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Bulletin N° 465 | Décembre 2023

 

IRAK : RÉSULTATS DES ÉLECTIONS PROVINCIALES

Le 18 décembre 2023 des élections locales ont eu lieu dans 15 des 18 provinces de l’Irak afin de désigner les conseils provinciaux. Dans les trois provinces qui forment la Région du Kurdistan elles auront lieu ultérieurement.

Le scrutin s’est déroulé sans incident majeur et sans passion. Le taux de participation a été de 41 % selon la Haute Commission électorale indépendante, la province de Kirkouk a enregistré le taux de participation le plus élevés avec 66 %, les provinces du sud, y compris la grande circonscription électorale de Bagdad, ont connu une faible participation en raison sans doute de l’appel au boycott du chef religieux chiite Moqtada al-Sadr qui compte plusieurs millions de partisans dans le pays. Une partie de l’électorat, désabusée, n’a pas jugé utiles de se rendre aux urnes.

Les dernières élections provinciales s’étaient tenues, il y a 10 ans, en 2014. En raison de la guerre contre Daech elles n’avaient pas pu être organisées dans les provinces de Mossoul et de Kirkuk. Les partisans de Moqtada al-Sadr avaient enregistré dans les provinces à majorité chiite, notamment à Bagdad de bons scores. En 2023, ce sont les partis chiites pro-Iran, regroupés dans des coalitions électorales (État de Droit, Nabni, Forces Patriotiques) qui se sont disputées les premières places.

A Bagdad, l’État de Droit de l’ancien Premier Ministre Nouri el-Maliki et Nabni (nous construisons) de Hadi al-Ameri, un haut commandant de la milice chiite Hachd al-Chaabi qui arrivent en tête avec chacun 9 des 52 sièges, suivis par Taqadom (Progrès) de l’ancien Président sunnite du Parlement Mohamed al-Halboussi. Ce dernier arrive en tête dans sa province à majorité sunnite d’al-Anbar.

En 2005, les partis kurdes avaient formé une liste de « Fraternité » unique et remporté 26 sièges sur 41 du Conseil Provincial. La tête de liste, Dr Najmaldin Karim, de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK), avait été élu gouverneur de la province, poste qu’il a occupé jusqu’à sa destitution par le gouvernement de Bagdad en octobre 2017 pour avoir organisé dans sa province le référendum pour l’autodétermination du Kurdistan. Les électeurs de sa province multi-ethnique s’étaient dans leur grande majorité prononcé en faveur de l’indépendance. Le « oui » à l’indépendance a réalisé un score historique de 92,7 % dans l’ensemble du Kurdistan A la suite de la vague de répression massive qui a suivi ce référendum obligeant des dizaines de milliers de Kurdes à quitter la province de Kirkouk et de l’occupation de la ville par les milices chiites et de l’armée irakienne, la composition ethnique a considérablement changé au détriment des Kurdes. L’un des deux principaux partis politiques kurdes, le Parti Démocratique du Kurdistan (PDK), n’a pu y retourner que quelques semaines avant le scrutin du 18 décembre.

Pour ce scrutin, les partis kurdes, divisés, ont participé sous leurs propres couleurs. Cette division a démobilisé une partie de l’électorat kurde et elle a évidemment eu un impact négatif sur les résultats annoncés le 18 décembre par la commission électorale.

L’UPK a obtenu 157 649 voix et 5 sièges (sur 16).

Le PDK a obtenu 52 278 voix et 2 sièges.

La coalition arabe 102 558 voix et 3 sièges.

Le Front Turkmène d’Irak 75 169 voix et 2 sièges.

Uruba (arabe) 49 919 voix et 1 siège.

Siyade (arabe) 61 612 voix et 2 sièges.

Les deux partis islamiques kurdes (Yekgirtu et Komel) qui avaient présenté une liste commune « coalition du Flambeau de Kirkouk » a obtenu et la liste de « Nouvelle Génération kurde » 24 620 voix aucun siège.

La dispersion des listes a fait perdre aux Kurdes environ 50 000 voix et un siège. Malgré les changements démographiques au détriment des Kurdes depuis 2017 et en dépit d’une nouvelle loi électorale introduite an mars 2023, défavorable aux Kurdes, réduisant le nombre de siège au Conseil Provincial de 41 à 16 sièges, les Kurdes unis auraient obtenu au moins 8, peut être 9 sièges, soit la majorité du Conseil Provincial. Ils doivent former avec une partie des conseillers arabes et des turkmènes une coalition pour diriger la province. Mais la Turquie, qui soutient et finance le Front Turkmène ainsi que les partis arabes sunnites, cherche à favoriser la formation d’une coalition arabo-turkmène disposant d’une majorité de 9 voix où le poste de gouverneur pourrait être assumé à tour de rôle par un Arabe et un Turkmène afin de marginaliser les Kurdes.

Dans la province de Mossoul, le PDK obtient 141 052 voix et 4 sièges, talonnant ainsi la liste arabe Ninova Latiha, qui arrive en tête avec 148 769 voix et 5 sièges. La coalition Ehil Ninova, qui inclut l’UPK, obtient 50 606 voix et 2 sièges, les listes Taqadom d’al-Haboussi (74 188 voix), Siyada (75 074 voix), Hadba (61 662 voix), Hasm (61 662 voix) Watanai Huwwiye (54 791 voix) qui obtiennent chacune 2 sièges tandis que le Parti national (87 391 voix) obtient 3 sièges, les listes Azil (46 543 voix) et Watani Litadjdeed (43 657 voix) s’assurent chacune 1 siège. Un Conseil ainsi fragmenté mettra sans doute un temps à former une majorité à même de gouverner cette province dévastée par l’occupation de Daech et la guerre contre Daech.

Instaurés après la chute du régime très centralisé de Saddam Hussain, pour introduire une mesure de décentralisation et de démocratie locale, les conseils provinciaux jouissent d’importantes prérogatives : élection du gouverneur de la province, allocations des budgets de la santé, des transports et de l’éducation.

Par ailleurs, le gouvernement irakien a accepté de débloquer 700 milliards de dinars sous forme de « prêt » au gouvernement régional du Kurdistan (GRK). Selon un accord entre Erbil et Bagdad, le montant du prêt sera déduit des droits du GRK. Le ministre des Finances du GRK, Awat Sheikh Janab, a signé trois contrats avec des banques irakiennes pour garantir des prêts destinés à couvrir les salaires des fonctionnaires du Kurdistan irakien pour septembre, octobre et novembre. Malgré l’accord de principe entre le GRK et le gouvernement irakien, un député irakien soutenu par l’Iran a menacé de porter plainte auprès de la Cour suprême fédérale irakienne contre les banques qui accordaient des prêts au GRK. La Cour suprême fédérale a toujours statué en faveur des intérêts iraniens et contre ceux du Kurdistan irakien.

Le 14 décembre, le Congrès américain a adopté la National Defense Authorization Act (NDAA) de 2024. La NDAA attend désormais la signature du président et comprend des systèmes de défense aérienne pour le Kurdistan irakien et une formation pour les forces peshmergas. La décision de déployer des systèmes de défense aérienne fait suite à des dizaines d'attaques perpétrées par des milices soutenues par l'Iran contre les troupes américaines et des cibles kurdes au Kurdistan irakien depuis 2018. La NDAA (article 1266) stipule également que les États-Unis formeront et équiperont les forces de sécurité irakiennes pour se défendre contre les attaques de missiles, de roquettes et de drones.

