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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 252

19/10/2002

  1. LE RAPPORT DE L’ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L’HOMME SUR LES VIOLATIONS AU KURDISTAN POUR LES SEPT PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE 2002
  2. LA JUSTICE TURQUE AUX ORDRES DU POUVOIR POLITIQUE INTERDIT À TAYYIP ERDOGAN DE SE PRÉSENTER AUX ÉLECTIONS
  3. REGROUPÉS SOUS L’ETIQUETTE DU DEHAP, LES KURDES ESPÈRENT ENTRER AU PARLEMENT TURC
  4. TOUT EN ÉRADIQUANT LA CULTURE KURDE, LA TURQUIE ACCUEILLE 110 PAYS DE L’UNESCO POUR UN COLLOQUE SUR LE THÈME DE “ PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL, MIROIR DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE
  5. LANCEMENT DE LA CONSTRUCTION DE L’OLÉODUC BAKOU-TBILISSI-CEYHAN
  6. LA TURQUIE SIGNE AVEC LA FRANCE UN CONTRAT DE 400 MILLIONS DE DOLLARS POUR SA PATROUILLE MARITIME
  7. 57 ÈME VICTIME DE LA GRÈVE DE LA FAIM
  8. INTERDICTION D’UN JOURNAL PRO-KURDE DANS LES PROVINCES KURDES DE DIYARBAKIR ET DE SIRNAK


LE RAPPORT DE L’ASSOCIATION TURQUE DES DROITS DE L’HOMME SUR LES VIOLATIONS AU KURDISTAN POUR LES SEPT PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE 2002


L’Association turque des droits de l’homme (IHD) a, le 17 septembre, publié son rapport sur les violations des droits de l’homme commis dans les provinces kurdes pendant les sept premiers mois de l’année 2002. L’Association s’interroge sur le nombre très élevé des suicides dans la région et dénonce l’explosion de plus en plus fréquente des mines due au retour dans les villages non-déminés. Voici les principales données de ce rapport :

  • Nombre de personnes placées en garde-à-vue : 2 412
  • Nombre de personnes torturées ou victimes de sévices en détention : 149
  • Nombre de victimes de mines : 14 morts et 38 blessés
  • Nombre de fonctionnaires exilés pour “ menace aux intérêts de l’Etat dans la région sous état d’urgence (OHAL) ” : 22
  • Nombre de suicides : 88


LA JUSTICE TURQUE AUX ORDRES DU POUVOIR POLITIQUE INTERDIT À TAYYIP ERDOGAN DE SE PRÉSENTER AUX ÉLECTIONS


La 8ème Chambre de la Cour de cassation turque a, le 16 septembre, confirmé l’arrêt de la Cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir N° 3, en interdisant la participation aux élections de Recep Tayyip Erdogan, leader du parti de la Justice et du Développement (AKP-islamiste), en tête des sondages électoraux avec 20 % des intentions de vote. R. T. Erdogan, ancien maire d’Istanbul, condamné sur le fondement de l’article 312 du code pénal turc sanctionnant “ l’incitation à la haine ”, avait pourtant purgé sa peine de prison et l’article controversé avait été réformé par le parlement turc. Or, le procureur près de la Cour de Cassation, Sabih Kanadoglu, proche de la haute hiérarchie militaire, a interjeté appel contre la décision d’une autre Cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir, le N°4, qui avait rendu une décision dans le sens de R. T. Erdogan ; il a pu ainsi, grâce à une justice aux ordres mettre juridiquement fin aux ambitions du leader de l’AKP.

Sans partager les opinions, au demeurant modérées, du leader de la première formation politique du pays, beaucoup de commentateurs, citant Voltaire et le principe de la liberté d’expression y compris pour ses adversaires se sont indignés de ce verdict. Même une partie de la classe politico-médiatique, dont Hikmet Sami Turk, ancien ministre turc de la Justice, a ouvertement critiqué l’arrêt de la Cour de cassation et des observateurs n’hésitent pas à dénoncer la législation turque, en l’espèce l’article 76 de la Constitution qui interdit la candidature aux élections de toute personne condamnée sur la base d’“ incitation du peuple au délit et crime ”, même en cas d’amnistie de l’intéressé.

