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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 182

19/11/2000

  1. UN DÉPUTÉ D’EXTRÊME DROITE ÉLU PRÉSIDENT DU PARLEMENT TURC
  2. EN VISITE OFFICIELLE EN TURQUIE, VACLAV HAVEL PLAIDE EN FAVEUR " DES DROITS DE LA MINORITÉ KURDE "
  3. TANSU ÇILLER DEMANDE L’EXPULSION DE TOUS LES ARMÉNIENS DE TURQUIE
  4. UN DOCUMENTAIRE ESPAGNOL SUR ZANA ATTIRE LES FOUDRES DE LA PRESSE TURQUE
  5. LA TURQUIE A NOUVEAU CONDAMNÉE POUR TORTURE
  6. … ET PENDANT CE TEMPS LA POLICE TURQUE CONTINUE DE TORTURER DES KURDES EN COMPAGNIE DES MARCHES MILITAIRES TURQUES
  7. 345 KURDES IRAKIENS CHERCHENT REFUGE EN ITALIE, 6 AUTRES TROUVÉS MORTS SUR UNE ROUTE
  8. CAMPAGNE INTERNATIONALE POUR LA LIBÉRATION D’ESBER YAGMURDERELI
  9. SEPT MORTS DANS DES AFFRONTEMENTS ENTRE L’ARMÉE TURQUE ET LE PKK


UN DÉPUTÉ D’EXTRÊME DROITE ÉLU PRÉSIDENT DU PARLEMENT TURC


La Grande assemblée nationale turque (TBMM), chambre monocamérale du Parlement turc, a, au cours de sa session du 18 octobre, élu le député d’extrême droite Ömer Izgi du parti de l’Action nationaliste (MHP), à sa présidence. Sur les 550 députés, 533 ont pris part au vote. Ö. Izgi a obtenu 264 voix contre 262 à son rival Basesgioglu, du parti de la Mère-patrie (ANAP) de M. Yilmaz.

Les députés du parti de la Gauche démocratique (DSP) du Premier ministre et ceux du parti de la Juste voie (DYP) de Mme Çiller ont, conformément aux consignes de leur direction, dans leur très grande majorité voté en faveur du candidat d’extrême droite. Ceux d’ANAP et les islamistes pour son rival.

Ömer Izgi devient ainsi le deuxième personnage de l’Etat turc après le président de la République. Dès sont élection, il a assumé l’intérim du président Sezer en voyage à l’étranger.

La MHP est un parti néo-faciste fondé par le colonel Türkes, condamné pour ses activités pro-nazies avant de devenir l’un des auteurs du coup d’Etat militaire de 1960. Prônant un empire turc allant de l’Adriatique à la muraille de Chine, militant pour la purification de la Turquie de ses populations non turques, ce parti est connu pour ses actions virulentes et meurtrières contre les Kurdes et les mouvements turcs de gauche. Ses milices armées, les " Loups gris ", ont été impliqués dans l’assassinat de milliers de démocrates turcs et kurdes en Turquie, dans des conflits du Caucase, dans la tentative d’assassinat du Pape ainsi que dans une série d’activités mafieuses. Sous le gouvernement de Mme Çiller, une grande partie de ces milices ont été enrôlées dans les sinistres " unités spéciales " chargées de casser du Kurde et de basses besognes de la police turque au Kurdistan.

Accédant au pouvoir sous l’aile protectrice du nationaliste de " gauche " Bulent Ecevit, ce parti, qui dans n’importe quelle démocratie digne de ce nom aurait été dissous pour ses activités criminelles et son apologie du racisme et de la violence, s’empare ainsi progressivement de rouages essentiels de l’Etat turc par une stratégie que son président D. Bahçeli qualifie lui même d’une " main de fer dans un gant de velours ".

Combien de temps, l’Union européenne et son Parlement vont-ils garder le silence sur cette situation intolérable dans un pays candidat ?

EN VISITE OFFICIELLE EN TURQUIE, VACLAV HAVEL PLAIDE EN FAVEUR " DES DROITS DE LA MINORITÉ KURDE "


Le président tchèque Vaclav Havel a effectué, du 10 au 12 octobre, une visite officielle très remarquée en Turquie. Au cours de cette première visite d’un chef d’Etat tchèque dans la République turque, V. Havel a rencontré à Ankara les principaux dirigeant turcs, dont le président Sezer, signé trois accords de coopération et de commerce puis s’est rendu à Izmir et à Istanbul. Dans cette dernière ville, qui reste la capitale culturelle et industrielle du pays, le président tchèque devait en principe rencontrer les hommes d’affaires turcs pour les encourager à s’intéresser davantage à la République tchèque.

