, “les négociations progressent mais butent sur des problèmes de fond essentiels”. Dans ce cas, il faudrait, “d'un commun accord”, trouver “une solution qui permettrait de créer avec la Turquie un lien fort qui ne serait pas l'adhésion”. En clair: un partenariat privilégié avec l'UE.

DAMAS: PROCÈS DE QUINZE KURDES ET DEUX ÉTUDIANTS SYRIENS DEVANT LA COUR DE SÛRETÉ DE L’ETAT, UN TRIBUNAL D’EXCEPTION SANS DROIT D’APPEL

Le procès de quinze Kurdes, arrêtés lors de heurts sanglants en mars dans le nord de la Syrie, s'est poursuivi le 31 octobre devant la Cour de sûreté de l'Etat, a indiqué Me Anouar Bounni.

Les Kurdes, dont le procès avait débuté en août dernier, sont accusés d'”actes de sabotage” et d'”incitations à la sédition, à des dissensions confessionnelles et à la guerre civile”. Leur prochaine audience a été fixée au 28 novembre, selon Me Bounni.

Ils ont été arrêtés pendant des affrontements qui ont opposé en mars des Kurdes aux forces de l'ordre ou à des tribus arabes dans des régions du nord de la Syrie, ayant fait 40 morts, selon des sources kurdes, 25 morts selon un bilan officiel syrien.

En outre, le procès de deux étudiants syriens, Mohammad Bachir Arab et Mouhannad Debes, respectivement étudiant en médecine et en génie civil, accusés d'avoir “publié de fausses informations dans le but de porter atteinte à l'ordre public” s'est poursuivi le même jour devant ce même tribunal d'exception, dont les décisions sont sans appel.

Les deux étudiants syriens, accusés également d'être “hostiles aux objectifs de la révolution”, risquent la perpétuité, a indiqué Me Bounni, précisant que la prochaine audience de leur procès a été fixée au 21 novembre.

Les deux jeunes hommes avaient été arrêtés le 24 avril en compagnie de neuf de leurs camarades dans un café près de la Cité universitaire de Damas. Leurs amis avaient été relâchés le 5 mai. Ces arrestations ont été menées à la suite d'un sit-in à Alep (nord) pour protester contre un décret promulgué par les autorités. Ce décret met fin à l'emploi automatique dans la fonction publique des diplômés des facultés de génie. Auparavant, les diplômés de la faculté de génie étaient assurés de trouver directement un emploi dans le secteur public.

A l'extérieur du tribunal, plusieurs centaines de personnes, encadrées par les forces de l'ordre, se sont rassemblées en solidarité avec les Kurdes et les deux étudiants. La foule, composée de membres des familles des détenus, de membres de partis kurdes et de militants des droits de l'Homme, ont applaudi à la vue des détenus. Plusieurs diplomates, notamment européens, américain et canadien, en poste à Damas se trouvaient parmi la foule.

Dans une déclaration à l'AFP, Me Bounni a appelé à “l'abrogation de la justice d'exception en Syrie et à la libération de tous les détenus politiques”.

Par ailleurs, un étudiant kurde, Massoud Hamed, a été condamné le 10 octobre à trois ans de prison pour avoir publié sur internet des photos d'une manifestation à Damas, a déclaré Me Anouar Bounni. Massoud Hamed a été accusé par la Cour de sûreté de l'Etat d'”appartenir à une organisation secrète” et d'avoir “tenté de rattacher une partie du territoire syrien à un pays tiers”, une accusation portée “systématiquement” contre les Kurdes, a souligné Me Bounni.

Hamed, étudiant en deuxième année de la Faculté de journalisme, avait été arrêté en juillet 2003 après avoir publié sur internet des photos d'un sit-in organisé en juin 2003 par des partis kurdes, selon l'avocat.

“Ce verdict montre que les autorités syriennes poursuivent leur politique de répression et d'interdiction du libre échange d'informations, ce qui constitue une violation des droits de l'Homme les plus élémentaires”, selon Me Bounni.

En juin et juillet derniers, quatre internautes avaient été condamnés par le même tribunal à des peines de prison pour “publication d'informations mensongères” sur internet.

Des centaines de Kurdes s’étaient rassemblés le 5 octobre à proximité du Conseil des ministres à Damas pour demander au gouvernement de leur restituer la nationalité syrienne qui leur a été retirée depuis plus de quatre décennies. La manifestation a eu lieu à l'occasion du 42ème anniversaire d'un recensement effectué en 1962 à Hassaké (nord-est) à la suite duquel la nationalité syrienne avait été retirée à environ 200.000 Kurdes habitant ce gouvernorat syrien, indique le communiqué signé par le secrétaire général du Parti démocrate progressiste kurde, Aziz Daoud.

Les Kurdes de Syrie, estimés à 1,5 million, représentent environ 9% de la population du pays et sont installés essentiellement dans le nord, aux confins du Kurdistan turc et irakien.