Les milices soutenues par l'Iran ont repris leurs attaques contre les installations américaines en Irak, lançant cinq munitions errantes sur les installations américaines situées à l'intérieur de l'aéroport international d'Erbil. Selon le site Rudaw, des débris de quatre drones ont été découverts le 8 décembre près d'une zone résidentielle, dont l'un a heurté un immeuble résidentiel vacant. Un système de défense américain a abattu le cinquième drone. Les milices pro-iraniennes ont également tiré le 8 décembre des roquettes sur l'ambassade américaine à Bagdad et ont lancé le 11 décembre plusieurs drones sur la base aérienne d'Al Asad, dans la province d'Anbar. Par la suite, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, s’est entretenu avec le Premier ministre irakien Mohammed Shia al Soudani et a discuté de l’obligation de l’Irak de protéger « le personnel diplomatique américain ainsi que les conseillers et les installations de la coalition ». Dans le même temps, le Conseil de sécurité de la région du Kurdistan a dénoncé les attaques et a exigé que le gouvernement irakien assume la responsabilité de « mettre fin aux groupes hors-la-loi ».

Le 25 décembre, des attaques de drones contre une installation abritant les forces américaines à l'Aéroport international d'Erbil (EIA) ont blessé trois militaires. En représailles, trois frappes aériennes américaines ont ciblé les installations du Kataib Hezbollah, entraînant la mort d'un terroriste et la blessure de plus d'une douzaine d'autres. En outre, trois autres drones unidirectionnels visant l’EIA ont été interceptés avec succès par le système de défense américain à plusieurs reprises. Le 31 décembre, les milices soutenues par l'Iran ont également revendiqué la responsabilité d'une attaque contre une base des forces peshmergas près de Pirmam, au nord-est d'Erbil. Le Premier ministre de la région du Kurdistan, Masrour Barznani, a condamné les « hors-la-loi » et a exhorté le gouvernement irakien à réagir par « des mesures appropriées ».

Des drones turcs ont frappé des villages kurdes près du sous-district d'Agjalar entre Sulaymaniyah et Kirkouk. Le chef du sous-district d’Agjalar a déclaré à Rudaw que les frappes aériennes avaient semé la peur et conduit à des expulsions parmi les habitants des villages, réfutant la présence d’éléments du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un prétexte utilisé par la Turquie. Simultanément, des avions militaires et des drones turcs ont ciblé plusieurs zones de la province de Dohuk.

Une frappe aérienne turque a tué le 5 décembre un civil kurde près du sous-district de Bamarni. Selon Rudaw, la victime, Ali Jamil, était père de quatre enfants et servait dans les rangs des forces peshmergas. Le décompte final des victimes civiles n'est pas clair, car certains rapports évoquent la possibilité d'une autre victime. Depuis 2015, les forces turques ont tué et blessé des centaines de civils au Kurdistan irakien.

 

 

IRAN : INTERDITE DE SORTIE, LA MÈRE DE JINA AMINI ENVOIE UN MESSAGE AU PARLEMENT EUROPÉEN

Le Parlement européen réuni à Strasbourg a remis le 12 décembre le Prix Sakharov à titre posthume à Jîna Mahsa Amini dont le nom est devenu « un symbole de liberté ». Sa famille, invitée à la cérémonie, a été refoulée à l’aéroport de Téhéran alors qu’elle avait auparavant informé les autorités iraniennes de cette invitation. Celles-ci n’avaient, dans un premier temps, pas opposé d’objection et avaient autorisé le père et la mère de Jîna Amini à obtenir un passeport. Ce n’est qu’en arrivant à l’aéroport, munis de leurs billets, des passeports avec leur visa Schengen, que la police les a empêchés de s’embarquer sans avancer le moindre motif. Cet acte totalement arbitraire et cruel a suscité une vague d’indignation en Iran mais aussi au Parlement européen où plus d’une centaine d’euro-députés ont lancé un appel au gouvernement iranien pour qu’il laisse la famille Amini se rendre à Strasbourg (AFP,11 décembre). Appel resté sans suite. Seul l’avocat de la famille, Me Saleh Nikbacht, un défenseur vétéran des droits de l’homme a pu venir en France pour la représenter.

Dans son discours de remise du Prix Sakharov, la présidente du Parlement européen, Mme Roberta Metsola, a salué « le courage et la résilience des femmes iraniennes dans leur lutte pour la justice, la liberté et les droits humains. Leurs voix ne peuvent être réduites au silence », a-t-elle martelé devant une salle comble er émue où l’avocat de la famille a lu la lettre en kurde de Mme Mojgane Eftekhari, la mère de Jîna Amini, dont voici une traduction française :

Dans mon cœur, il n’y a qu’elle
Dans mon corps, dans mon âme, dans mes veines et dans mon sange, il n’y a qu’elle
Que faire de l’incroyance ou de la foi
Quand mon existence n’a plus de raison d’être sans elle.
(Roumi, Masnavi)

Tu es le parfum de l’essence de printemps
L’odeur des roses ramené par la brise des champs
Le parfum des toits-terrasses en torchis après la pluie

Ma bien-aimée

Par la fissure de ma fenêtre embrumée
Mes yeux guettent la fille des lumières
Parmi toutes les chansons que chantonne le temps
J’écoute le murmure des petits cailloux de la source pure.
(Sware Ilxanzadeh, poète kurde)

 

Mesdames, Messieurs,

J’aurais souhaité être présente personnellement au sein de votre honorable assemblée pour représenter toutes les femmes de mon pays. J’aurais aimé être en mesure de vous exprimer toute ma reconnaissance. Je vous remercie de consacrer ce précieux Prix Sakharov pour la Liberté de l’Esprit à ma fille et au combat des femmes de mon pays. Malheureusement, contrairement à la toutes les normes juridiques et humaines cette opportunité nous a été refusée. Notre avocat de la défense, Maître Saleh Nikbakht, ainsi que Madame Soheila Ghaderi, ici présents, vous transmettront mon message.

Nous sommes ici au pays de Jeanne d’Arc pour honorer la mémoire de Jîna. La réunion de ces deux filles de l’Histoire, source d’inspiration, est à la fois merveilleuse et significative. A travers les siècles, la mort de ces deux jeunes filles transcende les frontières, inspire l’histoire et remet à l’ordre du jour l’aspiration d’émancipation et de liberté des êtres humains.

Jîna est l’expression de la vie et du désir de vivre. Son nom est devenu un nom de code pour la liberté. Il permet de répandre son rêve de liberté depuis son Kurdistan natal à tout l’Iran, au Moyen-Orient et au-delà au monde entier, mobilisant des millions de femmes et d'hommes opprimés qui nourrissent l'espoir d’atteindre l’horizon de la liberté et du salut éternel.

Sa vie lui a été ôtée de manière injuste par ceux qui pensaient qu’en lui prenant la vie, elle cesserait d’être et de devenir. Comme pour Jeanne d’Arc, dont les oppresseurs pensaient qu’en brûlant son corps ses rêves partiraient en fumé. Eux, ils ignoraient et d’autres ignorent encore que des cendres de Jeanne d’Arc et de Jîna, tel un phénix, naîtra un esprit indomptable et inspirant, l’esprit du temps.

Après de si longs siècles, ces deux esprits se sont unis pour nous annoncer la promesse de la réalisation de valeurs les plus élevées qui se sont cristallisées dans ce slogan progressiste de "Jin, Jiyan, Azadi". Des valeurs qui transcendent les frontières et se situent au-delà du temps et de l’espace. Il s’agit de justice, de liberté, de paix, de coexistence et d’égalité entre tous les êtres humains.

