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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 169

4/5/2000

  1. RECALÉ AU SECOND TOUR LE JUGE AHMET NEJET SEZER POURRAIT ÊTRE ÉLU AU TROISIÈME TOUR DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES
  2. LE PREMIER MAI INTERDIT DANS LES PROVINCES KURDES
  3. SIGNATURE POUR L’OLÉODUC BAHOU- CEYHAN À WASHINGTON
  4. JOURNÉE MONDIALE DE LA PRESSE : LA TURQUIE MONTRÉE DU DOIGT
  5. UN SONDAGE DÉFAVORABLE CONTRE LE GOUVERNEMENT TURC


RECALÉ AU SECOND TOUR LE JUGE AHMET NEJET SEZER POURRAIT ÊTRE ÉLU AU TROISIÈME TOUR DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES


Le second tour des élections présidentielles du 1er mai 2000 a montré la très probable victoire du candidat officiel des cinq partis politiques turcs représentés au Parlement. Ahmet Nejdet Sezer, président de la Cour constitutionnelle turque, n’a certes pas recueilli les 367 voix nécessaires pour être élu, mais son avancée sur son concurrent le plus ‘sérieux’ est très net. À l’issue du vote, Ahmet Nejdet Sezer a obtenu 314 voix, Yildirim Akbulut 88, Nevzat Yalçintas 66, Sadi Somuncuoglu 32, l’ancien chef d’état-major, Dogan Gures 22 voix, Rasim Zaimoglu 3 et Mail Büyükerman 2 voix. Agah Oktay Guner du parti de la mère patrie (ANAP) Oguz Aygun du parti de la Gauche démocratique (DSP) et Ahmet Iyimaya du parti de la Juste Voie (DYP) se sont retirés des élections la veille du scrutin.

La presse turque parle d’ores et déjà de M. Sezer comme le 10ème président de la république turque. Alors qu’une majorité qualifiée est nécessaire aux deux premiers tours, une majorité simple, soit 276 voix, suffit aux deux derniers tours des élections présidentielles en Turquie. Le candidat Sezer soulève cependant d’ores et déjà des polémiques à l’intérieur et en dehors de la coalition gouvernementale. N’ayant pas démissionné de la présidence de la Haute juridiction, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur la constitutionnalité de sa candidature. D’autres trouvent décevant que le juge suprême, symbole de la légalité en qui ils ont mis tant d’espoirs sans le connaître vraiment est en deçà de leur espérance puisqu’en ne démissionnant pas, il ne respecte pas lui-même la Constitution. Sur un autre registre mais toujours fidèles à leur précepte ultranationaliste, des députés du parti de l’Action nationaliste (MHP) du vice-Premier ministre Devlet Bahçeli ont mené campagne contre M. Sezer et cela malgré les consignes strictes de leur parti. Ces derniers, dopés par les branches locales, reprochent à M. Sezer d’avoir déclaré qu’il était pour le droit de s’exprimer en kurde dans sa fameuse allocution du 26 avril 1999 à la cérémonie du 38ème anniversaire de la Cour constitutionnelle.

Le troisième tour des élections aura lieu le 5 mai et M. Ahmet Nejdet Sezer sera très probablement élu à une forte majorité au détriment de Yildirim Akbulut qui a défié les consignes de Mesut Yilmaz, leader du parti ANAP. Les élections présidentielles devraient conduire à un remaniement gouvernemental puisque Mesut Yilmaz dont le parti est partenaire de la coalition, est appelé à siéger dans le gouvernement selon les déclarations du M. Ecevit corroborées par M. Bahçeli.

LE PREMIER MAI INTERDIT DANS LES PROVINCES KURDES


Les festivités du 1er mai se sont déroulées sous étroite surveillance des services de sécurité en Turquie alors qu’elles ont été interdites dans les régions kurdes. À Istanbul où plus de 27 000 policiers étaient mobilisés, on a pu assisté à une cinquantaine d’arrestations. Les observateurs ont noté que très souvent c’est le fait de faire le signe de la victoire qui conduisait à une garde-à-vue. Selon le quotidien anglophone Turkish Daily News du 2 mai, il y avait plus d’officiers de police que de travailleurs au défilé du 1er mai.

D’autres rassemblement ont eu lieu à Mersin, Adana, Trabzon, Gaziantep, réunissant les principales organisations syndicales. À Diyarbakir, la police n’ayant même pas autorisé la tenue d’une conférence de presse, des protestations se sont fait entendre.

Les manifestations du 1er mai ont parfois été le théâtre de graves violences en Turquie. En 1996 à Istanbul, trois manifestants avaient été tués et des dizaines de policiers et de manifestants blessés. Le 1er mai 1977, 37 manifestants avaient été tués sur la place Taksim en plein centre ville à Istanbul.

SIGNATURE POUR L’OLÉODUC BAHOU- CEYHAN À WASHINGTON


Les gouvernements d’Azerbaïdjan, de Géorgie et de la Turquie ont signé le 28 avril à Washington un accord donnant un cadre légal au projet de construction d’un oléoduc entre Bakou, Tbilissi, et Ceyhan. L’accord qui doit être ratifié par les parlements des trois pays, constituera la base permettant la signature de contrats d’investissements pour la construction de l’oléoduc. L’oléoduc, long de 1 994 km de la Caspienne à la Méditerranée, aura un coût d’un montant estimé de 2 à 4 milliards de dollars. L’oléoduc, dont la construction devrait être achevée en 2004, transportera du pétrole depuis Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan, en traversant la Géorgie jusqu’au port turc de Ceyhan, sur la Méditerrané.

