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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 180

29/9/2000

  1. AKIN BIRDAL LIBÉRÉ APRÈS AVOIR PURGÉ SA PEINE
  2. BULENT ECEVIT EN VISITE AU KURDISTAN
  3. NOUVELLE TENSION ENTRE LE PRÉSIDENT ET LE PREMIER MINISTRE TURCS
  4. LU DANS LA PRESSE TURQUE : " LE SOI-DISANT GÉNOCIDE ARMÉNIEN… "


AKIN BIRDAL LIBÉRÉ APRÈS AVOIR PURGÉ SA PEINE


Akin Birdal, vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et ancien président de l’association turque des droits de l’homme (IHD), est sorti de prison le 23 septembre après avoir purgé une peine de dix mois de prison pour " provocation raciale " après des appels à une solution pacifique au conflit kurde en 1995 et 1996. Il avait été libéré le 25 septembre 1999 pour une durée de six mois pour raisons de santé alors qu’il purgeait sa peine depuis juin de la même année. Il avait été ensuite été réincarcéré en mars dernier pour purger le restant de sa peine. Il a bénéficié d’une réduction de peine, comme le prévoit la loi turque.

M. Birdal avait déjà auparavant passé un an en prison sous l’accusation d’activités favorables au PKK. Il avait été grièvement blessé en mai en 1998 dans un attentat perpétré au siège de l’IHD. Les assaillants et leurs complices ont été condamnés en décembre à des peines variant entre 10 mois et 19 ans de prison.

À sa sortie, il a déclaré: " J’espère et je souhaite être la dernière victime du crime de la pensée ". Dans une interview accordée au quotidien anglophone Turkish Daily News, le 26 septembre, Akin Birdal n’a pas manqué de donner des nouvelles des députés kurdes incarcérés dans la même prison que lui :

" Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, purgent actuellement leur peine à la prison centrale d’Ankara. Hatip Dicle souffre des maux d’estomac et du système digestif. Mais tous les quatre gardent l’espoir pour l’avenir. Orhan Dogan est très actif. Il fait tout dans son dortoir. Il cuisine, écrit, sert de conseiller juridique pour tout le monde et apporte son aide aux malades et à ceux qui ont des problèmes. Leyla Zana dit que si elle est acquittée après sept ans de prison, elle sortira " pieds nus ". En d’autres mots, elle veut marcher sur le sol pieds nus. Bien qu’elle dise qu’elle va bien, elle souffre de problème de circulation sanguine, c’est pour cela qu’elle est pâle. Toute la vie de Leyla Zana est passée en prison, d’abord comme la femme d’un prisonnier et puis en tant que détenue. Mais elle ne nourrit de rancœur et de colère contre quiconque, et a de l’espoir pour l’avenir de la démocratie et de la fraternité (…) Le mouvement démocratique, incluant les hommes politiques et intellectuels kurdes a été mis de côté. Une initiative réunissant des travailleurs kurdes et turcs sous un même toit, a été retirée et les hommes politiques kurdes ont décidé de rejoindre le parti de la démocratie du peuple (HADEP). Mais ce sera faux de conclure à partir de ça que les actions d’union des efforts de démocratisation et de respect des droits de l’homme ont été abandonnées (…) Bien que mes droits civiques et politiques aient été suspendus sur le fondement de l’article 312, je continuerai d’œuvrer pour la démocratie et la paix. Dans tous les cas, j’ai une certaine responsabilité en tant que vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme. Il n’est pas nécessaire d’avoir un certain statut pour être un activiste des droits de l’homme ; J’agirai autant que je pourrai… "

BULENT ECEVIT EN VISITE AU KURDISTAN


" Je veux jouer dans mon village ", " je veux retourner dans mon village ", c’est par ces pancartes que le Premier ministre Bülent Ecevit a été accueilli par les enfants de Siirt lors de sa visite le 27 septembre. Une centaine de personnes scandant " Biji asiti " (vive la paix, en kurde), " Non à la peine de mort ", " La paix tout de suite ", " Non aux cité-villages " [ndlr : nom des hameaux stratégiques qu’Ankara veut construire dans les pleines pour regrouper les paysans kurdes déplacés] ont été, quant à eux, éconduites du lieu du meeting. Face aux protestations, B. Ecevit s’est borné à déclarer : " Celui qui veut la paix, abandonne d’abord les armes ". Les autorités turques en premier lieu, le chef d’état-major turc, avaient pourtant annoncé à plusieurs reprises que le nombre des combats atteignait le point zéro depuis que le parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) avait appelé au cessez-le-feu et à la fin de la lutte armée.

