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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 205

15/6/2001

  1. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME AJOURNE SON VERDICT DANS L’AFFAIRE DES DÉPUTÉS KURDES
  2. LA COMMUNAUTÉ ASSYRO-CHALDÉENNE BARRICADÉE AU KURDISTAN
  3. LE MINISTRE TURC DE L’INTÉRIEUR LIMOGÉ APRÈS UNE QUERELLE AVEC MESUT YILMAZ
  4. LE PARLEMENT TURC ADOPTE UNE LOI CENSURANT L’INTERNET
  5. CINQ COMBATTANTS DU PKK TUÉS LORS DES AFFRONTEMENTS ET TROIS CIVILS KURDES VICTIMES DE L’EXPLOSION D’UNE MINE AU KURDISTAN
  6. UNE COMMISSION PARLEMENTAIRE TURQUE PROPOSE DE TIMIDES AMENDEMENTS CONSTITUTIONNELS


LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME AJOURNE SON VERDICT DANS L’AFFAIRE DES DÉPUTÉS KURDES


La Cour européenne des droits de l’homme, qui aurait dû rendre son arrêt le 12 juin 2001 sur l’affaire des députés kurdes du parti de la démocratie du peuple (DEP) a finalement ajourné son jugement pour des raisons non communiquées. Le DEP avait été interdit le 15 juin 1994 et les députés membres du parti avaient été condamnés dans un simulacre de procès. La Cour de Strasbourg n’a pas à ce jour fixé une nouvelle date pour l’affaire des quatre députés emprisonnés depuis plus de sept ans à la prison centrale d’Ankara.

LA COMMUNAUTÉ ASSYRO-CHALDÉENNE BARRICADÉE AU KURDISTAN


Le quotidien turc Milliyet du 15 juin dénonce sous le titre de " la pensée d’Hitler persiste ", l’oppression subie par la communauté assyro-chaldéenne du Kurdistan du fait des décisions discrétionnaires et arbitraires du ministère de l’Intérieur turc. Selon le quotidien, le ministère turc de l’Intérieur a interdit tout accès de la région jusqu’à la fin de l’année 2001, particulièrement aux étrangers désireux de s’y rendre pour des recherches scientifiques et le tourisme. Un jour après la destitution du ministre de l’Intérieur, les autorités régionales ont été informées que cette décision a été modifiée sous certaines conditions. Alors que le Premier ministre Bulent Ecevit avait promis l’autorisation de retour des assyro-chaldéens dans leur région, le ministère de l’Intérieur reste sourd à cela. Dans la nouvelle décision, il est stipulé que " les étrangers devraient informer les autorités 48 h à l’avance ", que " les tours opérateurs devraient être en relation directe avec la gendarmerie ", qu’ " il est interdit d’y séjourner la nuit ", que " les visites devront être effectuées accompagnées d’un guide ".

LE MINISTRE TURC DE L’INTÉRIEUR LIMOGÉ APRÈS UNE QUERELLE AVEC MESUT YILMAZ


Le ministre considéré comme le champion de la lutte anti-corruption en Turquie, Sadettin Tantan, a démissionné, le 6 juin, après avoir été rétrogradé du portefeuille de l'Intérieur à celui des Douanes.

Cette démission soulève des interrogations sur l'avenir de la lutte qu'il avait engagée depuis deux ans contre la corruption, l'un des fléaux de la Turquie, qui s'est engagée à remettre son économie en ordre au terme d'un programme d'austérité conclu avec le Fonds monétaire international (FMI) suite à une grave crise en février. Ses enquêtes avaient par contre plongé son propre parti dans l'embarras.

" Je démissionne car j'estime que la pratique dont j'ai fait l'objet est incompatible avec mes principes et mon approche de la politique " a déclaré le très populaire homme politique dans une déclaration écrite. Il s'est dit " déterminé " à continuer à lutter contre " toute forme d'injustice ", remerciant l'opinion publique pour son " grand soutien " à son travail.

M. Tantan a également quitté son parti de la Mère-patrie (ANAP), troisième partenaire de la coalition du Premier ministre Bulent Ecevit. Il était entré en désaccord avec le chef de l'ANAP, Mesut Yilmaz, sur des enquêtes anti-corruption sans précédent qui ont provoqué en avril 2001 la démission du ministre de l'Energie Cumhur Ersumer, membre du même parti.

La corruption, le troisième problème le plus important du pays, après l'inflation et le chômage, est perçue comme un fléau par la population. Certains affirment cependant que la Turquie traverse une sérieuse crise économique et politique et que M. Tantan était perçu comme le Monsieur Propre par la population et peu importe en fin de compte s'il l'est vraiment ou pas. En tout cas, l'ANAP donne le signal qu'il n'est pas vraiment du côté de la lutte anti-corruption, dans un pays où la confiance dans les hommes politiques est déjà au plus bas. La démission étale une fois de plus au grand jour la faiblesse du système turc des partis, où le chef a un contrôle absolu sur son organisation.

Les partis d'opposition de la Juste Voie (DYP) et de la Vertu (Fazilet), ont apporté leur soutien à M. Tantan.

M. Yilmaz avait récemment laissé entendre qu'il pourrait limoger son ministre auquel il reprochait son indépendance vis-à-vis du parti. " C'est le peuple qui choisit les députés mais c'est moi qui choisis les ministres ", avait-il déclaré demandant aux " traîtres " de quitter le parti. Les investigations menées par M. Tantan --un ancien policier réputé pour son honnêteté qui s'est lancé dans la politique dans les rangs de l'ANAP en 1994-- dans les milieux mafieux et son acharnement à lutter contre la corruption ont fait de lui un héros aux yeux de l'opinion publique turque. Certains membres du parti dont M. Yilmaz accusaient M. Tantan de transformer la Turquie en un véritable Etat-policier.

