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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 243

7/6/2002

  1. “ LEYLA ZANA, PROMESSE D’UN PEUPLE ” EN PROJECTION AU FORUM DES IMAGES LE 26-06-02
  2. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE À NOUVEAU LA TURQUIE POUR VIOLATION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION
  3. UNE MAISON DE PRODUCTION DE MUSIQUE INTERDITE POUR PROPAGANDE KURDE
  4. FESTIVAL CULTUREL DE DIYARBAKIR : ARRESTATION D’UN GROUPE DE CHANTEUSES ACCUSÉES D’AVOIR CHANTÉ EN KURDE ET DE PORTER DES COSTUMES KURDES
  5. LE CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ DONNE LE FEU VERT POUR CERTAINES RÉFORMES : LEVÉE DE RÉGIME D’EXCEPTION DANS DEUX PROVINCES KURDES
  6. LE GOUVERNEMENT TURC EN CONVALESCENCE PROLONGÉE
  7. DEVLET BAHÇELI LANCE SA CAMPAGNE ET SE PRONONCE CONTRE LES RÉFORMES IMPOSÉES PAR L’UE


“ LEYLA ZANA, PROMESSE D’UN PEUPLE ” EN PROJECTION AU FORUM DES IMAGES LE 26-06-02


Le parlement de la république de San Marino a voté le 6 juin une motion demandant à la Turquie la libération de Leyla Zana, ancienne députée du parti de la démocratie (DEP-interdit), condamnée à 15 ans de prison. “ Un pays candidat à l’Union européenne devrait prendre en considération les normes internationales, les libertés et les revendications ” souligne ce parlement qui représente 26 000 âmes.

Par ailleurs, la Fondation France-Libertés et le CILDEKT vous invitent à la projection d’un film documentaire de Kudret Gunes retraçant le parcours de Leyla Zana et intitulé “ Leyla Zana, promesse d’un peuple ”. Projection, suivie d’un débat, au Forum des images (Porte Saint-Eustache Forum des Halles 75001 Paris) le mercredi 26 juin 2002 à 20h00 en présence de Mme Danielle Mitterrand et de Kendal Nezan, président de l’Institut kurde de Paris.

LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE À NOUVEAU LA TURQUIE POUR VIOLATION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION


La Turquie a été condamnée le 4 juin par la Cour européenne des droits de l'Homme pour “ violation de la liberté d'expression ” d'un ressortissant turc accusé par les autorités turques d’avoir prononcé un discours favorable au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Esber Yagmurdereli, avocat de formation, écrivain et docteur en philosophie, avait été condamné à la prison à perpétuité en 1985 pour “ tentative de renversement de l'ordre constitutionnel ”. Remis en liberté conditionnelle en 1991, il avait été à nouveau condamné pour “ propagande séparatiste ” après avoir prononcé un discours dans lequel il utilisait le terme de “ Kurdistan ” et parlait de “ la lutte pour la démocratie et la liberté ” du PKK. Il était finalement élargi en janvier 2001. La Cour européenne a estimé que “ les propos du requérant avaient la forme d'un discours politique et que survenant lors d'un débat public portant sur une nouvelle loi relative au terrorisme, ils revêtaient le caractère d'une question d'intérêt général ”. Les juges, considérant que ces propos n'étaient pas une “ incitation à attiser la haine et la violence entre citoyens ”, ont rejeté l'argument de la Turquie qui mettait en avant la nécessité de protéger la sécurité nationale et l'intégrité territoriale.

La Turquie a ainsi été condamnée pour violation de l'article 10 (liberté d'expression). Elle a également été condamnée pour violation de l'article 6-1 (droit à un procès équitable) car un juge militaire siégeait dans la cour de sûreté de l'Etat qui avait condamné le requérant.

UNE MAISON DE PRODUCTION DE MUSIQUE INTERDITE POUR PROPAGANDE KURDE


Le ministère turc de la culture a, le 5 juin, décidé d’interdire Kalan Muzik, une maison de production réputée pour, entre autres, avoir produit la cassette de poèmes du Premier ministre Bulent Ecevit. Le ministère reproche à Kalan Muzik d’avoir produit en 1993 un album dont une des chansons, vieilles de 82 ans, contient le mot Kurdistan. “ En Turquie, il appartient au ministère de la culture de contrôler tout album en langue kurde, laz ou arménienne, exception faite de ce qui est fait en anglais, allemand, français ou encore en toutes autres langues d’Afrique. Leur traduction en turc devrait être envoyée au ministère de la culture…Ne sachant pas le kurde c’est le groupe produit qui s’est chargé de la traduction. Je n’ai pas fait attention ” déclare Hasan Saltik, au quotidien Hurriyet le 6 juin qui sous le titre de “ fermeture de la maison de production d’Ecevit pour propagande kurde ” publie une photo de B. Ecevit accompagné de Hasan Saltik, copyright Husamettin Ozkan [ndlr : ministre d’Etat bras droit de Bulent Ecevit]. “ Quand nous arriverons au pouvoir tous ces interdits vont cesser ” avait pourtant promis H. Ozkan à l’époque du cliché au producteur qui est qualifié d’ “ archéologue de la musique ” par la presse turque.