LE PRINCE CHARLES EN VISITE EN TURQUIE SE REND À MARDIN

Le prince Charles, héritier du trône britannique, en déplacement de trois jours en Turquie, a clos son voyage le 26 octobre à Mardin par la visite des sites historiques et religieux de l'antique cité de Mardin, dans le Kurdistan de Turquie. La visite du prince de Galles en Turquie s'inscrit dans une tournée de neuf jours qui a déjà conduit Charles en Italie et qui s'est achevé en Jordanie.

Entouré d'un important dispositif de sécurité, le prince de Galles s'est d'abord rendu à la madrasa Kasimiye, un centre d'enseignement religieux datant du XVe siècle, avant de visiter l'église syriaque orthodoxe de Kirklar (Ve siècle) et la mosquée Latifiye (XIVe siècle). Le prince Charles s'est également rendu au monastère de Deyrulzafaran, qui a été construit au Ve siècle et a abrité pendant plusieurs siècles le patriarcat de l'Eglise syriaque orthodoxe, l'une des plus anciennes Eglises au monde.

La ville multi-ethnique de Mardin, édifiée il y a environ 7.000 ans sur un piton rocheux dominant la plaine mésopotamienne, n'est pas parvenue, en dépit de ses efforts, a se faire inscrire sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco.

Le 25 octobre, le prince a présidé la cérémonie de réouverture du consulat général de Grande-Bretagne à Istanbul, qui avait été partiellement détruit en novembre par un attentat suicide attribué à une cellule turque du réseau terroriste Al-Qaïda. Il s'est ensuite entretenu à Ankara avec le président turc Ahmet Necdet Sezer et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, avant de se rendre à Mardin.

KIRKOUK: LES KURDES REVENDIQUENT SON ATTACHEMENT AU KURDISTAN AUTONOME

Des centaines de Kurdes ont manifesté le 25 octobre dans la ville pétrolière de Kirkouk pour demander son rattachement au Kurdistan d'Irak et menacé de boycotter les élections de janvier si ils ne peuvent pas récupérer leur propriétés confisquées par les Arabes. “Cette manifestation est un message adressé à ceux qui cherchent à marginaliser les Kurdes et à ne pas leur accorder leurs droits”, a déclaré lors de cette manifestation un membre du bureau politique du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), l'une des deux principales formations kurdes d'Irak, dirigé par Massoud Barzani.

Le 2 octobre, des Kurdes ont manifesté à Kirkouk, qui a été largement arabisée sous le régime du président déchu Saddam Hussein, pour demander un référendum sur l'avenir du Kurdistan et y rattacher la ville pétrolière.

Les Kurdes évoquent la politique d'arabisation menée par le régime de Saddam Hussein dans Kirkouk et sa province, qui avait culminé par l'opération dite “Anfal” consistant à déplacer les habitants d'un millier de villages kurdes de la région vers le sud de l'Irak. Pour les Turcomans et les Arabes, la question se pose autrement et les représentants des deux communautés s'inquiètent de l'implantation de nombreux Kurdes dans la ville et sa province de Taamim qui ne sont pas comprises dans la région autonome kurde.

Les tensions ethniques ont commencé à s'exacerber à Kirkouk entre Kurdes, Arabes et Turcomans à l'approche des élections de janvier. Les trois communautés de la ville ont également profité d'une récente rencontre avec le secrétaire au Foreign Office, Jack Straw, de passage dans la ville le 9 octobre pour plaider chacune sa cause. “Kirkouk est kurde et on ne peut pas revenir la dessus”, souligne Kémal Kirkouki, responsable local du PDK. “Notre peuple ne peut accepter une altération de ce fait historique comme a tenté de le faire Saddam Hussein en vidant Kirkouk de sa population kurde et en la remplaçant par des Arabes”, a-t-il souligné.

“La ville vit aujourd'hui une campagne de kurdisation systématique menée par les partis kurdes”, s'indigne Farouk Abdallah Abdelrahmane le président du Front turcoman, un parti soutenu et financé par la Turquie. “Notre position est que Kirkouk doit être la ville de toutes les ethnies et de toutes les religions même si son caractère turcoman se manifeste dans sa citadelle, sa vieille caserne et son architecture”, affirme-t-il. Les Turcomans représentent en fait environ 18 % de la population de la ville.

Le chef tribal sunnite Hassan Mizher al-Assi, accuse quant-à-lui “les partis kurdes d'avoir poussé 100.000 membres de cette communauté à s'installer dans la province, avec la complicité des Américains, sous le prétexte qu'ils ont été chassés de leurs terres par l'ancien régime”.

Le responsable des déplacés dans le province, Hassib Rojbeyani, insiste sur le droit des Kurdes de revenir dans leur région d'origine et fait état du retour de 16.000 familles, ce qui ne représente, selon lui, que le tiers des personnes chassées par l'ancien régime.

M. Straw, arrivé le 6 octobre à Ankara en provenance du Kurdistan irakien, où il s'est également entretenu avec les principaux dirigeants kurdes, a admis que la situation était complexe tout en invitant les protagonistes à résoudre leur différend par des négociations. “Nous comprenons que le problème sur Kirkouk est très difficile, mais il devra être réglé par la voie de négociations”, a-t-il déclaré.