Mesdames, Messieurs, Citoyens du monde entier,

Je suis en deuil de Jîna et la douleur de sa disparition restera à jamais gravée dans mon cœur. Je ne doute pas qu’elle restera éternelle aux yeux des citoyens du monde et son nom, aux côtés de celui de Jeanne d’Arc, demeurera un symbole de liberté.

Depuis le lieu de naissance de Jîna l’éternelle, j’aimerais vous exprimer, une fois de plus, mon infinie gratitude ainsi que celle de ma famille. J’espère que vous resterez déterminés dans cette voie. J’espère qu’aucune voix ne craindra de prononcer le mot « liberté ».

Mojgane Eftekhari,
Mère de l’immortelle Jîna Amini
Saqqez- Kurdistan iranien

(Pour voir la cérémonie, cliquez ici)

Durant son court séjour à Paris, Me Nikbakht a rendu visite à l’Institut, puis il a été reçu par le Conseil de l’Ordre des Avocats et par le Barreau de Paris qui lui ont témoigné leur solidarité. Sous le coup d’une condamnation à un an de prison pour avoir donné des interviews aux média sur la mort de Jîna Amini, l’avocat a voulu rentrer en Iran où il est décidé de poursuivre son combat pacifique en faveur des droits humains. Dès son arrivée à l’aéroport Imam Khomeiny de Téhéran, le 22 décembre, il a été conduit à la Salle de sécurité où son passeport, son téléphone portable ainsi que la plaquette du Prix Sakharov ont été saisis. Il est désormais interdit de quitter l’Iran. Sa condamnation ayant été confirmée en appel, son dossier est désormais sur le bureau du juge d’exécution qui doit décider de la date et du lieu de son incarcération (voir Le Monde, 26.12.2023).

Détenue à la prison Evin de Téhéran, la lauréate iranienne du Prix Nobel de la Paix, Mme Nargès Mohammadi, n’a pas pu non plus assister à la cérémonie de remise de cette distinction le 10 décembre à Oslo. Figure du mouvement « Femme, Vie, Liberté », la militante et journaliste iranienne, a décidé de marquer l’événement en observant une grève de la faim. Elle a été représentée à la cérémonie par ses deux enfants, installés avec leur père à Paris. Elle a adressé à cette occasion un long message que Le Monde a publié intégralement dans son édition datée du 10 décembre (voir pp.18-20). Le 19 décembre, elle a refusé de comparaître devant une « Cour révolutionnaire » qu’elle qualifie d’abattoir car cette cour a ordonné l’exécution de plusieurs jeunes iraniens. « Je ne mettrai pas un pied dans cet abattoir. Je refuse d’accorder la moindre crédibilité ou autorité à des juges inféodés aux services secrets et à des tribunaux organisant de faux procès » a-t-elle déclaré (Challenge, AFP, le 19.12).

Les tribunaux iraniens continuent en effet d’infliger des peines lourdes à des opposants réels, potentiels ou supposés sous des prétextes invraisemblables. Ainsi le 29 décembre, 4 prisonniers politiques kurdes ont été pendus dans la prison d’Ourmia « pour collaboration avec le régime sioniste ». Ces militants kurdes, Vafa Hanareh, Aram Ouari, Rahman Parhazo et Nasim Namazi étaient auparavant jugés coupables de « guerre contre Dieu » et de « corruption sur terre », c’est-à-dire d’activité contre le régime islamique. L’assassinat le 25 décembre en Syrie par des tirs de missiles israéliens du général de brigade Razi Moussavi, le plus haut gradé du corps des Gardiens de la révolution en Iran, leur a valu l’accusation vengeresse de « collaboration avec le régime sioniste ». Dans le discours officiel iranien, tous ceux qui luttent pour le droit du peuple kurde à l’autonomie ou à l’indépendance veulent « créer un deuxième Israël » et sont alliés au régime sioniste.

Par ailleurs, le régime iranien a condamné Seyvan Ebrahimi, professeur de langue kurde, à onze ans de prison. Le Réseau des Droits Humains du Kurdistan (KHRN) a affirmé qu’Ebrahimi avait été accusé de “propagande” et de « formation de groupes contre la sécurité nationale ». Le régime a également exécuté un Kurde, Ayoub Karimi, pour « inimitié contre Dieu » et a ignoré les appels des organisations internationales à suspendre l’exécution parce que Karimi n’avait pas bénéficié d’un procès équitable. Les forces de sécurité iraniennes ont également continué de faire pression sur les familles d’autres Kurdes condamnés à mort pour qu’elles gardent le silence et les ont averties que si elles n’obéissaient pas, les corps de leurs proches seraient conservés par l’État. Selon l'Organisation Hengaw pour les droits de l'homme, le régime a exécuté 122 Iraniens en novembre. Pendant ce temps, les tribunaux du régime ont condamné un imam kurde de Senna, Hussein Alimuradi, à 16 mois de prison et un ancien manifestant de Piranshahr à cinq ans et six mois de prison. Les tribunaux du régime ont également condamné un avocat kurde de Mashhad, Khasro Alikurdi, à un an de prison et lui ont interdit d'exercer le droit pendant deux ans. Parallèlement, six Kurdes de Shinno ont été condamnés à des peines de prison allant d'un à trois ans. Enfin, les autorités iraniennes ont arrêté deux imams kurdes à Bokan et un Kurde de Naqadeh.

Les tribunaux révolutionnaires islamiques ont condamné un Kurde de Mahabad, Iskhan Fahim, à sept ans et demi de prison, un militant syndical de Téhéran, Fuad Fathi, à quatre ans de prison, un manifestant de Bokan, Sadullah Rasolpour, à neuf mois de prison, A Saqqez, Ayoub Jwanebpour a été condamné à quatre ans de prison, et un militant de Bokan, Hassan Mardani, a été condamné à trois ans de prison pour “appartenance à un parti politique “. En outre, l'Organisation Hengaw a rapporté que quatre imams kurdes de Piranshahr avaient été condamnés à des peines allant de deux à quatre ans pour avoir soutenu des manifestations antigouvernementales.

Le 30 novembre, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté la loi H.R. 5961, interdisant le financement du terrorisme iranien, par 307 voix contre 119. 217 des votes “oui” provenaient des Républicains. H.R. 5961 demande au Président d'imposer des sanctions à quiconque faciliterait le transfert des six milliards de dollars d'actifs iraniens qui devaient être libérés en échange de la libération de cinq otages américains. Un amendement au H.R. 5961, H.Amdt.821, adopté par 231 voix contre 198, interdit au Président d'exercer le pouvoir de dérogation aux sanctions accordées par la loi de 2012 sur l'autorisation de la défense nationale et la loi iranienne sur la liberté et la contre-prolifération de 2012. Cela dit, le projet de loi doit encore être adopté par le Sénat et promulgué par le Président Biden avant de pouvoir entrer en vigueur.

 

 

TURQUIE : LA DÉFENSE EN RUPTURE DE DEMIRTAS

Le prisonnier politique le plus célèbre de Turquie, Selahattin Demirtas, ancien co-président du Parti démocratique des peuples (HADEP), ancien candidat à la présidence de la République en 2014 où il avait obtenu, face à Erdogan, plus de 13% de suffrages, a pu, après 7 ans et 2 mois de détention, comparaître devant une cour et y présenter sa défense.