“ La chose la plus triste dans un pays est le fait de soumettre la justice aux ordres de la politique. Et la chose la plus grande pour un pays c’est le fait d’assujettir la politique à la justice ”, écrit, le 18 septembre, Cüneyt Ulsever dans le quotidien Hurriyet. Oktay Eksi, éditorialiste en chef du même quotidien souligne : “ Savez-vous combien de personnes siégeant au Parlement ont été auparavant condamnées pour des crimes interdisant la députation, meurtres compris, et qui ont, à leur sortie de prison, demandé et obtenu des tribunaux la jouissance de leur droit interdit ? Selon nos observations, pas moins de vingt… ”

REGROUPÉS SOUS L’ETIQUETTE DU DEHAP, LES KURDES ESPÈRENT ENTRER AU PARLEMENT TURC


Le DEHAP, seul parti pro-kurde à se présenter aux élections législatives de novembre, se félicite des nouvelles réformes adoptées par Ankara --dont le droit à l’enseignement privé et à une télévision en langue Kurde-- mais attend surtout de voir leur mise en œuvre. Les responsables du parti démocratique du peuple (DEHAP) saluent les réformes adoptées par le parlement turc début août pour aligner la Turquie, pays candidat à l'Union européenne, sur les normes européennes, mais notent que “ les lois sans changement de mentalités n'ont pas de signification ”. “ Ces lois sont une révolution ”, estime Osman Baydemir, un candidat du DEHAP aux élections législatives du 3 novembre. Mais il note, par exemple, qu'il est toujours interdit d'enregistrer son enfant à l'état-civil sous un nom kurde. “ La mise en œuvre des lois est aussi importante que leur adoption ”, renchérit Ali Urkut, président provincial du DEHAP à Diyarbakir, lui aussi candidat aux législatives.

Le DEHAP est le seul parti pro-kurde à se présenter aux élections après la décision du parti de la démocratie du peuple (HADEP) de se saborder à son profit. Le HADEP --accusé de “ liens organiques ” avec les rebelles kurdes-- craignait en effet de se voir interdire par la justice turque juste avant le scrutin. Outre le HADEP, deux autres petits partis de gauche vont présenter une liste commune sous la houlette du DEHAP, créé en 1997 juste avant la procédure en justice lancée contre le HADEP, une pratique courante en Turquie où l'Etat redoute la montée en puissance de partis pro-kurdes et islamistes. “ Personne ne doit nous craindre, nous entrerons au parlement pour vraiment assurer la fraternité entre les peuples ” kurde et turc, assure pourtant M. Baydemir.

Le HADEP n'avait remporté aucun siège aux dernières élections en 1999 car il n'avait pu dépasser la barre de 10 % des voix nécessaires à l'échelle nationale pour obtenir une représentation au parlement. Le parti avait pourtant recueilli la majorité des voix dans la plupart des villes kurdes, notamment 46 % à Diyarbakir avec une population d'environ 1,3 million habitants. “ Cette fois nous n'avons aucun doute : nous allons franchir les 10 % ” à l'échelle nationale, explique M. Baydemir qui a dirigé l'Association turque des droits de l'Homme dans cette région. Et il assure qu'une fois élus, les députés kurdes s'abstiendront de provoquer des “ tensions ” à l'Assemblée et œuvreront pour “ unir ” le parlement et le peuple kurde. “ La région a beaucoup changé pour le mieux depuis les dernières élections mais beaucoup reste encore à faire ”, relève pour sa part M. Urkut. Il craint toutefois une détérioration de l'atmosphère à l'approche des élections, surtout dans les zones rurales où “ les militaires menacent les paysans de brûler leurs maisons s'ils votent pour le parti ” pro-kurde. Toutefois, “ si des irrégularités n'entachent pas le scrutin, nous franchirons la barre ” des 10 %, ajoute M. Urkut confiant.

Par ailleurs, quelques personnalités kurdes se présentent en candidats indépendants à ces élections, comme l’ex-député Abdul Melik Firat, Mehmet Ali Aslan, ex-président du parti ouvrier de Turquie (TIP) ou encore Feridun Yazar, ancien maire d’Urfa

TOUT EN ÉRADIQUANT LA CULTURE KURDE, LA TURQUIE ACCUEILLE 110 PAYS DE L’UNESCO POUR UN COLLOQUE SUR LE THÈME DE “ PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL, MIROIR DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE


La Turquie qui continue à interdire des prénoms kurdes, qui traîne les pieds pour appliquer des réformes pourtant adoptées et persiste dans sa politique d’assimilation forcée des Kurdes, a accueilli les 16 et 17 septembre 2002 à Istanbul les représentants de 110 pays, dont 72 ministres de la culture sur le thème du “ patrimoine culturel immatériel, miroir de la diversité culturelle ”.