L’IRAN FAIT MONTER LES ENCHÈRES EN REPRENANT L’ENRICHISSEMENT D’URANIUM

L'Iran est passé outre le 5 octobre aux inquiétudes suscitées par ses activités nucléaires et balistiques en faisant un premier pas vers la reprise de l'enrichissement d'uranium et en annonçant le même jour que ses missiles balistiques ont désormais une portée de 2.000 kilomètres. L'ancien président iranien Akbar Hachémi Rafsandjani, resté un personnage central du régime iranien, a révélé pour la première fois que l'Iran avait augmenté la portée de ses missiles balistiques à 2.000 kilomètres, fournissant un motif supplémentaire d'inquiétude à la communauté internationale et à Israël.

“Nous avons aujourd'hui la puissance de lancer nos missiles jusqu'à 2.000 km et les experts savent qu'une fois qu'un pays a franchi cette étape, toutes les suivantes sont accessibles”, a déclaré l'ancien président cité par l'agence officielle Irna.

L'Iran a testé le 11 août une version optimisée de son missile conventionnel Chahab-3. Sa portée était jusqu'alors chiffrée entre 1.300 et 1.700 km selon les sources iraniennes. Mais, après le 11 août, des sources israéliennes ont avancé que le Chahab pouvait désormais atteindre jusqu'à 2.000 km.

Peu après, la Commission des Affaires étrangères du parlement a adopté à la majorité une proposition de loi forçant le gouvernement iranien à reprendre l'enrichissement d'uranium, allant à l'encontre des demandes de la communauté internationale.

“Le gouvernement est tenu, en s'appuyant sur les scientifiques, les chercheurs et les moyens du pays, et en veillant au respect des engagements auxquels sont tenus l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et les pays qui disposent de cette technologie, d'agir pour que le pays maîtrise la technologie nucléaire civile, notamment le cycle de production de combustible”, c'est-à-dire l'enrichissement, affirme le texte, a indiqué Kazem Jalali le porte-parole de la commission des Affaires étrangères.

Si une telle loi était adoptée puis appliquée, elle entraînerait presque immanquablement l'envoi du dossier nucléaire iranien devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Toutefois, aucune date n'a été avancée pour l'examen du texte par le parlement. Selon les analystes, Téhéran veut ainsi souligner sa détermination à ne pas céder face aux pressions internationales et faire monter les enchères sur dossier nucléaire.

Le président du parlement, Ghola-Ali Hadad-Adel, ses deux vice-présidents, Mohammad Reza Bahonnar et Mohammad Hossein Aboutorabi, et tous les autres ténors de la majorité conservatrice font partie des 235 députés (sur un total de 290) qui ont signé la proposition de loi.

Cependant, l'adoption définitive d'un tel texte est soumise à de nombreuses contraintes, stratégiques et législatives. Il doit être soumis au vote de la séance plénière du parlement conservateur. Il devra ensuite passer le sas des institutions de contrôle. Et les décisions sur des questions aussi cruciales que le nucléaire sont prises au plus haut du pouvoir, dans un cercle restreint.

L'enrichissement d'uranium constitue une préoccupation majeure de la communauté internationale, inquiète que la technologie produisant le combustible pour les futures centrales iraniennes ne soit détournée pour fabriquer l'arme atomique.

L'Iran a accepté en octobre 2003 auprès des trois pays européens (Allemagne, France, Grande-Bretagne) de suspendre ses activités d'enrichissement, en gage de bonne foi. Mais l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) s'alarme depuis de ce qu'elle considère comme étant des remises en cause des engagements pris par Téhéran.

L'AIEA vient de presser l'Iran de suspendre “immédiatement” toutes ses activités d'enrichissement, y compris les opérations préalables, telles la construction de centrifugeuses et la production d'hexafluorure d'uranium (UF6), dont Téhéran a annoncé la reprise, arguant qu'elles ne sont pas constitutives de l'enrichissement.

A l'initiative des trois Européens, l'AIEA a aussi donné à l'Iran jusqu'au 25 novembre pour lever les doutes sur la nature de ses activités. Elle réserve sa décision pour sa prochaine session en novembre. Mais elle pourrait alors saisir le Conseil de sécurité si elle estime que l'Iran n'a pas satisfait à ses exigences.

STRASBOURG: LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR ENQUÊTE PÉNALE NON-EFFECTIVE, TORTURE ET CONDAMNATION DE SYNDICALISTES

La Cour européenne des droits de l'homme a condamné le 28 octobre la Turquie pour avoir insuffisamment enquêté sur le meurtre d'un homme tué en 1998, lors d'un affrontement entre les forces de l'ordre et des membres du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). L'affrontement avait eu lieu le 28 novembre à l'entrée du village de Narlica, situé dans la région de Diyarbakir où les forces de sécurité avaient dressé une embuscade, indique la Cour dans son arrêt.

L'homme mortellement blessé par balles, Izettin Zengin, avait dans un premier temps été présenté comme un terroriste par les autorités judiciaires avant qu'une enquête préliminaire n'aboutisse à la conclusion qu'il avait “probablement” été tué par des tirs des “terroristes” du PKK.

