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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 255

30/10/2002

  1. LE SOMMET DE BRUXELLES NE FIXE PAS DE DATE À LA TURQUIE : LE PRÉSIDENT TURC CRITIQUE ET SON MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PARLE DE " RÉÉVALUER " LES RELATIONS AVE L'UE
  2. NECHIRVAN BARZANI EN VISITE OFFICIELLE EN TURQUIE
  3. UN CANDIDAT KURDE INDÉPENDANT AUX ÉLECTIONS, INTERPELLÉ POUR AVOIR PARLÉ EN KURDE TANDIS QUE SON PARTI RISQUE L'INTERDICTION
  4. AFFRONTEMENTS ENTRE LES FORCES TURQUES ET LES COMBATTANTS DU PKK AU KURDISTAN DE TURQUIE
  5. LA JUSTICE TURQUE LANCE DES POURSUITES CONTRE CINQ FONDATIONS ALLEMANDES BASÉES EN TURQUIE
  6. HUMAN RIGHTS WATCH DÉNONCE LA POLITIQUE TURQUE VIS-À-VIS DES DÉPLACÉS ET EXPULSÉS QUI DEMANDENT À RENTRER CHEZ EUX
  7. DIYARBAKIR ENREGISTRE D'ORES ET DÉJÀ DES SIGNES DE FRAUDES ÉLECTORALES


LE SOMMET DE BRUXELLES NE FIXE PAS DE DATE À LA TURQUIE : LE PRÉSIDENT TURC CRITIQUE ET SON MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES PARLE DE " RÉÉVALUER " LES RELATIONS AVE L'UE


Le président turc Ahmet Necdet Sezer a déclaré le 27 octobre que la Turquie méritait d'entamer des discussions d'ici l'année prochaine pour entrer dans l'Union européenne, et il a critiqué le refus de Bruxelles de fixer une date.

Le 25 octobre, les participants au sommet de l'Union européenne à Bruxelles avaient salué les réformes démocratiques adoptées par la Turquie -que les Quinze lui avaient demandées- mais n'ont pas fixé de date pour les négociations, évoquant le long chemin qui reste encore à parcourir en matière de libertés d'expression, de religion et d'association. " Les résultats (...) n'ont pas répondu nos attentes ", a commenté le président Sezer devant des journalistes avant de partir pour Copenhague au Danemark, où il devait soutenir la demande d'adhésion de la Turquie à l'UE auprès du Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen. S'ils " encouragent " Ankara à " poursuivre le processus de réforme entamé ", les Quinze réunis en sommet se sont en effet bien gardés de donner à la Turquie ce qu'elle réclame : une date pour le début des négociations d'adhésion. Du coup, le ministre turc des Affaires étrangères, Sukru Sina Gurel, a annoncé le même jour que son pays " réévaluerait " des relations avec l'Union européenne si un rendez-vous n'était pas fixé dans l'année. " Si l'Union européenne ne prend pas une décision pour lancer les négociations avec la Turquie en 2003, les relations turco-européennes en souffriront grandement et la Turquie sera contrainte de réévaluer tous les aspects de ses relations avec l'UE ", a-t-il déclaré.

Le président turc a, de son côté, déclaré que : " L'adhésion complète à l'Union européenne est notre but ( ) Je soulignerai que nous avons établi un socle suffisant (...)pour des discussions en 2003 ". " La décision finale au sujet de la Turquie interviendra en décembre " au sommet de Copenhague, a expliqué, quant-à-lui, le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE.

En août 2002, le Parlement turc a aboli la peine de mort en temps de paix et accordé quelques droits culturels à la minorité kurde en vue de l'adhésion future de la Turquie à l'UE. Cependant, les réformes n'ont eu aucune application effective jusqu'alors. Les législateurs espéraient répondre aux critères exigés de longue date par Bruxelles avant le sommet de décembre au cours duquel les quinze Etats-membres devront décider de l'élargissement de l'UE.