FESTIVAL CULTUREL DE DIYARBAKIR : ARRESTATION D’UN GROUPE DE CHANTEUSES ACCUSÉES D’AVOIR CHANTÉ EN KURDE ET DE PORTER DES COSTUMES KURDES


Le festival culturel de Diyarbakir organisé du 25 mai au 2 juin par la municipalité kurde s’est clos dans le tourment avec l’intervention musclée de la police turque et l’arrestation de Koma Asmin, un groupe amateur de 11 jeunes filles du centre culturel de Mésopotamie d’Istanbul, dont le seul crime fut de chanter en kurde une chanson très populaire du folklore kurde.

La cour de sûreté de l'état de Diyarbakir (DGM) qui a remis le 3 juin en liberté provisoire les membres du groupe, reproche à Koma Asmin d’avoir chanté en kurde mais également de provoquer les autorités en s’habillant avec des costumes traditionnels kurdes. De son côté, Feridun Çelik, maire de Diyarbakir, devait déposer une plainte contre le Directeur de la Sûreté.

LE CONSEIL NATIONAL DE SÉCURITÉ DONNE LE FEU VERT POUR CERTAINES RÉFORMES : LEVÉE DE RÉGIME D’EXCEPTION DANS DEUX PROVINCES KURDES


Le Conseil national de sécurité turc (MGK) a décidé 30 mai de recommander au parlement de mettre fin à partir du 30 juillet à l'état d'urgence en vigueur depuis 14 ans dans deux provinces kurdes, celles de Hakkari et de Tunceli (Dersim).

Le MGK, organe dominé par l'armée et qui réunit chaque mois les plus hauts responsables civils et militaires pour tracer les grandes lignes de conduite du pays, a décidé en outre de recommander la prolongation à partir du 30 juillet “ pour la dernière fois ” pour quatre mois de l'état d'urgence dans les deux autres provinces où cette pratique reste en vigueur, celles de Sirnak et Diyarbakir, souligne un communiqué publié à l'issue de la réunion de mai.

La levée de l'état d'urgence dans les provinces kurdes fait partie des mesures politiques réclamées à “ moyen terme ” à la Turquie par l'Union européenne (UE) pour ouvrir des négociations d'adhésion. Le gouvernement turc s'était engagé à le lever, mais sans donner de date, dans son “ programme national ”, vaste catalogue de mesures devant mettre la Turquie en conformité avec les normes européennes en matière de politique et d'économie, adopté en 2001.

La réunion du MGK, à laquelle le Premier ministre Bulent Ecevit- qui vient de fêter ses 77 ans et actuellement en convalescence - n'assistait pas, a par ailleurs demandé l'accélération des réformes pour l'ouverture des négociations d'adhésion à l'UE. Le MGK a aussi appelé les Quinze à fixer avant la fin de l'année une date pour ces négociations, réclamée avec insistance par Ankara.

Le gouvernement tripartite de M. Ecevit est divisé sur ces réformes, dont l'abolition complète de la peine capitale la création d'une chaîne de télévision ainsi qu'un système d’éducation en kurde. Son partenaire ultra nationaliste, le MHP de Devlet Bahceli, les freinant ouvertement.

La Commission européenne a salué le 31 mai les recommandations avancées par le MGK. Un porte-parole à Bruxelles s'est également félicité qu’un organe dominé par l'armée, ait recommandé la suppression de la peine de mort, ainsi que “ l'éducation et la diffusion de programmes audiovisuels en langues autres que le turc ”. “ Ce sont là des signaux positifs qui vont dans la bonne direction ”, a souligné le porte-parole. “ Nous encourageons maintenant la Turquie à traduire ces recommandations en actes concrets le plus vite possible, au bénéfice de tous les citoyens turcs ”, a poursuivi le porte-parole. “ Une mise en œuvre concrète, a-t-il averti, est d'autant plus urgente et importante qu'elle déterminera la teneur et la tonalité du rapport régulier ” que la Commission européenne publiera en octobre sur les treize pays candidats à l'Union. Le porte-parole a enfin invité Ankara à poursuivre ses réformes de façon à pouvoir répondre à “ tous les critères politiques ” d'adhésion à l'Union européenne (UE). “ Des progrès sont encore à effectuer dans les domaines du droit d'expression, de celui d'association et du droit à la liberté de la presse ”, a-t-il conclu.

