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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 206

22/6/2001

  1. LA TURQUIE PAYE £2,5 MILLIONS AUX 247 VICTIMES DU DISTRICT DE LICE
  2. INTERDICTION DU PARTI FAZILET, TROISIÈME FORCE POLITIQUE TURQUE
  3. BILAN DU MOIS DE MAI 2001 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME AU KURDISTAN
  4. LA TURQUIE CONTINUE DE PASSER DES COMMANDES D’ARMES MALGRÉ LA CRISE ÉCONOMIQUE QUI FRAPPE LE PAYS
  5. L’IRAK ACCUSE LES AVIONS ALLIÉS DE LA BASE AÉRIENNE D’INCIRLIK D’AVOIR TUÉ 23 CIVILS
  6. LE PRÉSIDENT TURC OPPOSE SON VÉTO À LA LOI RENFORÇANT LE CONTRÔLE DES MÉDIA
  7. COMMUNIQUÉ DE PRESSE


LA TURQUIE PAYE £2,5 MILLIONS AUX 247 VICTIMES DU DISTRICT DE LICE


La Turquie a décidé d’allouer 2,5 millions de livres sterling aux 247 victimes de la ville de Lice, province de Diyarbakir, qui accusait auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, l’armée turque d’avoir perpétré, le 22 octobre 1993, un massacre dans la ville. Première affaire collective auprès de la Cour de Strasbourg concernant la Turquie, le litige était arrivé en phase de jugement, mais la Turquie a préféré un règlement à l’amiable pour éviter une humiliation juridique. Reste que le montant concédé par Ankara constitue la plus importante somme jamais payée par la Turquie.

Le 22 octobre 1993, l’armée turque avait pris d’assaut le district de Lice, 15 civils avaient été tués et 22 autres avaient été blessés, 400 maisons et 250 négoces avaient été incendiés et détruits. Les autorités turques ont toujours nié la responsabilité de ces événements qu’elles ont attribué au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La ville de Lice est toujours une ville interdite, fermée à toutes les visites des observateurs, des parlementaires et des défenseurs des droits de l’homme. Aux dernières élections municipales, la ville a été emportée par le candidat du parti de la démocratie du peuple (HADEP), Zeynel Bagir, qui, proclamé persona non grata dans le district, n’a jamais pu franchir Lice intra-muros.

Alors qu’après huit ans de procédures judiciaires, la Turquie a préféré un règlement à l’amiable au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme, les autorités judiciaires turques n’ont pas avancé d’un pas, puisque l’affaire est toujours en instruction auprès de la cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir. De plus, la Cour européenne des droits de l’homme reste saisie de l’affaire de 250 autres victimes des massacres de Lice.

INTERDICTION DU PARTI FAZILET, TROISIÈME FORCE POLITIQUE TURQUE


La Cour constitutionnelle a, le 22 juin, dissous le parti de la Vertu (Fazilet), troisième force politique du pays avec 102 députés au Parlement, le parti Fazilet (Vertu) est, la 23ème formation politique interdite en Turquie depuis la fondation de la Cour constitutionnelle en 1962. Le Fazilet est le quatrième parti islamiste, lié à l'ex-Premier ministre Necmettin Erbakan, le patron de l'islam politique turc, a être interdit depuis 1972 après ceux de l'Ordre national (MNP), du Salut national (MSP) et de la Prospérité (Refah).

L'interdiction du parti d'opposition islamiste de la Vertu (Fazilet), compromet les aspirations européennes d'Ankara en ternissant son image en matière de respect de la liberté d'expression et de la démocratie, estiment les analystes. Elle montre qu'une partie de l'establishment turc ne désarme pas dans sa lutte contre l'islam politique, posé en menace principale pour la République laïque par l'armée. Même si le Premier ministre Bulent Ecevit en personne avait ouvertement exprimé ses réticences et son inquiétude sur les conséquences d'une telle mesure pour la stabilité du pays plongé dans une grave crise économique. Le chancelier autrichien Wolfgang Schuessel, de passage à Ankara, avait, le 21 juin, prévenu qu'une interdiction du parti ne serait pas accueillie "favorablement" par l'Union Européenne (UE), ajoutant qu'il "faut être très prudent dans les démocraties pluralistes" avec ce genre de décision. La dissolution du Fazilet va placer la Turquie en position délicate au cours du Conseil d'association Turquie-UE, organe de dialogue politique qui se réunit une fois par an, et qui aura lieu mardi prochain à Luxembourg pour faire le point sur le processus d'adhésion. " Le problème, c'est que les Turcs interdisent les partis politiques en fonction de ce qu'ils pourraient faire, et non de ce qu'ils font", souligne une analyste européenne.

Plus de dix partis de gauche, dont le Parti Communiste Uni de Turquie (TBKP) et le parti Socialiste (SP), ont été dissous depuis les années 60 sous l'accusation d'activités communistes, interdites en Turquie jusqu'en 1990.

