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Bulletin N° 438 | Septembre 2021

 

ROJAVA: TENSIONS RUSSO-TURQUES CROISSANTES, HARCÈLEMENT TURC CONTRE L’AANES ET NOUVELLES EXACTIONS DES MILICES MERCENAIRES

Le mois de septembre a été marqué dans toute la Syrie par une intense activité de l’armée de l’air russe. Appuyant Damas dans sa reprise aux insurgés de nouveaux territoires, elle a lancé près de 200 frappes sur Idlib, visant les islamistes de la «zone de désescalade», et dans le désert syrien, en riposte aux attaques meurtrières de Daech contre les militaires et miliciens pro-régime: durant la seule journée du 13 par exemple, l’aviation russe a mené près de 70 frappes contre les djihadistes. Depuis Idlib, Hayat Tahrir al-Sham a riposté en bombardant les zones tenues par le régime. Par ailleurs l’OSDH a accusé les Russes de plusieurs massacres contre la population civile.

Dans tout le pays, et notamment dans les territoires de l’Administration autonome du Nord-Est syrien (AANES), dominée par les Kurdes du PYD, la tension n’a cessé de s’accroître entre Russes et Turcs. À Idlib, après que trois soldats turcs ont été tués et quatre autres blessés, notamment par des bombes artisanales, la Turquie a renforcé ses bases le 13 par l’envoi de nouveaux équipements militaires. Du 23 au 26, l’aviation russe a bombardé la région d’Afrin sous contrôle turc. Le 26 près de Tall Tamr (Hassaké), l’armée turque a tiré des missiles sur un hélicoptère russe, qu’elle n’a pu abattre. Le même jour, et pour la première fois dans cette zone, les forces de Damas ont tiré plusieurs roquettes sur les positions turques. Le lendemain pourtant, Russes et Turcs menaient leur 4e patrouille conjointe près de Kobanê… tandis que les Russes renforçaient leur dispositif près de Tall Tamr. Enfin, la dernière semaine du mois, l’aviation russe a de nouveau bombardé Afrin, faisant quatre morts et une dizaine de blessés parmi les miliciens islamistes d’Al-Hamza (OSDH). Le 26, les médias kurdes ont rapporté des tirs sur les avions russes des mercenaires pro-turcs près de Tall Tamr (WKI).

Paradoxalement, Turcs et Russes ont mené en septembre sept patrouilles conjointes: cinq autour de Kobanê, une à Qamishli et une à Hassaké. Cette dernière a tourné court, les habitants des villages traversés s’y étant opposés avec succès malgré les tentatives des hélicoptères russes pour les disperser à coups de gaz et de grenades assourdissantes.

Parallèlement, mercenaires et forces d’Ankara ont poursuivi leur harcèlement quotidien contre l’AANES, tirs d’artillerie ou frappes de drones, notamment à Manbij, où un combattant des FDS a été tué le 4. Après qu’un soldat turc a été tué et quatre autres blessés sur leur base à Yashili, les forces d’Ankara ont tiré plus de 300 roquettes sur des villages du secteur, obligeant plusieurs familles à fuir. Le 12, un drone turc a rejoint l’artillerie et les mortiers. Les tirs turcs ont aussi blessé deux militaires du régime près de Girê Spî (WKI). Les 16 et 17, les mercenaires pro-turcs, puissamment appuyés par l’artillerie turque, ont poursuivi leurs tentatives d’avance dans le secteur, mais ont été repoussés par les combattants du Conseil militaire de Manbij. La capitale de l’AANES, Raqqa, a également été visée. Le 15, un civil a été blessé par un sniper dans un village près de la ville. Le 17, les FDS ont annoncé que l’artillerie turque avait causé la mort de quatre ouvriers, dont un âgé de seulement 18 ans, employés à creuser des tunnels au nord de Raqqa, à Ain Issa (OSDH). La ville chrétienne de Tall Tamr a également été bombardée. Fin septembre, le Conseil militaire de Manbij a compté avoir reçu 723 roquettes sur tout le mois (WKI).

