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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 48

22/11/1996

  1. LE ROMANCIER YACHAR KEMAL S'INSTALLE EN SUÈDE
  2. LES ENFANTS VICTIMES DE LA TORTURE EN TURQUIE
  3. LE PARLEMENT TURC ADOPTE UNE LOI CONTRE LA PRESSE DE L'OPPOSITION
  4. HUMAN RIGHTS WATCH CONDAMNE LES ATTENTATS-SUCIDE DU PKK
  5. LA PERSÉCUTION DES AVOCATS PAR LA JUSTICE TURQUE
  6. DÉCOUVERTE D'UNE NOUVELLE "BANDE" AU SERVICE DE L'ARMÉE SÉVISSANT AU KURDISTAN
  7. ÉCOUTES TÉLÉPHONIQUES, SUITE
  8. LE DÉPUTÉ BUCAK AFFIRME ÊTRE LE PROPRIÉTAIRE DE TOUT UN ARSENAL D'ARMES DÉCOUVERT DANS SA VOITURE


LE ROMANCIER YACHAR KEMAL S'INSTALLE EN SUÈDE


L'écrivain turc, d'origine kurde, auteur de Mehmet le Mince, est arrivé en Suède, le samedi 16 novembre, pour s'y mettre à l'abri. Plusieurs fois poursuivi par la Justice turque pour ses articles et interventions en faveur des droits du peuple kurde en Turquie, Yachar Kemal a été condamné à 20 mois de prison avec sursis, le 7 mars dernier, à la suite d'un article dénonçant la pratique de la terre brûlée et l'évacuation des villages par l'armée turque au Kurdistan. Se sentant menacé par des militants d'extrême droite, Y. Kemal a décidé de quitter la Turquie et de s'établir en Suède pour une durée indéterminée.



LES ENFANTS VICTIMES DE LA TORTURE EN TURQUIE


Un communiqué de presse d'Amnesty International, publié le mercredi 20 novembre, affirme que "les enfants deviennent de plus en plus victimes de la torture en Turquie. Les enfants, même à un âge aussi jeune que 12 ans, peuvent être soumis à des pratiques de torture cruelle lors de leur détention en garde-à-vue pour des délits mineurs ou petite délinquance". Ces pratiques peuvent aller de passage à tabac, en passant par les électrochocs, aux abus sexuels. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères turc, Omer Akbel, a annoncé à la suite à cette déclaration d'Amnesty qu'elle était " fausse, sans fondement et non-justifiée".



LE PARLEMENT TURC ADOPTE UNE LOI CONTRE LA PRESSE DE L'OPPOSITION


Une loi vient d'être adoptée par le Parlement turc, le jeudi 7 novembre, visant à museler la presse de l'opposition. Celle-ci, interdite de diffusion et d'édition, pouvait circuler soit le manteau soit en cachette dans les kiosques. Cette loi vise justement à interdire ce mode de diffusion. Les marchands de journaux sont désormais, en vertu de cette nouvelle loi, obligés à exposer tous les journaux sur le présentoir. Les marchands enfreignant à cette loi verront leurs kiosques fermés pendant trois jours sur simple ordre des autorités locales. En outre, les propriétaires de ces journaux ou périodiques devront verser une amende de l'ordre de 50% du coût total de leur publication à l'État et la publication sera saisie. En cas de récidive, l'amende sera doublée et la maison d'édition sera fermée pendant trois mois. Par ailleurs, le Parlement turc débattra, le 26 novembre, d'un projet de loi gouvernemental visant une véritable censure sur la presse, accusée de tous les maux. Le projet a suscité de très vives réactions des média, qui accusent le gouvernement de vouloir mettre la presse au pas et de livrer à la mafia les principaux média du pays.



HUMAN RIGHTS WATCH CONDAMNE LES ATTENTATS-SUCIDE DU PKK


L'organisation américaine Human Rights Watch a condamné, le jeudi 21 novembre, les attentats-sucides perpétrés ces derniers mois contre des cibles turques, par les guérilleros du PKK, toutes femmes, en déclarant: " S'en prendre aux civils et aux non-combattants, dans les attaques contre des cibles ennemies, constitue une sérieuse violation du Droit coutumier de la guerre. Les interdictions concernant ce genre d'attaques proviennent du fait que s'en prendre aux non-combattants et aux civils met sérieusement en danger la protection qui devrait être apportée à ces groupes en vertu du Droit international humanitaire". Par ailleurs, l'organisation humanitaire américaine exprime son inquiétude à la suite des déclarations du leader du PKK, A. Öcalan, à la Télévision kurde Med TV qui a déclaré: " Ces femmes (les guérilleros des attentats-suicide) nous ont laissé un testament dans leurs lettres. Je pense à cela intensément. Tout ce qui est nécessaire sera fait...Ces femmes étaient de simples combattantes du PKK. Elles ont démontré que si vous êtes déterminées sur quelque chose vous pouvez le faire". HRW espère que cette déclaration ne se traduira pas par des actes de cette nature et appelle le leader du PKK, qui avait annoncé en décembre 1994 que le PKK se soumettrait aux conventions de Genève, à renoncer à des tactiques comme les attentats-suicides.