Washington a fortement soutenu ce projet, qui permet d’acheminer le pétrole de la mer Caspienne vers les marchés mondiaux en évitant les autres les autres options possibles à travers la Russie ou l’Iran.

JOURNÉE MONDIALE DE LA PRESSE : LA TURQUIE MONTRÉE DU DOIGT


À l’occasion de la journée mondiale de la presse le 3 mai, l’organisation Reporters sans frontière a rendu public son rapport sur les violations des droits des journalistes dans le monde. La Turquie a été une nouvelle fois épinglée pour les nombreuses violations de la liberté de l’expression et de l’opinion.

Selon le rapport, " un journaliste a été tué, quatre autres torturés, 7 arrêtés, 87 placés en garde-à-vue et 26 autres passés au tabac " en Turquie en 1999. 80 journalistes y seraient emprisonnés mais l’organisation précise que la raison des arrestations et condamnations étant troubles il est difficile de les imputer clairement à leur travail de journalistes. Reporters sans frontière prend en compte les sanctions du RTUK (ndlr : équivalent turc du CSA), soit 2 378 jours (6,5 ans) d’interdictions d’émettre contre les radios et télévisions. Yerel Radyo Fon, Ozgur Radyo, Mozaik Radyo, Radyo Safak et des chaÎnes nationales comme Kanal 6, ATV, Show TV, ont eu d’un à 365 jours d’interdictions. L’organisation dénonce les simulacres de procès menés contre les officiers de police impliqués dans le meurtre des journalistes. Tout en notant la condamnation des six policiers accusés d’avoir torturé et tué le journaliste Metin Göktepe, elle précise qu’il n’y a toujours pas eu de verdict dans l’affaire d’Ugur Mumcu et d’Abdi Ipekçi et que dans l’assassinat de 20 journalistes il n’y a même pas eu d’enquête ouverte.

L’organisation s’est d’autre part réjouie de la loi 4454 du 28 août 1999 permettant de proroger les procès et les condamnations de la presse et des éditeurs et salue dans ce cadre la libération de six journalistes dont Ismail Besikçi et Dogal Güzel. Cependant, elle souligne que cette loi pousse les journalistes à l’auto-censure étant donné qu’en cas d’infraction de même nature dans le délai de trois ans, les journalistes encourent la reprise devant les tribunaux de leur affaire. Reporters sans frontière a attiré l’attention sur la saisie du livre de Nadire Mater " Mehmedin Kitabi " et a invité les autorités turques à abroger le loi 3713 et les articles 7/2 et 8 de la loi anti-terreur qui portent gravement atteinte à la liberté de la presse.

D’autre part, Menaf Avci, coordinateur de la publication du journal Ozgur Bakis a déclaré que sur les 370 numéros publiés, 124 procès ont été ouverts, 131 interdictions et 263 milliards de livres turques d’amende ont été décidés. Il a également précisé qu’au 20ème jour de publication, le journal a été interdit dans les régions sous état d’urgence (OHAL) sans raison apparente. Des hebdomadaires comme Azadîya Welat, interdit dans la région OHAL depuis octobre 1998 et Pîne, hebdomadaire satirique contenant une majorité de caricatures, interdit depuis quelques jours dans ces régions, mais aussi le journal Evrensel, interdit depuis 485 jours toujours dans l’OHAL, ont dénoncé les violations manifestes des droits de la presse en Turquie et particulièrement dans les régions kurdes.

UN SONDAGE DÉFAVORABLE CONTRE LE GOUVERNEMENT TURC


Un sondage effectué par la société spécialisée turque ANAR sur 1483 personnes interrogées selon la méthode d’interview face à face, a montré que 36 % des participants soutenaient la candidature d’Ahmet Nejdet Sezer aux élections présidentielles. Aucun des autres candidats n’a pu recueillir plus de plus de 10 % alors que 15 % d’entre eux restait sans opinion sur le choix du président.

Le chiffre le plus saisissant est que 83,4 % des personnes interrogées demandait à ce que le futur président turc ait des dispositions démocratiques. 71,3 % sont d’avis que le futur président devrait strictement adhérer aux principes séculaires alors que 63,8 % soulignent que celui-ci devrait être un croyant qui respecterait les normes et valeurs religieuses.

Par ailleurs, 56,7 % des personnes interrogées, contre 31,3 % et 12 % sans opinion, soutiennent le rejet de l’amendement constitutionnel par le Parlement turc relatif à l’extension du mandat du président Demirel de cinq ans. Plus encore, 77,5 % d’entre eux affirment que le président Demirel ne devrait pas retourner dans la vie politique après la fin de son mandat le 16 mai. Le Premier ministre Bülent Ecevit, quant à lui, recueille 57,7 % d’opinion défavorable contre 26,3 % sur une éventuelle candidature présidentielle.