Parallèlement, les mercenaires pro-turcs ont poursuivi leurs exactions dans les zones qu’ils occupent pour le compte d’Ankara. Sous couvert d’«arrestations» pour liens avec l’ancienne administration, ils poursuivent leurs enlèvements contre rançon, leur vol des biens des déplacés – et leurs combats internes entre factions pour les produits du pillage. À Afrin, l’OSDH a rapporté le 4 que le Conseil local installé par l’occupant avait décidé la création, sur des terres appartenant à des Yézidis, de 380 logements devant accueillir des islamistes déplacés et leurs familles. La Division Sultan Murad, formée de miliciens turkmènes aux ordres d’Ankara s’est approprié des dizaines de magasins et de maisons appartenant à des habitants kurdes déplacés. Certains chefs de factions de la soi-disant «Armée nationale syrienne » profitent aussi de la terreur qu’ils inspirent aux villageois déplacés pour racheter via des intermédiaires leurs terres à vil prix… Dans certains villages, comme à Barrad, le Corps Al-Sham, proche des services secrets turcs, a imposé aux paysans une nouvelle «loi» selon laquelle ils doivent payer une taxe à la faction islamiste contrôlant leur village pour pouvoir moissonner leurs champs! Près de la bourgade de Jindires, des membres de la milice islamiste Ahrar al-Sharqiya ont incendié les abords d’une forêt, vraisemblablement pour préparer l’abattage et la vente des arbres. Le 8, des membres d’une autre milice pro-turque Jabhah al-Shamiyah ont arrêté un villageois qui demandait à récupérer sa maison. Le lendemain près de Raqqah, des membres d’Ahrar al-Sham ont arrêté puis torturé un jeune homme qui les avait critiqués sur les médias sociaux (OSDH).

Le 14, la Commission d’enquête sur la Syrie des Nations Unies a rendu son rapport sur la période juillet 2020-juin 2021 (lien). Elle conclut notamment: «Il existe […] des motifs raisonnables de croire que des éléments de l’Armée nationale syrienne se sont livrés à des actes de torture, à des traitements cruels et à des atteintes à la dignité de la personne, notamment des viols et d’autres formes de violence sexuelle, qui sont constitutifs de crimes de guerre». Elle conclut à la responsabilité d’Ankara, en tant que puissance occupante.

La Turquie ne fait guère de cas de ce genre de rapports sans conséquences pénales et les exactions de ses milices se sont poursuivies de plus belle. Le 20, un civil est mort en détention à Serê Kaniyê (Ras al-Ain) des suites des tortures des membres de Suqur al-Shama. L’OSDH, qui rapporte l’information, note que «la violence et la torture s'intensifient de façon dramatique dans les prisons des factions soutenues par la Turquie». Dans le district de Bulbul (Afrin), la milice Sultan al-Murad a confisqué par la force sous la menace des armes les maisons de 65 civils. D’autres mercenaires de la «Division al-Mu’tassim» ont attaqué les véhicules d’organisations humanitaires locales refusant de se plier à leurs directives. Le 21, l’OSDH relevait que depuis début août, plus de 100 civils avaient été arbitrairement arrêtés à Afrin par les factions pro-turques en vue d’obtenir des rançons.

Enfin, alors que s’approche la période de la récolte des olives, plusieurs factions de l’«Armée nationale syrienne» ont, comme chaque année depuis 2018, entrepris de piller les oliveraies… Un seul exemple, le 20 dans le village de Koutanly près de Bulbul, la faction Sultan Murad a coupé 50 oliviers autour de son QG pour les vendre comme bois de chauffage, avant d’abattre 100 amandiers et oliviers dans le même village (OSDH).

À la frontière turco-syrienne, les gendarmes turcs poursuivent leurs exactions contre les civils syriens tentant de fuir la guerre, au point que l’OSDH, qui estime qu’ils ont depuis janvier tué par balles jusqu’à 25 civils, dont une femme et six enfants, publie régulièrement des dépêches intitulées «Les crimes des Jandarma(gendarmes) turcs». On y apprend entre autres que le 11, un jeune homme d’Amouda tentant d’entrer en Turquie près de Tirbe Spî a été tabassé avant d’être jeté par-dessus le mur frontalier, coude cassé. Le 15, quatre jeunes gens ont été sévèrement battus près de Derbassiyah. Un autre civil est mort le 20 des blessures par balles infligées par les jandarma, de même qu’un autre jeune civil de Deraa le 24 à l’hôpital de Hatay… Selon les statistiques de l’OSDH, au 24 septembre, ceux-ci avaient tué depuis le début de la révolution syrienne 487 civils, dont 45 femmes et enfants. Le 29, l’OSDH a appris par ses informateurs que les jandarma avaient rejeté côté syrien près d’Hassaké le corps d’un enfant portant des traces de torture…

Ces crimes viennent ajouter à l’insécurité des déplacés syriens, déjà fréquemment victimes d’exactions par les forces du régime quand ils tentent de regagner leur pays. Le 7, Amnesty International a dénoncé celles-ci dans un rapport mentionnant détentions arbitraires, torture, viols, disparitions… Amnesty a dénombré au moins 17 disparitions de ces «revenants», parfois convoqués par la police du régime jusqu’à 18 mois après leur retour. «Dites aux gens de ne pas revenir en Syrie. Ne rentrez pas. Je suis rentrée et je le regrette. La réconciliation est un énorme mensonge », [témoigne une jeune femme], qui a été violée à son retour de Turquie, en 2017, et n’a plus revu son fils depuis, victime de disparition forcée (Le Monde).