La Cour européenne, saisie par la veuve d'Izettin Zengin, a relevé que malgré l'ouverture d'une enquête, la justice turque n'avait pas ordonné d'examen balistique ni d'autopsie du corps et qu'elle n'avait pas entendu la requérante, des membres de sa famille ou des villageois. “L'Etat turc ne peut passer pour avoir mené une enquête pénale effective”, souligne la Cour concluant à une violation de l'article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l'homme “quant aux caractères de l'enquête mené”" et de l'article 13 (droit à un recours effectif).

Elle a alloué 12.000 euros pour dommage moral à Mme Zengin, qui affirmait également que son mari avait été tué par les forces de l'ordre. La Cour n'a pas suivi cette affirmation estimant que cette “conclusion (...) relèverait du domaine de l'hypothèse et de la spéculation plutôt que d'indices fiables”.

Par ailleurs, la Turquie a été condamnée le 26 octobre par la Cour européenne des droits de l'Homme pour des tortures infligées en mai 1998 à un homme accusé d'être proche de l'ex-Parti des travailleurs du Kurdistan (rebaptisé Kongra-Gel). Le 17 mai 1998, Abdurrahman Celik et Kasim Imret avaient été arrêtés par les autorités turques qui les soupçonnaient d'être des messagers du PKK, accusation pour laquelle ils avaient été ensuite relaxés.

Selon leurs déclarations, ils auraient subi pendant leur garde-à-vue des décharges électriques sur diverses parties du corps, notamment les organes sexuels. Ils auraient également été battus, privés de nourriture et d'eau, mis à l'isolement, menacés de mort et insultés.

La Cour européenne, estimant “peu convaincante” la version d'Ankara qui avait expliqué que M. Celik avait fait une chute, a estimé que les blessures décrites par ce requérant (ecchymose de 3 cm sous l'oeil et lésions à l'aine) “résultaient d'un traitement pour lequel le gouvernement turc est responsable”. Elle a ainsi condamné la Turquie pour violation de l'article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains) de la Convention européenne des droits de l'Homme.

En revanche, concernant le deuxième requérant, les juges européens ont accordé le bénéfice du doute à la Turquie et considéré qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 3, M. Imret n'ayant pas fourni d'indices de nature à étayer son allégation.

La Cour européenne a d'autre part estimé que les autorités turques avaient failli à engager rapidement des poursuites contre les policiers mis en cause et condamné Ankara pour violation de l'article 13 (droit à un recours effectif) pour les deux hommes. La Turquie devra verser 10.000 euros à M. Celik et 5.000 euros à M. Imret pour dommage moral.

D’autre part, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait donné raison le 19 octobres à six militants syndicaux kurdes de Turquie, condamnés à de la prison avec sursis en 1995 pour avoir diffusé un communiqué de presse hostile à la politique d'Ankara au Kurdistan.

La condamnation des requérants à dix mois de prison avec sursis, le 16 novembre 1995 par la cour de sûreté de l'Etat de Diyarbakir, contrevenait à la liberté d'expression des intéressés, garantie par la Convention européenne des droits de l'Homme, ont estimé les juges européens. De plus, la Cour a estimé que le procès des militants syndicaux n'avait pas été équitable, du fait de la présence d'un magistrat militaire dans la cour de sûreté de l'Etat.

Les requérants avaient été condamnés pour avoir vivement critiqué le gouvernement turc de l'époque, à qui ils reprochaient de ne pas respecter les droits fondamentaux des citoyens et de s'être « identifié à une logique exterminatrice ».

« Si certains passages, particulièrement acerbes, du communiqué de presse brossent un tableau des plus négatifs de la politique du gouvernement en matière de lutte contre le terrorisme, et donnent ainsi au récit une connotation hostile, ils n'exhortent pas pour autant à l'usage de la violence, à la résistance armée, ni au soulèvement, et il ne s'agit pas d'un discours de haine », a relevé la Cour, qui a condamné la Turquie à verser de 2.000 à 5.000 euros à chacun des requérants.

BILAN MITIGÉ DE L’ETAT DE LIBERTÉ DE LA PRESSE EN TURQUIE SELON REPORTERS SANS FRONTIÈRES

Reporters Sans Frontières (RSF) a dressé le 18 octobre un bilan mitigé de l'état de la liberté de la presse en Turquie, à la veille d'une visite privée, les 19 et 20 octobre, du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan à Paris.

Malgré les progrès accomplis sur le plan législatif au cours des deux dernières années dans la perspective de l'adhésion à l'Union européenne, les sujets concernant l'armée et la question kurde restent dans les faits sujets à de fortes pressions, souligne l'organisation de défense de la liberté de la presse, dont le siège est à Paris.

La nouvelle loi sur la presse adoptée en juin 2004 met officiellement fin aux sanctions les plus répressives à l'égard de la presse, telles que la suspension du média incriminé, relève RSF.

Cependant, selon RSF, la liberté d'initiative laissée au Haut Conseil de l'Audiovisuel turc (RTUK) en matière de sanction reste un obstacle au respect des nouvelles législations.