LA PERSÉCUTION DES AVOCATS PAR LA JUSTICE TURQUE


Un rapport volumineux de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) décrivant la persécution des avocats turcs dans le cadre de leurs activités de défense des droits de l'homme et des procès politiques en Turquie, au Kurdistan et au Sud-Est de la Turquie, publié d'abord en août 96 en français, vient de paraître aussi en anglais. Ce rapport est le fruit de recherches approfondies sur un aspect crucial qu'est la notion d'"Etat de droit" en Turquie. Il se donne pour objectif la mise en lumière de deux aspects du système judiciaire turc, souvent oubliés par les organisations internationales et les instituons européennes, que sont la persécution des avocats en tant que "phénomène" en Turquie et l'étude de ce "phénomène". Un outil important pour ceux, organisations internationales, institutions et avocats, qui veulent apporter une aide à la Turquie d'aujourd'hui. Dans les recommandations que contient ce rapport on peut lire notamment: "Indépendance et non et obstruction aux activités des avocats pendant leur instruction des dossiers relevant du Droit pénal ou toute détention et emprisonnement; celles-ci doivent être garanties quelques soient les charges retenues contre leurs clients. Abolition de toutes les dispositions qui encouragent les crimes perpétrés par les officiels de l'État et ceux protégés par l'État et permettre leur poursuite en justice (Loi anti-terreur..etc). Entreprendre des mesures créant des conditions pour la réalisation du droit à l'expression et une solution politique à la question kurde (abolition de l'état d'urgence. abolition des "troupes spéciales". Abolition du système de "protecteurs de villages"...etc.).



DÉCOUVERTE D'UNE NOUVELLE "BANDE" AU SERVICE DE L'ARMÉE SÉVISSANT AU KURDISTAN


Après avoir révélé l'affaire de la bande de Yuksekova (voir nos bulletins N° 28 et N° 44), le Parti républicain du peuple (CHP) vient de mettre en lumière l'existence d'une autre bande armée, équipée et dirigée par les forces armées turques dans les villes d'Erzincan et d'Erzurum, dans le Kurdistan turc. Les députés Mustafa Yildiz (Erzincan) et Metin Arifoglu (Artvin), de retour d'une mission d'enquête sur place, et après avoir été sollicités par la population locale à la suite des "incidents" à répétition, ont révélé lors d'une conférence de presse au Parlement, le mercredi 6 novembre, les liens de cette bande, formée de protecteurs de village, milice pro-gouvernementale, et de militaires. Les agissements de cette bande vont d'attaques à main armée au pillage de villageois. Les parlementaires du CHP ont relaté un des ces "incidents" dans les termes suivants: "Le 11 octobre 1996, six personnes sont débarqué dans le village de Kilise, dans la province d'Erzincan. Ils ont rassemblé les villageois dans une pièce et les ont menacés de les tuer tous. Toutes ces personnes sont identifiées comme: les protecteurs de village Cengiz Polat et Cemal Gerçek; les fils du sous-préfét de Bardakçi Yavuz, Ahmet et Abdullah Gülmez et un officier appartenant aux "troupes spéciales": Hüseyin Yücel. La nuit de l'attaque, un détachement de la gendarmerie, stationnant à 10 km de là a été informé de l'attaque par les villageois de cette attaque. Toutefois, le commandant de ce détachement a répondu aux villageois en disant qu'il connaissait les assaillants et qu'ils étaient membres des forces de sécurité. Les assaillants après avoir dépouillé les villageois de leurs argent et or, les ont attachés les mains et les ont enfermés dans une pièce et ils ont mis le feu à cette pièce. Par chance, les villageois ont réussi à fuir par une porte donnant sur la grange". Bien que l'identité de l'officier, Hüseyin Yücel, qui a servi de guide à cette bande, a été reportée au sous-préfet de Cat, et confirmée par celui-ci, aucune suite judiciaire n'a été donnée à cette affaire. De plus, les habitants des villages environnant qui sont venus au village attaqué pour montrer leur solidarité ont été tabassés et gardés-à-vue par les forces de sécurité. Les députés ont, en outre, placé cette affaire dans "le contexte d'évacuation de villages" pratiqué par l'armé dans le Kurdistan turc et demandé que les responsables de cette affaire soient poursuivis par les autorités et les villageois récompensés.