Cependant, il a décidé d’inviter à déjeuner à sa résidence stambouliote du Palais Çiragan une douzaine de défenseurs de droits de l’homme, dont Akin Birdal et plusieurs personnalités kurdes. Selon le compte-rendu de l’agence tchèque CTK, le président Havel, après avoir interrogé ses convives sur le sort des Kurdes en Turquie, a exprimé son soutien à leur appel pour le respect et la reconnaissance de leur droits en tant que peuple distinct, y compris le droit d’utiliser leur langue dans tous les domaines de la vie.

Lors de ses entretiens avec le président et le Premier ministre turcs, le président tchèque a également plaidé en faveur " des droits de la minorité kurde " et de la libération des prisonniers d’opinion dont l’écrivain-avocat Esber Yagmurdereli.

Interrogé par la presse, dont le quotidien Milliyet du 13 octobre, sur l’usage du mot " minorité kurde ", le président tchèque a déclaré : " D’une manière générale je suis pour l’octroi aux minorités certains droits. Je n’ai pas voulu que l’on interdise aux Tchèques et aux Slovaques le droit d’utiliser leur langue dans la Fédération tchécoslovaque. Je ne pense pas que la différence de langue entre les deux secteurs de Chypre soit un problème. C’est pourquoi je demande qu’on autorise les Kurdes à utiliser leur langue dans toute la Turquie ".

Vaclav Havel est connu pour son intérêt pour le peuple kurde depuis l’époque de la Charte 77. Arrivé au pouvoir à la suite de la révolution de velours il n’a pas, comme tant d’autres politiciens, mis ses convictions dans sa poche afin " de ne pas froisser la sensibilité " de tel ou tel Etat ou de ne pas compromettre des intérêts commerciaux. Il a, à plusieurs reprises, défendu le droit du peuple kurde à la survie, à la sauvegarde de son identité et à la maîtrise de son destin. En cela, il s’inscrit dans la lignée de Nelson Mandela qui avait refusé " le prix Atatürk des droits de l’homme " que le gouvernement turc voulait lui décerner et avait demandé à Ankara de cesser de persécuter le peuple kurde avant de parler des droits de l’homme.

La prise de position du président tchèque a, comme on pouvait s’y attendre, déclenché une campagne hostile bien orchestrée dans les media turcs. Ceux-ci avaient à l’époque abreuvé Mandela d’injures odieuses (" Sale nègre ", " nègre ingrat ", etc..). Le président Havel s’en tire finalement avec un blâme sévère infligé par le président du syndicat des journalistes turcs, Oktay Eksi, dans un éditorial à la Une du quotidien Hürriyet du 14 octobre au titre éloquent : " Havel a tout gâché ". Suit une longue diatribe sur le thème de l’ignorance de l’histoire turque, du traité de Lausanne qui ne reconnaît le statut de minorité qu’aux non musulmans, etc. et la conclusion : " Alors qu’avec sa jeune et jolie épouse le président tchèque auréolé de son passé de résistant " anti-communiste et de " son image d’image de culture " avait tout pour séduire le public turc, " il a tout gâché en s’attaquant à coup de hache au sujet le plus sensible de la Turquie ".

TANSU ÇILLER DEMANDE L’EXPULSION DE TOUS LES ARMÉNIENS DE TURQUIE


La classe politique et les média turcs continuent leur croisade contre le projet de résolution sur le génocide arménien en examen devant la Chambre des représentants du Congrès américain.

Le gouvernement turc laisse entendre qu’en cas d’adoption de ce projet, il pourrait exercer des représailles allant de la dénonciation des contrats d’énergie signés ave les compagnies américaines d’un montant de 11 milliards de dollars, à l’interdiction d’usage de la base aérienne d’Incirlik utilisée par les aviations américaine et britannique dans leurs opérations de surveillance du territoire irakien, à la normalisation avec le régime de Saddam Hussein et à l’exclusion de firmes américaines du marché des hélicoptères militaires. De quoi faire trembler Washington, croit-on, dans les milieux officiels.

Le chef de l’opposition, Mme Çiller, va plus loin dans la surenchère. Elle demande qu’en cas d’adoption de cette résolution la Turquie expulse tous ses citoyens arméniens vers l’Arménie et qu’elle fasse payer cher celle-ci par des mesures les plus efficaces, économiques, sans doute, mais aussi militaires.