Une défense en rupture, pour l’opinion publique et pour l’histoire car, comme il le dit à plusieurs reprises, il n’accorde aucun crédit à une justice turque politisée aux ordres du pouvoir. Un pouvoir qui n’a tenu aucun compte d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui avait estimé sa détention arbitraire, sans fondement juridique et ordonné sa libération, comme il n’a pas respecté un arrêt de la même Cour ordonnant la libération du philanthrope turc Osman Kavala ou encore un verdict récent de la Cour constitutionnelle turque ordonnant la libération du député turc Can Atalay.

Plus qu’un prisonnier, Demirtas se considère comme « un otage politique » il affirme qu’il est détenu, comme ses autres collègues, parce qu’il est kurde, qu’il revendique les droits culturels et politiques du peuple kurde, qu’il parle du Kurdistan, sa patrie, et qu’il prône un règlement pacifique à la question kurde en Turquie alors que le pouvoir turc gaspille depuis 50 ans les ressources humaines et économiques du pays dans une guerre sans fin « jusqu’à l’extermination des derniers terroristes », une guerre dévastatrice et très meurtrière qui a fait plus 50.000 morts et plus de deux millions de déplacés. Ses dernières victimes sont les 12 soldats turcs tués les 23 et 24 décembre lors d’une opération militaire turque au Kurdistan Irakien.

La défense de Demirtas a commencé le 25 décembre. Elle devait durer plusieurs jours. Dans ce procès, il est accusé de la mort de 37 civils tués lors des manifestations contre la guerre de Daech contre la ville kurde de Kobané et contre l’inaction de la Turquie. Les autorités turques reprochent à Demirtas et à ses co-accusés, d’avoir appelé à manifester par des tweets et les accusent d’être coupables du lourd bilan humain de cette manifestation de protestation, où la police et l’armée turques sont intervenues avec une extrême brutalité, tuant 37 civils kurdes. Ce ne sont pas les meurtriers qui sont poursuivis mais les hommes et les femmes politiques qui ont appelé à manifeste

Dans sa défense Demirtas met à nu les ressorts de cette machination judiciaire et affirme qu’il ne sera pas impressionné et subjugué par les menaces de mort ou de 37 fois de perpétuité de la justice turque.

Voici des extraits de la première partie de la défense de Demirtas.

Bien que nous soyons détenus depuis 7 ans, c'est la première fois que je me défends, c'est la première fois que j'ai l'occasion de répondre aux accusations. Parce que les défenses faites jusqu'à présent étaient soit un examen de la détention, soit une réponse aux accusations. Nous avons été jugés sur les places publiques, nous avons été jugés à la télévision, nous avons été jugés au Parlement. Chacun de nous, individuellement, a été présenté comme un "terroriste" ou un "barbare". Aujourd'hui encore, on nous insulte lors des enterrements, on nous présente toujours comme des "terroristes", mais pour la première fois en 7 ans, j'ai eu le droit de me défendre directement (….).

Je ne présente pas ma défense à votre tribunal, je la présente à notre peuple. Parce que vous faites également partie de cette affaire. En tant qu'hommes politiques ayant entrepris une mission honorable, nous avons parlé et parlerons de notre autocritique à notre peuple. Je ne sais pas combien de temps durera ma défense. Mais 42 résumés distincts des procédures ont été fusionnés avec ce dossier de la 19e ACM. Il y a 42 accusations distinctes. Ici aussi, il y a des milliers d'accusations sous le nom d'Affaire Kobanî. Je ne sais pas combien de jours il me faudra pour répondre à la conspiration que vous menez depuis 9 ans. Une table remplie de milliers de documents de défense, c'est ce que j'ai préparé pendant 7 ans. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous défendre jusqu'à présent. Nous répondrons à toutes les accusations à moins que le tribunal ne me retire mon droit à la défense. Mais si votre tribunal dit que cette défense est suffisante, que nous n'autorisons pas d'autres droits de la défense, alors vous avez le micro et j'ai terminé. Je vais révéler les liens de l'affaire. Tout le monde doit savoir que toutes les accusations portées contre moi sont des discours que j'ai prononcés. Je ne suis accusé d'aucune activité ou travail secret. Je n'ai pas une seule preuve dans mon dossier autre que les discours lors de rassemblements que j'ai prononcés il y a 8 ans et 15 ans. Il en va de même pour tous mes amis. Je parle au singulier parce que je me défends. Mes amis en ont déjà parlé.

Il s'agit d'une vengeance politique. Nous sommes des hommes politiques pris en otage à des fins politiques(…). Car le procureur ne m'accuse pas et ne peut pas m'accuser d'autre chose. Comme toutes mes activités politiques sont des activités légales qui se déroulent devant le public, les discours ont été versés au dossier. Aujourd'hui, les enfants du pays perdent la vie dans des conflits et nous sommes dévastés parce que nous n'avons pas pu empêcher ces morts. Pourtant, le gouvernement et l'État se donnent la main et emprisonnent ceux qui, comme nous, veulent la paix et espèrent l'aide des politiques de guerre. C'est de l'hypocrisie totale. Ce sont des hypocrites qui versent aujourd'hui des larmes de crocodile au lieu de partager la douleur. Cette guerre doit cesser maintenant, les armes doivent être complètement désactivées. Le moyen d'y parvenir est de mettre en évidence la politique. Cela signifie qu'il faut mettre fin à l'isolement et revenir à des méthodes de dialogue. Ceux qui évitent la négociation et le dialogue sont responsables de ces morts. Tout homme politique qui s'appuie sur les armes et la guerre pour sa propre réussite politique est un hypocrite. Ceux qui se créent une place au pouvoir sur la base du sang des enfants du peuple sont des personnes sans scrupules qui n'ont aucun sens moral. Aujourd'hui, la société turque, y compris les Turcs et les Kurdes, doit élever la voix pour la paix. Ceux qui vous excitent avec l'exaltation du nationalisme n'hésitent pas à envoyer vos enfants à la guerre alors qu'ils ont les mains pleines.

Les seules personnes qui peuvent arrêter cette tendance sont les pauvres. Si les Turcs et les Kurdes se donnent la main et disent "nous sommes contre la guerre", il sera beaucoup plus facile de vivre ensemble et fraternellement. Il serait beaucoup plus facile de maintenir la paix et d'étendre la démocratie. Nous sommes des hommes politiques qui veulent la paix et qui croient en une solution démocratique. Même si nous avons été pris en otage pendant des années parce que nous le voulions, nous continuons à réclamer la paix de l'intérieur. Ceux qui gouvernent le pays prennent chaque jour des décisions de guerre depuis leur siège bien au chaud. Le peuple turc doit voir cette hypocrisie maintenant. Il doit comprendre qui veut la guerre et qui veut la paix. Si ce n'est pas de l'hypocrisie que d'emprisonner et d'isoler ceux qui veulent la paix dans leur propre pays tout en prônant la paix en Palestine, qu'est-ce que c'est ?

Nous continuerons à agir selon des principes et à défendre la paix en toutes circonstances. Si la Turquie pleure ses enfants aujourd'hui, il est temps de se retourner et de demander des comptes aux hommes politiques. Ceux qui ont rejeté la responsabilité de la question kurde sur les jeunes qu'ils ont envoyés subir une opération militaire à -20 degrés tout en décidant d'une opération depuis leurs sièges chauds doivent rendre des comptes. Alors que nous vivons la douleur de jeunes enfants âgés de 20 à 22 ans enterrés, tous ceux qui sont favorables au gouvernement et qui nous accusent de terrorisme et de meurtre sont ceux qui se nourrissent de ce sang. Certains parlementaires ont siégé pendant cinq mandats sans jamais prononcer le mot "paix" de leur vie. Ce sont les députés les plus riches de Turquie.