NECHIRVAN BARZANI EN VISITE OFFICIELLE EN TURQUIE


Une délégation officielle kurde irakienne s'est rendue à Ankara pour rassurer la Turquie que les Kurdes d'Irak ne recherchent pas l'indépendance mais un statut fédéral en Irak. Au terme d'un entretien avec des responsables du ministère turc des Affaires étrangères, Nechirvan Barzani, le Premier ministre du gouvernement régional du Kurdistan basé à Erbil, a, le 24 octobre, déclaré : " Notre objectif n'est pas de mettre en place un gouvernement ou une entité indépendante. Nous souhaitons résoudre ce problème dans le cadre d'un Irak unifié et démocratique ". La visite visait à dissiper la tension marquant les relations entre les deux parties, à examiner l'avenir de l'Irak, l'option fédérale (avec l'Irak) souhaitée par les Kurdes, et les échanges économiques .

Ankara et le PDK, qui avec l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) contrôle le Kurdistan irakien depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991, ont récemment échangé des vives critiques après une campagne de presse turque prétant au PDK des visées indépendantistes. Depuis leur réconciliation début octobre, et la reprise des travaux du " Parlement unifié " kurde à Erbil, le PDK et l'UPK s'attachent à rassurer leur voisin turc sur le fait qu'ils n'entendent pas proclamer un Etat kurde indépendant en cas d'intervention américaine en Irak. Les deux partis ont toutefois annoncé dans un projet de constitution que la province de Kirkouk, riche en pétrole et toujours sous le contrôle de Bagdad, serait la capitale d'une future région kurde, provoquant l'ire d'Ankara, qui considère cette déclaration comme un pas de plus vers l'indépendance. Pour M. Barzani, il ne s'agit que d'une " proposition, d'un projet " qui doit être discuté avec d'autres groupes de l'opposition irakienne. Il a cependant souligné que " d'un point de vue géographique, Kirkouk est connu pour appartenir à la région du Kurdistan irakien ". Lors de leur rencontre avec les diplomates turcs, les deux parties sont parvenues à " clarifier nombre de questions " provoquées par des " confusions " et des " malentendus ", a souligné le Premier ministre kurde, saluant la volonté réciproque de " remettre les liens bilatéraux dans le droit chemin ". Par ailleurs, une délégation de l'UPK a effectué dans le même temps une visite à Damas.

Des responsables nationalistes turcs avaient suggéré que l'armée turque saisisse Kirkouk et la ville voisine de Mossul avant que les Kurdes ne le fassent. Le ministre turc des Affaires étrangères Sukru Sina Gurel avait accusé le 20 octobre les Etats-Unis de vouloir amener la Turquie à intervenir militairement au Kurdistan irakien, en réactivant la question kurde, avant une éventuelle opération militaire américaine en Irak. " Dans toutes nos réunions, les responsables américains ont affirmé qu'ils ne voulaient pas d'un Etat kurde indépendant dans le nord de l'Irak, mais les événements là-bas montrent qu'un Etat existe de facto ", a affirmé le ministre cité par le journal Milliyet. " On se demande si les Etats-Unis n'essayent pas de provoquer Ankara en encourageant cette situation. Par exemple, est-ce qu'ils [les responsables américains] veulent que la Turquie envahisse le nord de l'Irak avant qu'ils interviennent ? C'est peut-être leur but ", a-t-il ajouté. M. Gurel a rapidement précisé qu'Ankara interviendrait non pas à cause de " provocations et d'encouragements extérieurs ", mais en cas de menace contre la Turquie.

UN CANDIDAT KURDE INDÉPENDANT AUX ÉLECTIONS, INTERPELLÉ POUR AVOIR PARLÉ EN KURDE TANDIS QUE SON PARTI RISQUE L'INTERDICTION


Un candidat kurde aux législatives du 3 novembre a été brièvement interpellé le 23 octobre dans la ville kurde de Lice pour avoir parlé le kurde lors d'une réunion électorale. Abdulmelik Firat, président du parti pro-kurde des droits et des libertés (HAK-PAR), candidat indépendant aux élections, a été emmené par la police au commissariat de Lice et détenu pendant cinq heures après avoir prononcé un discours électoral lors d'une réunion dans un café de la ville.