Les djihadistes de Daech ont aussi été très actifs ce mois-ci, accroissant encore l’intensité de leur campagne d’assassinats de combattants des FDS ou de la coalition et de responsables locaux de l’AANES, dont les morts se comptent par centaines. Dès le 2 septembre, un convoi des FDS se dirigeant vers le champ pétrolier de Koniko a été victime d’une bombe artisanale. Des attaques ont tué ou blessé des civils à Deir Ezzor, et le lendemain du lancement le 8 par les forces américaines stationnées Al-Shaddadi (Hassaké) d’une opération anti-Daech, deux roquettes ont visé la base, sans faire de victimes. Le même jour, un début de mutinerie de détenus de Daech dans la prison d’Al-Senaa’ah (Hassaké) a provoqué une alerte et le survol de la prison par des hélicoptères de la coalition. Le 12, celle-ci a acheminé pour la deuxième fois depuis le début du mois, en convoi venu du Kurdistan d’Irak voisin, de nouveaux équipements militaires, et a régulièrement lancé des opérations de nettoyage. Les 22 et 23, les FDS, soutenus par des hélicoptères, ont arrêté dans la province de Deir Ezzor 12 suspects pour «relations avec l’Armée nationale syrienne et les cellules de Daech» et confisqué armes, documents et matériels de communication.

Parallèlement, la situation demeure toujours aussi ingérable dans le camp d’Al-Hol, où exactions et assassinats par des membres de Daech se poursuivent quotidiennement. L’AANES tente toujours de calmer les choses en libérant progressivement des familles après enquête. Ainsi 92 familles syriennes ont-elles été libérées mi-septembre après garantie de chefs tribaux. Depuis janvier, 644 familles ont pu quitter le camp…

À l’intérieur, l’AANES a été confrontée à plusieurs manifestations d’étudiants demandant le retour aux programmes d’enseignement de Damas, notamment à Kobanê. Ils craignent que leurs diplômes ne soient pas reconnus à l’international. Les autorités ont accepté l’enseignement du programme syrien à titre privé, mais par la suite les Asayish (Sécurité kurde) sont revenus sur cette concession, d’où de nouvelles protestations (OSDH).

D’autre part, des violences ont éclaté entre partisans de l’administration et ceux de l’opposition du Conseil national kurde (ENKS). Le 5, des inconnus ont attaqué le bureau de celui-ci à Derbasiya, y jetant une grenade qui n’a pas fait de victimes, tandis que des membres des Al-Shabiba Al-Thawriyah («Jeunes révolutionnaires») jetaient des pierres sur les locaux de la chaîne du Kurdistan d’Irak Rûdaw et du PYD. Le 24 août déjà, des individus avaient tenté d’incendier le bureau de l’ENKS à Amouda. Le 19, l’AANES a augmenté par décret le prix du pain, ce qui a provoqué un large mécontentement populaire. Le 25, l’ENKS a organisé une série de manifestations contre cette hausse ainsi que celle des prix du carburant, et les arrestations arbitraires par les formations militaires. Elles se sont tenues à Qamishli, Hassaké, Tall Tamr, Derbasiya, Amouda, ou encore Derîk… À Qamishli, devant les locaux de l’ONU, la manifestation a dégénéré en affrontements avec les soutiens de l’Administration. En fin de mois, des attaques ont touché plusieurs locaux, dont ceux de la chaîne Rûdaw et du PDK à Qamishli, et ceux du parti du Changement à Hassaké, dont les auteurs n’ont pas été identifiés.

Enfin, le 29, les autorités du Kurdistan d’Irak ont mis fin à la détention du représentant de l’AANES à Erbil. Jihad Hassan (pseudonyme) avait été arrêté le 10 juin dernier en compagnie de deux membres du comité des relations extérieures du PYD. Ceux-ci avaient été libérés le 29 juin, mais Hassan sera resté détenu plus de 15 semaines (OSDH).

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TURQUIE: MENACÉ DE FERMETURE, LE HDP PUBLIE SON PROGRAMME

La dégradation économique se poursuit en Turquie. Selon TurkStat, l’inflation annuelle a atteint en août 19,25%, son taux le plus élevé depuis deux ans, et d’après les statistiques officielles, le chômage des jeunes avoisine maintenant 26 %. Révélatrices de la gravité de la situation sont les récentes manifestations d’étudiants jetés à la rue par l’augmentation des loyers, en particulier à Istanbul. Qu’ils soient près de huit millions pour seulement 719.000 places en résidence universitaire n’a pas empêché M. Erdoğan d’opter comme à son habitude pour une ligne répressive: «La Turquie est le pays qui dispose du plus grand nombre de lits et de résidences universitaires publiques. Ceux qui dorment dans les parcs, les jardins et sur les bancs ces derniers jours n’ont rien à voir avec des étudiants […]. Ces soi-disant étudiants ne sont qu’une nouvelle version de ceux qui étaient à Gezi» (Le Monde).