NOUVELLE TENSION ENTRE LE PRÉSIDENT ET LE PREMIER MINISTRE TURCS


Le président turc Ahmet Necdet Sezer a, le 25 septembre, de nouveau opposé son veto contre un décret gouvernemental prévu pour l’éventuelle privatisation des banques d’état. Le décret ayant force de loi, envoyé à la présidence la semaine dernière, était une des conditions préalables de la Banque mondiale et du gouvernement japonais co-financier du projet. La présidence a motivé sa décision sur le fait que la question était essentiellement liée aux taxes, domaine propre de la loi et donc du Parlement selon l’article 91 de la Constitution.

Une nouvelle tension semble s’annoncer entre le Premier ministre Bülent Ecevit, peu enclin à vouloir travailler avec des députés et le président turc beaucoup plus soucieux des principes démocratiques.

LU DANS LA PRESSE TURQUE : " LE SOI-DISANT GÉNOCIDE ARMÉNIEN… "


La reconnaissance le 21 septembre du génocide arménien par la sous-commission américaine des opérations internationales et des droits de l’homme de la Chambre des représentants a soulevé un tollé en Turquie. À l’annonce de la nouvelle, certains journaux turcs titraient " Poignardé dans le dos ". Voici un article de Mim Kemal Öke, paru le 24 septembre dans Türkiye, quotidien turc nationaliste, qui illustre la réaction turque :

" Lancé comme un projet de loi, ce texte a franchi une importante étape. Par exemple, du point de vue des nationalistes arméniens c’est une preuve de leur existence. Ils peuvent produire leur identité et leur personnalité à partir de ce complexe de victimisation. Même si les Etats-Unis sont l’endroit le plus chéri au monde par la diaspora, ce syndrome d’injustice procure un sens à leur position. Bref, pour eux, la question est plus socio-psychologique que politique.

Car ils savent parfaitement que même si la terre s’arrêtait de tourner, à la suite de ce projet, ils ne pourraient obtenir ni une reconnaissance, ni une indemnisation et ni un territoire de la Turquie !

Je crois que l’Arménie - j’entends Erevan- n’est pas non plus satisfait de l’affaire. En dépit des différences avec son prédécesseur, Kotcharian sait qu’il ne fera qu’étrangler le plus " encerclé " des pays de Caucase en attirant l’animosité de la Turquie. Face à une alliance entre la Turquie et Bakou, même l’Iran ne pourrait pas sauver Erevan. Il sera même pris en tenailles alors qu’il veut agrandir son champ de respiration. Et si l’Iran s’avisait de se mêler de la question, le Grand Azerbaïdjan lui sera rappelée…!

L’administration américaine va essayer " d’étouffer" l’affaire. Peut-être que le musée qui est réclamé à Smithsonian sera ouvert mais je ne vois pas de pression exercée sur la Turquie pour la " reconnaissance ".

Il est évident que le sujet sert d’aimant électoral pour les élections américaines. C’est donc une disposition interne.

Naturellement, la Turquie va réagir.

D’un point de vue stratégique, nous ne sommes pas aussi forts qu’au beau jour de l’OTAN.

Reste notre coopération en Eurasie…

De plus, si nous réagissons de trop, nous risquons d’irriter les Etats-Unis qui restent notre unique soutien pour le projet du pétrole de la Caspienne. Peut-être est-ce l’essence de l’affaire : Ankara se brouille avec les Etats-Unis et l’oléoduc ne passe pas par la Turquie.

Voulez-vous qu’elle devienne un des pions de ce " grand jeu " d’échec.

Prenez garde. On essaye de rendre passif la Turquie sur le projet eurasien. ".