Le nouveau code pénal, récemment voté, accorde une plus grande liberté à la presse, mais il prévoit une peine de prison pour « propagande d'une organisation illégale ou de ses objectifs », la sanction étant aggravée si le délit est commis par voie de presse.

La liberté d'interprétation des juges dans de telles affaires peut aller à l'encontre de la liberté d'expression concernant des sujets « sensibles », précise l'organisation.

Elle souligne que plusieurs journalistes turcs ont fait ou font encore les frais de lois qui ne respectent pas encore les normes de l'UE en matière de liberté de la presse.

Tout en saluant l'autorisation d'émettre en langue kurde, RSF déplore les pratiques arbitraires du RTUK et la détention de nombreux journalistes pro-kurdes, mais aussi islamistes et d'extrême gauche notamment.

Par ailleurs, un journaliste turc du quotidien Hurriyet a été interpellé le 15 octobre à Istanbul et amené dans les locaux de la police antiterroriste de la métropole en raison d'une récente interview sur le PKK. Sebati Karakurt, photographe à Hurriyet qui a son siège à Istanbul, a été interpellé à son domicile par une dizaine de policiers.

Le journaliste avait réalisé un entretien, publié le 10 octobre, avec Murat Karayilan, chef militaire de l'ex-Parti des Travailleurs du Kurdistan (rebaptisé Kongra-Gel) dans les montagnes du nord de l'Irak. Dans son photo-reportage qui s'étalait sur deux pages, le journaliste évoquait notamment « la transformation » au sein de l'organisation qualifiée de « terroriste » par la Turquie, les Etats-Unis et l'Union européenne.

Des photos montraient des femmes en treillis, souriantes, l'air décontracté. L'une d'elles portait également une guitare sur l'épaule. Le reportage a provoqué un certain émoi dans l'opinion publique turque.

Le Conseil de la presse turque a vivement condamné la descente policière visant l'appartement du journaliste, affirmant qu'elle va à l'encontre des aspirations européennes de la Turquie.

PARIS: SEMAINE DES CULTURES ÉTRANGÈRES

« L’étranger dans la ville" a été la thématique de la troisième édition de la semaine des cultures étrangères qui s’est déroulée à Paris du 27 septembre au 3 octobre 2004. Pendant une semaine, les étrangers de Paris et leurs institutions culturelles ont invité les parisiennes et les parisiens à venir à leur rencontre pour découvrir les cultures étrangères en visitant les 35 centres et instituts culturels étrangers de Paris dont l’Institut kurde de Paris.

À l’occasion du vingtième anniversaire de la mort du grand cinéaste kurde Yilmaz Güney, l'Institut kurde, dont il fut l’un des cofondateurs, lui a rendu hommage en proposant deux manifestations de commémoration : Un Rassemblement de souvenir et de recueillement le 9 septembre 2004 à 13h00 sur sa tombe au cimetière du Père-Lachaise , puis du 29 septembre au 12 octobre 2004 une rétrospective de ses films présentée au Cinéma l’Archipel, à Paris. La rétrospective proposait les films « Seyyit Han », « Umut » (Espoir), « Agit » (Elégie), « Arkadas » (Le copain), « Düsman » (L’ennemi), « Sürü » (Le troupeau), « Yol » palme d’Or au Festival de Cannes en 1982, « Endise » (L’inquiétude), « Aç Kurtlar » (Les loups affamés), « Zavallilar » (Les malheureux).

Dans le cadre de la Semaine des cultures étrangères, une exposition de peintres kurdes (Ziya Aydin, Ali Hadi, Ramzi Ghotbaldin et A. Jalal Seirko), sur le thème de « l’étranger dans la ville » a également été organisée du 28 septembre au 9 octobre dans les locaux de l’Institut kurde de Paris. Tout au long des deux semaines d’exposition, de nombreux visiteurs, réguliers comme nouveaux, ont été accueillis à l’Institut. Les Kurdes se sont également rendu dans de nombreux autres centres pour profiter d’un programme très riche repris largement par la revue Zurban, par la radio et la presse écrite.

AINSI QUE...

LA CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR L’IRAK: LE GOUVERNEMENT IRAKIEN REPRÉSENTERA SEUL L’IRAK EN EGYPTE CONTRAIREMENT AUX SOUHAITS DE PARIS


La conférence internationale sur l'Irak aura lieu les 22 et 23 novembre prochains à Charm-el-Cheikh, station balnéaire égyptienne sur la mer Rouge, ont annoncé le 20 octobre des responsables égyptiens et américains. Le secrétaire d'Etat américain adjoint William Burns, qui a été reçu par le président égyptien Hosni Moubarak, a précisé que cette conférence aurait pour thème central la stabilisation du pays. “C'est une occasion d'aider les Irakiens et le gouvernement irakien à organiser et garantir un processus politique en Irak”, a expliqué M. Burns après son entretien avec le raïs égyptien.

Il a ajouté que cette réunion ne serait ouverte qu'aux représentants du gouvernement intérimaire irakien et non aux opposants à l'actuelle administration pro-américaine. “Il s'agit de fournir un message de soutien en faveur d'un processus politique interirakiens mais, à nos yeux, cette réunion concerne d'abord les représentants du gouvernement”, a souligné le diplomate américain.