LE GOUVERNEMENT TURC EN CONVALESCENCE PROLONGÉE


Le Premier ministre turc a rejeté le 1er juin les appels qui se multiplient en faveur de sa démission, affirmant qu'il était en bonne santé et resterait à la tête du gouvernement. Bulent Ecevit, qui a été hospitalisé à deux reprises au cours du mois de mai, a manqué la semaine dernière la réunion du conseil national de sécurité (MGK) avec des militaires. Du coup, l'opposition, la presse, et même certains membres de la coalition au pouvoir, réclament sa démission. Mais dans une déclaration écrite, le Premier ministre, âgé de 77 ans, a affirmé : “ je vais bien, je ne souffre pas. Je continue à me reposer comme les médecins me le conseillent, mais je continue à travailler comme l'exige mon rôle. Je suis à mon poste ”.

Alors que la Turquie traverse une période de récession économique, certains observateurs, ainsi que les marchés financiers, craignent qu'une démission d'Ecevit ne déclenche une crise au sein de la coalition des trois partis de gouvernement, et ne nécessite de nouvelles élections. Ils craignent qu'une période d'instabilité politique ne vienne aggraver la crise économique. De plus, Ankara est à un stade critique de ses efforts d'adhésion à l'UE. Ankara veut que soit fixée une date pour l'ouverture des pourparlers d'adhésion avec l'UE dès cette année et craint qu'une crise politique ne fasse échouer les réformes en vue de respecter les critères d'adhésion.

Bulent Ecevit a eu au cours du mois de mai des ennuis intestinaux, une côte cassée à la suite d'une chute et une infection veineuse. Selon la presse, il pourrait également être atteint de la maladie de Parkinson et d'une grave forme de myasthénie, qui se caractérise par des faiblesses et une grande fatigue musculaire.

DEVLET BAHÇELI LANCE SA CAMPAGNE ET SE PRONONCE CONTRE LES RÉFORMES IMPOSÉES PAR L’UE


Le vice-Premier ministre ultra nationaliste turc Devlet Bahceli a réaffirmé le 4 juin l'opposition de son parti de l'Action nationaliste (MHP) à certaines réformes clés nécessaires pour pouvoir ouvrir des négociations d'adhésion avec l'Union européenne (UE). Devant le groupe parlementaire de son parti, M. Bahceli a estimé que la Turquie ne devait pas prendre des décisions “ hâtives ” menaçant ses intérêts et son unité nationale pour intégrer l'UE, et a critiqué dans ce contexte l'attitude de son partenaire gouvernemental, le parti de la Mère-patrie (ANAP) de Mesut Yilmaz.

Il a estimé que le dossier d’Abdullah Ocalan, condamné à mort en 1999 en Turquie pour “ trahison et séparatisme ” devrait être envoyé au parlement pour qu'il décide ou non de son exécution, une fois que la Cour européenne des droits de l'Homme, saisie de l'affaire, aura rendu son arrêt, et quelle qu'en soit la teneur. M. Bahceli a également demandé que soit mis fin au “ traitement spécial ” réservé à Ocalan, détenu dans l'île-prison d'Imrali dont il est le seul occupant.

M. Bahceli s'est également opposé à un enseignement et une télévision en kurde, droits culturels de base pour les Kurdes que préconise l'UE dans le cadre des critères de Copenhague sur les droits de l'Homme. “ La Turquie doit réfléchir à trois fois sur cette affaire ”, a-t-il souligné. Il s'est défendu des critiques contre sa formation, accusée de freiner au sein de la coalition gouvernementale les réformes nécessaires pour adhérer à l'UE, soulignant qu'une politique “ réaliste et nationale ne peut être qualifiée d'opposition à l'UE ”. Il a affirmé que la Turquie respectait ses engagements vis-à-vis des Quinze et avait fait des “ pas concrets et importants ” dans ce domaine, mais accusé l'UE de ne pas avoir fait de même.

Le gouvernement de coalition tripartite du Premier ministre Bulent Ecevit est ainsi divisé sur les réformes réclamées par l'UE. Devant ce blocage, le président Ahmet Necdet Sezer est intervenu pour convoquer le 7 juin un sommet des dirigeants des partis représentés au parlement afin d'accélérer la mise en œuvre des réformes.

Devlet Bahceli a d’ores et déjà lancé sa campagne électorale sur son terrain favori ; la peine de mort pour Ocalan, anti-européanisme, nationalisme turc. La Cour européenne des droits de l'Homme rendra après l'été son arrêt concernant le chef kurde Abdullah Ocalan, a-t-on appris le 3 juin auprès de la Cour à Strasbourg.