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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 193

2/2/2001

  1. LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR " TRAITEMENTS INHUMAINS "
  2. MORT VIOLENTE D’UN DÉPUTÉ AU PARLEMENT TURC
  3. LES DIRIGEANTS DU HADEP VONT FINALLEMENT BÉNÉFICIER DE LA LOI D’AMNISTIE
  4. LA DÉPUTÉE ALLEMANDE ANGELIKA BEER FUSTIGÉE PAR DES PARLEMENTAIRES TURCS POUR AVOIR PORTÉ DES COULEURS KURDES
  5. LE CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS DÉCIDE D’ÉRIGER UN MONUMENT À LA MÉMOIRE DES ARMÉNIENS MASSACRÉS
  6. SUITE DES REPRÉSAILLES TURQUES CONTRE PARIS APRÈS LA RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN
  7. LU DANS LA PRESSE TURQUE : DRÔLE DE PRESSE ET DRÔLE DE JUSTICE. :


LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNE LA TURQUIE POUR " TRAITEMENTS INHUMAINS "


La Turquie a été condamnée, le 30 janvier, à Strasbourg pour "traitements inhumains" par la Cour européenne des droits de l'Homme, après la destruction de la maison et des biens d'une villageoise kurde.

Mme Zubeyde Dulas, 70 ans, a tout perdu lorsque le 8 novembre 1993, les gendarmes de Hazro fouillèrent son village de Citilibahce et incendièrent toutes les maisons, contraignant les habitants à partir. L'habitation de Mme Dulas, ses meubles, ses provisions, les récoltes et le blé stocké furent entièrement détruits et elle n'obtint jamais réparation pour ces dommages.

Le gouvernement turc avait tenté de rejeter les accusations de Mme Dulas à Strasbourg en invoquant le manque de preuve. Cette opération s'inscrivait dans le cadre d'une enquête portant sur l'enlèvement et l'assassinat d'un imam et d'enseignants par le Parti des travailleurs kurdes (PKK), avait-il expliqué.

La Cour européenne a jugé que la destruction de la maison et des biens de Mme Dulas s'analysait bien comme un traitement inhumain contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme. La Cour dispose que : "Même dans les circonstances les plus difficiles, comme la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, la Convention interdit formellement tout traitement contraire à cette disposition". Ankara devra verser un total 47.500 livres sterling (75.558 Euro) à la requérante pour réparer le dommage moral et matériel et pour les frais de justice.

MORT VIOLENTE D’UN DÉPUTÉ AU PARLEMENT TURC


La mort de Fevzi Sihanlioglu, député du parti de la Juste Voie (DYP), le 30 janvier, en plein débat au Parlement turc après agression de plusieurs députés du parti d’extrême droite de l’Action nationaliste (MHP) a soulevé de nombreuses questions en Turquie. " La vague de violence de la société se reflète-t-elle au Parlement, ou alors la société prend-elle son inspiration du Parlement " s’interroge le 1er février, Güngör Mengi, éditorialiste du journal turc Sabah. La question a une grande importance puisqu’aujourd’hui la majorité des députés turcs siègent au Parlement munis d’une arme. Le quotidien turc Milliyet du 2 février précise en sa Une que " les armes sont même entrées à la cérémonie des funérailles " et ajoute qu ’ " au cours de la cérémonie organisée au Parlement en mémoire de Sihanlioglu, la tension s’est tendue lorsque la police a voulu contrôler les armes des députés (…) Mehmet Agar, député indépendant d’Elazig, [ndlr : ancien ministre de l’Intérieur, ancien chef de la Direction de la sécurité nationale, impliqué dans l’affaire de Susurluk, affaire démontrant les liens entre l’Etat, la mafia et le monde politique] s’est opposé en disant " Je me porte garant pour eux, ne les fouillez pas " ".

D’autre part, les média turcs ont une nouvelle fois démontré ouvertement et en direct leur dépendance et l’autocensure à laquelle ils sont sujets. La chaîne de télévision du Parlement, Meclis Tv a tourné ses caméras vers les coulisses de la presse sans diffuser les images de l’agression qui se passait sous ses projecteurs. " Pour la première fois depuis longtemps, la presse a perdu sa chance lorsque Meclis Tv a censuré la bagarre " écrit Enis Berberoglu dans le quotidien Hurriyet du 2 février.