A Bagdad, le ministre irakien des Affaires étrangères Hochyar Zebari a confirmé que les mouvements d'opposition “ne prendront pas part à cette conférence parce que le gouvernement irakien (...) est pour l'heure l'entité souveraine représentant l'Irak”.

Le gouvernement de Bagdad demandera aux pays participant de l'aider à améliorer la sécurité dans le pays et à préparer les élections qui doivent se tenir d'ici janvier 2005, ont déclaré des responsables.

“Nous demanderons aux participants à la conférence leur assistance et leur coopération pour nous aider à bâtir l'armée irakienne ainsi que notre potentiel en matière de sécurité”, a déclaré M. Zebari. “Nous demanderons aux pays participants de soutenir le processus électoral, d'aider le gouvernement et le peuple irakien à garantir un climat politique propice et positif et d'encourager tous les partis irakiens à participer à ce processus électoral”, a ajouté Zebari, précisant que le gouvernement souhaitait toujours que les élections se tiennent dans tout le pays d'ici fin janvier 2005.

Il a affirmé que plus l'Irak serait aidé dans la mise en place de ses forces de sécurité, plus vite les forces de la coalition internationale pourraient quitter le pays.

Le ministre irakien des Affaires étrangères a enfin exhorté les Nations unies à renforcer leur présence en Irak et à s'engager davantage pour aider dans l'organisation des élections.

Pour la réussite de cette réunion, la France avait souhaité que “la représentation des forces irakiennes soit aussi large que possible” et que soit élargi au maximum “le cercle des participants pour y inclure tous ceux qui refusent la violence”. Le ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier a évoqué le 25 octobre l'idée d'une réunion “inter-irakienne”, incluant les groupes irakiens prêts à renoncer à la violence, qui coïnciderait ou suivrait la conférence internationale sur l'Irak. S'exprimant à l'issue d'une rencontre informelle avec ses homologues européens et nord-africains dans le cadre du Forum Méditerranéen, Michel Barnier a estimé que la conférence de Charm el-Cheikh risquait de ne pas atteindre son but, à savoir aider l'Irak à sortir du “trou noir” de la violence.

La conférence de Charm el-Cheikh devrait réunir les représentants des pays voisins de l'Irak, du G8, de la Chine, des Nations unies, de la Ligue arabe, de l'Organisation de la Conférence islamique et de l'Union européenne.

BERLIN: LE GOUVERNEMENT ALLEMAND DÉCIDÉ À VÉRIFIER SI SES CHARS NE SONT PAS EMPLOYÉS CONTRE LES KURDES EN TURQUIE


Le gouvernement allemand va vérifier des informations d'un ancien militaire est-allemand, selon lequel des chars allemands auraient été déployés dans une région kurde de Turquie, en infraction à un traité de 1994, ont indiqué le 20 octobre à Berlin des porte-parole du gouvernement allemand.

Ces derniers ont cependant souligné, lors d'un point de presse, qu'ils n'avaient jusqu'à présent “aucune connaissance” d'un tel emploi des chars allemands par la gendarmerie turque, comme l'a rapporté le 19 octobre la chaîne de télévision publique ZDF, citant un historien militaire et ancien chef de compagnie de chars de l'Armée nationale populaire (NVA) de RDA, Joerg Siegert. Selon l'émission "Frontal 21", ces blindés de RDA ont été déployés dans la province de Sirnak.

M. Siegert affirme avoir reconnu formellement ces engins à leur carrosserie en visionnant un film tourné en secret au cours des derniers jours. ZDF relève que des Kurdes ont été expulsés à nouveau de leurs villages dans la région de Sirnak.

De son côté, le porte-parole du gouvernement Bela Anda a rappelé que “les dispositions du traité excluent” un tel usage, tout en soulignant que “le gouvernement allemand ne dispose d'aucune information selon lesquelles ce serait le cas. Il est clair que l'on prend au sérieux ces reproches et qu'on vérifie ce qui a été rapporté” lors de cette émission télévisée, a-t-il dit.

Le traité de 1994 autorisait la livraison de ces chars destinés à la défense nationale, à condition qu'ils ne soient pas utilisés dans les zones frontalières peuplées de Kurdes.

M. Anda s'est refusé à toute spéculation sur les conséquences que pourrait avoir la confirmation d'une telle utilisation des chars allemands, en violation d'un accord. Il a rappelé qu'”une demande n'a pas été soumise” à l'Allemagne pour la livraison de chars Leopard II, comme l'a rapporté la presse allemande.

La Turquie a exprimé depuis longtemps son intérêt pour la livraison de plusieurs centaines de chars Leopard II, appartenant actuellement à la Bundeswehr, l'armée allemande.

LE CONTINGENT DE LA CORÉE DU SUD CONTROLERA LES AFFAIRES CIVILES ET LA RECONSTRUCTION À ERBIL


la Force multinationale conduite par les Etats-Unis a annoncé le 3 octobre avoir cédé au contingent de la Corée du Sud le contrôle des affaires civiles et de la reconstruction dans la région kurde d'Erbil. “A partir de la date du 1er octobre, plus de 2.500 soldats de la République de Corée sont en charge (...) des opérations de stabilisation et des affaires civiles dans la province d'Erbil”, indique un communiqué de la force.

