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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 173

6/6/2000

  1. UN MEDECIN POUR 7 602 HABITANTS DANS LE KURDISTAN TURC
  2. LE RAPPORT 1999 DE L’UNDP : LA TURQUIE EST AU 85 ÈME RANG POUR SON DÉVELOPPEMENT HUMAIN
  3. L’EX PREMIER MINISTRE ERBAKAN INTERDIT À VIE DE LA POLITIQUE
  4. LE PRÉSIDENT TURC RÉITÈRE SA DEMANDE SUR DE RÉFORMES CONSTITUTIONNELLES
  5. OPÉRATION ANTI-HADEP SUITE
  6. SELON M. YILMAZ LA TURQUIE " DE MOINS EN MOINS EN ETAT DE DROIT MODERNE "
  7. RETOUR CONDITIONNEL ET RISQUÉ DANS LES VILLAGES KURDES
  8. 140 KG D’HÉROÏNE TURC SAISIS EN AUTRICHE
  9. QUATRE KURDES RETROUVÉS DANS UN CAMION DE MARCHANDISES EN ITALIE


UN MEDECIN POUR 7 602 HABITANTS DANS LE KURDISTAN TURC


Un rapport intitulé " La situation en Anatolie du Sud-est selon les indicateurs socio-économiques " (cf. : bulletin N°172), réalisé par le député de Van Hüseyin Çelik, publié dans Turkish Daily News du 4 juillet, révèle que le système de santé dans la région kurde accuse un large retard sur le reste du pays.

Selon le document, le Sud-Est kurde se contente d’un médecin pour 7 602 habitants et l’Est un pour 5 309. La moyenne nationale est d’un médecin pour 2 141, soit de trois à quatre fois supérieure à celle des provinces kurdes. Le rapport, basé sur les données de l’Institut des Statistiques de l’Etat (DIE), l’Organisation de l’Etat à la planification (DPT), la Banque mondiale et l’UNICEF, révèle que l’écart est encore plus important s’agissant des dentistes. Au Sud-Est, on compte 1 dentiste pour 21 504 habitants et à l’Est 1 pour 17 448, alors que la moyenne nationale est d’1 pour 5 453.

Le rapport indique également que la province kurde d’Erzurum se situe la première pour son important taux de mortalité infantile, suivi de Diyarbakir. La ville turque de Bursa avec un taux de 59,3 % est la première ville du pays pour le nombre d’enfants vaccinés. Ce taux descend à 23,5 % à Diyarbakir et à 18,6 % à Erzurum. Hüseyin Çelik souligne que la plupart des centres médicaux de la région kurde ne fonctionnent pas correctement et que pour la plupart ils n’ont même pas de médecins dans leur service. Quant à Hakkari et à Sirnak, deux des plus importantes villes défavorisées, les hôpitaux publics n’y fonctionnent qu’avec des généralistes. La situation n’est guère plus rose pour ce qui est des hôpitaux de sécurité sociale (SSK). À l’hôpital SSK de Van, il n’y a que huit médecins alors que le nombre devrait être de 40.

LE RAPPORT 1999 DE L’UNDP : LA TURQUIE EST AU 85 ÈME RANG POUR SON DÉVELOPPEMENT HUMAIN


Selon le rapport annuel sur" le développement humain " du programme de développement des Nations unies (UNDP), la Turquie se situe au 85e rang sur 174 pays étudiés en termes de développement humain. Le rapport est issu de l’évaluation des statistiques des différents pays selon l’espérance de vie, mais aussi l’alphabétisation et le revenu national par habitant. Le rapport révèle que l’espérance de vie moyenne en Turquie est de 69,3 ans, le taux d’alphabétisation est de 84 % et le taux de personnes enregistrées en primaire, secondaire, et en études supérieures se situe à 61 %. Le revenu national par habitant est de $6 422. Selon le même rapport, l’Iran se situe au 95erang et la Syrie 111e.

L’EX PREMIER MINISTRE ERBAKAN INTERDIT À VIE DE LA POLITIQUE


La Cour de cassation a confirmé, le 5 juillet, une peine d’un an de prison contre l’ex-Premier ministre islamiste turc Necmettin Erbakan pour "incitation à la haine raciale ou religieuse", ce qui l’interdit de politique à vie.

Il avait été condamné en mars par la Cour de sûreté de l’Etat de Diyarbakir pour des propos sur la religion et les Kurdes formulés en 1994, lors d’une campagne électorale de son parti de la Prospérité (Refah), dissous en janvier 1998 pour "activités anti-laïques". À 74 ans, il a encore un ultime recours contre la décision de la cour d’appel, à laquelle il peut demander de corriger sa sentence. Mais ce recours a très peu de chances d’aboutir. Son avocat, Me Yasar Gurkan, a annoncé, sur la télévision NTV, que si ce recours n’aboutissait pas, il saisirait la Cour européenne des droits de l’Homme.