La Cour constitutionnelle a également interdit une série de partis pro-kurdes. Le cas le plus célèbre est celui du Parti de la Démocratie (DEP) le 15 juin 1994. Quatre membre du DEP, dont Mme Leyla Zana, lauréate en 1995 du prix Sakharov du Parlement européen pour la liberté de pensée, purgent actuellement des peines de 15 ans de prison. D'autres partis pro-kurdes, notamment le Parti du Travail du peuple (HEP) et le Parti de la Liberté et de la Démocratie (OZDEP) ont également été dissous pour séparatisme. En février 1999, un parti pro-kurde modéré, le Parti démocratique des masses (DKP), dirigé par un ancien ministre, Serafettin Elci, a été interdit pour " atteinte à l'unité de la Turquie et prôné les différences régionales et ethniques dans son programme ".

Le Parti pro-kurde de la Démocratie du peuple (HADEP), qui a succédé au DEP et qui plaide en faveur d'une solution pacifique à la question kurde, fait actuellement l'objet d'une procédure de dissolution devant la Cour pour ses liens présumés avec le PKK, une accusation qu'il rejette catégoriquement.

Que va-t-il se passer maintenant? Le parti dissous, va-t-il, comme c’est très probable, se reconstituer sous un autre nom ? En pleine crise économique et politique, la Turquie va-t-elle devoir convoquer de nouvelles élections législatives ? En effet, la Constitution turque dispose que si 5 %, soit 28 sièges, du Parlement turc composé de 550 députés, était vacant, des élections législatives devraient être prévues dans les trois mois à venir. Aujourd’hui, 8 sièges restent inoccupés au Parlement turc et le parti Fazilet compte 102 députés. En cas d’élections législatives anticipées, les partis politiques ne sont pas tenus par le seuil national de 10 % pour accéder au Parlement, ce qui favorise le sort des partis comme le HADEP.

BILAN DU MOIS DE MAI 2001 DES VIOLATIONS DES DROITS DE L’HOMME AU KURDISTAN


Osman Baydemir, responsable de l’Association turque des droits de l’homme (IHD) à Diyarbakir, a, le 13 juin, rendu public le bilan de mai 2001 des violations des droits de l’homme au Kurdistan. Au cours d’une conférence de presse, M. Baydemir a attiré l’attention sur l’augmentation des affrontements armés dans la région : " Au mois de janvier 7, en février 1, en mars 11, en avril 13, en mai 23 personnes ont perdu la vie dans des combats ". Il s’est dit par ailleurs circonspect sur les dernières déclarations officielles relatives à la mort de 20 combattants du PKK dans le district de Yedisu, province de Bingol en mai 2001. M. Baydemir n’hésite pas à parler d"" exécutions extrajudiciaires " et souligne qu’une enquête est en cours avec un contre rapport médical. Voici le rapport de mai 2001 des violations des droits de l’homme :

Nombre de placements en garde-à-vue 111 Nombre de personnes torturés et de sévices 39 Nombre d’arrestations 23 Nombre de publications interdites dans la région sous état d’urgence (OHAL) 17 Nombre de pièces de théâtre et de communiqués de presse interdits 4



LA TURQUIE CONTINUE DE PASSER DES COMMANDES D’ARMES MALGRÉ LA CRISE ÉCONOMIQUE QUI FRAPPE LE PAYS


Au salon de Bourget en France, les ministres de la défense de huit pays européens ont, le 20 juin, signé un protocole d'accord portant sur l'achat de 196 avions de transport militaire Airbus A400M. Parmi les acheteurs figurent la Turquie avec 10 appareils. Les promoteurs du projet s'attendaient toutefois à un total légèrement supérieur, la Turquie ayant revu sa commande en baisse de 20 à 10 avions. Le contrat devrait être officiellement signé fin septembre 2001.

L’IRAK ACCUSE LES AVIONS ALLIÉS DE LA BASE AÉRIENNE D’INCIRLIK D’AVOIR TUÉ 23 CIVILS


L'Irak a affirmé, le 20 juin, que des bombardements américano-britanniques sur un terrain de football du nord de l'Irak ont fait vingt-trois morts et onze blessés, alors que les autorités américaines et britanniques ont nié avoir tiré durant les deux derniers jours.

l'agence de presse irakienne INA a rapporté que des avions alliés ont tiré sur la localité de Tall Afar, à 440 km au nord-ouest de Bagdad, sans préciser l'heure à laquelle est survenue l'attaque. Les victimes ont été enterrées, a ajouté l'agence de presse.

