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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 74

30/9/1997

  1. L'ARMÉE TURQUE CONDAMNÉE POUR "TRAITEMENT INHUMAIN ET DÉGRADANT" PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, À STRASBOURG
  2. UNE NOUVELLE INCURSION DE L'ARMÉE TURQUE DANS LE KURDISTAN IRAKIEN
  3. ARRESTATION DE 506 RÉFUGIÉS KURDES IRAKIENS
  4. LES ASSASSINS SONT ENCORE EN SERVICE
  5. DIX BARREAUX TURCS DÉNONCENT L'EMPRISE DE LA MAFIA SUR L'APPAREIL DE L'ÉTAT
  6. FIN DE LA GRÈVE DE LA FAIM DANS LA PRISON DE MALATYA
  7. SELON LE DÉPUTÉ ELKATMIS DES DOCUMENTS COMPROMETTANT L'ARMÉE' ONT ÉTÉ SOUSTRAITS DU DOSSIER DE SUSURULUK
  8. UN MINISTRE DU CABINET TURC SE DÉCLARE POUR UNE TÉLÉVISION DIFFUSANT EN LANGUE KURDE
  9. SELON MME ÇILLER LE PREMIER MINISTRE YILMAZ N'EST QU'UN CAPORAL AUX ORDRES DE L'ARMÉE
  10. REPORT DES MANOEUVRES MILITAIRES TURCO-ISRAÈLIENNES


L'ARMÉE TURQUE CONDAMNÉE POUR "TRAITEMENT INHUMAIN ET DÉGRADANT" PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME, À STRASBOURG


La Cour européenne des droits de l'homme a condamné le jeudi, 25 septembre, la Turquie de viol et torture d'une jeune kurde. Le verdict de la Cour affirme que "Sukran Aydin a été torturée et violée par la police dans la ville de Derik, province de Mardin, durant les trois jours de sa mise en garde à vue en 1993" en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, dont la Turquie est un pays signataire. La Cour considère, par ailleurs, que la plaignante n'a pas pu user de son droit de recours interne, empêchée par les autorités judiciaires et militaires turques, contrairement à l'esprit de l'article 13 de la Convention. Au moment des faits Sukran avait 16 ans. Elle a été arrêtée, le 29 juin 1993, avec son père et sa belle soeur, par des gendarmes et des protecteurs de villages. Durant sa garde à vue, les yeux bandés, elle a été tabassée, déshabillée, placée dans un pneu et soumise à de forts jets d'eau. Elle a par la suite été violée par les forces de sécurité et libérée, avec les autres membres de sa famille, trois jours après sa mise en détention. Selon la défense présentée par les avocats du gouvernement turc; ni la plaignante ni les membres de sa famille n'ont jamais été mis en détention. La Commission européenne des droits de l'homme a déclaré l'affaire de "S. Aydin" recevable le 28 novembre 1994. Des membres de la dite Commission se sont rendus à Ankara le mois de juin 1995 pour auditionner les parties concernées (la plaignante et les membres de sa famille arrêtés ainsi que les gendarmes en service au moment des faits) et des témoins, afin d'établir les faits. Des auditions ont également eu lieu à Strasbourg en octobre 1995. La Commission a rendu son rapport à la Cour le mois mars 1996 en exprimant son opinion concernant la violation par la Turquie des articles 3 et 13 de la Convention. Dans son verdict du 25 septembre, la Cour condamne la Turquie et lui demande de verser à la plaignante, pour dommages et intérêts, la somme de 25 000 livres sterling et couvrir la majeur partie des dépenses engagées par les avocats la plaignante qui s'élèvent à 37360 livres sterling.

Toujours dans cette chronique judiciaire turque, deux familles kurdes ont, le 24 septembre, porté plainte contre le ministre de l'Intérieur turc; le poursuivant pour le meurtre de leur deux enfants âgés de 12 et 14 ans par les forces de sécurités turques. "L'instruction a révélé que "Tim" (les forces spéciales turques) sont impliquées. Nous usons de notre droit légal et nous avons présenté notre plainte à la Cour suprême" a déclaré l'avocat des deux familles, Me Tevfik Karabulut.