Necmettin Erbakan, leader historique de l’opposition islamiste modéré devra purger près de cinq mois de prison par le jeu des remises de peine, dans un établissement pénitentiaire encore indéterminé. Premier chef de gouvernement islamiste de Turquie, il avait dû démissionner en juin 1997 sous la forte pression des généraux et du Conseil national de sécurité.

Il avait dirigé le pays pendant un an à la tête d’une coalition avec le chef du parti de la Juste Voie (DYP), Mme Tansu Ciller. Avec la dissolution du Refah, M. Erbakan et plusieurs de ses adjoints avaient été déchus de leur mandat de député et interdits d’activités politiques pour cinq ans. Ils font également l’objet de poursuites judiciaires pour des accusations de corruption.

Le Fazilet, qui a succédé au Refah, est devenu le troisième parti au Parlement à l’issue des élections législatives d’avril 1999. Il est actuellement menacé de fermeture par la justice. Une procédure d’interdiction a été lancée en mai 1999 par le procureur général de la Cour de cassation Vural Savas, qui accuse le Fazilet d’avoir "agi en violation de la loi sur les partis politiques" interdisant à une formation d’être la continuation d’un parti dissous.

M. Savas l’accuse également d’exploiter les sentiments religieux du peuple et avait comparé le Fazilet à un "vampire". Il a dans le même temps réclamé l’interdiction de politique pendant cinq ans de tous les dirigeants du Fazilet, dont son chef Recai Kutan, et le retrait de mandat de ses cent trois députés. Le Parlement turc compte au total 550 sièges.

LE PRÉSIDENT TURC RÉITÈRE SA DEMANDE SUR DE RÉFORMES CONSTITUTIONNELLES


Au cours d’une conférence organisée au Parlement et intitulée " Réformes constitutionnelles en Turquie - Principes et Résultats ", le président Ahmet Nejdet Sezer, a déclaré le 29 juin que la Turquie, qui est un Etat de droit, démocratique, séculaire, et social, qui respecte les droits de l’homme, devra développer et protéger les droits de l’homme et les libertés et élever ces droits au niveau universel. " Afin d’atteindre cela, les normes universelles établies dans des déclarations internationales devront être incorporées à nos lois après réévaluation de notre Constitution à la lumière de ces déclarations universelles. " a déclaré M. Sezer.

Soulignant que le principe de l’Etat de droit constitue le facteur déterminant des démocraties contemporaines, A. N. Sezer a affirmé : " le plus important principe des démocraties orientées vers la liberté se base sur le fait que l’Etat existe pour le peuple et non le peuple pour l’Etat ". Le président turc, qui était l’ancien président de la Cour constitutionnelle turque avant son élection, a déclaré que les droits de l’homme sont devenus une " condition qui ne peut être ignorée " dans le monde contemporain et a encouragé les réformes constitutionnelles en Turquie.

OPÉRATION ANTI-HADEP SUITE


Plusieurs manifestations ont eu lieu en Turquie pour protester contre la condamnation à mort, il y a un an, le 29 juin, d’Abdullah Öcalan, chef du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), condamné pour trahison et séparatisme par une Cour de sûreté de l’Etat.

Nedim Bicer, responsable de la section de HADEP à Bismil et cinq autres sympathisants de ce parti ont été arrêtés le 30 juin suite aux manifestations. Enis Berberoglu, éditorialiste au quotidien Hürriyet, dénonçant l’attitude des autorités régionales, écrit le 3 juillet ceci : " Ahmet Turan Demir, président du parti de la Démocratie du peuple (HADEP) arrivé de Batman le 29 juin, a été accueilli devant les locaux du parti du district de Bismil (Diyarbakir) par plus de 300 personnes sous le cri de " Vider les prisons ", " Non à la peine de mort ", " La paix tout de suite "… Le président de HADEP s’est ensuite exprimé sans mégaphone pendant 10 minutes en déclarant que " dans les prisons il y a des milliers de personnes innocentes, le régime d’exception est inutile et devrait être abrogé, une loi d’amnistie générale devrait être promulguée, nous ne voulons pas de régime d’urgence…, la liberté, la fraternité et la démocratie sont nécessaires ici ". Le bureau du gouverneur de Diyarbakir a déclaré par la suite que le responsable local du HADEP et cinq autres personnes ont été placés en garde-à-vue, et après déposition ont été arrêtés suite à la décision du parquet de la cour de sûreté de l’Etat pour manifestation sans demande d’autorisation. (…)Vraissemblement, la raison principale réside dans les slogans qui ont été lancés et si scrupuleusement énumérés par le bureau du gouverneur. Alors interrogeons-nous…