De plus, les principaux députés impliqués dans l’agression, Cahit Tekelioglu, Mehmet Kundakçi, tous deux membres du MHP, avaient déjà été compromis dans des affaires de meurtres. M. Kundakçi était impliqué dans l’affaire de Bahçelievler [ndlr : assassinat de sept étudiants dans le quartier de Bahçelievler d’Ankara en 1978 par les membres du parti d’extrême droite] et M. Tekelioglu déclarait récemment : " effectuant mon service militaire comme gradé dans l’armée durant le coup d’Etat de 12 septembre, je n’étais pas au-devant de la scène dans les procès contre le MHP. C’était ma grande chance, autrement j’aurais été également compromis ". Les deux députés sont aujourd’hui recherchés pour être interrogés. Si ces derniers ne se présentent pas à la justice dans les trois jours, leur immunité devrait être levée pour procéder à leur interrogatoire. Derya Derin ironise dans le quotidien turc Milliyet du 2 février sous le jeu de mot : " Büyük Siddet Meclisi " (La grande Assemblée de la violence ) au lieu de " Büyük Millet Meclisi " (la grande Assemblée nationale).

LES DIRIGEANTS DU HADEP VONT FINALLEMENT BÉNÉFICIER DE LA LOI D’AMNISTIE


La Cour de cassation turque a, le 31 janvier, décidé que des dirigeants du Parti pro-kurde de la démocratie du peuple (HADEP), condamnés à de lourdes peines de prison pour " soutien au parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) " bénéficieront d'une récente loi d'amnistie. Selon la décision de la Cour, Murat Bozlak, le président du parti et son prédécesseur Ahmet Turan Demir, condamnés à 3 ans et neuf mois de prison chacun, ne devront pas retourner en prison.

Seize autre membres du HADEP condamnées à des peines similaires bénéficieront également de la loi d'amnistie entrée en vigueur le mois dernier.

Les dirigeants et les membres du HADEP avaient été condamnés en février 2000 pour leur implication dans les grèves de la faim et les manifestations de soutien en faveur du chef du PKK, Abdullah Ocalan, alors que celui-ci se trouvait en Italie de novembre 1998 à janvier 1999.

D’autre part, le chef d’état-major turc, Huseyin Kivrikoglu a récemment déclaré que 1660 membres du PKK ont bénéficié de cette loi. Le Premier ministre Bülent Ecevit a, quant-à-lui, contesté les chiffres en déclarant que " tous n’étaient pas des membres du PKK ".

LA DÉPUTÉE ALLEMANDE ANGELIKA BEER FUSTIGÉE PAR DES PARLEMENTAIRES TURCS POUR AVOIR PORTÉ DES COULEURS KURDES


Une réunion entre des députés turcs et une délégation de parlementaires allemands en visite à Ankara a tourné court, le 30 janvier, une députée allemande refusant de retirer un turban aux couleurs kurdes.

Le président de la commission de la Défense du Parlement turc, Hasan Gulay, du parti de l’Action nationaliste (MHP- extrême droite au pouvoir), a demandé à la députée vert allemande Angelika Beer, membre de la commission de la défense du Bundestag (chambre basse du Parlement), d'enlever le turban rouge, jaune et vert qu'elle portait à son arrivée à une réunion entre parlementaires des deux pays.

Devant son refus, M. Gulay a mis fin à la réunion. Il a prétendu que ces couleurs traditionnelles kurdes étaient celles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Mme Beer a répondu qu'elle n'était pas sympathisante du PKK et que ce turban était un cadeau d'un ami qui a été tué dans le Kurdistan irakien.

La délégation allemande est en visite en Turquie pour deux jours de discussions portant entre autres sur un contrat pour la production de 1.000 chars d'assaut pour l'armée turque. Les parlementaires allemands devaient notamment rencontrer le ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu.