UNE NOUVELLE INCURSION DE L'ARMÉE TURQUE DANS LE KURDISTAN IRAKIEN


L'armée turque, forte de 15000 soldats et appuyée de 130 chars, a pénétré, le mardi 23 septembre, dans le Kurdistan irakien en profondeur de 50 km, par la porte de Habur. Déjà, en de mai dernier environ 50 000 soldats turcs, appuyés par les chars et l'aviation, ont fait une incursion dans le Kurdistan sous prétexte de poursuivre "les terroristes du PKK". Les généraux turcs déclarent qu'"après avoir détruit les camps des séparatistes dans le Nord de l'Irak, le PKK a repris ses positions". Le porte parole du ministère des Affaires étrangères turques a qualifié quant à lui cette opération de "routinière et limitée". Cette déclaration a au moins le mérite de clarté; depuis 1987, l'armée turque a conduit 16 opérations militaires de ce genre au Kurdistan irakien et c'est toujours la population civile qui en est la principale victime.

L'aviation turque est entrée en action le lendemain de l'opération terrestre: bombardant les zones frontalières avec la Syrie et l'Iran. Ces deux derniers pays sont accusés par les autorités turques de prêter main forte aux militants du PKK. Les zones touchées par les bombardiers turcs F4 et F16 sont Khwakurk, Zab, Çiyaiyê Sipî, Çiyayê bêkher et le passage de Sindi. En une semaine de combats le porte parole militaire turc a déclaré que "jusqu'à aujourd'hui il y a 242 membres du PKK tués, 4 capturés et 3 se sont rendus" et que l'armée a perdu 6 soldats et 11 sont blessés. Le PKK récuse ces chiffres et présente son propre bilan: 23 soldats tués et ne signale aucune perte dans ses rangs.

Côté réactions: le ministre irakien des Affaires étrangères, Mohammed Saeed al-Sahaf, dans une lettre adressée au secrétaire général de l'ONU, lui a demandé de "condamner cette nouvelle agression contre un membre des Nations unies" et que "l'Irak se réserve le droit légitime en vertu du Droit international de choisir la réponse appropriée contre une telle agression". Le Royaume-Uni se dit préoccupé. La Duma russe a dans un communiqué déclaré que les militaires turcs "mènent des actes de génocide contre le peuple kurde martyrisé" et demandé à la communauté internationale de prendre "des mesures urgentes afin de mettre un terme à cette agression". L'Union des Parlements arabes, basée à Damas, a condamné, le 27 septembre, l'incursion militaire turque la qualifiant de "menace à l'indépendance et à l'intégrité territoriale d'un pays arabe".



ARRESTATION DE 506 RÉFUGIÉS KURDES IRAKIENS


506 réfugiés du Sud Kurdistan ont été mis en garde à vue pour avoir tenté de s'échapper vers la Grèce. Les réfugiés ont expliqué qu'ils ont remis de l'argent, entre 1300 et 1500 dollars par personne, à des réseaux afin qu'ils organisent leurs passages. 450 réfugiés ont été arrêté dans une ferme alors qu'ils s'apprêtaient à embarquer dans un poids lourd pour passer en Grèce. 5 personnes de ce réseau ont été également placées en garde à vue. Par ailleurs à Mugla, 56 autres réfugiés, arrêtés dans le canal, voitures et minibus, ont subi le même sort. Les réfugiés, originaires de Suleymaniye et de Duhok, se sont lamentés en soulignant qu'ils ont donné tous leurs biens et qu'aujourd'hui ils se retrouvent à la rue. En somme les réseaux leur avaient soutiré de l'argent et les avaient par la suite abandonnés à leur sort.

L'exode des Kurdes irakiens fuyant l'insécurité et la misère qui sévissent dans leur pays prend des proportions inquiétantes. Plus de 4000 d'entre eux se trouvent actuellement en Grèce d'où ils espèrent pouvoir regagner des pays d'Europe occidentale. Médecins du Monde-Grèce, avec le concours de l'Institut kurde de Paris, de Fance-Libertés et des ONG locales, a organisé les 20 et 21 septembre à Athènes un symposium sur ce drame. La chaîne franco-allemande ARTE a, le 23 septembre, diffusé un documentaire sur ce problème.



