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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 71

4/9/1997

  1. APRÈS AVOIR ÉTÉ INTERDITS DE SÉJOUR À DIYARBAKIR ET À ANKARA, DES PACIFISTES EUROPÉENS SONT MOLESTÉS ET INTERPELLÉS A ISTANBUL
  2. LE GOUVERNEMENT SUD-AFRICAIN A ÉMIS SON VETO SUR LA VENTE D'ARMES À DESTINATION DE LA TURQUIE
  3. L'ARMÉE EST RESPONSABLE DANS L'ATTAQUE AU MORTIER À TUNCELI, ACCUSE UN PARLEMENTAIRE TURC
  4. LIBÉRATION DU JOURNALISTE ISIK YURTÇU
  5. LE CONGRÈS AMÉRICAIN APPROUVE LA VENTE DE 4 HÉLICOPTÈRES HAWK À LA TURQUIE


APRÈS AVOIR ÉTÉ INTERDITS DE SÉJOUR À DIYARBAKIR ET À ANKARA, DES PACIFISTES EUROPÉENS SONT MOLESTÉS ET INTERPELLÉS A ISTANBUL


A l'initiative de "l'Appel de Hanover" , une organisation de droits de l'homme basée en Allemagne, un "train de la paix" devait partir le 26 août de Bruxelles à destination de la capitale kurde Diyarbakir au bord duquel plusieurs membres d'ONG, des représentants d'églises ainsi que des parlementaires européens devaient prendre place. Ce train qui devait traverser l'Allemagne et arriver à Diyarbakir le 1er septembre, pour Journée mondiale de la paix. Le ministre allemand de l'Intérieur a interdit la traversée du train en Allemagne car, selon Bonn, cette initiative est soutenue par le PKK, organisation interdite en Allemagne. Ce même motif avait auparavant été avancé par les autorités turques. Le 31 août, une partie des délégués est arrivée par avion à Ankara et a été accueillie par 3000 personnes. Des dizaines de cars sont partis de différentes villes de Turquie pour arriver en même que les délégués européens le lundi 1er septembre à Diyarbakir. Néanmoins les sept cars qui transportaient les délégués ont été stoppés par les militaires turcs sur la route de Diyarbakir dont l'accès leur a été interdit. Ceux qui avaient pris l'avion, ont, dès leur arrivée, été interpellés et refoulés vers Ankara. De même, environ 70 autocars transportant des participants locaux à la manifestation pacifique de Diyarbakir ont été arrêtés sur ordre du préfet de la Région d'état d'exception (OHAL) dans la ville de Birecik, sur l'Euphrate, située à plus de 150 km de Diyarbakir. "La Turquie est une démocratie, mais les étrangers doivent respecter nos lois qui interdisent des manifestations de cette nature susceptibles de troubler l'ordre public" a déclaré sans ambages ce préfet. Selon le vice-Premier ministre turc, Bulent Ecevit, "ce genre de manifestations tend à redonner du souffle et de la légitimité aux organisations séparatistes au moment même où notre armée est en train de les éradiquer définitivement. Le gouvernement ne peut tolérer de tels troubles". M. Ecevit prône par ailleurs la mise en oeuvre rapide de son plan de création de "village-villes" (Köy-Kent) version turque des hameaux stratégiques édifiés dans les années 1980 par Saddam Hussein pour interner les paysans kurdes dont les villages venaient d'être détruits par l'armée. Selon la chaîne d'informations turque NTV, la ville de Diyarbakir se trouvait sous état de siège le 1er septembre: des blindés ont pris position dans les points importants de la ville et un poste de gendarmerie a été installé dans l'aéroport de la ville pour refouler les pacifistes dès leur arrivée. Les responsables du parti pro-kurde HADEP à Diyarbakir ainsi 450 personnes ont été arrêtés par la police. Après une garde à vue de 24 heures, ils ont été libérés à l'exception de 14 d'entre eux considérés comme des "meneurs" qui ont été déférés à la Cour de Sûreté de l'État. Les autocars transportant les pacifistes ont également été interdits d'accès à Ankara, sur ordre du préfet. Ceux-ci ont organisé sur place un sit-in. Des diplomates occidentaux se sont alors rendus auprès de leurs ressortissants pour les convaincre de poursuivre leur voyage vers Istanbul. A leur arrivée dans cette ville, les pacifistes ont été accueillis par un impressionnant dispositif policier. La police turque est également intervenue brutalement pour empêcher la tenue, le 3 septembre, à l'hôtel Péra Palas, d'une conférence de presse par des pacifistes européens. Elle a interpellé, à coups de matraques, 18 Européens ainsi qu'un diplomate britannique et cinq journalistes turcs. Pour Jon Benjamin, porte-parole de l'ambassade de Grande-Bretagne, l'arrestation du vice-consul à Istanbul, Neil Frape, est une "grossière violation du statut diplomatique". Onze Allemands, un Danois, un Suisse, deux Espagnols et un Britannique ont été placés en garde à vue ainsi que Dicle Anter, fils du poète kurde Musa Anter, et Mme. Tomris Ozden, veuve d'un colonel turc tué au Kurdistan.