La Corée du Sud a annoncé le 22 septembre avoir porté à 2.800 soldats son contingent en Irak, auquel viendront s'ajouter en novembre 800 autres militaires, faisant d'elle la troisième force dans le pays après le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Séoul disposait déjà de 660 hommes en Irak, membres du génie civil et du corps médical. Au total, les troupes sud-coréennes atteindront en novembre 3.600 soldats, détrônant ainsi l'Italie à la troisième place des troupes de la force multinationale.

Le contingent sud-coréen, basé à Erbil, doit entamer sa mission de réhabilitation et de reconstruction, strictement limitée à ces domaines par le parlement sud-coréen.

LE CHEF DE LA POLICE D’ERBIL ASSASSINÉ PAR UNE ORGANISATION ISLAMISTE


La police d’Erbil a, le 23 octobre annoncé le meurtre par balles du chef de la police de la ville, le colonel Taha Ahmad Omar, à la sortie d'une mosquée de la ville après la prière de l'aube. Il s'agit de l'un des rares incidents survenus dans la région kurde, épargnée par les violences qui secouent le centre et l'ouest du pays.

Jeich Ansar al-Sunna, un groupe lié à l'organisation terroriste Al-Qaïda a revendiqué l'assassinat dans un communiqué publié sur son site internet. Ce groupe terroriste, qui se présente comme une alliance de plusieurs groupuscules islamistes “jihadistes”, a affiché à plusieurs reprises sur son site internet des vidéos montrant l'exécution d'otages étrangers et d'Irakiens “collaborant” avec les forces américaines.

DEUX JOURNALISTES TUÉS À BAGDAD ET À MOSSOUL


Deux journalistes irakiens ont été tués le 14 octobre à la sortie de leur domicile, respectivement à Bagdad et à Mossoul, dans le nord de l'Irak, a annoncé Reporters sans frontières (RSF) dans un communiqué.

Selon l'organisation de défense de la presse, Dina Mohammed Hassan, journaliste à la télévision Al-Hurriya (liberté), a été abattue alors qu'elle sortait de chez elle, dans le quartier Al-Adhamiya de la capitale, pour se rendre à son bureau. Al-Hurriya est une chaîne de télévision en arabe, de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani.

Karam Hussein, photographe à l'agence de presse photo EPA depuis trois mois, a été également abattu devant son domicile à Mossoul par quatre hommes armés qui ont pris la fuite, d'après RSF. Il avait précédemment travaillé pour l'agence de presse américaine Associated Press.

Avec ce double assassinat, « au moins 29 journalistes et 15 collaborateurs des médias ont été tués depuis le déclenchement de la guerre en Irak en mars 2003 », relève RSF.

ONU : LE PROGRAMME « PÉTROLE CONTRE NOURRITURE » FINANCERA L’ENQUÊTE SUR LES ACCUSATIONS DE CORRUPTION AU SEIN DE CE PROGRAMME


Le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan a annoncé le 13 octobre que l'ONU allait utiliser 30 millions de dollars de revenus tirés du programme « pétrole contre nourriture » pour enquêter sur des accusations de corruption au sein du programme. Dans un courrier adressé au Conseil de sécurité, Kofi Annan a expliqué qu'il avait décidé d'utiliser l'argent d'un compte marqué pour couvrir le coût des investigations jusqu'à la fin de l'année 2005.

Les 191 pays membres des Nations unies participent à divers niveaux au budget annuel de l'ONU, qui s'élève à environ 1,4 milliard de dollars. Or, selon le porte-parole onusien Stéphane Dujarric, le budget, déjà très entamé, ne pourra pas absorber le coût de cette enquête.

Kofi Annan a donc décidé de ponctionner le programme « pétrole contre nourriture », dont le budget est actuellement de 300 millions de dollars, pour financer l'enquête. Il a expliqué qu'il en avait averti le gouvernement irakien.

Le programme « pétrole contre nourriture » a permis à l'Irak, de décembre 1996 à novembre 2003, de vendre une quantité illimitée de pétrole à condition que l'argent serve essentiellement à acheter des fournitures humanitaires et à payer des réparations aux victimes de la guerre du Golfe en 1991.

En janvier, le quotidien irakien "Al-Mada" a publié une liste d'environ 270 personnes –anciens responsables gouvernementaux et onusiens, activistes ou journalistes- suspectées d'avoir profité des ventes de pétrole de l'Irak par le biais de ce programme. Récemment, un rapport des inspecteurs en armement américains a accusé l'ancien gouvernement irakien d'avoir manipulé le programme.

AU KURDISTAN TURC LES ACCROCHAGES ENTRE LE PKK ET L’ARMÉE TURQUE SE MULTIPLIENT


Les accrochages se sont multipliés depuis que le PKK a mis fin en juin dernier à un cessez-le feu décrété unilatéralement après la capture de son chef, Abdullah Ocalan, en 1999.