Les 30.000 Arméniens rescapés du génocide qui sont encore tolérés à Istanbul se sentent particulièrement exposés et otages. Magnanime, Mme Çiller veut leur donner une chance de prouver leur loyauté envers la Turquie en signant personnellement une lettre adressée au Congrès américain " pour dénoncer les agissements des milieux hostiles à la Turquie qui à l’instigation de l’Arménie veulent détruire le climat de paix, de stabilité et de fraternité qui règnent dans notre pays ".

Cette lettre a été publiée in extenso dans le quotidien Hürriyet du 11 octobre.

Cette prise de position raciste et belliqueuse de Mme Çiller n’a, bien sûr, donné lieu à aucune poursuite judiciaire dans un pays où pourtant un ancien Premier ministre, N. Erbakan, a été condamné à un an de prison pour " incitation à la haine raciale ", pour une simple phrase : " Si l’idéologie officielle affirme : ‘Heureux celui qui se dit Turc, comment empêcher nos frères Kurdes de se dire fiers d’être Kurdes’".

De même, les appels quotidiens des journalistes, des hommes politiques " des mères de martyrs " demandant " aux Kurdes qui refusent l’assimilation, qui n’aiment pas Atatürk, qui n’aiment pas notre drapeau de s’en aller ailleurs, de quitter le pays, y compris le sud-est (lire le Kurdistan) que nous, Turcs, avons conquis par la force " diffusés par les chaînes de télévision publiques et privées ne sont pas considérés comme des incitations à la haine raciale et ne donnent lieu à aucune poursuite judiciaire.

UN DOCUMENTAIRE ESPAGNOL SUR ZANA ATTIRE LES FOUDRES DE LA PRESSE TURQUE


Un film documentaire intitulé La Espalda del Mundo (Le dos du monde) réalisé par le cinéaste péruvien résidant en Espagne avec le concours de la télévision espagnole TVE et de nombreuses ONG de droits de l’homme dont le CILDEKT et l’Institut kurde, vient d’obtenir le prix de la critique au Festival international de films de San Sebastian.

Ce documentaire retraçant la vie de Leyla Zana, de son époux Mehdi Zana, ancien maire de Diyarbekir qui après 17 années passés dans les prisons turques vit actuellement en exil en Suède, s’attire les foudres de la presse turque. Donnant l’alerte, le quotidien Hürriyet, dans son édition du 16 octobre, qualifie ce documentaire " hostile à la Turquie " de " deuxième Midnight-Express ",du nom du célèbre film américain sur la vie dans les prisons turques. A défaut de pouvoir exercer la censure turque jusqu’en Europe occidentale, la presse turque joue sur la corde de " la patrie en danger " pour mobiliser ses lecteurs afin qu’ils envoient des lettres de protestation aux représentations espagnoles.

LA TURQUIE A NOUVEAU CONDAMNÉE POUR TORTURE


La Cour européenne des droits de l’homme, a, le 10 octobre, une nouvelle fois condamné la Turquie pour "violation du droit à la vie" d’un enseignant kurde, Zubeyir Akkoç, tué en 1993 et pour "torture" à l’encontre de son épouse, Nebahat, qui a osé porter l’affaire devant juridiction de Strasbourg.

Syndicaliste enseignant, Zubeyir Akkoç avait été abattu le 13 janvier 1993 par un escadron de la mort des forces spéciales turques qui, de 1992 à 1999, ont ainsi assassiné impunément plus de quatre mille intellectuels kurdes non impliqués dans des actions violentes dans le but de décapiter et de terroriser la population kurde. S’agissant d’une politique décidée par le sommet d’Etat turc les procureurs refusaient l’ouverture d’information judiciaire impliquant des membres "des forces de l’ordre". Devant un tel refus, Mme Akkoç avait, dès le 1er novembre 1993 déposé plainte devant la Cour européenne. Furieuse, la police turque l’a arrêtée en février 1994 et l’a placée en garde-à-vue. Celle-ci a duré dix jours pendant lesquels Mme Akkoç a été sauvagement torturée. Mise à nu, rouée de coups, soumise à des chocs électriques, plongée dans de l’eau glacée puis dans de l’eau bouillante, Mme Akkoç a également été exposée à des lumières aveuglantes et à des " musiques " assourdissantes. Ses tortionnaires exigeaient qu’elle retire sa plainte contre le gouvernement turc.

Femme de courage et de conviction, elle récidiva en déposant une nouvelle plainte contre la Turquie pour " tortures par agents de la force publique ".