Incapable de redresser l’économie, le pouvoir AKP-MHP voit sa popularité se dégrader au même rythme que celle-ci. Et ce ne sont pas les scandales de corruption touchant un grand nombre d’administrateurs municipaux (kayyım) nommés par Ankara pour remplacer des maires kurdes élus et destitués, récemment dévoilés par le parti «pro-kurde» HDP, qui arrangeront son image. Par ailleurs, loin d’être maîtrisée, l’épidémie de COVID a, après une légère baisse fin août, connu une nouvelle accélération en milieu de mois: 23% du 17 au 23, avec 31.200 contaminations (France-24). Le nombre de décès n’est jamais descendu en-dessous des 200 quotidiens, et le 29, le ministre de la Santé a indiqué qu’après plus d’un an de fermeture, la réouverture des écoles le 3 avait provoqué une flambée des cas chez les mineurs, qui constituaient à présent un quart des 400.000 contaminés, contre 10% auparavant... (Bianet)

Pour détourner l’attention des citoyens, le pouvoir utilise une méthode éprouvée: les boucs émissaires. Les migrants syriens (3,7 millions) sont accusés de voler le travail des Turcs. La Turquie refuse d’ailleurs toujours de transmettre au HCR les données les concernant… (Bianet) L’opposition n’est pas en reste: en août, Kemal Kiliçdaroğlu, le chef du CHP (kémaliste), a promis, s’il emportait les élections de juin 2023, de «renvoyer les Syriens chez eux»… (Le Monde)

Sur le plan politique, ce sont les Kurdes, désignés comme ennemis intérieurs, qui sont les boucs émissaires désignés. Le HDP, qui les représente sur l’échiquier politique, est criminalisé comme terroriste et juridiquement menacé de fermeture. L’acte d'accusation de 843 pages déposé par l’AKP et le MHP demande le gel de ses actifs et l’exclusion de la vie politique de 451 de ses cadres. Par ailleurs, discours et agressions racistes anti-kurdes se généralisent. Ceux qui tentent d’en rendre compte sont inquiétés: le 2, Öznur Değer, une journaliste de JinNews qui avait couvert le massacre de sept membres d’une famille kurde à Konya le 30 juillet, a été inculpée d’«incitation à la haine». Le 22, une nouvelle attaque a visé huit travailleurs agricoles kurdes à Düzce, où une foule menaçante les a forcés à quitter la ville. Refusant d’intervenir «tant qu’il ne se passait rien», la police a finalement commencé à fouiller… les victimes. Celles-ci ont préféré retourner à Mardin. Les détenus kurdes sont également victimes de ce racisme systémique. Le 28, posant une question parlementaire au ministre de la Justice sur les violations des droits des détenus, la députée HDP Gülüstan Kılıç-Koçyiğit a cité le cas d’un prisonnier de Kırıkkale puni pour avoir utilisé le mot kurde «ami» (heval), considéré par l’administration pénitentiaire comme un «mot de communication organisationnelle»…

Par ailleurs, M. Erdoğan nie l’existence d’un quelconque problème kurde dans le pays. Fin septembre, le dirigeant du CHP, Kemal Kiliçdaroğlu, l’a pris à contrepied en déclarant dans un documentaire qu’il y avait bien en Turquie «une question kurde que l’autorité politique n’arrive pas à résoudre depuis 35-40 ans». Il a ensuite critiqué le chef de l’AKP pour avoir choisi d’engager entre 2012 et 2015 un «processus de paix» avec le PKK, parti illégal, plutôt que de confier la question au parlement, lieu naturel d’une telle discussion, qui aurait dû être menée avec le HDP, interlocuteur légitime. Évidemment, tant qu’il est enfermé dans l’alliance avec l’extrême-droite MHP, férocement antikurde, M. Erdoğan ne peut suivre une telle voie… Mais un retour sur le devant de la scène de la délicate question kurde pourrait ne pas être si négatif pour le Président turc, toujours à l’affut d’un moyen de diviser l’opposition… (Al-Monitor)

Le 2, la Cour constitutionnelle a accédé à la requête du HDP d’un délai supplémentaire de 30 jours pour préparer sa défense, alors que la première audience de l’affaire devait se tenir le 7. Par contre, le procès dit «Kobanê», qui vise 108 membres du HDP poursuivis pour avoir soutenu la résistance kurde contre Daech, a repris le 20 à Ankara. À la première audience, les autorités ont interdit l’accès aux observateurs et aux journalistes. La Cour a rejeté les demandes de report pour raison de santé de plusieurs accusés.