Ceux qui accusent nos députés aujourd'hui ont-ils passé une minute à assurer la paix dans ce pays ? La plupart d'entre eux sont de grands hommes d'affaires. Ils ont de gros investissements. Ils vivent dans des fermes luxueuses. Les voitures de luxe ne manquent pas. Vos enfants montent-ils la garde à Xakurk (vallée du Kurdistan d’Irak) et Zap pendant que vous décidez de partir en guerre ? Envoyez vos enfants. Envoyez vos enfants, envoyez-les et voyez si vous pouvez être un belliciste aussi facilement. Nos cœurs brûlent. Je l'ai dit à maintes reprises. Les 12 soldats enterrés hier (tués dans des opérations militaires contre le PKK, les 23 et 24 décembre au Kurdistan irakien) sont mes frères. Ce sont les enfants des pauvres de ce pays. J'aimerais que nous fassions la paix pour qu'ils puissent vivre. La responsabilité nous incombe. Nous nous considérons comme moralement responsables. Nous ne l'acceptons pas.

Ceux qui sont dans cette salle, nos représentants au Parlement, sont prêts à faire tout ce qui est nécessaire pour la paix. Celui qui ouvre la bouche parle du massacre jusqu'à ce qu'il reste le dernier terroriste. Ces litanies durent depuis 50 ans. Un parent d'un martyr criait hier "ça suffit". Il a raison, ça suffit, de qui se moque-t-on ? Ils seront responsables de la vie de ces jeunes gens et ils se retourneront effrontément pour blâmer le parti démocratique (DEM). C'est vous qui êtes responsables, c'est vous qui l'envoyez aux opérations. Que propose le parti démocratique (DEM) depuis des jours ? Il dit qu'il ne faut pas envoyer des jeunes de 20 ans dans les montagnes pour tuer. Il dit qu'il y a un moyen facile, simple, le moins coûteux et le plus honorable, et il marche sur les places publiques. Mais la police l'asperge de gaz lacrymogène, le frappe à coups de matraque et l'arrête (…).

 Personne ne doit nous blâmer. J'en appelle à la société turque, j'en appelle à ceux qui ont ne serait-ce qu'un iota de valeur morale. Lors d'un discours prononcé à Aydın et à Manisa, j'ai dit ceci en réponse à ce dont on m'accusait : "Nous avons essayé de vivre ensemble. Nous avons essayé de faire taire les armes, nous avons essayé d'empêcher l'effusion de sang dans ce pays. Nous avons été emprisonnés ici pendant 7 ans pour cela, et nous continuons à appeler à la paix. Les parents et les frères et sœurs de nos amis sont décédés, ils ont voyagé pendant une heure pour exprimer leurs condoléances, et ils ont ressenti leur douleur dans la cellule. Vous nous avez laissés mourir pendant la pandémie. Nous avons vécu la douleur du tremblement de terre ici. Vous avez fait tout cela. Nos familles ont eu un accident et ma mère a été handicapée. Ma mère est handicapée en ce moment, elle est en fauteuil roulant et ne peut pas venir ici. Combien de familles ont eu des accidents sur les routes des prisons ? Qu'est-ce que vous ne nous avez pas fait endurer ? Que disons-nous ? Nous disons la paix, comme tous nos amis qui ont parlé après 7 ans. Vous vous moquez de moi ? Ceux qui disent cela, ceux qui disent que nous allons écraser les terroristes et les achever, sont des patriotes ?

Vous nous avez gardés en prison plus longtemps que l'exécution du crime que vous revendiquez. Avant même la fin du procès, vous avez décidé que nous étions membres de l'organisation PKK. Je l'entends ici en prison, nous ne sommes pas autorisés à contacter qui que ce soit, mais nous l'entendons. Des personnes de la communauté qui ont été jugées et condamnées à 6 ans et 3 mois pour appartenance à l'organisation ont fini leur peine il y a 2 ans et ont été libérées. Ils ont fini de purger leur peine pour appartenance à l'organisation, nous sommes détenus depuis 7 ans.

Vous avez délibérément agi de la sorte en versant de fausses preuves au dossier et en ajoutant de faux témoins, tout en sachant que nous étions innocents. Ceux qui nous accusent sur les places et scandent des slogans sur la peine de mort sont des gens sans scrupules qui n'ont aucun sens de l'humanité. Quant à nous, nous continuons à représenter les plus hautes valeurs morales et l'honneur depuis 7 ans, avec une conscience claire et la certitude de notre innocence. Nous sommes maintenant au stade du verdict sur la conspiration de l'affaire, nous savons que vous êtes impatients d'annoncer la décision, mais quelle que soit la décision que vous annoncerez, elle ne sera pas dans la conscience de l'histoire de notre peuple. Vous ne pourrez pas nous subjuguer dans cette bataille de volonté (…)

Je ne vous donnerai pas l'occasion de lire votre verdict en face de moi. Vous le lirez vous-même. C'est le testament que je fais à ma femme, à ma famille, à mes filles et à tout mon peuple : Lorsque le verdict sera annoncé, vous devrez l'accueillir avec joie et enthousiasme, car c'est ainsi que nous l'accueillerons ici. Nous préférons mourir plutôt que de faire des compromis et de vivre dans le déshonneur (…).

La principale raison pour laquelle nous sommes jugés est que nous sommes des politiciens kurdes. Les non-Kurdes sont également solidaires des Kurdes. Nous sommes jugés par l'État turc à des fins racistes et nationalistes simplement parce que nous sommes kurdes. Nous sommes jugés parce que nous ne nous soumettons pas à l'idéologie et aux thèses racistes turques. Nous sommes jugés pour avoir dit que le Kurdistan est notre patrie, que vous ne pouvez pas envahir ou détruire le Kurdistan. Dans cette salle, ils veulent condamner la réalité des Kurdes et du Kurdistan en notre personne. En outre, leur objectif politique est de gagner des référendums et des élections et de nous maintenir en prison pour légitimer le régime d'un seul homme. Je suis kurde, ma patrie est le Kurdistan, mes deux identités sont honorées, personne ne peut juger ces valeurs.

Le peuple kurde a le droit de vivre avec sa propre langue et sa propre identité comme les autres peuples dans sa patrie, le Kurdistan. Le fait que ce droit lui ait été retiré par les armes, la destruction et le déni s'appelle le problème kurde. La méthode que nous recommandons pour résoudre ce problème est la négociation (…)

Tous les partis politiques kurdes ayant une perspective de solution démocratique au problème kurde sont parties à la solution et sont des interlocuteurs. Le lieu où le problème sera discuté et résolu de manière ouverte et transparente est le parlement. Tous les partis sont parties prenantes à la solution du problème kurde. Pour ces raisons, je soutiens et défends la rencontre de l'État turc avec M. Öcalan pour mettre fin pacifiquement à la dernière rébellion kurde. Je défends le droit du parti DEM à représenter le peuple et son adresse légitime. Je ne connais personne qui n'accepte pas le parti DEM. Je ne reconnais personne qui ne reconnaisse pas ma volonté et mon droit de représenter le peuple. Ma volonté m'appartient. Nous avons, nous aussi, de sérieuses contributions à apporter à la solution du problème kurde. Nous sommes prêts à faire de notre mieux pour cela, nous le ferons autant que nous le pourrons, notre objectif est de vivre ensemble sur un pied d'égalité. Le respect de ce principe est indispensable à la démocratie radicale pour laquelle nous luttons. Je le dis à ceux qui essaient de m'ignorer, de me détruire et de me liquider avec de fausses conspirations ; je suis l'ami et le soutien de tous ceux qui défendent la démocratie et la paix. Je déclare ouvertement que je ne reconnaîtrai pas ceux qui ne l'acceptent pas. J'adresse toute ma défense au public parce que nous n'avons pas devant nous un panel judiciaire impartial et indépendant. Malheureusement, cela n'existe pas.