Le procureur a demandé qu'il soit arrêté pour avoir violé les lois électorales qui interdisent l'usage d'une langue autre que le turc lors des campagnes électorales, mais le tribunal devant lequel il a comparu a rejeté cette demande et l'a libéré. Le vice-président de HAK-PAR, Fehmi Demir, a dénoncé une campagne de dénigrement des autorités à leur encontre. " Nous allons continuer de parler en kurde au cours de notre campagne ", a-t-il notamment déclaré. M. Firat, est le petit-fils du leader d'une des plus grandes insurrections kurdes (1925) qui ont suivi la proclamation de la République turque en 1923. Le mouvement du cheikh Sait fut difficilement réprimé par les forces de sécurité et ses dirigeants, y compris leur chef, pendus. La cour constitutionnelle turque entendra le 31 octobre, les conclusions du procureur Sabih Kanadoglu qui accuse le HAK-PAR de " séparatisme " pour avoir entre autres écrit dans les statuts du parti " les Kurdes et les Turcs ", définition portant, selon lui, " atteinte à l'intégrité du territoire ".

Dans un autre incident, moins sérieux, les autorités locales ont lancé une enquête contre un chanteur folklorique turc qui avait chanté une chanson en espagnol lors d'un meeting électoral du parti social-démocrate CHP à Trabzon (nord-est, sur la mer Noire), rapporte le 23 octobre la presse. " Je ne connais pas un mot d'espagnol ", a cependant indiqué Volkan Konak au journal populaire Vatan, affirmant avoir " improvisé " la chanson dont les paroles n'ont " aucune signification ".

AFFRONTEMENTS ENTRE LES FORCES TURQUES ET LES COMBATTANTS DU PKK AU KURDISTAN DE TURQUIE


Les forces de sécurité turques ont tué un combattant du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et cinq soldats et un civil ont été blessés dans deux accrochages séparés dans le Kurdistan de Turquie, a-t-on appris le 28 octobre de sources locales et officielles.

Un combattant a été tué au cours d'un échange de tirs dans la province de Dersim et un chasseur, égaré dans la zone de combat, a été blessé, selon le gouverneur de la province, Tuncel Erkal. Par ailleurs, selon des sources locales, qui réclament l'anonymat, cinq soldats turcs ont également été blessés dans un accrochage avec des combattants près de la ville de Nazimiye, dans la même province de Dersim.

Un autre accrochage entre militaires turcs et combattants kurdes avait fait, le 22 octobre, trois morts, deux combattants et un soldat, au lieu-dit Yayladere, dans la province de Bingöl. En outre, un soldat avait été blessé au cours de cet accrochage.

LA JUSTICE TURQUE LANCE DES POURSUITES CONTRE CINQ FONDATIONS ALLEMANDES BASÉES EN TURQUIE


La presse turque a annoncé le 25 octobre que la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara avait décidé de lancer des poursuites contre cinq fondations allemandes basées en Turquie, accusées de mener " des activités clandestines en vue d'ébranler l'Etat turc " et " d'espionnage ", au moment où le ministre turc des affaires étrangères était reçu par son homologue allemand à Berlin et que l'Union européenne tenait un sommet relatif à l'élargissement à Bruxelles. L'ambassadeur allemand à Ankara a qualifié l'accusation de " non-sense, impropre, et sans fondement " alors que le procureur Nuh Mete Yuksel, soutient que les fondations ont fait " une alliance secrète " avec des groupes ethniques et religieux dans le but de diviser le pays et requièrt 15 ans de prison contre les accusés.

Les fondations incriminées sont Konrad Adenauer, Heinrich Boell, Friedrich Ebert et Friedrich Naumann et l'Institut Orient, qui jouissent en Allemagne d'un grand prestige.

