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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 232

27/2/2002

  1. À DIYARBAKIR DES ENFANTS KURDES AGÉS DE 7 À 14 ANS SONT INTERROGÉS PAR LES AUTORITÉS TURQUES POUR AVOIR PARTICIPÉ À UN CONCOURS DES DROITS DE L’HOMME
  2. APPEL À LA LIBÉRATION DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS
  3. LES AUTORITÉS ITALIENNES ACCUSENT LA TURQUIE DE FERMER LES YEUX SUR LE TRAFIC DE CLANDESTINS
  4. LES HOMMES POLITIQUES TURCS LANCENT LE DÉBAT SUR LA “ POLITISATION DU PKK ”, PENDANT QUE DES DÉPUTÉS KURDES RESTENT EMPRISONNÉS POUR DÉLIT D’OPINION
  5. L’ARMÉE TURQUE ANNONCE LE DÉMINAGE DE LA FRONTIÈRE SYRO-TURQUE
  6. PROCÈS DU LIVRE INTERDIT DU JOURNALISTE AMÉRICAIN JONATHAN RANDAL : EXTRAITS DE L’ACTE D’ACCUSATION


À DIYARBAKIR DES ENFANTS KURDES AGÉS DE 7 À 14 ANS SONT INTERROGÉS PAR LES AUTORITÉS TURQUES POUR AVOIR PARTICIPÉ À UN CONCOURS DES DROITS DE L’HOMME


L’association turque des droits de l’homme (IHD), a, le 18 février, déclaré que des enfants âgés de 7 à 14 ans ont été interrogés par des inspecteurs du ministère de l'Education pour avoir participé à un concours de l’IHD à Diyarbakir. “ L'enquête a été ouverte début février et elle se poursuit ”, a précisé Muharrem Erbey, du bureau de l'IHD à Diyarbakir, qui a relevé que “ la psychologie des enfants a été sérieusement affectée. Ils ont été interrogés comme s'ils avaient commis un crime en faisant des dessins et des compositions innocentes ”.

Quelque 300 enfants avaient participé en décembre 2001 à un concours en faisant des dessins ou des compositions pour marquer la semaine des droits de l'Homme. Vingt enfants et une quarantaine d'enseignants ont été interrogés par des inspecteurs sur les raisons de leur participation au concours de l'IHD et non à celui organisé par le bureau du gouverneur. Les autorités locales ont refusé de faire le moindre commentaire. L'IHD avait pourtant reçu l'autorisation de la municipalité d'organiser ce concours et de le faire connaître par voie d'affiches.

APPEL À LA LIBÉRATION DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS


Un réseau d’association de droits de l’homme, dont France-Libertés et CILDEKTvient de lancer un appel pour la libération de quatre anciens députés kurdes, emprisonnés depuis 8 ans en Turquie. Leur seul tort est une volonté farouche de faire reconnaître les droits du peuple kurde. Voici un appel à envoyer par courrier, tout d'abord au Premier ministre, Monsieur Lionel Jospin, puis au député de votre circonscription, afin de sensibiliser et de voir les pouvoirs politiques français agir quant au sort réservé aux députés kurdes emprisonnés au mépris des droits de l'Homme les plus élémentaires.
Monsieur le Premier ministre/Monsieur le député

En novembre 2000, a été lancée la campagne “Vos droits de l'Homme s'il vous plaît !”. Plusieurs dizaines de milliers de citoyens ont participé à cette campagne d'opinion publique, menée en partenariat avec Agir Ici pour un monde solidaire, l'ACAT, Amnesty International, la CIMADE, le CRADHOM, France Libertés et le Mouvement de la Paix.

Or, depuis, la situation des droits de l'Homme en Turquie n'a que peu évolué, et la France n'a pris aucune initiative pour contribuer à cette amélioration. La situation est particulièrement difficile pour les députés emprisonnés encore aujourd'hui. C'est pourquoi, nous lançons un “Appel pour la libération de quatre anciens députés kurdes emprisonnés en Turquie Leyla Zana, Hatip Dicle, Selim Sakik et Orhan Dogan”.

Jugés par la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, le 8 décembre 1994, ils ont été condamnés à 15 ans de prison. La Cour européenne des droits de l'Homme, saisie de ce dossier à la demande des anciens députés, a rendu publique sa décision le 17 juillet 2001. La Cour a condamné à l'unanimité la Turquie pour violation de l'article 6 de la Convention des droits de l'Homme en raison du manque d'indépendance et d'impartialité de la cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, du fait que les requérants n'ont pas été informés en temps utile de la requalification des accusations portées contre eux et qu'ils n'ont pas eu la possibilité d'interroger et de faire interroger les témoins à charge.

Les deux récents rapports sur la Turquie présentés à la Commission européenne, respectivement le 25 octobre et le 13 novembre 2001, en rappelant la décision du 17 juillet 2001, demandent l'intégration dans la législation turque des mesures permettant de prendre en compte les condamnations de la Cour européenne des droits de l'Homme, notamment la garantie de la restauration des droits civils et politiques dans les cas ou ceux-ci ont été restreints à la suite d'une condamnation, la réouverture du procès et la question des réparations en cas de procès non équitable.