À l’issue de la table ronde des ministres de la culture et les représentants de 110 pays ont, le 18 septembre, décidé :“ de développer des politiques visant à l’identification, la sauvegarde, la promotion et la transmission du patrimoine culturel immatériel, en particulier grâce à des actions d’information et d’éducation ” Ils se sont engagés à “ veiller à ce que les expressions de ce patrimoine bénéficient d’une reconnaissance au sein des Etats pour autant qu’elles soient respectueuses des droits de l’homme universellement reconnus ”

Le Directeur général de l'UNESCO, Koïchiro Matsuura, les ministres et participants ont adopté la Déclaration d'Istanbul où ils s'engagent à “ promouvoir activement les principes énoncés dans la Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle ”, adoptée à Paris en novembre 2001.

Dans cette Déclaration d'Istanbul, l'UNESCO est appelé à “ examiner la possibilité d'établir un fonds spécial ” pour défendre le patrimoine immatériel, composé de langues, rituels sociaux et religieux, chants, danses, formes de représentation théâtrale, techniques artisanales uniques en leur genre, qui font que les cultures se distinguent les unes des autres. “ Les expressions multiples du patrimoine culturel immatériel comptent au nombre des fondements de l’identité culturelle des peuples et des communautés, en même temps qu’elles constituent une richesse commune à l’ensemble de l’humanité. Profondément enracinées dans l’histoire locale et l’environnement naturel, incarnées entre autres dans une grande variété de langues qui sont autant de visions du monde, elles sont un facteur essentiel pour le maintien de la diversité culturelle, conformément à la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle (2001) ” ajoute la déclaration.

La Déclaration d'Istanbul ajoute : “ une convention internationale appropriée [...] pourrait marquer une étape positive “ dans la poursuite de cet objectif. Une réunion intergouvernementale d'experts est prévue en vue d'entreprendre l'élaboration d'un avant-projet de cette convention.

Pour accéder au texte intégral de la Déclaration d'Istanbul: http://portal.unesco.org/culture_roundtable

LANCEMENT DE LA CONSTRUCTION DE L’OLÉODUC BAKOU-TBILISSI-CEYHAN


Les premiers coups de pioche de la construction de l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) qui transportera le pétrole azerbaïdjanais de la Caspienne vers un terminal turc de la Méditerranée, ont été donnés le 18 septembre près de Bakou. Les présidents azerbaïdjanais Heydar Aliev, géorgien Edouard Chevardnadzé et turc Ahmet Necdet Sezer ont assisté à la pose d'un premier tuyau d'acier dans une tranchée près du terminal pétrolier de Sangatchal, point de départ du pipeline qui doit être achevé en 2005. “ À partir de ce moment, l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan prend forme ”, a déclaré le président Aliev.

Une fois achevé, l'oléoduc transportera un million de barils par jour. Il s'étendra sur 1.750 km, de la côte azerbaïdjanaise de la Caspienne jusqu'au nouveau terminal turc de Ceyhan, en passant par la Géorgie. Le nouvel oléoduc, évitant la Russie et très soutenu par les Etats-Unis, aura coûté une fois terminé 2,95 milliards de dollars, financés par un consortium international.

Le secrétaire américain à l'Energie Spencer Abraham a pris part à la cérémonie, réaffirmant le soutien du président américain George W. Bush pour cette entreprise. “ Sans cet oléoduc, les ressources de la Caspienne ne seraient pas développées et n'atteindraient pas les marchés mondiaux ”, a-t-il déclaré. “ L'oléoduc BTC est la composante centrale d'un couloir énergétique est-ouest qui apportera d'importants bénéfices à long terme aux pays de la région et au reste du monde ”, a ajouté M. Abraham.

La mer Caspienne, bordée par cinq pays riverains, recèle les troisièmes réserves mondiales de pétrole et de gaz, mais le transport de ses richesses est jusqu'à présent essentiellement contrôlé par la Russie, les deux principaux oléoducs existants passant par son territoire. La construction de l’oléoduc représente un défi technique majeur car il doit traverser pas moins de 1.500 rivières et s'élever par endroits à 2.700 mètres d'altitude. S'y ajoute l'insécurité régnant en Géorgie, où des hommes d'affaires occidentaux sont parfois enlevés par des bandits demandant d'importantes rançons.