Dans son verdict, intervenant sept ans après les faits, la Cour européenne a reconnu les actes de torture et jugé que les autorités turques n’avaient pas mené d’enquête efficace sur les circonstances du meurtre de M. Akkoç. Sans pouvoir établir avec des preuves formelles que des agents de l’Etat aient été impliqués dans ce meurtre, la Cour relève " la tendance des autorités turques à imputer la responsabilité de la violence politique au PKK ". Elle note également que dans des affaires similaires survenues à la même époque dans cette région kurde le procureur turc omettait " d’instruire les plaintes de personnes affirmant l’implication des forces de l’ordre dans des actes illégaux et avait attribué la responsabilité des incidents au PKK sur la base de preuves minimes ".

La Cour européenne a alloué à la requérante la somme de 35.000 livres sterling (59.049 euros) pour dommage matériel, de 40.000 livres (67.485 euros) pour préjudice moral ainsi que 13.648,80 livrs (23.027 euros) au titre des frais et dépens.

Le même jour, dans une seconde affaire Ankara a également été condamné pour torture.

… ET PENDANT CE TEMPS LA POLICE TURQUE CONTINUE DE TORTURER DES KURDES EN COMPAGNIE DES MARCHES MILITAIRES TURQUES


Au terme des enquêtes menées dans la ville kurde de Batman et dans les villes voisines de 1998 à 2000, la Commission des droits de l’homme du Parlement turc vient de rendre public un rapport fourmillant de témoignages insoutenables de victimes de tortures. Selon ce rapport, les personnes placées en garde-à-vue à Batman et dans les villes voisines ont subi d’une manière routinière les mêmes tortures. La routine consistait à " leur faire visiter les sites historiques et touristiques du pays " avec des musiques et des tortures adaptées à chaque étape de ce singulier tourisme. Les tortionnaires semblent avoir une prédilection particulière pour une marche des Janissaires ottomans partant en guerre contre les infidèles européens, Mehter Marsi, puisque toutes les victimes kurdes ont déclaré à la Commission avoir été torturées en compagne de cette musique jouée à fond où les tortionnaires se donnaient du cœur à l’ouvrage à chaque occurrence des strophes célèbres " marche en avant, le soldat turc, ne recule jamais ".

Présidée par Mme Piskinsut, députée du DSP de M. Ecevit, peu suspecte de sympathie pro-kurdes, la Commission a consigné une série de témoignages d’où il ressort que la police est assurée de l’impunité et que la justice, au courant de la torture, a condamné les prévenus sur la base de dépositions arrachées sous la torture.

Rendant compte du rapport, le quotidien Milliyet, dans son édition du 14 octobre, cite le témoignage d’une victime comparaissant devant le tribunal à Batman. Alors qu’il rejette toutes les accusations portées contre lui, le juge lui dit : " mais vous les avez bien reconnues dans votre déposition à la police ", " J’ai dû signer ce texte sous la torture " affirme le prévenu. Et le juge de l’admonester : " vous ne pouviez donc pas résister deux jours de plus à la torture ? ".

D’autres victimes parlent des méthodes de tortures dénommées " voyages vers l’espace, vallée de la mort ", etc. Que parmi ces milliers de victimes de la torture quelques unes s’adressent à la Cour européenne et obtiennent après 7 ou 8 années de démarches une condamnation symbolique de la Turquie ne semble nullement déranger les policiers dans leur pratique quotidienne de la torture des Kurdes.

345 KURDES IRAKIENS CHERCHENT REFUGE EN ITALIE, 6 AUTRES TROUVÉS MORTS SUR UNE ROUTE


Le 11 octobre, 462 clandestins dont, 345 Kurdes irakiens, abandonnés en pleine mer sur un cargo turc, ont pu débarquer dans le port italien d’Otrante. L’équipage de ce vieux cargo turc Diler avait laissé ses passagers à leur sort à vingt mille des côtes italiennes. Repéré par des gardes-côtes italiens le navire a été conduit à Otrante par un équipage italien. Ses passagers épuisés de fatigue ont été conduits dans un centre d’accueil pour être identités et soignés.

Le ministre italien de l’Intérieur Enzo Bianco a affirmé que les malheureux passagers, dont près de la moitié des femmes et des enfants, " allaient vers une mort certaine ". Selon lui, les passeurs appartiennent à " une organisation criminelle des plus dangereuses et sont d’une violence inouïe ".