Nous, citoyens français, demandons au gouvernement français de prendre les initiatives nécessaires au Comité des ministres du Conseil de l'Europe pour qu'il surveille l'exécution de l'arrêt du 17 juillet 2001 de la Cour Européenne des droits de l'Homme, et qu'il demande à la Turquie :
  • de prendre les mesures législatives nécessaires à la libération immédiate des quatre anciens députés, Leyla Zana, Hatip Dicle, Selim Sakik et Orhan Dogan,
  • d'accorder le droit de révision de leur procès devant un tribunal indépendant et impartial, conformément aux principes de la Convention européenne des droits de l'Homme.
Aux députés français, de créer un groupe d'études parlementaire sur la question kurde, et de mettre en place un mécanisme d'évaluation et de contrôle du respect des droits de l'Homme en Turquie dans le cadre de l'accord d'association, Union Européenne/Turquie.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre / Monsieur le député, l'expression de ma très haute considération.


Courriers à envoyer à: Monsieur Lionel Jospin Premier ministre Hôtel de Matignon 57, rue de Varenne, 75007 - Paris

Monsieur ........................................................ Député de........................................................

Assemblée Nationale - 126, rue de l'Université, 75007 Paris

LES AUTORITÉS ITALIENNES ACCUSENT LA TURQUIE DE FERMER LES YEUX SUR LE TRAFIC DE CLANDESTINS


Quatre-vingt-quatre Kurdes irakiens ont, le 18 février, été découverts dans un camion frigorifique à bord d'un ferry en provenance de Patrai (Grèce) et à destination d'Ancône, dans le centre de l'Italie, a rapporté, le 18 février, le quotidien Il Corriere Adriatico. Les clandestins ont été découverts la veille pendant la traversée de l'Adriatique par l'équipage du ferry, le Superfast III, qui a alerté les carabiniers italiens. Ces Kurdes ont dû payer à des passeurs plus de 1.000 euros par personne, selon le quotidien local qui souligne qu'il s'agit de l'une des plus importantes tentatives de débarquement de clandestins dont on se souvienne à Ancone, hormis les boat-people albanais du début des années 1990.

Plus de 20.000 clandestins ont débarqué l'an dernier en Italie et les procédures de rapatriement ont concerné plus de 75.000 sans papiers, selon des chiffres fournis lundi par un responsable du ministère de l'Intérieur, Alfredo Mantovano, qui a montré du doigt la Turquie. “ Le vrai problème est d'éviter que dans les ports turcs d'Istanbul et de Smyrne les épaves se remplissent, sous les yeux d'une police qui sait être très efficace quand elle veut, et prennent ensuite la route vers l'Europe et en particulier vers l'Italie en passant sans difficulté les eaux territoriales grecques ”, a-t-il déclaré.

Par ailleurs, un bateau de pêche grec transportant 131 immigrés clandestins, à majorité des Kurdes, a, le 26 février, accosté à Karystos. Dans leurs premiers témoignages, les clandestins ont indiqué que les passeurs les avaient pris en charge sur les côtes turques. Selon le décompte des autorités portuaires, 8 femmes et 12 enfants figurent parmi les clandestins.

LES HOMMES POLITIQUES TURCS LANCENT LE DÉBAT SUR LA “ POLITISATION DU PKK ”, PENDANT QUE DES DÉPUTÉS KURDES RESTENT EMPRISONNÉS POUR DÉLIT D’OPINION


Le président du Parlement turc Omer Izgi s'est catégoriquement opposé, le 25 février, à une “ politisation ” du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), indiquant qu'il n'y avait pas de place pour une “ organisation terroriste ” dans l'horizon politique turc. “ Le PKK est une organisation terroriste qui s'est affirmée par des actions visant à diviser le pays ”, a-t-il dit, en réponse aux déclarations d'un ministre la semaine dernière. “ Il est impossible qu'une organisation comme le PKK, qui reflète sa volonté en actes par des actes terroristes, puisse avoir une place dans la vie politique turque ”, a dit M. Izgi.

Le ministre d'Etat chargé des Douanes, Mehmet Kececiler, membre influent du parti de la Mère Patrie (Anap), partenaire de la coalition tripartite turque, avait indiqué dans des déclarations parues 21 février dans la presse turque que sa formation “ vaincrait ” le PKK dans les provinces kurdes au cas où il devait se présenter aux prochaines élections législatives. Ce débat intervient alors que Leyla Zana et ses trois collègues députés du parti pro-kurde de la démocratie (DEP) se trouvent emprisonnés depuis huit ans déjà à la prison d’Ankara pour délit d’opinion et que les autorités turques refusent de discuter de la libération de ses élus du peuple.

L'ANAP, dont le chef Mesut Yilmaz est vice-Premier ministre chargé du dossier européen, milite pour une adhésion rapide de la Turquie à l'Union européenne et adopte une approche modérée pour l'octroi des droits culturels aux Kurdes, provoquant l'ire du parti de l'Action Nationaliste MHP (ultra-nationaliste), partenaire de la coalition dont est issu M. Izgi.