LE CONSEIL MUNICIPAL DE PARIS DÉCIDE D’ÉRIGER UN MONUMENT À LA MÉMOIRE DES ARMÉNIENS MASSACRÉS


Le conseil municipal de Paris a décidé, le 29 janvier, à l'unanimité, d'ériger un monument à la mémoire des Arméniens massacrés entre 1915 et 1917, un nouveau geste qui, dix jours après la reconnaissance officielle du génocide arménien par le Parlement français, risque de raviver la colère de la Turquie.

Ce monument, également en l'honneur des victimes arméniennes tombées pour la France lors des deux guerres, devrait être érigé en 2002 Cours Albert 1er, place du Canada, dans le 8ème arrondissement de la capitale.

Une souscription nationale est lancée pour cette statue en bronze patiné de 6 mètres de haut, qui sera signée du sculpteur David Erevantzi et représentera le révérend père et compositeur de musique Komitas, figure emblématique de l'Arménie, auteur également d’un recueil de Mélodies kurdes. Déporté le 24 avril 1915, lors du génocide, Komitas n'avait pas été tué avec les autres intellectuels, mais, bouleversé par les massacres, il avait passé le reste de sa vie dans un hôpital psychiatrique de la région parisienne.

Devant la communauté arménienne, le maire de la capitale Jean Tiberi a indiqué que "la Ville de Paris entendait elle aussi rendre hommage au peuple arménien tout entier, ainsi qu'à la communauté arménienne de France et de Paris" à quelques jours de la visite du président de la République d'Arménie, Robert Kotcharian.

D'autres monuments ont déjà été érigés en France à la mémoire du génocide arménien. Selon la communauté arménienne locale, Marseille a été "une des premières villes" à s'en doter, au début des années 1970. D'autres ont été érigés depuis dans la région, notamment à Aix-en-Provence.

SUITE DES REPRÉSAILLES TURQUES CONTRE PARIS APRÈS LA RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN


La loi reconnaissant le génocide arménien de 1915, adoptée le 18 janvier par le Parlement français, a été promulguée, le 29 janvier, par le président de la République Jacques Chirac et publiée, le 30, au Journal officiel (JO). La publication au JO constitue le dernier acte du processus parlementaire de deux ans et demi visant à la reconnaissance par la France du génocide arménien.

Le Premier ministre turc Bulent Ecevit a annoncé immédiatement que son pays révisait ses relations économiques et commerciales avec la France. "Il s'agit d'une grande déception pour le peuple turc dans nos relations avec la France", a-t-il ajouté. Le président turc Ahmet Necdet Sezer a condamné la promulgation de la loi comme "inacceptable", estimant qu'elle va "inévitablement" endommager les relations bilatérales.

La Turquie a, le 1er février, annulé un appel d'offres d'un montant d'environ 1,44 milliard de dollars pour la construction d'une autoroute franchissant la baie d'Izmit, intéressant deux consortiums turco-français -- Dans l'un des consortiums figure Bouygues, associé au turc Vinsan. Dans l'autre figure Campenon Bernard et Transroute International, associé aux turcs Dogus et Tekfen, à l'italien Impregilo, à l'allemand Bilfinger und Berger et à l'espagnol Dragados. "Nous avons décidé d'annuler l'appel d'offre car les partenaires étrangers des compagnies turques sont français", a précisé le ministre turc Koray Aydin.

Ankara aurait également annulé un contrat avec le groupe électronique de défense Thales (ex-Thomson CSF) de 200 millions de dollars pour la modernisation du système de navigation de 80 F-16, a annoncé la chaîne de télévision privée turque NTV le 30 janvier. Aucune annonce officielle n'est venue confirmer cette décision. "Nous faisons le nécessaire. Nous révisons nos relations économiques et politiques avec la France", a déclaré le Premier ministre Bulent Ecevit. Son ministre de la Défense Sabahattin Cakmakoglu ajoute que la France "ne s'en tirera pas comme ça". "La loi sur le prétendu génocide sera déterminante dans les choix de la Turquie" concernant les projets d'armement impliquant des compagnies françaises, a-t-il déclaré.