Ils avaient embarqué à Izmir, en Turquie, et payé 2500 dollars par adulte et la moitié par enfant pour le voyage. L’embarquement à Izmir s’est déroulé au vu et au su des autorités portuaires et policières turques, et sans doute avec leur complicité. Avoir le moins de Kurdes possible dans la région est l’une des lignes de force de la politique turque. En plus ce trafic sur une vaste échelle rapporte beaucoup d’argent aux divers services turcs. C’est pourquoi le souhait formulé par M. Bianco d’une " meilleure coopération avec la police turque " pour endiguer cet afflux de réfugiés risque de rester un vœu pieux tout comme les autorités turques n’ont jusqu’ici pas fait preuve d’empressent pour la coopération policière européenne contre le trafic de drogue, car ce trafic rapporte bon an mal an de 35 à 40 milliards de dollars à l’économie " grise " turque.

Par ailleurs, le 18 octobre, la police italienne a trouvé sur une route près de la frontière albanaise les corps de six Kurdes irakiens asphyxiés qui, selon toute vraisemblance, venaient de Grèce à bord d’un poids lourd. Après le passage de la frontière le chauffeur a jeté sur le bord de la route les cadavres de ses passagers clandestins.

CAMPAGNE INTERNATIONALE POUR LA LIBÉRATION D’ESBER YAGMURDERELI


Le sort de l’avocat-écrivain turc aveugle qui a déjà passé 17 de ses 55 années d’existence dans les geôles turques pour délit d’opinion suscite une émotion grandissante dans l’opinion publique internationale.

Le 29 septembre, le barreau de Bordeaux, au cours d’une cérémonie émouvante à l’Ecole nationale de la magistrature en présence de nombreuses personnalités a remis son prestigieux Prix Ludovic Trarieux des droits de l’homme au fils de Me Yagmurdereli.

Le 13 octobre, 11 ONG occidentales dont la Fédération Internationale des journalistes, Human Rights Watch, la Fédération Internationale des association et institutions des bibliothèques, le PEN International, les PEN américain et canadien, ont adressé une lettre commune au Premier ministre turc Bülent Ecevit lui " demandant avec force, de décréter, à l’occasion de la fête nationale turque du 29 octobre, une vaste amnistie et afin de démontrer la détermination du gouvernement turc de se conformer aux normes internationales des droits de l’homme et aux principes de libre expression de libérer immédiatement et inconditionnellement de prison Esber Yagmurdereli ".

Les signataires rappellent que E. Yagmurdereli " aveugle depuis l’âge de dix ans a poursuivi sa campagne pour faire connaître le sort des Kurdes et autres violations des droits de l’homme en Turquie tout au long de son procès et de son emprisonnement en dépit des risques pour lui-même et a gagné respect et admiration à la fois en Turquie et à l’étranger. A mesure que se prolonge l’emprisonnement de Yagmurdereli croît l’outrage dans la communauté mondiale des droits de l’homme et des artistes ".

Plus de 250 écrivains, issus d’une douzaine de pays ont signé, un appel international en faveur de la libération de Me Yagmurdereli. Parmi les signataires de cet appel adressé au Premier ministre turc un fort contingent d’écrivains américains, scandinaves, britanniques et tchèques.

Lors de sa visite officielle en Turquie le président tchèque s’est fait le porte-parole de cette mobilisation internationale en demandant au président turc la libération rapide de l’écrivain-avocat emprisonné.

SEPT MORTS DANS DES AFFRONTEMENTS ENTRE L’ARMÉE TURQUE ET LE PKK


Le bureau de presse de la Super préfecture de Diyarbakir a, dans un communiqué rendu public le 11 octobre, fait état d’affrontements entre des troupes turques et un groupe de combattants du PKK dans la province de Sirnak, à la frontière du Kurdistan irakien. Selon cette source officielle turque le bilan de ces affrontements serait de " 7 rebelles tués et trois soldats turcs blessés ". Le PKK qui depuis septembre 1999 affirme avoir renoncé à la lutte armée à l’appel de son chef captif n’a pas commenté cette information. On ne sait donc pas s’il s’agit d’une action " d’auto-défense " d’un groupe armée retiré dans des camps sur la frontière du Kurdistan irakien ou s’il s’agit d’affrontements avec des dissidents du PKK qui çà et là poursuivent la lutte armée à l’intérieur de la Turquie.

En dépit de ces incidents sporadiques, de l’aveu même de l’état-major turc, le nombre d’actions violentes a diminué de plus de 99% depuis un an. Cependant l’absence de guerre ne signifie pas la paix, loin de là. Les forces turques continuent de se comporter en terrain conquis, humiliant et opprimant la population civile.

La paix qui suppose la réconciliation et la reconnaissance des droits culturels et de l’identité kurde paraît une perspective encore très éloignée.