ÉCOUTES TÉLÉPHONIQUES, SUITE


Nous avons déjà signalé l'autorisation des écoutes téléphoniques, dans notre bulletin N° 42, par la Direction de Sûreté des téléphones mobiles et ceux de voiture afin "d'empêcher les activités des forces criminelles menaçant l'unité de la patrie et de la nation". Cette fois, c'est M. Yilmaz, leader du principal parti de l'opposition, le parti de la Mère-Patrie, qui se sent sur écoute téléphonique. De plus, celui-ci affirme, selon l'agence Anatolie, qu'une inspection technique réalisée par une firme américaine a établi que les murs de son domicile sont truffés de "micros". Ces derniers temps, M. Yilmaz a multiplié les démarches pour élucider l'imbrication de la Mafia-Etat-Police, d'autant plus que c'est son ennemie principale de la scène politique turque qui est éclaboussée par cette affaire: Mme. Tansu Çiller. Le vendredi, 22 novembre, une mission d'enquête en présence d'un notaire procédera à un "nettoyage" du domicile et du bureau de M. Yilmaz. En attendant, celui-ci a préféré s'acheter un mobile au nom de quelqu'un d'autre et il se dit "menacé". S'adressant à des parlementaires de son parti, il leur a notamment de très fortes pressions déclaré:" On me menace ouvertement. Ma maison est "sonorisée" (truffée de micros). Je suis résolu, malgré tout cela, à aller jusqu'au bout dans cette affaire. Ne me laissez pas seul" (Hürriyet, 21. 11. 96) .

De son côté, Deniz Baykal, chef du CHP, parle de "la pieuvre aux commandes de l'appareil de l'État" et demande que les investigations se poursuivent jusqu'à ce qu'on identifie la tête de cette pieuvre et qu'on la mette hors d'état de nuire. Un autre dirigeant politique, Dogu Perinçek, leader du Parti ouvrier, connu pour ses dénonciations de "l'État mafieux" a demandé une protection policière face à des nombreuses menaces de mort qu'il reçoit.



LE DÉPUTÉ BUCAK AFFIRME ÊTRE LE PROPRIÉTAIRE DE TOUT UN ARSENAL D'ARMES DÉCOUVERT DANS SA VOITURE


Seul survivant du fameux accident de Susurluk, le député Sedat Bucak, proche de Mme. Çiller, est finalement moins amnésique que le gouvernement ne l'a affirmé. Dans une déclaration forte à la presse, le 20 novembre, il se répand en éloges sur le chef mafieux A. Çatli et le commissaire H. Kocadag qui ont péri dans cet accident. Il les considère comme de "grands frères" et de "véritables patriotes" et affirme que leur mort l'affligera jusqu'à la fin de sa vie. S. Bucak déclare tranquillement que "toutes les armes trouvées dans la Mercedes m'appartiennent; mais je ne sais pas d'où viennent les silencieux". Ce curieux député, qui dispose par ailleurs d'une véritable armée privée au Kurdistan, ne fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire pour détention illégale d'armes ou constitution de bande armée. Mme. Çiller si prompte à faire voter la levée de l'immunité parlementaire de Leyla Zana et de ses collègues du Parti de la Démocratie, n'a évidemment pas l'intention de saisir le Parlement de l'affaire de son ami Bucak, coupable de maintes infractions flagrantes de la loi. Curieusement à ce jour aucun parti de l'opposition n'a pas encore demandé non plus la levée d'immunité parlementaire du député Bucak ou du député Mehmet Agar, qui se vante publiquement avoir mené, en tant que chef de la police comme ministre de l'Intérieur, "plus de 1000 opérations secrètes". Celles-ci consistant en l'assassinat de personnalités, d'homme d'affaires et de journalistes kurdes, non impliqués dans le conflit armé donc difficilement condamnables même par les tribunaux turcs mais jugés "dangereux par l'État", par ce véritable appareil militaro-policier clandestin de l'État turc sur lequel le récent scandale n'a levé qu'un coin du voile.

Des opérations dont les exécutants ont souvent été des tueurs de la mafia. Pour rappeler cette liaison multiple et puissante police-mafia, le quotidien Hurriyet du 21 novembre publie en première page une photo de Mehmet Agar servant de témoin de mariage à un certain Haluk Kirçi. Or ce personnage, surnommé "Idi Amin" par des gens du milieu à cause de sa cruauté, a été impliqué dans l'assassinat de 7 militants de gauche. Arrêté en 1980, remis en liberté provisoire en 1989 par on ne sait quelle intervention alors qu'il était passible de la peine capitale pour chacun des 7 meurtres. La même année la Justice avait lancé un avis de recherche contre lui. Et le voilà, grâce à l'entregent d'un chef de l'extrême droite à Erzurum, se marie le 1er août 1992 en grandes pompes à la Maison de la police de cette ville avec comme témoin le préfet d'extrême droite Mehmet Agar qui allait plus tard devenir ministre de l'Intérieur. A nouveau arrêté en février dernier à Istanbul lors d'un contrôle de routine, les policiers trouvent sur lui une lettre de recommandation manuscrite du ministre Agar demandant "d'aider cet ami et de ne pas l'arrêter". Gardé à vue pour vérification de ses états de ses états de service prétendus, il "s'évade" une semaine plus tard. Actuellement un commissaire et deux policiers comparaissent devant une Cour à Istanbul pour avoir organisé "l'évasion" de ce criminel dangereux amis du ministre de l'Intérieur!