En attendant, la répression des activités politiques du HDP se poursuit. Un «rassemblement pour la paix» organisé à Istanbul pour la Journée mondiale de la Paix a ainsi été dispersé par la police, qui a arrêté plus de 30 participants. Le 9, une nouvelle audience s’est tenue à Diyarbakir pour le procès de l’une des fondatrices de l’Association de Femmes «Rosa», Ayla Akat Ata, accusée de «propagande pour une organisation terroriste». Toujours à Diyarbakir, le 13, l’audience du procès de l’ancienne maire de Nusaybin, Ayşe Gökkan, a totalement dérapé. Se plaignant en kurde d’avoir été emprisonnée 7 mois sans accès complet à l’acte d’accusation, l’administration pénitentiaire ayant refusé de le lui communiquer en entier, l’accusée a demandé un délai pour prendre connaissance des charges. Lorsque son avocate a tenté de traduire sa demande par peur que sa cliente n’ait pas été bien comprise, le juge lui a interdit de parler sans son autorisation, avant de la faire expulser par la police. La Cour a ensuite refusé la requête de l’accusée. Venus à l’audience après cet incident, des responsables du Barreau de Diyarbakir ont été de même interrompus puis aussi expulsés, cette fois avec une violence excessive et des insultes. La sœur de l’accusée a perdu connaissance et a dû être emmenée à l’hôpital. Suite à ces violences, l’avocat de Gökkan, Muharrem Şahin, a refusé de présenter sa défense et a demandé l’ajournement de l’audience. Celui-ci a été rejeté, et une plainte pénale a été déposée contre le Barreau de Diyarbakir. Le procès a été renvoyé au 20 octobre. Dans une déclaration faite le palais de justice, le bâtonnier de Diyarbakır, Nahit Eren, a condamné le comportement du président du tribunal (Bianet).

Le 20, le gouverneur de Mardin a interdit pour 15 jours toute manifestation dans la province, invoquant la commémoration prévue ce jour sur la tombe de l’intellectuel kurde Musa Anter dans le village de Sitîlîlê. Anter avait été assassiné par balles par un escadron de JITEM(Service de rensegnement de la gendarmerie turque) près de Diyarbakir le 20 septembre 1992. Le communiqué du bureau du gouverneur a justifié l’interdiction en accusant les organisateurs de la cérémonie d’appartenir au PKK et en invoquant le coronavirus lequel n’empêche pas l’omniprésent président turc et ses partisans de tenir de réunions et rassemblements publiques un peu partout dans le pays.

Le 27, l’écrivaine et avocate kurde Nurcan Kaya a été reconnue coupable de «propagande pour une organisation illégale» et condamnée à un an et trois mois de prison avec sursis pour plusieurs tweets envoyés en 2014 durant le siège de Kobanê par les djihadistes de Daech. Le sursis constitue clairement un moyen de l’intimider et lui imposer le silence durant ses cinq années de probation, et Kaya a annoncé son intention de faire appel et d’aller si nécessaire jusqu’à la Cour constitutionnelle.

Dans les provinces kurdes, la violence des militaires qui se comportent comme une armée d’occupation est permanente. Le 3, un enfant de sept ans descendant une rue à vélo est mort après avoir été heurté par un véhicule blindé à İdil (Şırnak). L’officier qui conduisait le véhicule, interrogé trois jours plus tard, a été relâché. En 10 ans, 20 enfants ont perdu la vie de cette manière et 14 autres ont été blessés, mais l’on se rappelle aussi un incident en 2017 où une femme de 85 ans était décédée à Lice.

Placé dans une situation difficile par le harcèlement permanent auquel il est soumis et l’arrestation de milliers de ses membres et élus, le HDP continue pourtant sa lutte pour la démocratie. Le 13, son ex-président, embastillé depuis cinq ans, Selahattin Demirtaş, a publié sur le site d’information T24 une tribune où il appelle toutes les composantes de l’opposition à coopérer lors des prochaines élections pour empêcher l’AKP de rendre son «régime autoritaire permanent». Pour Demirtaş, une nouvelle victoire de l’alliance actuellement au pouvoir pourrait entraîner la Turquie pour des décennies dans un système autoritaire. Inversement, une victoire de l’opposition ouvrirait la possibilité de résoudre des problèmes que la République de Turquie connait depuis sa fondation: «Je pense qu'aucune élection dans notre histoire n'a porté simultanément autant de graves dangers et d'opportunités...», écrit Demirtaş. Alors que ni l’alliance AKP-MHP ni le CHP et le «Bon parti» (IYI) ne peuvent prétendre l’emporter seuls, aucune alliance ne se dessine encore dans l’opposition. Dans cette configuration, les voix du HDP pourraient s’avérer cruciales pour décider de l’avenir du pays.