Où en sont les choses ? Le dossier préparé par le ministère de l'intérieur sur instruction du palais présidentiel et de MİT (services de renseignement turcs) est devant vous en tant que dossier criminel. Si vous aviez fait cela, si vous aviez dit : "Il n'y aura pas d'affaire, de procès ou d'accusation de ce genre, nous ne serons pas l'instrument de cette conspiration ouverte", vous auriez changé le cours de l'histoire en Turquie. Si vous aviez défendu ne serait-ce qu'un peu de valeurs juridiques et éthiques, vous auriez dit : "Nous considérerions comme une insulte le fait de juger les coprésidents d'un parti, les membres du parlement, les membres du conseil exécutif central avec 37 peines d'emprisonnement à vie aggravées et des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à des milliers d'années" pour deux tweets appelant à des manifestations et des discours à contenu politique, en Turquie. Vous changeriez le destin du pays. Vous nous avez détenu pendant 7 ans sans interruption dans une affaire pour laquelle vous n'auriez même pas dû accepter d'ouvrir une enquête, et encore moins de préparer un acte d'accusation. Nous ne savons pas comment les instructions sont arrivées, mais nous avons vu qu'elles ont été données ouvertement à la télévision et dans des rassemblements (…).

Si l’on compte la richesse de chacun d’entre nous, de l’argent dans nos poches jusqu’à nos biens, il n’y a pas un pour cent de la richesse d’un seul député de l’AKP. Ou membre du Parti İyi ou du MHP. Nous avons coprésidé 102 municipalités, dont 3 municipalités métropolitaines et 10 municipalités provinciales. Sebahat Tuncel n'a pas de maison, la maire de Diyarbakir Gültan en a acheté une grâce à un prêt. J’en ai acheté une à crédit. Pas un seul de nos proches n'a bénéficié d'appel d'offres de nos municipalités et ne le peut pas. Nous sommes de tels politiciens. Vous devez ressentir dans votre conscience la douleur et la cruauté qui nous sont infligées. Nous étions de bonnes personnes, on ne se vante pas, mais nous sommes de bonnes personnes. Nous n’avons fait de mal à personne, mais vous l’avez fait. Mes parents ont eu un accident en traversant à 100 mètres de la prison. Ils ont failli mourir, ils sont restés à l'hôpital pendant des jours, ils ont été handicapés, on leur a donné le droit de parler au téléphone pendant 10 minutes. Ils sont toujours blessés. S'ils ne m'avaient pas mis à Edirne (ville de Thrace, située à 1700 km de Diyarbaki), s'ils m'avaient mis à Ankara, nous n'aurions pas eu à emprunter ces routes. Mais qu'as-tu fait ? La tradition ottomane exilait les seigneurs kurdes en Crète, en Sino, sur les plateaux d'Anatolie centrale, à Edirne, à Imralı. Maintenant, ils les conduisent à Edirne et à Kandira. Edirne est un lieu d'exil, pas une prison. Le message qui nous est donné est : « Nous enverrons les Kurdes en exil ». Car ici nous ne sommes pas seulement en prison, nous sommes aussi en exil.

Vous avez, à travers cette affaire, contribué à la construction du régime d’un seul homme en Turquie. Vous l'avez fait en connaissance de cause et volontairement (…). Vous avez ouvert la voie pour que le pays soit entraîné dans une crise économique et que la corruption et le pillage deviennent normaux. Vous avez provoqué l’effondrement des valeurs morales d’un peuple. Ce qui est étrange, c’est que les islamistes et les nationalistes aient fait cela. Comme beaucoup de choses dans ce pays, le nationalisme et la religiosité sont faux. Cependant, alors que le nationalisme turc prêche qu'un Turc vaut le monde », ils détruisent moralement leur propre nation et toutes ses valeurs. L’hostilité envers les Kurdes a tellement assombri leurs yeux et l’hostilité envers ceux qui ne leur ressemblent pas les a tellement assombris qu’ils n’hésitent pas à dévaster la nation turque.

C’est ce que les nationalistes turcs appellent la survie, la survie de leurs sales richesses. Les nationalistes turcs ne se soucient pas de savoir si un meurtrier mafieux devenu trafiquant de drogue insulte la police turque. Au contraire, la police turque est chargée d’escorter les canailles de la mafia. Ceux qui ont fait cette nomination n’ont pas du tout honte, ils s'en foutent tant que les Kurdes resteront en prison et que des administrateurs seront nommés pour diriger leurs municipalités. C'est votre justice qui en est la cause. Vous avez détruit une société et un État avec les décisions illégales que vous avez prises. Vous pouvez être fiers de votre travail! Ne nous accusez pas d’abolir l’État, le gouvernement et la Constitution, parce que vous l’avez fait vous-même. Il n’y a plus d’État, il n’y a plus d’ordre constitutionnel que nous puissions abolir. Vous avez conduit une nation à l’effondrement moral.

Alors, quels sont les fondements du nationalisme turc et la thèse officielle du turquisme qui nous jugent dans cette affaire ? Pourquoi avons-nous la chair de poule lorsque nous parlons de Kurdes ou de Kurdistan ? Par exemple, si vous dites Turkistan, aurez-vous la chair de poule ? Est-ce que Turc, Turkmène ou Öztürk dérangent quelqu'un, mais quand on évoque le Kurdistan, kurde, la chair de poule surgit. Pourquoi ? La frontière entre la Turquie et l'Iran borde officiellement la province du Kurdistan. La province du Kurdistan iranien est la voisine officielle du Kurdistan. L’autre côté, au-delà de Khabour, est la région fédérée du Kurdistan, selon la Constitution irakienne. Quand j’entends cela, j’ai la chair de poule. Les erreurs commises lors de la création de la République sont à l’origine de tous les problèmes qui se posent aujourd’hui. Si l’on prend en compte la coopération réalisée pendant la Guerre d’Indépendance, ce qui se passe aujourd’hui peut être évité. La plupart des déclarations qui m’ont amené à être jugé sont celles que j’ai dites à ce sujet.