LES ASSASSINS SONT ENCORE EN SERVICE


Le 24 septembre 1996, 10 militants de PKK (parti des travailleurs du Kurdistan ), indépendantiste, ont été sauvagement massacré et 23 autres blessés par des militaires et policiers chargés de les surveiller à la prison de Diyarbakir. 29 agents de police et 36 militaires conduits devant la Cour d'Assises de Diyarbakir, n'ont à ce jour aucun ordre d'arrestation à leur encontre. L'atmosphère était particulièrement tendue lorsque Ahmet Sever, un des prisonniers qui a pu échapper au massacre, est entré dans la salle d'audience accompagné d'un militaire, Solmaz Karaoglan, accusé dans l'affaire en cours. De nombreuses personnalités présentes au procès, tels que des membres de l'Association des droits de l'Homme ont écouté le témoignage de Sever qui a raconté le massacre de ses amis et ses 10 jours de soins intensifs. Des familles de victimes ont soutenu que l'opération était planifiée et certaines se sont portées parties civiles. Quant aux accusés, ils ont déclaré qu'ils ont été attaquée à coup de pierres, de bâtons, et de savons et que les détenus se sont blessés entre eux. La cour après avoir refusé de délivrer des ordonnances d'arrestations à l'encontre des accusés, a repoussé l'audience jusqu'au 23 septembre.



DIX BARREAUX TURCS DÉNONCENT L'EMPRISE DE LA MAFIA SUR L'APPAREIL DE L'ÉTAT


Dans un communiqué commun, signé par les présidents de barreaux de dix grandes villes, dont ceux d'Istanbul et d'Izmir, affirmant que l'Assemblée nationale et le gouvernement turc n'ont pas rempli leurs fonctions. Au cours d'une réunion à Istanbul, Yücel Sayman, président de barreau, affirme que le coup d'État militaire du 12 septembre avait mis fin à l' État de droit en assujettissant le droit au service de l'État qui a été sacré. Il a ajouté qu' au sein de la puissance publique il existe des forces politiques très influentes qui s'adonnent à diverses pratiques illégales; meurtres, trafic de drogues et d'armes, protection des membres de la mafia, tortures et pressions de toutes genres. Ces moyens illégaux leur auraient permis d'amasser une vraie fortune, investie dans des régions touristiques et dans des casinos. Il a visé à ce titre les milieux politiques et économiques, les services de renseignements, de polices, et des fonctionnaires.



FIN DE LA GRÈVE DE LA FAIM DANS LA PRISON DE MALATYA


Les détenus du PKK de la prison de Malatya ont cessé au bout du 32ème jour, leur grève de la faim qui avait débuté le 23 août. A la suite des négociations entreprises avec le procureur de la République Zafer Sipahi et le directeur de la prison Ismail Aksoy, les grévistes ont obtenu satisfaction. Ils revendiquaient entre autres, le droit illimité à l'assistance juridique, la possibilité d'avoir accès à tous les journaux légaux, la levée des limites aux visites familiales et la réunion des détenus politiques hommes et femmes. Les représentants des grévistes ont remercié les familles de détenus, l'association des droits de l'homme et les autres organisations qui ont apporté leur soutien. De plus, dans les prisons de Yozgat, Ordu, Giresun, les détenus protestent contre le système cellulaire. Certaines familles ont par ailleurs menacé de s'immoler devant les portes des maisons d'arrêt. A Çankiri , les prisonniers politiques ont décidé de boycotter les tribunaux et hôpitaux à partir du 22 septembre pour protester contre les conditions d'accès à ces services. Ils ont déploré l'absence de médecin et de dentiste dans l'établissement pénitencier qui compte 3000 détenus et n'accueille qu'un médecin une fois par mois.



SELON LE DÉPUTÉ ELKATMIS DES DOCUMENTS COMPROMETTANT L'ARMÉE' ONT ÉTÉ SOUSTRAITS DU DOSSIER DE SUSURULUK


Mehmet Elkatmis, parti de la prospérité (RP), président de la commission d'enquête sur l'affaire Susurluk, a accusé Mustafa Kalemli, président de l'Assemblée nationale, d'avoir soustrait du rapport, les documents concernant les forces militaires. Elkatmis a souligné que lorsque Kalemli a été mis au courant d'une éventuelle audience du président Kenan Evren, qui aurait chargé Abdullah Catli d'une affaire à l'étranger, le président de l'assemblée a demandé que l'audience n'ait pas lieu. Elkatmis a affirmé que Kalemli a retiré du dossier d'autres documents parmi lesquels l'un faisait part du transport d'héroïne par voie d'hélicoptère militaire. Kalemli, dans une interview accordé au quotidien Hürriyet, a rétorqué en soulignant qu'un rapport qui comptait 52 mille documents ne pouvait tout contenir.