Depuis le début de la guerre du Kurdistan, toute initiative pour la recherche d'une solution politique et pacifique de la question kurde a été interdite par les autorités turques. Au mois de mai dernier "Une conférence internationale pour un règlement pacifique de la question kurde" qui devait se tenir à Ankara et à l'origine de laquelle une trentaine d'organisations internationales les plus représentatives du monde occidental, peu suspectes de sympathies pour le PKK, a également été interdite par les militaires turcs.



LE GOUVERNEMENT SUD-AFRICAIN A ÉMIS SON VETO SUR LA VENTE D'ARMES À DESTINATION DE LA TURQUIE


Le journal sud-africain The Sunday Independant a révélé, le dimanche 10 août, que le gouvernement a émis son veto sur la vente de 12 hélicoptères Roovialk d'un montant 1.2 milliards rands ($257 millions) à la destination de la Turquie. Cette décision avait été prise lors de la réunion de la Commission nationale de contrôle de vente d'armes, le 17 juillet. Laurie Nathan du Centre pour la résolution des conflits a déclaré à la presse que "la Turquie est coupable de commettre des violations des droits de l'homme à l'encontre des réfugiés kurdes et se livre à des bombardements des camps de réfugiés kurdes". Et d'ajouter que "les Rooivalk pouvaient être utilisés à cette fin". Le gouvernement sud-africain avait levé son embargo sur la vente d'armes à la Turquie le mois d'avril dernier, décrété au printemps 1996 à la suite de l'incursion militaire turque dans le Kurdistan irakien, il vient de le rétablir. Confirmant le rétablissement de l'embargo sud-africain, le président de la Commission susmentionnée, Kader Asmal, a motivé la décision par "la poursuite des violations des droits de l'homme par la Turquie et son occupation illégale du Chypre". "Parce qu'il s'agissait d'hélicoptères d'attaque, nous avions à considérer la possibilité de leurs utilisation à Chypre et au Nord de l'Irak" a encore ajouté le responsable sud-africain.



L'ARMÉE EST RESPONSABLE DANS L'ATTAQUE AU MORTIER À TUNCELI, ACCUSE UN PARLEMENTAIRE TURC


Le député de la ville kurde Dersim (Tunceli) a accusé , le 5 août 1997, l'armée comme étant derrière l'attaque aux mortiers contre le village de Karsilar, à l'est de la ville de Tunceli, tuant une femme âgée de 55 ans et blessant trois autres personnes. "L'armée était responsable de l'attaque. Deux officiers sont même allés s'excuser... Dix jours plus tôt le village avait été la cible d'une attaque aux mortiers pour intimider les villageois" a déclaré le député Orhan Veli Yildrim. Depuis 1994, la province de Tunceli est sous embargo alimentaire imposé par l'armée sous prétexte de "couper l'aide logistique aux séparatistes". M. Yildrim a affirmé que "80% des routes (dans la province de Tunceli) sont bloquées à partir de 15h. Toutes nos écoles sont fermées...Notre population persécutée, dans la nuit par les terroristes et dans la journée par l'État". Les autorités locales nient l'existence d'un tel embargo. Le gouverneur militaire de Tunecli déclare néanmoins "Il n'y a pas d'embargo à Tunceli. Mais nous envoyons les produits alimentaires aux villages d'une façon contrôlée". Les habitants de Tunceli pour se procurer des produits alimentaires doivent d'abord passer par un poste de commissariat pour déclarer le nombre exact des membres de leurs familles afin d'obtenir un document leur permettant de faire leurs courses. "Les militaires disent aux habitants: partez, peu importe la destination, mais partez d'ici, et maintenant ils les bombardent" a déclaré Huseyin Ayrilmaz président de l'Association de culture et de solidarité de Tunceli, basée à Istanbul.



LIBÉRATION DU JOURNALISTE ISIK YURTÇU


L'ancien éditeur du journal pro-kurde, aujourd'hui interdit, Özgur Gundem, dont la libération avait été exigée de la part de plusieurs organisations internationales de défense de la liberté de presse lors de leurs entretiens avec les dirigeants turcs à la fin du mois de juillet dernier, a libéré le vendredi 15 août, après avoir passé plus d'un an en prison. Il était condamné à 15 ans pour avoir publié dans son journal des articles "séparatistes".



LE CONGRÈS AMÉRICAIN APPROUVE LA VENTE DE 4 HÉLICOPTÈRES HAWK À LA TURQUIE


La coopération militaire turco-américaine va bon train. Après la menace turque de se tourner vers les marchés européens et russe pour ses besoins militaires et en miroitant le potentiel du marché turc dans ce domaine qui représente la somme de $150 milliards, une partie du "paquet" de vente d'armes qui avait été soumis au Congrès pour son aval le 23 juillet a été approuvée à la mi-août. Après l'aval de la vente controversée de trois frégates à la marine turque, en raison de la campagne menée par les organisations de droits de l'homme et qui était en suspens, le Congrès vient donc d'approuver la vente de 4 hélicoptères Hawk. Le pré-contrat de cette vente avait été signé le mois de février dernier portant sur un montant de $ 120 millions. Accusés de la mise en place d'un "embargo non-déclaré" par Ankara, les Américains ont voulu envoyer un message d'apaisement. Ce message a été bien reçu par les militaires turcs et pour remercier leurs partenaires américains ils ont décidé d'ouvrir une ligne budgétaire d'un montant de $ 3.5 milliards pour une production conjointe de 145 hélicoptères d'attaque.