La presse turque a également annoncé l’exclusion de deux nouvelles sociétés françaises des appels d'offre pour l'achat de matériel militaire. L'armée a l'intention d'annuler une commande de six sous-marins Aviso, un contrat 500 millions de dollars et renoncer à un projet de 600 millions de dollars visant à produire conjointement des missiles anti-char Eryx, selon le quotidien turc Hurriyet de 31 janvier. L'armée turque n'a pas confirmé ces informations, mais le ministre turc de la défense, a déjà dit clairement que les firmes françaises seraient exclues des appels d'offre militaires.

Jusqu'à présent, la Turquie a annoncé l'annulation du contrat de modernisation de ses avions F-16, un projet de quelque 200 millions de dollars -- l’information est démentie par le groupe Dassault-- ainsi que le lancement du premier satellite espion turc, deux projets qui totalisaient 349 millions de dollars. La Turquie a aussi exclu la France d'un appel d'offre de sept milliards de dollars pour une commande d'un millier de chars. Les experts estiment toutefois que ce projet sera fortement réduit quelque soit celui qui l'emportera.

Autre mesure de boycottage : la direction d'Etat turc des céréales (TMO) a, le 30 janvier, exclu deux firmes françaises d'un appel d'offre public pour l'exportation de 315.000 tonnes de blé, d'un montant d'environ 40 millions de dollars, sur décision du ministère de l'Agriculture.

La colère turque a été ravivée par une décision du conseil municipal de Paris d'ériger un monument en mémoire du génocide des Arméniens de 1915, qualifiée de "nouveau coup aux relations turco-françaises" par le ministère turc des Affaires étrangères le 30 janvier. Le ministère a préparé tout un catalogue de sanctions contre la France, qui semble donc devoir être révélées au compte-goutte, et pas forcément accompagnées d'annonces officielles, et visent en tout premier les gros contrats publics, spécialement dans le domaine de l'armement.

De nombreux syndicats et ONG proches du pouvoir, ont appelé depuis le vote des députés français à boycotter les produits français. Des pancartes géantes de dix mètres, proclamant "Chers habitants, boycottons les produits français", ont été déployées, le 29 janvier, à l'entrée de la ville d'Arhavi (extrême nord-est), près de la frontière géorgienne.

LU DANS LA PRESSE TURQUE : DRÔLE DE PRESSE ET DRÔLE DE JUSTICE. :


Le journaliste turc Melih Asik, dans ses colonnes du 2 février sous le titre de " Erreur de traduction… ! ", dénonce la campagne de dénigrement menée contre l’Association turque des droits de l’homme (IHD) en Turquie, en mettant en relief la collaboration étroite entre la presse et le Parquet turcs. Voici l’intégralité de l’article :

" L’agence de presse turque Anadolu a, le 20 janvier, publié une information intéressante : " La Grèce a dévoilé les ONGs auxquelles elle apporte une aide financière. En Turquie c’est l’Association des droits de l’homme (IHD) qui figure parmi ces organisations… "

Après, c’est vraiment tout un scénario…

La première scène… L’Agence de presse Anadolu, juste après cette nouvelle (une heure après), diffuse une seconde information sur le même sujet et annonce : " Le porte-parole grec des Affaires étrangères a déclaré que les ONGs bénéficiant de l’aide financière, siègent en Grèce, et a indiqué leur soutien pour des projets de ces organisations à l’étranger. "

Second acte… Le lendemain, la presse en prenant en considération la première information diffusée, a annoncé que l’IHD bénéficiait du soutien de la Grèce.

Troisième acte… La police d’Ankara perquisitionne le siège de l’IHD et saisit de nombreux documents et disquettes. L’enquête sur " les liens " entre la Grèce l’association démarre…

L’agence Anadolu publie " un erratum dû à la traduction " une semaine après tout cela. C’est déjà trop tard, l’instruction est déjà en route.

Informé de l’erratum de l’agence d’Anadolu, le procureur répond : " Une instruction a commencé, elle ne s’arrêtera pas ".

La Direction de la sécurité continue à déclarer : " Nous avons trouvé des éléments de preuve que nous allons transmettre au parquet ".

Conclusion… Quelqu’un à Ankara travaille pour prouver les droits de l’IHD qui crie pour dénoncer " qu’en Turquie il n’y a pas de droit et de Justice ".