UN MINISTRE DU CABINET TURC SE DÉCLARE POUR UNE TÉLÉVISION DIFFUSANT EN LANGUE KURDE


Salih Yildirim, ministre d'État responsable du projet d'Anatolie Sud-Est (GAP), a, le 17 septembre, déclaré que le faible niveau d'éducation dans les régions du Sud-Est, peuplés de Kurdes, rendait nécessaire une diffusion en langue kurde des informations télévisuelles. Yildirim, au cours d'une conférence de presse, a souligné que la moitié des femmes et 20% des hommes ne savaient pas parler le turc et qu'il ne voyait pas d'inconvénients à ce que les informations soient diffuse en kurde. Il a, d'autre part, ajouté que 95% des habitants de la région sont en faveur de l'unité territoriale. Depuis une dizaine d'années des ministres turcs font de temps à autre des déclarations en faveur de la reconnaissance des droits linguistiques des Kurdes. En son temps, M. Demirel avait parlé de la nécessité de "reconnaître la réalité kurde"; le président Ozal avait publiquement évoqué une solution fédéraliste au problème kurde, Mme. Çiller proposé son "modèle basque" et l'actuel Premier ministre M. Yilmaz "la recherche d'une solution politique". Ces déclarations et promesses sont toutes restées lettre morte: le pourvoir de décision en la matière appartenant aux militaires. De ce fait, même la presse locale n'y accorde plus qu'un entrefilet en page intérieur.



SELON MME ÇILLER LE PREMIER MINISTRE YILMAZ N'EST QU'UN CAPORAL AUX ORDRES DE L'ARMÉE


Dans un discours, prononcé le 25 septembre, à Samsun, bastion du parti de la Juste Voie (DYP), Mme Çiller a critiqué avec véhémence le gouvernement et qualifié le Premier ministre de "caporal sans honneur aux ordres de l'armée" déclenchant ainsi la colère non seulement des milieux politiques mais également des militaires. "Aucun ministre élu à ce jour, n'avait eu le déshonneur d'accepter de devenir un caporal" a-t-elle lancé à la foule qui comptait parmi elle certains députés islamistes et des membres du parti de l'Action nationaliste (MHP) et du parti de la Grande Union (BBP), ultra-nationaliste. Certains caporaux en service auraient demandé à leurs commandants l'autorisation d'aller demander des comptes à Ciller, et le central téléphonique du Conseil supérieur des forces armées auraient été saturé. Ismet Sezgin, ministre de la défense, ainsi que certains membres du parti de la Juste Voie (DYP) tel que Mehmet Gözlükaya, porte parole du groupe parlementaire du DYP, ont déploré les propos de Mme. Çiller, au même titre que des associations d'anciens combattants ou des familles de militaires en service à Chypre ou dans le Kurdistan; tous soulignant les mérites des caporaux. Le premier ministre Yilmaz a déclaré ne pas vouloir porter l'affaire devant les tribunaux.



REPORT DES MANOEUVRES MILITAIRES TURCO-ISRAÈLIENNES


Les manoeuvres militaires conjointes prévues entre la Turquie, l'Israël, et les États-Unis, source de tension au Moyen-Orient, ont été repoussées au mois de janvier. Les États-Unis ont annoncé que les manoeuvres prévues pour les 16 et 20 novembre ont été repoussées à la demande de l'Israël. La Syrie en tête, le monde arabe avait accueilli avec crainte ces manoeuvres maritimes, dites de recherche et de sauvetage. L'opération qui avait fait l'objet des discussions entre le président Mubarek et le président Demirel, lors de la récente visite de celui-ci en Égypte, n'avait guère convaincu les responsables égyptiens.

Le porte parole de l'armée de mer américaine, le capitaine Patrick Moore, a déclaré à l'Agence France Presse que cet ajournement était dû à problème de calendrier du côté israélien. Cependant la nouvelle n'a été confirmée ni par les ambassades israéliennes et américaines à Ankara, ni par le ministère des affaires étrangères. Selon certains observateurs, la sauvegarde de la paix au Moyen-Orient serait la cause principale de cette décision, d'autres voient en cela "une crise diplomatique" entre Ankara et Tel-Aviv.