Un membre des forces de sécurité turques a été tué et trois autres ont été blessés le 27 octobre au soir au cours d'un affrontement avec des combattants kurdes dans la province de Bingol, selon des sources de sécurité locales. Selon la police turque, un groupe du PKK aurait attaqué un commissariat dans la région rurale de Genc. L'agence de presse semi-officielle Anatolie affirme pour sa part que les combattants du PKK ont attaqué une patrouille des forces de sécurité turques à la grenade et avec des armes de gros calibre.

Par ailleurs, deux membres des forces de sécurité turques ont été tués lors d'affrontements avec le PKK dans la nuit du 23 octobre dans la province de Dersim. Selon les informations fournies à l'agence de presse Anatolie par les services du gouverneur de Tunceli, les deux victimes ont été tuées lors d'une attaque à la roquette menée contre une unité de l'armée par des combattants du PKK. L'agence a précisé que des opérations de ratissage disposant d'un soutien aérien se poursuivaient pour capturer les “terroristes”. Le 2 octobre, un soldat turc avait été tué et trois autres soldats blessés au cours d'affrontements avec le PKK dans la même province. Les affrontements aviaient éclaté au cours d'une opération de sécurité, soutenue par l'aviation, à proximité de la région rurale de Kutuderesi.

Le lendemain, deux soldats turcs ont été tués et quatre autres blessés lors de l'explosion d'une mine télécommandée au passage de leur véhicule, dans la province de Diyarbakir selon des sources de sécurité de la région. Les militaires effectuaient une ronde dans une zone rurale proche de la ville de Dicle, près de la frontière irakienne, quand la mine a explosé.

Dans la province de Batman, des combattants kurdes ont le même jour saboté un oléoduc. Selon l’agence Anatolie, des combattants du PKK ont fait exploser une bombe à retardement, causant un incendie, qui a pu être maîtrisé. Quelque 6.000 barils de pétrole se sont répandus dans la nature à la suite de cet attentat, ont précisé des responsables de la Société anonyme des pétroles de Turquie (TPAO).

D’autre part, un sous-officier turc a été tué et trois autres soldats blessés dans l'explosion le 9 octobre d'une mine posée sur une route près de Gercus. Le véhicule qui a sauté sur l'engin, posé selon les autorités par des membres du PKK, transportait des soldats de retour d'une mission de patrouille, a précisé le gouverneur local Haluk Imga

APRÈS UNE ODYSSÉE DE QUINZE JOURS EN MER, TREIZE DEMANDEURS D’ASILE KURDES DÉBARQUENT EN SICILE


Treize demandeurs d'asile kurdes, ballottés entre l'Italie et Malte, ont été autorisés le 23 octobre à débarquer en Sicile après une odyssée de plus de quinze jours en Méditerranée, reclus à bord d'un cargo allemand.

La porte-parole pour l'Italie du Haut Commissariat de l'ONU aux Réfugiés Laura Boldrini, a déclaré: “Ils sont partis le 3 octobre, ils ont d'abord passé une semaine enfermés dans un conteneur en fer et ont ensuite été dans une cabine de 7 mètres carrés où il manquait l'air et l'eau”.

La police italienne, qui les avait découverts cachés dans un conteneur du navire le 9 octobre, lors d'un contrôle au port calabrais de Goia Tauro (sud), les avait en effet refoulés dans un premier temps et avait obligé le bateau où ils se trouvaient à reprendre la mer.

Chassés par l'Italie, les treize clandestins, onze adultes et deux adolescents originaires de Turquie, s'étaient ensuite heurtés à un refus des autorités maltaises de laisser accoster le cargo. Il a fallu que le Haut Commissariat aux Réfugiés et l'armateur lancent un appel à l'aide pour que la situation, devenue “extrêmement tendue”, l'un des clandestins ayant tenté de mettre fin à ses jours, se débloque. “Notre représentant a saisi verbalement les autorités italiennes à Genève et à Malte”, a précisé Mme Boldrini. “Le propriétaire allemand du bateau Matthias Dabelstein a de son côté pris la responsabilité de ne pas rentrer en Turquie et de rester dans les eaux internationales”, a-t-elle ajouté.

"L'objectif a été atteint, permettre à ces gens de demander l'asile. L'Italie se plie à ses obligations internationales qui prévoient que le bateau une fois entré dans les eaux territoriales d'un Etat membre de l'Union européenne, ce dernier prend la responsabilité de ses occupants", a-t-elle poursuivi.

L'Italie, confrontée à l'arrivée de nombreux clandestins par la mer, est tentée d'utiliser la manière forte pour dissuader certains immigrants d'embarquer clandestinement. Elle a ainsi procédé début octobre à une série d'expulsions instantanées par charter vers la Libye et c'est de très mauvaise grâce qu'elle avait accepté le débarquement en juillet de 37 boat people africains, récupérés en mer par l'asociation humanitaire allemande Cap Anamur et passés d'abord par Malte. Ces derniers ont presque tous été ensuite renvoyés par avion au Ghana et au Nigeria.