Toutefois, les observateurs semblent ne pas être dupes et soulignent l’objectif électoraliste de ses déclarations, d’autant plus que les sondages donnent moins de 10 % des intentions de vote au parti ANAP qui cherche à séduire les Kurdes et que Mehmet Keçeciler, qui représente le courant islamiste-conservateur du parti, est revenu sur ses déclarations dès le lendemain en soulignant qu’il avait été “ mal compris ” et que c’était une opinion personnelle qui n’engageait pas le parti. “ Si vous interrogez les partenaires de la coalition gouvernementale, ils vous diront que les prochaines élections seront en avril 2004…mais les manœuvres politiques actuelles des membres de la coalition semblent suggérer que les élections ne se tiendront pas aussi tard que ce que nous croyons ” écrit, le 27 février, Ilnur Çevik, éditorialiste du quotidien turc anglophone Turkish Daily News.

L’ARMÉE TURQUE ANNONCE LE DÉMINAGE DE LA FRONTIÈRE SYRO-TURQUE


L’Etat-major turc, a, le 25 février, déclaré qu’un programme de déminage sera lancé à la frontière syro-turque pour un montant de 35 millions de dollars pour une période de cinq ans. La frontière de 877 km, comprenant les villes kurdes de Mardin, Urfa, Antep, Kilis, et Hatay, sera ainsi déminée selon l’armée turque, qui a d’ores et déjà reçu un budget de 15 trillions de livres turques (12 millions euros) à cette fin. “ Avec le déminage, une surface de 350 000 ares sera disponible pour l’irrigation. Les champs de cotons qui remplaceront les champs de mines, devraient rapporter 160 000 tonnes de récoltes. Soit, 64 trillions de livres turques de revenus par an (52,5 millions d’euros )” a déclaré le député d’Urfa, Mehmet Yalçinkaya, à l’annonce du projet.

PROCÈS DU LIVRE INTERDIT DU JOURNALISTE AMÉRICAIN JONATHAN RANDAL : EXTRAITS DE L’ACTE D’ACCUSATION


Alors que la Turquie ambitionne d’adhérer à l’Union européenne, la liberté de l’expression continue à être bafouée par les autorités turques et parler des Kurdes et du Kurdistan constitue en soi un crime en Turquie sur le fondement de l’article 7 de la loi anti-terreur réprimant “ la propagande terroriste ”. Ainsi, la version turque du livre de Jonathan Randal, ancien correspondant de Washington Post et auteur de “ After Such Knowledge, What Forgiveness ? ”, se trouve sur la sellette de la justice turque et son éditeur risque l’emprisonnement pour ce livre qui existe déjà en versions kurde, persane, arable et anglaise. “ Curieusement, la préface du livre que j’ai spécialement écrite pour la version turque a été exclue des charges qui pèsent sur le livre, bien que j’y ai particulièrement salué les récentes réformes démocratiques engagées en Turquie et indiqué que la Turquie est le pays où les Kurdes peuvent avoir le plus de chance d’avoir leur ambition d’être traités comme des citoyens de première classe réalisée ” indique J. Randal.

La Cour de sûreté de l’Etat d’Istanbul, reproche à l’éditeur du livre les passages suivants :

“ Page 23 : Je me suis réveillé dans un hôtel bon marché dans le Kurdistan turc par des coups de feu ininterrompus tirés à quelques centaines de mètres seulement de là……

Page 25 : Récemment, les Kurdes d’Iran, d’Irak et de Turquie, ont été tous engagés dans des révoltes simultanées mais non coordonnées… En 1991, les premiers Kurdes en sept décennies ont été élus au Parlement de Turquie en tant que représentants des intérêts kurdes. Sans surprise, ils ont manqué de qualité politique suffisante pour éviter l’isolement, l’arrestation et l’emprisonnement, moyens tenus par le gouvernement dominé par les forces armées de la Turquie…

Page 27 : La Turquie moderne a poursuivi une politique dont le but était d’effacer l’identité culturelle aussi bien que politique des Kurdes pendant plus de 70 ans. En mars 1924, moins d’une année après la fondation de la République turque de Mustafa Kemal Ataturk, la culture, la langue et même les toponymies kurdes ont été interdites… Pendant des décennies, la Turquie a insisté sur le fait que les Kurdes étaient des “ Turcs de montagne ” qui vivaient dans “ l’est et le sud-est ” et non pas dans un quelconque “ Kurdistan ”.

Page 49 : Les tout derniers jours précédents la guerre du Koweït de janvier 1991, par exemple, des centaines de milliers de Kurdes de Turquie ont fui leurs maisons du sud-est de la Turquie…Tard dans la nuit, à l’arrêt de bus, j’observais des hommes désespérés envoyant femmes et enfants au loin, aussi loin que possible des régions kurdes jugées risquées.

Page 309 : Tous ces espoirs se sont évaporés lorsque les gouvernements successifs ont échoué après 1984 avec la guerre civile toujours plus chère qui s’amorçait au Kurdistan de Turquie ”.