Publications

Haut

POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
 -
Liste
NO: 226

14/1/2002

  1. ANKARA RECONNAIT DEVANT LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME LES MAUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS EN GARDE-À-VUE
  2. L’INTERVENTION ÉVENTUELLE DE L’ARMÉE AMÉRICAINE EN IRAK EXACERBE LA HANTISE TURQUE DE VOIR LA CRÉATION D’UN ETAT KURDE
  3. LE PREMIER MINISTRE TURC CRITIQUE L’UNION EUROPÉENNE POUR NE PAS AVOIR CITÉ LE PKK ET LE DHKP-C DANS LA LISTE DES ORGANISATIONS TERRORISTES
  4. LA COUR CONSTITUTIONNELLE TURQUE VA BIENTÔT STATUER SUR LES AFFAIRES DU PARTI PRO-KURDE HADEP ET DE RECEP TAYYIP ERDOGAN SE PRÉCISE DEVANT
  5. 45 ÈME VICTIME DE LA GRÈVE DE LA FAIM LANCÉE DANS LES PRISONS TURQUES
  6. LU DANS LA PRESSE TURQUE : UN NOUVEL ORGANE CRÉE POUR FACILITER UNE INTERVENTION SUBTILE DE L’ARMÉE DANS LA VIE POLITIQUE TURQUE


ANKARA RECONNAIT DEVANT LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME LES MAUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS EN GARDE-À-VUE


Le gouvernement turc a, le 18 décembre 2001, choisi d'indemniser par règlement amiable deux personnes soupçonnées d'appartenir au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) et victimes de mauvais traitements en garde-à-vue. Dans une déclaration, Ankara “ regrette la survenance, comme en l'espèce, de cas individuels de mauvais traitements infligés par les autorités à des personnes en garde-à-vue ”, malgré “ la législation turque existante et la détermination du gouvernement à empêcher de tels incidents ”. Il s'engage en outre “ à édicter des instructions appropriées et à adopter toutes les mesures nécessaires pour garantir que l'interdiction de pareilles formes de mauvais traitements - qui implique l'obligation de mener des enquêtes effectives - soient respectées à l'avenir”.

L'une des victimes, Nimet Acar, recevra une indemnité globale de 28.660 euros (188.000 F), l'autre, Kemal Gundu, de 29.118 euros (191.000 F).

Les deux hommes avaient été arrêtés en février 1994 à Istanbul en même temps qu'une quarantaine de suspects. Ils ont affirmé avoir livré sous la torture des aveux sur leurs liens avec l'organisation kurde du PKK.

Les deux requérants se sont plaints d'avoir subi notamment “ des coups, des pendaisons, des électrocutions, des bastonnades sur la plante des pieds, des écrasements de cigarettes sur le corps ”, ce que les certificats médicaux ont partiellement confirmé. Les policiers impliqués avaient été déclarés non coupables.

L’INTERVENTION ÉVENTUELLE DE L’ARMÉE AMÉRICAINE EN IRAK EXACERBE LA HANTISE TURQUE DE VOIR LA CRÉATION D’UN ETAT KURDE


Les rumeurs et les informations qui circulent sur le prochain pays qui pourrait être frappé par les Etats-Unis dans le cadre de leur lutte anti-terroriste après la déroute des Talibans en Afghanistan a ranimé en Turquie une vieille hantise: la création à sa frontière sud d'un Etat kurde. Le spectre d'un éclatement de l'Irak, suite à une confrontation armée avec les Etats-Unis, est revenu sur le devant de la scène et les dirigeants militaires et civils turcs se pressent ces derniers jours pour faire des déclarations exprimant leur opposition à une telle éventualité.

Ainsi, le chef d'état-major des armées turques, le général Huseyin Kivrikoglu a, le 26 décembre 2001, estimé qu’une extension de la campagne antiterroriste des Etats Unis à l'Irak peut provoquer la création d'un Etat kurde indépendant sur le territoire de ce pays à laquelle la Turquie est catégoriquement opposée. “ Une telle éventualité peut provoquer la création d'un Etat kurde indépendant ”, a-t-il déclaré aux journalistes. Il a précisé que “ non seulement tous les pays arabes, mais aussi la Russie est contre une division de l'Irak et la création d'un pays à base ethnique ”.

Le général turc a en outre estimé qu'une intervention militaire américaine en Irak aura des répercussions encore plus graves pour la Turquie que lors de la guerre du Golfe en 1990. “ Il y aura encore davantage de problèmes pour la Turquie et ils ne seront pas limités au commerce et à l'oléoduc ” reliant l'Irak à la Turquie, a-t-il ajouté.

Par ailleurs, lors d'une conférence de presse avec l'émir du Qatar Hamad ben Khalifa al-Thani, le président turc Ahmet Necdet Sezer a, le 26 décembre, déclaré que : “ La Turquie accorde une grande importance à l'intégrité territoriale de l'Irak et à la protection de son unité nationale ”. M. Sezer a cependant appelé Bagdad à coopérer avec l'ONU et la communauté internationale afin de mettre un terme aux “ souffrances ” de son peuple.