Alors que l’Empire ottoman s’effondrait, la montée d’un déterminisme centré sur l’Europe dans le monde et la formation d’une nation basée sur la race comme vision politique extrêmement populaire ont été inscrites à l’ordre du jour du Comité Union et Progrès en Turquie (…) Lorsque Mustafa Kemal se rendit en Anatolie, la force la plus vivante et la plus non dispersée derrière lui était les armées de l'Est. Mustafa Kemal ne va pas à Datça, Muğla ou Edirne, (dans l’ouest du pays) il n'y pense pas. L'endroit où il est allé était Erzurum. Les lettres qu'il a écrites sont adressées aux Kurdes et aux seigneurs du Kurdistan. Mustafa Kemal ne dit ni « vous n'êtes pas kurde », ni « il n'y a pas de Kurde ». Il a le soutien des Kurdes. Le seul endroit où les armées de la Guerre d’Indépendance n’ont pas combattu est la géographie du Kurdistan parce que les gens y ont combattu. C'est Karayilan qui combat à Antep. Qu'a-t-il dit : « Ô seigneurs kurdes, cheikhs kurdes... » Il est en contact à la fois avec Seyyed Rıza et Cheikh Said. Il n’a pas dit : « Chers cheikhs et messieurs kurdes, nous abolirons le califat ». Le pouvoir qu’il soutient n’est pas la laïcité, ni la République de Turquie, mais le pouvoir de l’Islam. Ce n’est pas Cheikh Said qui a trahi le contrat, c’est l’administration d’Ankara. Ils mentent, ils lisent les livres sur l'histoire de la révolution et suivent le professeur. Ils le font maintenant, et ils font réciter ces récits aux enfants. Ils mentent. Pourquoi le Cheikh se rebelle-t-il ? Vous nous l’avez promis, la première chose que vous faites lorsque vous réussissez est d’abolir le califat. "Vous interdisez le kurde", dit-il. Ce n'est pas Cheikh Said qui a trahi. Il n’existe aucune information indiquant que Cheikh Saïd a coopéré avec les Britanniques. Les intellectuels turcs devraient lire un peu et être éclairés. Oui, il y a une rébellion, mais Cheikh Said n’est pas un traître. Si quelqu'un m'aime, qu'il sache que je suis l'un des petits-enfants de Cheikh Saïd. Les socialistes kurdes et les islamistes savent ce qu’est Cheikh Saïd.

Commémorer Cheikh Saïd est une « trahison ». Alors, qu’est-ce que ça fait de commémorer Topal Osman (chef d’une bande armée turque pendant la guerre d’indépendance) ? Je demande à Meral Akşener (Président d’IYI Parti). Il n’y a pas de rébellion que Topal Osman n’ait commis, pas de meurtre qu’il n’ait commis. Topal Osman fait partie des personnes accusées de l'assassinat de Mustafa Kemal. Nous vivons dans une patrie commune, vous vous souvenez de Topal Osman. Quel est ce héros ? Ils commémorent le général Mustafa Muğlalı, un officier diplômé de l'académie militaire. C'est lui qui a exécuté 33 personnes (kurdes) dans le district d'Özalp, les mains liées, sans procès, le 30 juillet 1943. Parmi eux, Mustafa Muğlalı a été jugé et condamné. Entrez simplement sur Google, la rue Mustafa Muğlalı est partout. Bien qu'il soit juste de commémorer Muğlalı dans ce pays et de donner son nom à une rue. « Les 33 balles », poème d'Ahmet Arif, ont été écrits à leur sujet. Il n'y a aucun problème à commémorer Muğlalı, mais lors de la commémoration de Cheikh Said, c'est l'enfer qui se déchaîne. Par exemple, Abdullah Alpdoğan (général turc) peut être mentionné partout ; il a massacré des milliers de Kurdes alévis du Dersim. Laissez-moi vous citer les plus célèbres(…) : Sabiha Gökçen est la personne qui a piloté l'avion qui a bombardé Dersim. Alors que les Kurdes ne s’expriment pas lorsqu’on les évoque, pourquoi l’enfer se déchaîne-t-il lorsqu’ils parlent de Cheikh Saïd ? Prenez le cas célèbre de Kenan Evren. Il a été jugé pour complot de coup d'État. Il y a encore le boulevard Kenan Evren, la mosquée et la rue. Kenan Evren alors que le type est un putschiste. Il dit (un député turc) : « Allez, va parler à la maison » car 3 mots de syriaque sont prononcés. Les députés du parti IYI le disent. C'est l'un des députés les plus riches qui a dit cela. Alors que vos ancêtres et vos 7 dynasties n'étaient pas encore sur cette terre, les Assyriens étaient sur cette terre, ils sont le peuple le plus ancien de cette terre.(..)

 

 

ROJAVA : LA TURQUIE S’EN PREND A LA POPULATION CIVILE

Pour « venger » la mort de 12 soldats tués les 23 et 24 décembre dans des affrontements avec la guérilla du PKK, la Turquie a lancé des bombardements aériens massifs contre plusieurs localités de Rojava dont Qamishlo, Kobanî, Amûdê et Tirbe Sipiyê. Neuf civils ont été tués et les dégâts matériels sont considérables. Des infrastructures civiles de base comme des centrales électriques ont été dévastées, privant plusieurs centaines de milliers de personnes d’électricité, une imprimerie, des silos de grains, une manufacture de coton, un moulin ont été détruits. Au total une quinzaine d’infrastructures civiles assurant des services de base à une population déjà très éprouvée par une douzaine d’années de guerre ont été gravement endommagées.

Le 26 décembre, le général Mazloum Kobanî, commandant en chef des forces démocratiques syriennes, a lancé un appel solennel à la coalition internationale de guerre contre Daech et à la communauté internationale à intervenir pour faire cesser les agressions incessantes de la Turquie. Il a appelé celle-ci à régler ses problèmes domestiques à l’intérieur de ses frontières et à ne pas chercher des exutoires extérieurs. La communauté internationale doit intervenir pour assurer la sécurité de la population civile de Rojava et sa stabilité.

Il devient de plus en plus clair que la Turquie a pour stratégie de terroriser la population de Rojava et de la pousser à fuir le pays, à s’exiler en Europe. Le changement démographique mené tambour battant dans les territoires kurdes syriens sous occupation turque doit être complété par l’exode vers l’Europe ou le Kurdistan irakien des Kurdes de Rojava. La Turquie compte d’ailleurs envahir l’ensemble du Kurdistan syrien dès le retrait américain pour « éliminer la menace existentielle » que leur poserait la présence d’une entité politique kurde qu’elle qualifie de « terroriste » à ses frontières.

Ni l’ONU, ni même les principaux pays occidentaux n’ont réagi à cette énième agression turque contre le Rojava.

Selon les statistiques des FDS pour 2023, la Turquie a lancé 798 attaques contre l'AANES, entraînant la mort de 39 civils, dont onze enfants, et 83 civils blessés. Les FDS ont rapporté que 173 de leurs soldats ont été tués par la Turquie, l’Etat islamique (Daech) et le régime syrien en 2023.

L’Organisation nationale de renseignement turque (MIT) a affirmé avoir assassiné le 5 décembre un commandant kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), Sherwan Hassan, dans l’est de Deir ez Zor. Hassan a été tué lorsqu’un engin piégé a frappé son véhicule. Les FDS ont fait l’éloge de Sherwan Hassan pour ses sacrifices au cours de la lutte contre l’Etat islamique (Daesh) et ont qualifié sa mort d’« opération terroriste lâche ».

Le 28 décembre, les FDS ont annoncé la mort d’un dirigeant dangereux de Daech dans le camp d’Al Hol, avec le soutien de la coalition mondiale dirigée par les États-Unis. Le terroriste, connu sous le nom de Abu Obaida al Iraqi a refusé de se rendre lors d'un raid sur le camp et a tenté de faire exploser son gilet suicide avant que les forces de sécurité ne lui tirent dessus. Le terroriste décédé était accusé d'avoir tué des femmes et des enfants à l'intérieur du camp, d'avoir orchestré des attaques contre les forces de sécurité et d'avoir fait sortir clandestinement les soi-disant « louveteaux du califat » du camp. Les FDS ont revendiqué 73 opérations anti-Daech en 2023, aboutissant à l’arrestation de 352 terroristes avec le soutien des États-Unis.