LA TURQUIE SIGNE AVEC LA FRANCE UN CONTRAT DE 400 MILLIONS DE DOLLARS POUR SA PATROUILLE MARITIME


La société française Thales annonce, le 12 septembre, la signature avec le gouvernement turc, du contrat Meltem qui porte sur la fourniture de systèmes de patrouille et de surveillance maritimes à la marine et aux garde-côtes turcs. Le montant du contrat global est de l'ordre de 400 millions de dollars. Thales a été retenu comme fournisseur privilégié en 2001 et le contrat définitif a été signé le 6 septembre à Ankara par MM. Ali Dursun Ercan, sous-secrétaire d'Etat aux industries de défense (SSM), et José Massol, directeur général adjoint.

Le contrat Meltem porte sur la fourniture de neuf systèmes qui seront intégrés dans les avions CN 235 existants, après modification, et sur dix autres systèmes à intégrer sur de nouvelles plates-formes. Thales s'est engagé à faire participer l'industrie turque pour une part significative à la réalisation de ce contrat, notamment dans le domaine des hautes technologies. Cette participation va renforcer le partenariat qui existe déjà entre Thales et l'industrie de défense turque.

Thales Systèmes Aéroportés est le premier fournisseur européen de systèmes de mission embarqués, de radars embarqués, d'électronique de missiles et de systèmes de guerre électronique navals, aériens ou terrestres.

57 ÈME VICTIME DE LA GRÈVE DE LA FAIM


Une détenue d'extrême gauche est décédée, le 10 septembre, en Turquie des suites de sa grève de la faim, portant à 57 le nombre de personnes décédées dans ce mouvement de protestation contre la détention dans des quartiers de haute sécurité, a annoncé l'Association indépendante de défense des droits de l'Homme.

Hamide Ozturk, 32 ans, a trouvé la mort dans un hôpital d'Istanbul. Elle effectuait une peine de prison de 12 ans pour son appartenance au Parti-Front révolutionnaire pour la libération du Peuple (DHKP-C), un mouvement marxiste interdit, mais avait été récemment transférée à l'hôpital après la dégradation de son état de santé.

Les prisonniers d'extrême gauche et leurs proches ont lancé leur mouvement en octobre 2000 pour protester contre leur transfert dans des cellules d'isolement où ils craignent d’être, à la merci de leurs gardiens. Les autorités pénitentiaires estiment que la détention dans les grands blocs où des centaines de prisonniers se côtoient sont incontrôlables et servent en fait de camp de formation idéologique.

INTERDICTION D’UN JOURNAL PRO-KURDE DANS LES PROVINCES KURDES DE DIYARBAKIR ET DE SIRNAK


Les autorités turques ont interdit la distribution du journal pro-kurde Yeniden Ozgur Gundem dans deux provinces kurdes, a indiqué le 11 septembre le quotidien. Le journal, lancé la semaine dernière, a été interdit depuis le 10 septembre à Diyarbakir et Sirnak par le super-préfet de la région en état d'urgence, en vigueur depuis la fin des années 80 dans ces provinces. Ces autorités peuvent, sous ce régime dérogatoire, saisir ou interdire la distribution dans leur région de journaux afin d' “ établir la sécurité et l'ordre publics ”.

Un membre de la direction du journal, Delal Eren, a indiqué que la décision était intervenue après la publication d'articles rédigés par Abdullah Ocalan, condamné à la peine capitale en 1999. Le communiqué du journal regrette la décision “ à un moment où la Turquie attend de l'Union européenne de lui fixer une date pour l'amorce des négociations d'adhésion ”.

B. Yahnici, le numéro deux du parti ultra-nationaliste de l'Action nationaliste (MHP), partenaire du gouvernement turc et fermement opposé aux droits culturels kurdes, avait appelé les autorités judiciaires à prendre des mesures contre le Premier ministre Bulent Ecevit au sujet des privilèges dont jouirait A. Ocalan. Le parti prétend qu'A. Ocalan a la capacité de communiquer des ordres et des instructions à ses sympathisants, et d'accorder des interviews à la presse étrangère depuis sa cellule de l'île-prison d'Imrali (nord-ouest), où il est le seul détenu. Ecevit serait donc “ objectivement complice ” d’Ocalan et à ce titre passible de prison pour “ soutien à organisation terroriste ” !