Un porte-parole des forces américaines à la base aérienne d’Incirlik, dans le sud de la Turquie, d'où sont partis les vols alliés, a démenti tout bombardement. " Nous avons volé aujourd'hui (20 juin), mais nous n'avons (...) rien lâché ", a affirmé le major Scott Vadnais. Le major Ed Loomis, responsable des relations publiques auprès du commandant américain en Europe, situé à Stuttgart (Allemagne), a assuré que les troupes américaines n'avaient effectué aucun bombardement. " Nous avons volé hier (19 juin), dans le cadre d'une mission de routine dans la zone d'exclusion aérienne ", a-t-il simplement reconnu. Mais il a ajouté que l'appareil " a achevé sa mission sans lâcher de bombe et est revenu sans dommage à la base. Les allégations irakiennes sont totalement fausses ". INA avait rapporté, le 20 juin, que les forces alliées avaient tenté de bombarder une installation civile dans le nord de l'Irak, mais qu'elle avait été dissuadée par la défense aérienne irakienne. Bagdad a affirmé avoir touché un appareil, ce qui a été démenti par les Etats-Unis.

Le ministère de la Défense britannique a aussi nié avoir tiré sur des cibles irakiennes. " C'est faux. Ni les Américains ni nous-mêmes n'avons lâché de bombe hier ou aujourd'hui ", selon un communiqué. " C'est une autre tentative des autorités irakiennes pour désinformer leur public ".

Les avions des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne effectuent des patrouilles au-dessus des zones d'exclusion aérienne du sud et du nord de l'Irak, créées après la Guerre du Golfe en 1991. Le régime de Saddam Hussein ne reconnaît pas ces zones et considère ces vols comme des violations de son territoire. Depuis décembre 1998, les accrochages sont quasi-quotidiens. Le raid de mercredi intervient alors que le Conseil de sécurité de l'ONU s'apprête à examiner une proposition américano-britannique prévoyant une levée de l'embargo sur les biens de consommation destinés aux civils mais une stricte interdiction des biens considérés comme liés au domaine militaire.

LE PRÉSIDENT TURC OPPOSE SON VÉTO À LA LOI RENFORÇANT LE CONTRÔLE DES MÉDIA


Le président turc, Ahmet Nejdet Sezer, a, le 18 juin, opposé son veto à la loi relative au conseil supérieur de la radio et de la télévision (RTUK) adoptée par le Parlement turc en considérant que la loi en question conduirait à une monopolisation des média et que les amendes infligées en cas d’infraction sont susceptibles de porter atteintes à la liberté de l’expression.

La nouvelle loi sur l’audiovisuel soumettait également l’Internet turc à une censure appliquant les règles de la presse écrite. Le texte est renvoyé devant le Parlement turc et si les parlementaires choisissent à nouveau de voter la loi dans les mêmes termes, le président n’aura plus d’autre choix que l’entériner.

COMMUNIQUÉ DE PRESSE


SYRIE : TROIS CENT MILLE KURDES CONDAMNÉS À VIVRE COMME DES ÉTRANGERS CLANDESTINS DANS LEUR PROPRE PAYS

Au moment où le président syrien Bachar al-Assad effectue une visite officielle en France et où des commentateurs complaisants évoquent " le printemps syrien ", il est important de rappeler que sur place aucun pas significatif n’a encore été fait dans les domaines de la démocratisation, du respect des droits de l’homme et du sort des minorités.

En effet, le 1,5 million de Kurdes de Syrie, qui peuplent les districts de Djézireh, Koban (Aïn Arab) et de Kurd Dagh, continuent d’être privés de droits culturels et linguistiques élémentaires. Ils ne sont toujours pas autorisés à publier de livres et des journaux dans leur langue, ils ne possèdent aucune école kurde, aucune émission en kurde à la radio ou à la télévision, ils n’ont pas le droit de créer leurs propres associations et partis.

Cette situation de déni de droit est particulièrement tragique pour les quelques trois cent mille " sans papiers " kurdes. Il s’agit des habitants de 332 villages kurdes de Djézireh qui dans les années 1960 ont été arbitrairement déchus de la nationalité syrienne dans le cadre d’une politique d’arabisation consistant à créer " une ceinture arabe " large de 10 à 15 km tout au long des frontières turque et irakienne afin de couper les districts kurdes de Syrie des territoires contigus du Kurdistan turc et irakien.

Ces Kurdes " sans papiers ", qui ne sont ni expulsables ni intégrés vivent en étrangers clandestins dans leur propre pays. Tolérés, ils ne peuvent se marier à la mairie, occuper un emploi public, être admis dans des hôpitaux et écoles publiques, avoir un compte bancaire à leur nom, voyager à l’étranger. Ces Kurdes espéraient que le nouveau président syrien ferait un geste en leur faveur pour les réintégrer. Aucun pas n’ayant été fait en ce sens, la plupart d’entre eux, sans avenir et sans espoir, dans leur pays, tentent d’émigrer vers l’Europe.

La communauté kurde de France et les organisations de défense des droits de l’homme attendent des autorités françaises qu’elles fassent pression sur le président syrien pour la réintégration de ces Kurdes dans leur citoyenneté et pour que Damas reconnaisse enfin des droits culturels élémentaires à sa minorité kurde.