Après les déclarations de Kiliçdaroğlu sur la possibilité de résoudre la question kurde au parlement avec le HDP comme interlocuteur, Demirtaş a réagi le 21 par un message envoyé par l’intermédiaire de ses avocats: «Le HDP que je connais aspire à résoudre tous les problèmes de la Turquie, y compris la question kurde; il est pleinement un acteur politique et – bien sûr – un interlocuteur. Le lieu où [ce problème] peut être résolu est naturellement la Grande Assemblée Nationale de Turquie».

Le 27, le HDP a publié une déclaration politique intitulée «Gagnons ensemble; appel pour la justice, la démocratie et la paix» (->). Indiquant son opposition au système présidentiel qui «vise à rendre l'arbitraire et la tyrannie institutionnalisés et permanents», le HDP appelle à une «transformation démocratique» ne pouvant être achevée que par «des négociations et la recherche d'un consensus sur les principes et les méthodes». Les objectifs politiques du parti sont exposés dans les titres de onze sections: 1- Une démocratie forte, avec davantage de délégations aux gouvernements locaux, 2- Un pouvoir judiciaire impartial et indépendant, avec le respect des décisions des institutions internationales, dont la Cour Européenne des Droits de l’Homme, 3- La volonté du peuple et non le régime des «administrateurs» [nommés], qu’il s’agisse des municipalité ou des universités, 4- Un règlement démocratique de la question kurde, nécessaire pour une réelle démocratisation, et qui devrait commencer par l’ouverture d’un dialogue au parlement, 5- Une politique étrangère pacifique, avec la fin des aventures militaires, 6- La liberté et l’égalité pour les femmes, avec le retour dans la Convention d’Istanbul et sa mise en œuvre réelle, 7- Une économie équitable, avec des mesures pour lutter contre la précarisation due à la crise économique, 8- Recrutement sur la base du mérite dans l'administration publique, avec la fin de l’embauche sur la base de l’appartenance politique et la réintégration des fonctionnaires démis par décrets, 9- Respect de la nature, avec la déclaration d’un État d’urgence climatique et l’annulation des mégaprojets nuisibles pour l’environnement, comme Kanal Istanbul, 10- Liberté pour la jeunesse, avec le respect de son mode de vie, l’amélioration du système éducatif et un soutien économique, et enfin 11- Une constitution démocratique: «civile, libérale […], un contrat social au sens propre du terme», qui «devrait être fondée sur l'égalité des citoyens dans le respect des différentes cultures, identités, croyances et langues maternelles, des modes de vie et d'un mode de vie laïque».

Ces 11 points constituent une base de discussions conditionnant le soutien du HDP à l’opposition pour défaire Erdoğan en juin 2023. Déjà, prenant la parole le 26 dans le parc Musa Anter de Van, à l’occasion de la Journée mondiale de la paix, la co-présidente du HDP, Pervin Buldan, déclarait: «Ni la question kurde ni la question de la paix ne sont le problème du seul HDP. Elles doivent concerner toute personne ayant une conscience. L'incapacité à résoudre la question kurde conduit à la dégradation de la situation non seulement des Kurdes, mais aussi de 83 millions de personnes. C'est pourquoi il est maintenant temps d’appeler à la paix et à […] une résolution pacifique de la question kurde».

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IRAK: NOUVELLE ATTAQUE ANTI-AMÉRICAINE À ERBIL, CAMPAGNE POUR LES ÉLECTIONS DU 10 OCTOBRE

Le Kurdistan semble de plus en plus se trouver dans le viseur des factions pro-iraniennes en Irak. Le 11 septembre au soir (jour anniversaire des attentats de 2001…), une attaque utilisant deux drones armés a visé l'aéroport international d'Erbil, où sont stationnées des troupes américaines. C’est la sixième attaque sur Erbil en un an. La force antiterroriste kurde a confirmé que les deux explosions n’avaient fait aucune victime. Déjà en juillet, une attaque précédente sur Erbil avait utilisé des drones, susceptibles d’échapper aux batteries de défense C-RAM avec lesquelles l'armée américaine défend ses cantonnements. Mais les deux engins ont bien été abattus avant de causer des dégâts. Comme Washington, le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) a condamné l’attaque. Plusieurs responsables kurdes ont également blâmé le manque de coopération entre peshmerga et forces irakiennes dans les «Territoires disputés», qui selon eux facilitent ce genre d’attaques, et ont appelé à la mise en œuvre de plusieurs accords antérieurs destinés à faciliter les opérations conjointes (WKI).