Le rassemblement du HADEP a crié " Vider les prisons ", le Premier ministre Bülent Ecevit n’avait-t-il pas déclaré " que nos citoyens qui attendent l’amnistie soient plus patients " ? Qu’y a-t-il de différent entre le slogan du HADEP " Non à la peine de mort " et le souhait du président Ahmet Nejdet Sezer que " la peine de mort soit abolie " ? La demande d’Ahmet Turan Demir concernant " la levée du régime extraordinaire (OHAL) " n’est-elle pas inscrite dans tous les programmes gouvernementaux ces dix dernières années ? (…) Quant Demir déclare " la liberté, la fraternité et la démocratie sont nécessaires à Bismil " cela ne rejoint-il pas la déclaration de Mesut Yilmaz : " le chemin de l’Union européenne passe par Diyarbakir " ? (…) "

SELON M. YILMAZ LA TURQUIE " DE MOINS EN MOINS EN ETAT DE DROIT MODERNE "


Dans une interview accordée le 4 juillet 2000 au quotidien turc anglophone Turkish Daily News, Muharrem Yilmaz, président de l’association des jeunes hommes d’affaires turcs (TUGIAD), déclare : " nous ressemblons de moins en moins à un Etat de droit moderne ". M. Yilmaz souligne que " la condition préalable pour la modernité et la démocratie passe par le respect de la loi. Un Etat de droit démocratique respecte les droits des citoyens et les libertés. Le niveau de la culture et de la civilisation dans un pays est mesuré par le sens des droits de l’homme dans sa Constitution. Une structure légale moderne est nécessaire pour résoudre les problèmes sociaux, économiques, et politiques. Nous ne pouvons pas atteindre la modernité avec l’actuelle Constitution ; nous avons besoin d’une Constitution moderne ".

M. Yilmaz a énuméré les principaux problèmes comme ceci :
  • Les législations civile et criminelle ne sont pas conformes au standard européen.
  • La peine de mort reste en vigueur
  • La torture, les disparitions et exécutions sommaires continuent
  • Il n’y a pas d’amélioration dans les conditions carcérales
  • La liberté de former une association reste restreinte
  • Le seuil national de 10 % de la loi électorale n’est pas conforme aux principes de justice
  • La liberté de pensée et d’expression est limitée par les lois et la Constitution
  • Les affaires de corruption, de discrimination et de traitement préférentiel sont fréquentes dans l’administration publique. Il n’y a aucun règlement garantissant la transparence et la responsabilité.
  • Le système législatif ne fonctionne pas effectivement du fait des problèmes administratifs et financiers


Les hommes d’affaires turcs élèvent de plus en plus leur voix pour demander la démocratisation des structures politiques du pays afin d’accélérer son rapprochement avec l’Europe, principale partenaire économique d’Ankara.

RETOUR CONDITIONNEL ET RISQUÉ DANS LES VILLAGES KURDES


Plus de 45 000 familles kurdes, ont fait appel à l’association culturelle des migrants et d’aide sociale (GÖÇ-DER) pour pouvoir rentrer dans leurs villages où un calme relatif est retrouvé. Près d’un an après l’annonce de l’arrêt des combats par le PKK, le retour des populations évacuées de leurs villages, malgré une demande de plus en plus forte, reste sporadique et risque de rester conditionnel. Le feu vert de l’administration qui gère les 10 provinces, toujours ou à peine sorties de 13 ans d’état d’urgence, se fait attendre et les 378 355 " migrants forcés " recensés en 1997 dans un rapport parlementaire [ndlr : le nombre de déplacés de la région kurde est estimé par différentes organisations de défense des droits de l’homme à plus de 3 millions] ne croient guère au miracle.

L’association comme le parti de la Démocratie du peuple (HADEP) qui recueillent les demandes des familles ne jouissent pas d’une très bonne image auprès des autorités turques qui les taxent de séparatisme. Interrogé sur la question, Gökhan Aydiner, gouverneur chargé des 10 provinces sous administration spéciale, déclare qu’il est certain que " tous les villages et hameaux ne seront pas rouverts " et que les plus éloignés ne pourraient profiter des services de l’état : " Seuls les formulaires déposés individuellement auprès des autorités locales seront examinés au cas par cas ". M. Aydiner, avoue volontiers les velléités des autorités turques dans ce projet de retour en déclarant que renvoyer tout le monde dans les montagnes signifierait " revenir au point de départ " c’est-à-dire au déclenchement de la lutte armée. Il dit avoir accordé 64 000 autorisations de retour sur 131 000 cas, et enregistré 26 000 retours depuis huit ans.