Par ailleurs, au moins trois civils ont été tués lors d'échanges de bombardements entre le régime syrien et des mercenaires turcs dans deux villages proches du district de Sherwa occupé par les Turcs. Les échanges de tirs entre le régime syrien et les mercenaires turcs ont fait des victimes civiles, principalement des Kurdes. Dans le canton d’ Afrin occupée, la Turquie et ses mercenaires syriens ont tué 68 civils en 2023.

De son côté, l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a souligné le coût du conflit croissant entre les États-Unis et les milices soutenues par l’Iran en Syrie. L’OSDH a enregistré la mort de 44 miliciens soutenus par l’Iran en Syrie en novembre, dont environ la moitié ont été tués par des frappes aériennes américaines. L’autre moitié a été tuée par l’État islamique (Daech) ou par des frappes aériennes israéliennes. L’OSDH a également documenté 29 attaques contre des installations accueillant du personnel américain par des milices soutenues par Téhéran et quatre séries de frappes de représailles visant des milices et le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) en novembre. Enfin, l’OSDH a rapporté que les milices soutenues par l’Iran renforcent leur présence dans le gouvernorat de Homs et s’entraînent en vue d’une confrontation avec les forces américaines.

Le 8 décembre des milices, soutenues par l'Iran, ont ciblé quatre bases américaines avec de multiples barrages de roquettes et des munitions errantes lancées depuis l'Irak vers la Syrie. Une milice pro-iranienne appelée “La Résistance islamique” a publié une déclaration s'attribuant le mérite des attaques contre les champs pétrolifères d'Al Omar, de Conoco, de Kharab al Jir et al Shadadi basés dans le gouvernorat d'Al Hasakah.

Le Sénat américain a voté le 7 décembre à une écrasante majorité (13-84) contre une motion visant à renvoyer la S.J.Res.51 de la commission sénatoriale des relations étrangères. La S.J.Res.51 a été introduite par le sénateur Rand Paul et aurait exigé le retrait de tout le personnel américain de Syrie dont la présence n'avait pas été approuvée par le Congrès dans les 30 jours si elle avait été adoptée par la Chambre et le Sénat et promulguée par le président. Le sénateur Paul a fait valoir que l’absence d’une déclaration formelle de guerre par le Congrès rendait illégale la mission américaine en Syrie et a affirmé que la récente série d’attaques iraniennes contre des bases américaines en Syrie prouvait que le personnel américain était soumis à des risques inutiles. Le vote bipartisan écrasant contre l’avancement de la S.J.Res.51 montre clairement que la fin de la mission américaine en Syrie ne bénéficie cependant pas d’un large soutien au Capitole. La présence américaine en Syrie est vitale pour dissuader les futures invasions turques du nord-est de la Syrie et pour poursuivre la lutte contre l’EI (Daech).

De son côté, la coalition mondiale dirigée par les États-Unis pour vaincre l'État islamique a publié une déclaration affirmant que plus de 4 400 combattants de Daech et leurs proches ont été rapatriés vers leur pays d'origine depuis des camps du nord-est de la Syrie en 2023. La déclaration a également salué le travail des Forces démocratiques syriennes ( SDF) et l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES) pour avoir facilité le transfert de ces personnes et ont reconnu la valeur du rapatriement en déclarant : “Environ 47 000 personnes provenant de plus de 60 pays restent dans des camps de personnes déplacées, dont 60 % sont des enfants dont près de 5 000 de moins de cinq ans. Le rapatriement est la seule solution durable”. L’AANES et la Coalition ont souligné que les camps comme al Hol sont des foyers d’insécurité et de dénuement que Daech exploite pour recruter des militants et mener des attaques terroristes. Les appels au rapatriement lancés par l’AANES restent souvent sans réponse car de nombreux pays hésitent à répondre aux problèmes de sécurité soulevés par le rapatriement des individus liés à Daech.

 

 

CÉLÉBRATIONS DE NOËL ET DE GAXAN AU KURDISTAN

Les chrétiens du Kurdistan irakien ont célébré dans la paix et la sérénité la fête de Noël. Les nombreuses égalises de la région étaient bondées pour célébrer cet événement majeur du calendrier chrétien. De très nombreux Kurdes musulmans sont venus en voisins s’associer à ces célébrations. Le Président et le Premier ministre du Kurdistan ont envoyé des messages de congratulation à la communauté chrétienne qui compte environ 120.00 personnes et exprimé des vœux pour l’année nouvelle.

Au Kurdistan de Turquie, depuis le génocide de 1915 perpétré par l’empire ottoman, il ne reste plus guère de chrétiens. A Diyarbakir, capitale politico-culturelle kurde, où les chrétiens arméniens et syriaques formaient au début du XXè siècle un bon tiers de la population, il ne reste plus qu’une vingtaine de Syriaques, quelques dizaines d’Arméniens et une poignée de chaldéens. Ils se sont tous rassemblés dans l’église plus que millénaire de Mère Marie (Meryem Ana) où la messe a été célébrée par le prêtre syriaque Behman Samary. Des Kurdes chrétiens, yézidis et musulmans ont assisté à cette messe où les cantiques en araméen, langue du Christ, ont résonné sous la magnifique voûte de cette église témoignant, avec de nombreuses autres églises arméniennes et syriaques de la ville, de la présence depuis les tout débuts du christianisme, des chrétiens sur ces terres où selon le récit biblique un émigré nommé Abraham a séjourné quelque temps à Harran (situé à quelques 150 km de Diyarbakir) où il a fait la connaissance d’une autochtone Sarah qu’il a épousée.

Vivant depuis des siècles en quasi symbiose avec les chrétiens de diverses obédiences, les Kurdes, notamment les Kurdes alévis de Dersim, de Sivas et d’Erzingan, célèbrent pendant cette même période une fête nommée Gaxan. Occultée par le régime répressif et uniformisateur de la république turque pendant un siècle, cette fête sort ces dernières années des cercles familiaux. Ainsi, la municipalité de Dersim a organisé le 29 décembre une célébration publique de Gaxan avec des danses en costumes traditionnels et de la musique et une forte participation populaire. A Paris, le 23 décembre une célébration de Gaxan a eu lieu à l’Institut kurde pour familiariser la nouvelle génération avec cette tradition multi-séculaire.

A Dersim, le mois de décembre est appelé mois de Gaxan (Asma Gaxanî).

Le Gaxan est fêté à la fin du mois de décembre. D'après les informations recueillies auprès des anciens, le Gaxan se fêtait le dernier mercredi du mois de décembre selon le calendrier Julien.

Cette période de fêtes est considérée comme la plus grande et la plus sacrée car elle est dédiée à Zoroastre.

Lors de ces jours de fin d'année les jeunes du village se déguisent. L'un se déguise en un « vieux » avec une barbe. Un second se déguise en la jeune mariée du « vieux ». Deux autres jeunes se déguisent en deux gardes du « vieux ». Ensemble ils visitent, accompagnés des jeunes et adolescents du village, toutes les maisons et demandent des cadeaux. Les villageois leur donnent, entre autres cadeaux, de la farine, du beurre, du yaourt, du babeurre, de l'ail, etc. Avec tous ces ingrédients les jeunes préparent le Sir ou Zerfet, deux spécialités de Dersîm qu’ils mangeront tous ensemble.

On dit que symboliquement le « vieux » représente l'année écoulée et la « jeune mariée » représente la nouvelle année.