Comme en écho à cet événement, le 22, le Premier ministre du GRK Masrour Barzani a pris la parole sur le site du futur consulat américain à Erbil. C’est là que se tenait la cérémonie organisée pour le dixième anniversaire de l'ouverture du premier consulat américain dans la Région, qui célébrait aussi l'achèvement du gros œuvre du nouveau bâtiment. Masrour Barzani a rappelé les «liens profonds», le «partenariat solide» et la «longue relation d'amitié» entre la Région du Kurdistan et les États-Unis, ainsi que la défaite infligée en commun à l’ennemi djihadiste: «Nous avons été à l'avant-garde de la lutte pour empêcher Daech d'atteindre l'Europe et au-delà, et nous l'avons fait autant pour protéger les valeurs américaines que pour nous protéger nous-mêmes», a notamment déclaré le Premier ministre kurde, avant de rappeler que la lutte contre Daech était loin d’être terminée (Kurdistan-24). En réponse, le consul américain Robert Palladino, rappelant que la construction du nouveau bâtiment se terminerait fin 2022, et que le personnel diplomatique s’y installerait en janvier 2023, a ajouté: «[Avec 52.000 m²…] le consulat général des États-Unis à Erbil sera le plus grand consulat du monde. […] La raison […] est que les relations entre les États-Unis et la région du Kurdistan ont besoin d'espace pour se développer. Le nouveau consulat sera un signe tangible – en béton, acier et verre renforcé – de l'engagement à long terme des États-Unis envers le gouvernement et le peuple de la région du Kurdistan» (WKI).

La lutte contre Daech est loin d’être terminée en effet. L’organisation présente toujours un risque de sécurité important, comme le montre le démantèlement à Erbil en début de mois d’une cellule de cinq membres, dont deux mineurs: ils prévoyaient de faire entrer en ville clandestinement des explosifs afin de viser des étrangers et des zones fréquentées comme des marchés (WKI). Mais c’est surtout dans et à partir des territoires disputés que l’organisation djihadiste sème le trouble. Signe de sa résurgence, dans la province de Kirkouk, alors qu'elle préférait auparavant commettre des attentats en utilisant des bombes artisanales, elle n’hésite plus maintenant à affronter directement les forces de sécurité irakiennes… Le 4, ses membres ont organisé à Rashad, au sud de Kirkouk, une embuscade dans laquelle 13 policiers irakiens ont été tués, au moins 5 autres blessés, et trois véhicules détruits. Le lendemain, 3 soldats irakiens ont été tués et un autre blessé dans une autre attaque contre un point de contrôle militaire au sud-est de Mossoul. Le 11, un policier et trois civils ont été tués près de Makhmour (WKI). Le 21, une autre attaque a eu lieu près de Rashad, ainsi qu’à Hawija. Le 24, une cellule de trois djihadistes a été démantelée à Hawija, et le lendemain, deux terroristes ont été pris en embuscade et tués à Rashad. Confronté à cette recrudescence, le premier ministre irakien Al-Qadhimi, comme le chef de l'Agence nationale de sécurité irakienne, Abdul Ghani al-Asadi, n’ont pas hésité à incriminer la «négligence» des forces de sécurité. Dans la province de Kirkouk, la police fédérale irakienne va être remplacée par la 8e division de l'armée irakienne…

Les djihadistes ont également lancé des attaques dans d’autres provinces disputées. À Khanaqin, à la frontière iranienne, ils ont attaqué le 7 un point de contrôle militaire, faisant 2 morts et au moins 4 blessés parmi les militaires; le 14, une autre attaque a encore fait deux morts et quatre blessés. À Touz Khourmatou, un sniper a fait un mort et deux blessés le 4 parmi les miliciens chiites. Le 26, le commandement irakien a annoncé qu’une frappe aérienne sur les Monts Hamrin avait permis de neutraliser quatre djihadistes. À Makhmour, une zone où les Monts Qara Chokh sont devenus un véritable sanctuaire pour Daech, les attaques sont devenues quotidiennes. Le 11, les djihadistes ont tué quatre civils et blessé huit miliciens chiites. Le 14, la Sécurité a annoncé la neutralisation de trois terroristes près du village de Kashaf. Selon un appel lancé en fin de mois par des activistes locaux, 90% des plus de 40 villages kurdes du secteur auraient été évacués en raison des attaques. En fin de mois, les militaires irakiens ont annoncé vouloir lancer prochainement une nouvelle opération anti-Daech sur les Monts Qara Chokh…