La Turquie estime à plus de 35 milliards de dollars les pertes subies par son économie depuis le début de l'embargo contre l'Irak. Un oléoduc relie les champs pétrolifères irakiens de Kirkouk au terminal turc de Ceyhan, sur la Méditerranée. L'oléoduc, fermé par une décision du Conseil de sécurité de l'ONU après l'occupation du Koweït par l'Irak, avait été rouvert en 1996, dans le cadre du programme “ pétrole contre nourriture ”. Ainsi, le chef de l'organisation patronale turque TUSIAD, Tuncay Ozilhan, s'est déclaré opposé à des frappes qui nuiraient à l'économie turque. “ Une opération militaire mettrait la Turquie dans une position difficile ”, a-t-il souligné.

Ankara a réitéré depuis les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis son opposition à des frappes contre l'Irak. Mais le ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu a récemment déclaré que “ de nouvelles conditions ” pourraient entraîner “ de nouvelles évaluations ”.

Les autorités turques craignent une déstabilisation de l'Irak qui aboutirait à la création d'un Etat kurde dans le nord irakien, contrôlé depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991 par deux partis kurdes. Un tel Etat risquerait, selon Ankara, de stimuler les velléités séparatistes des Kurdes de Turquie, alors qu'Ankara lutte farouchement contre toute évocation d’un Kurdistan voire des Kurdes. Cette hantise turque repose sur une tentative en ce sens sous le parrainage des Occidentaux, remontant au début du siècle et qui a figuré dans le traité de Sèvres, signé en 1920 entre les puissances alliées victorieuses et l'empire Ottoman. Ce texte consacrait le démembrement de l'empire et prévoyait la création à terme d'un “ Kurdistan ” indépendant dans le cadre de l’application du principe des nationalités du président américain Woodrow Wilson.

Le Premier ministre turc Bulent Ecevit entame, le 14 janvier, une visite officielle de cinq jours aux Etats-unis, à l’invitation du président George W.Bush, axée sur l’Afghanistan, l’Irak et l’économie turque.

LE PREMIER MINISTRE TURC CRITIQUE L’UNION EUROPÉENNE POUR NE PAS AVOIR CITÉ LE PKK ET LE DHKP-C DANS LA LISTE DES ORGANISATIONS TERRORISTES


Le Premier ministre a, le 29 décembre 2001, violemment dénoncé l'Union européenne (UE) pour n'avoir pas inclus dans sa liste d'organisations considérées comme terroristes, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et un groupe illégal d'extrême gauche, le Front-Parti de libération du peuple révolutionnaire (DHKP-C), qualifiant cette attitude d' “ impardonnable ”. “ C'est inconcevable. Personne ne doute du fait que le PKK et le DHKP-C sont des organisations terroristes", a-t-il déclaré.

Bulent Ecevit a déclaré de ne pas “ comprendre ” comment ces deux organisations ne figurent pas dans la liste publiée le 28 décembre par l'UE, qui comporte également des personnes nommément désignées, dans la foulée d'autres décisions visant à renforcer l'action européenne contre le terrorisme après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. “ On nous dit que le PKK et le DHKP-C seront inclus dans une deuxième liste. Mais le fait qu'elles ne soient pas mentionnées dans la première liste est impardonnable ”, a ajouté M. Ecevit.

Cette liste, publiée par le Journal officiel des Communautés européennes (JOCE) compte une petite trentaine de noms de personnes, dont vingt et un “ militants de l'ETA ”, et treize “ Groupes et entités ”, européens et proche-orientaux.

LA COUR CONSTITUTIONNELLE TURQUE VA BIENTÔT STATUER SUR LES AFFAIRES DU PARTI PRO-KURDE HADEP ET DE RECEP TAYYIP ERDOGAN SE PRÉCISE DEVANT


Le procureur général de la Cour de cassation Sabih Kanadoglu a saisi le 2 janvier, la Cour constitutionnelle turque lui demandant de se saisir d' “ urgence ” de la procédure d'interdiction contre le Parti pro-kurde de la Démocratie du Peuple (HADEP). “ Selon la Constitution, il est du devoir de la justice d'aboutir les procédures le plus rapidement possible ”, souligne le procureur dans une lettre adressée à la Cour constitutionnelle. Il demande ainsi l' “ accélération ” de cette procédure qui traîne depuis trois ans afin qu'elle soit débattue d' “ urgence ” par la Cour.

La procédure contre le HADEP, principale formation pro-kurde du pays, avait été lancée en janvier 1999 par le prédécesseur de M. Kanadoglu, M. Vural Savas, qui accusait le parti “ d'avoir des liens organiques ” avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). M. Kanadoglu accuse à son tour le HADEP de ne pas “ craindre de présenter le leader de l'organisation (ndlr: Abdullah Ocalan, chef du PKK) comme le président d'une formation légale ”. M. Kanadoglu demande à la Cour constitutionelle de décider soit d'une interdiction du HADEP et de l' “ éloigner de la vie démocratique ” soit de faire disparaître la menace d'une fermeture qui “ pèse comme une épée de Damoclès ” sur ce parti.