Les familles, désœuvrées dans les banlieues des grandes métropoles turques, se trouvent souvent dans une misère intolérable. [ndlr : Selon une étude du Centre d’enfance et de jeunesse de Beyoglu qui a réalisé une enquête sur les 23 districts d’Istanbul entre 8 mai et 8 juin sur 905 enfants (Milliyet du 2 juillet 2000). 99 % des enfants qui vendent des mouchoirs, des chewing-gums, ou encore des cireurs de chaussures, sont issus de ces familles déplacées (…). À Istanbul 38 % de ces enfants sont originaires de l’Est et 31 % du Sud-Est, alors que 18 % sont originaires de la région turque de Marmara, 5 % de la Mère Noire, 4 % du Centre, et 4 % de la Méditerranée. Par ailleurs, les enfants déclarent à 35 % exercer une seconde profession.] Les familles, exilées souvent de force, avouent très volontiers ne pas disposer de moyens suffisants pour rentrer chez elles et réclament à ce titre de compensations financières. Mahmut Özgür, président de GÖÇ-DER, déclare au journal turc Milliyet du 5 juillet que " pour le retour d’une famille, seul le camion revient à 400 ou 500 millions de livres turques " (5 500 FF, le revenu minimum est de 950 FF) et que la plupart des familles vivent sous des bâches à leur retour. Saadettin Tantan, ministre turc de l’Intérieur, déclarait fièrement le 27 juin 2000 que le Conseil national de sécurité (MGK) avait décidé dans le cadre du " plan d’action de l’Anatolie de l’Est et du Sud-est ", consacrer 2,8 trillions de livres turques (30 millions de francs).

Par ailleurs, les villages repeuplés à partir de zéro semblent introuvables, alors que trois bourgs (Çatak-Konalga et Dikbiyik près de Van et Kaymakamçesme, à Sirnak) réservés aux clans de gardiens de villages, milices pro-gouvernementales, seront inaugurés en juillet par le Premier ministre Bülent Ecevit. Les villages reculés qu’occupent ces gardiens demeurent inaccessibles sans autorisation spéciale malgré la levée des restrictions légales dans plusieurs provinces. Les affrontements sont à " un niveau proche du zéro ", affirmait pourtant dès septembre 1999 le chef d’état-major Hüseyin Kivrikoglu. Près de 65 000 miliciens, les trois-quarts rémunérés par les autorités turques, sont officiellement au service du " maintien de la sécurité ". La question de leur désenrôlement est régulièrement évoquée, avec la disparition progressive de l’insécurité, et une loi votée le 30 juin 2000 par le Parlement restreint fortement les conditions d’appartenance à la milice (obligation de savoir lire et écrire), et pose des limites à sa liberté d’action, jusque-là totale. Le quotidien turc Hürriyet du 2 juillet titrait la nouvelle ainsi : " Le règlement des protecteurs est arrivé : Bat mais ne tue pas ". La nouvelle loi charge aussi le sous-gouverneur de les désarmer et de les mettre à pied en cas d’abus. " Il n’est pas question de s’en débarrasser " déclare pourtant Gökhan Aydiner.

140 KG D’HÉROÏNE TURC SAISIS EN AUTRICHE


Coup de filet réussi de la police autrichienne qui a mis la main le 4 juillet sur 140 kg d’héroïne d’une valeur de 30 millions de dollars appartenant à une bande mafieuse turque. Les autorités autrichiennes ont déclaré que c’était la plus importante prise jamais réalisée dans le pays. La marchandise était cachée dans des cartons supposés transporter du textile. D’après le récent rapport de l’Observatoire international des drogues 80 % de la drogue consommée en Europe transite par la Turquie qui est devenue un " narco-Etat " déguisé.

QUATRE KURDES RETROUVÉS DANS UN CAMION DE MARCHANDISES EN ITALIE


Quatre immigrés clandestins d’origine kurde ont été découverts le 4 juillet alors qu’ils voyageaient au sud de l’Italie à bord d’un camion hermétiquement clos dont la température avait atteint 50 degrés. Les quatre hommes, âgés de 24 à 31 ans, étaient très éprouvés physiquement, affamés et déshydratés lors qu’ils ont été extraits du camion sur l’autoroute de Naples-Bari, à hauteur de Mirabella. Les immigrés voyageaient ainsi depuis quatre jours.