Son successeur, Rustu Kazim Yucelen, a assuré dans une première déclaration aux journalistes qu'il lutterait avec autant d'acharnement contre la corruption.

LE PARLEMENT TURC ADOPTE UNE LOI CENSURANT L’INTERNET


Le Parlement turc a, le 7 juin, adopté une loi qui introduit des sanctions pour la diffusion d'informations mensongères ou de diffamation sur l'Internet et renforce les pénalités pour les radios et télévisions. Après un déluge de critiques en Turquie et à l'étranger, le gouvernement a cependant enlevé du projet de loi initial un article controversé demandant à tous les sites Internet de soumettre leurs pages aux autorités pour contrôle avant publication. Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre Bulent Ecevit, l'Institut international de la presse (IPI), basé à Vienne, avait, le 5 juin, condamné cet aspect du projet de loi, y voyant " une restriction de la liberté des médias et d'expression ".

La loi, qui amende les dispositions existantes, stipule que la propagation de fausses informations, la diffamation et autres actes de même nature sur les sites seront passibles d'amendes allant jusqu'à 100 milliards de livres turques (environ 85.000 dollars). Les amendements rendent en principe plus difficile la suspension temporaire de chaînes de radio ou télévision, une pratique courante en Turquie, pour atteinte à la pudeur, à la vie privée, à la structure familiale turque et aux règles morales générales ainsi que pour séparatisme. Le Haut Conseil de l'audiovisuel (RTUK), organisme de contrôle controversé, pourra d'abord suspendre le programme concerné -- et non toute la chaîne -- puis infliger une amende allant jusqu'à 200.000 dollars en cas de récidive. En cas d'une troisième infraction dans une période d'un an pour les mêmes motifs, la chaîne en question pourra voir sa licence révoquée pendant une période allant jusqu'à un an. En outre, les partis politiques, syndicats ou associations ne pourront pas créer des chaînes de télévision ou de radio. Depuis sa création en 1994, le RTUK a déjà suspendu pendant des laps de temps divers quelque 500 chaînes de radio et de télévision, selon les chiffres officiels. Outre les cinq chaînes de la télévision d'Etat TRT, la Turquie compte 13 chaînes privées nationales et plus de 200 chaînes locales. Le nombre de chaînes de radio est estimé à environ 2.500.

CINQ COMBATTANTS DU PKK TUÉS LORS DES AFFRONTEMENTS ET TROIS CIVILS KURDES VICTIMES DE L’EXPLOSION D’UNE MINE AU KURDISTAN


Cinq combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan, dont trois d'origine syrienne, ont été, le 6 juin, tués par l'armée turque lors d'affrontements dans la province d'Hakkari. Les affrontements ont opposé une unité de soldats en patrouille dans une région rurale et un groupe de combattants, dans cette province frontalière avec l'Iran et l'Irak.

Par ailleurs, trois civils ont été tués et cinq autres blessés à Silopi, le 12 juin, à la frontière avec l'Irak, par l'explosion d'une mine. Un camion transportant dans sa remorque des ouvriers qui devaient travailler dans les champs au petit village de Derebasi a sauté sur une mine. Les victimes ont trouvé la mort sur le coup.

UNE COMMISSION PARLEMENTAIRE TURQUE PROPOSE DE TIMIDES AMENDEMENTS CONSTITUTIONNELS


Nejat Arseven, président de la commission parlementaire relative à la révision constitutionnelle, formée par les cinq partis représentés au Parlement, a, le 14 juin, rendu public le projet concernant la révision des 37 articles de la Constitution sur 51, visant à la rendre conforme aux normes européennes.

Le projet prévoit une levée des restrictions sur l'utilisation d'une langue autre que le turc, notamment le kurde, dans " la propagation des opinions ", en référence à des émissions en kurde, à condition qu'elles n'aient pas " un caractère séparatiste ". Un compromis sur ce projet est intervenu après de " difficiles " discussions en raison de l'opposition du Parti de l'Action Nationaliste (MHP, ultra nationaliste), membre du gouvernement tripartite.

La Turquie, candidate à l'Union Européenne depuis 1999, doit remplir les critères de Copenhague sur le respect des droits de l'Homme et de la démocratie --abolition de la peine de mort, droit à un enseignement en kurde et réduction du rôle de l'armée dans la vie politique-- pour pouvoir ouvrir des négociations d'adhésion. Les amendements prévoient l'élargissement de la liberté d'expression et des droits syndicaux, une augmentation du nombre des civils au Conseil national de sécurité (MGK), instance réunissant les plus hauts dirigeants civils et militaires à travers laquelle ces derniers pèsent ouvertement sur la vie politique. Un autre amendement rend plus difficile la fermeture des partis politiques, en définissant une série de critères stricts. Un des projets d'amendements constitutionnels prévoit également l'abolition de la peine de mort, mais en exclut Abdullah Ocalan, puisqu’il prévoit l'abolition de la peine capitale excepté en " temps de guerre " ou pour " crimes terroristes ".

Le projet doit être soumis aux trois partis gouvernementaux et peut encore être modifié avant d'être voté par les députés, vraisemblablement après leurs vacances de juillet à octobre 2001.