Le HADEP, qui n'est pas représenté au parlement faute de recueillir les 10% des voix nécessaires, dirige une quarantaine de municipalités au Kurdistan depuis les élections municipales de 1999 et affirme plaider pour une solution pacifique à la question kurde en rejettant l'accusation de liens avec le PKK. Plusieurs membres du HADEP ont déjà été condamnés par des tribunaux turcs pour liens présumés avec le PKK. Le HADEP, créé en mai en 1994, avait succédé a un autre Parti pro-kurde, celui de la Démocratie (DEP) qui avait été interdit un mois plus tard et quatre de ses représentants, Leyla Zana, Orhan Dogan, Hatip Dicle et Selim Sadak purgent toujours une peine de 15 ans de prison.

Le président de la Cour constitutionnelle turque, Mustafa Bumin, a, dès le lendemain, décidé de reprendre avant la mi-janvier les débats sur la procédure d'interdiction contre le HADEP. “ La Cour constitutionnelle a décidé d'inscrire à son ordre du jour de la première quinzaine du mois de janvier la procédure d'interdiction contre le HADEP ”, a déclaré M. Bumin au cours d'une conférence de presse. Hasim Kilic, vice-président de la Cour, a, le 8 janvier, annoncé que la Cour constitutionnelle turque entendra fin janvier la défense finale du parti pro-kurde de la démocratie du peuple HADEP. La Cour, habilitée à interdire les partis politiques, devrait rendre son verdict dans les semaines qui suivront cette défense. Le réquisitoire du procureur général de la Cour de cassation Sabih Kanadoglu est fixé au 17 janvier et le plaidoyer final des dirigeants du HADEP ou de leurs avocats aura lieu le 30 janvier, a déclaré M. Kilic à la presse.

Par ailleurs, la Cour constitutionnelle doit également se saisir d'ici la mi-janvier d'une procédure lancée contre l'ancien maire d'Istanbul Recep Tayyip Erdogan, dirigeant du parti islamiste d'opposition Justice et développement (AK), qui a déjà été emprisonné pendant quatre mois pour “ appel à la sédition ”. Le procureur Kanadoglu avait saisi la Cour constitutionnelle à son sujet, lui demandant de priver M. Erdogan de son titre de président du parti Justice et développement, estimant que les activités politiques devaient lui être interdites.

45 ÈME VICTIME DE LA GRÈVE DE LA FAIM LANCÉE DANS LES PRISONS TURQUES


Zeynel Karatas, âgé de 25 ans, détenu dans la toute nouvelle prison de haute sécurité de Tekirdag pour “ liens avec plusieurs mouvements gauchistes interdits ” est décédé, le 6 janvier des suites de la grève de la faim lancée à la fin de l'année 2000 dans les prisons turques contre la réforme gouvernementale du système carcéral. Ce décès porte à 45 le nombre de détenus morts depuis le début de la campagne.

Le mouvement de grève de la faim entend dénoncer la réforme des prisons qui vise notamment à remplacer les grands dortoirs par de petites cellules contenant d'un à trois pensionnaires. L'Union européenne, que la Turquie aspire à intégrer, a critiqué la gestion de cette crise par le gouvernement turc et estimé intolérable le bilan des victimes. Les autorités turques rétorquent que les nouvelles prisons sont conformes aux normes européennes et refusent de négocier avec les protestataires, qu'elles qualifient de “ terroristes ”.

LU DANS LA PRESSE TURQUE : UN NOUVEL ORGANE CRÉE POUR FACILITER UNE INTERVENTION SUBTILE DE L’ARMÉE DANS LA VIE POLITIQUE TURQUE


Bekir Çoskun, journaliste au quotidien turc Hurriyet revient, dans ses colonnes du 10 janvier, sous une plume caustique sur la création du centre d’étude et de recherche stratégiques (SAREM). Voici de larges extraits de cet article :

“ (…) Il y a quelques jours le SAREM a commencé ses fonctions après son inauguration à l’état-major turc. Quid SAREM ?

C’est le Centre d’étude et de recherche stratégiques, sous la houlette de l’état-major et composé d’une poigné de militaires et de nombreux civils. Un club de réflexion où siégera en permanence 57 universitaires et où des spécialistes militaires et civils auront pour but d’élaborer de la pensée-stratégie qui sera présentée à l’autorité civile (…)

Le chef d’état major turc, le général Kivrikoglu a déclaré au cours de la cérémonie d’inauguration que les avis émis par le SAREM étaient consultatifs et que c’était une sorte de club de réflexion d’informations et d’alternatives, appelé à l’Occident :

Un think-tank.