HUMAN RIGHTS WATCH DÉNONCE LA POLITIQUE TURQUE VIS-À-VIS DES DÉPLACÉS ET EXPULSÉS QUI DEMANDENT À RENTRER CHEZ EUX


L'organisation de défense des Droits de l'Homme Human Rights Watch a appelé le 30 octobre, la Turquie à aider au retour des familles expulsées de leurs villages durant les années de combat intensif. " Il y a très peu de combats depuis la déclaration d'un cessez-le-feu unilatéral par le PKK en 1999 ", écrit Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié, " mais seul un mince filet de villageois peut rentrer " chez lui.

L'organisation rappelle que 380.000 personnes furent forcées de quitter leurs habitations, selon des statistiques officielles. Ce chiffre s'élève à " au moins " un million et demi de personnes, essentiellement kurdes, d'après les estimations de diverses organisations non-gouvernementales. Ces expulsions, accompagnées de violences, destructions et même disparitions, furent documentées en 1995 par un rapport parlementaire turc qui en attribua la responsabilité à la gendarmerie, mais ses recommandations ne furent jamais prises en compte, selon le HRW. La Cour européenne des Droits de l'Homme condamna à plusieurs reprises la Turquie pour cette politique, mais les plaignants, dédommagés, n'ont jamais eu la possibilité de rentrer chez eux, souligne le HRW. Quant au " Projet de retour au village et de réhabilitation " du gouvernement turc, il se résume, trois ans après son lancement, à une " étude de faisabilité " sans document écrit, ni budget, et se base sur des chiffres " à la crédibilité douteuse ", accuse Human Rights Watch.

L'organisation internationale demande donc au gouvernement turc de divulguer les véritables statistiques sur les retours effectifs, d'annoncer les buts précis de ce programme, d'établir une agence ad hoc et de mettre fin au système des gardiens de village, une milice armée et payée par le gouvernement pour contrôler les villages. Human Rights Watch demande également aux organisations internationales spécialisées dans les problèmes de réfugiés d'intervenir et de proposer leur expertise, et appelle la Banque Mondiale, l'Union Européenne et le gouvernement américain à faire pression sur la Turquie pour trouver une solution au déplacement de " centaines de milliers de personnes ".

DIYARBAKIR ENREGISTRE D'ORES ET DÉJÀ DES SIGNES DE FRAUDES ÉLECTORALES


Selon le quotidien turc Hurriyet du 30 octobre, la province kurde de Diyarbakir fait face à d'importantes complications et incidents en tout genre à quelques jours des élections prévues pour le 3 novembre. Ainsi, de nombreuses cartes d'électeurs ne peuvent être distribuées pour des erreurs d'adresses ou par manque de moyen. Abdulkadir Aydinlar, maire du quartier Kooperatifler qui regroupe 27 000 électeurs déclare : " Pour la distribution des cartes nous n'avons que 4 facteurs lorsqu'il y a une erreur dans l'adresse, ils ne font que déposer la carte à un gardien quelconque qui nous retourne à nous ou encore au comité provincial des élections les cartes non distribuées. " Le maire de Baglar, quartier 5 nisan, Zulkuf Kurt, déclare, quant à lui que près de 100 000 électeurs ne pourront pas voter le 3 novembre à Diyarbakir et souligne avec défiance que seules les listes électorales de Diyarbakir et de Bingol ont été réexaminées par Ankara pour ces élections. " Les listes électorales sont arrivées à Diyarbakir une semaine avant le scrutin Dans notre quartier, on compte 32 000 électeurs mais dans la nouvelle liste 2 500 ont été effacés, car ce serait des répétions. Alors qu'il n'y a pas un tel problème. Les cartes d'électeurs sont remplies d'erreurs. Il n'y a pas d'adresse, les noms sont mélangés, les prénoms sont modifiés. La plupart ne pourront pas être utilisée le jour des élections, elles ne seront pas acceptées. C'est une grande injustice ", dénonce M. Kurt.

Le quotidien publie une carte-type reçue à Diyarbakir par un électeur qui contient de nombreuses erreurs, sur le nom, prénom, mais aussi la date de naissance qui indique 00-00-1900 et le lieu de naissance : Europe !

Dans ce contexte de fraude et de manipulation destinées à réduire au maximum le score des candidats pro-kurdes, la sincérité du futur scrutin semble d'ores et déjà très compromise.