Le 16, un petit contingent de peshmerga a effectué une reconnaissance dans les zones contestées entre Erbil et Kirkouk. Erbil et Bagdad doivent former trois brigades conjointes de peshmerga et de militaires irakiens et les déployer dans les zones péri-urbaines des territoires disputés où Daech est actif. Mais le 21, leur déploiement a été retardé jusqu’à après les élections législatives, prévues le 10 octobre. Le 9, le Front turkmène, soutenu par la Turquie, et la Coalition arabe avaient agité en conférence de presse le spectre du «retour des peshmerga», s’opposant même à toute forme de coopération sécuritaire entre ceux-ci et l’armée irakienne… Le 23, le gouverneur intérimaire de la province, Rakan al-Jabouri, a indiqué que le gouvernement prévoyait d’armer les tribus arabes pour qu’elles aident à la lutte contre Daech, ajoutant que le Premier ministre avait formé un comité chargé d'enquêter sur les problèmes de sécurité dans la province…

De son côté, le général de peshmergas Sirwan Barzani a indiqué dans une interview donnée le 17 au quotidien français Le Monde craindre une «poussée djihadiste» après le chaotique retrait américain d’Afghanistan, qui a redonné le moral aux djihadistes. Il réclame le maintien en Irak d’une présence américaine: «Pour l’équilibre de la région et du Kurdistan irakien, il faut que les forces de la coalition internationale anti-EI restent. Nous avons besoin de leur technologie. Nous n’avons pas de drones pour contrôler les mouvements des djihadistes ni de caméras thermiques. Le gouvernement fédéral de Bagdad ne nous autorise pas à en acquérir. Le maintien des troupes américaines est aussi important pour le moral de la population, des déplacés, et pour que les chrétiens se sentent en sécurité. […] Il faut que les Américains continuent à nous aider avec des conseillers, de la technologie militaire, du renseignement». Mentionnant aussi la récente visite et les promesses de soutien du président Macron, il les a qualifiées d’importantes: «Les Français peuvent faire plus avec les forces spéciales en matière de formation, dans le partage des renseignements et la surveillance des mouvements de l’EI » (Le Monde).

Alors que la date des élections législatives se rapproche, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) est entré en campagne à Kirkouk, mettant ainsi fin à quatre ans d’absence de cette province, qu’il avait quittée après sa reprise par les forces irakiennes le 16 octobre 2017. Le candidat du parti, Shakhwan Abdullah, a indiqué l’intention du PDK de rouvrir son siège dans la capitale provinciale. Selon la Haute Commission électorale indépendante (IHEC), à Kirkouk 130 candidats se présentent devant les électeurs, dont 56 indépendants, le reste comme membres de partis politiques. Il y a 13 sièges à pourvoir, dont un réservé à un candidat chrétien. Les Kurdes visent à remporter au moins la moitié des sièges… À Khanaqin, où 7 candidats kurdes se présentent aux élections, une des milices pro-iraniennes contrôlant la province a empêché certains d’entre eux d’accrocher leurs affiches à Jalawla, prenant prétexte de la situation sécuritaire et de ce qu’une campagne électorale «provoquerait des tensions». À Touz Khourmatou, malgré de longues discussions, les partis kurdes n’ont pu se mettre d’accord sur un candidat unique. Il y aura deux candidats, ce qui risque de coûter un siège à la communauté. Le 30, le candidat de l’UPK, Bakhtyar Hijran, a déclaré que 600 familles kurdes déplacées en octobre 2017 n’étaient toujours pas revenues; dans certains cas, leur maison a été incendiée. Au Sindjar (Shengal), où on compte 25 candidats yézidis, dont certains soutenus par des partis non yézidis, un siège, convoité par 7 d’entre eux, est réservé à cette communauté. Les autres candidats yézidis visent des sièges hors-quota. Le 30, le maire de Sindjar, Mahama Khalil, a attiré l’attention sur le risque de boycott du scrutin, en raison de l’absence de sécurité et de services de base dans le district.

Le Sindjar fait partie des secteurs durement frappés par l’aviation turque depuis le début de ses opérations anti-PKK en Irak. Après deux frappes la première semaine du mois, alors que le ministère turc de la Défense annonçait un «succès», sans donner de précisions, plusieurs médias yézidis pro-PKK ont accusé la Turquie d'aider Dech en attaquant les Unités de résistance de Sinjar (YPŞ), permettant ainsi aux djihadistes de s’assurer le contrôle des hauteurs du Sindjar (WKI). 

Par ailleurs, le 6, un drone turc a de nouveau frappé le camp de réfugiés de Makhmour, causant la mort de plusieurs résidents, dont 5 membres des «Forces d’autodéfense de Mahmour», une milice créée après la brève invasion du camp par Daech en 2014. Nombreux sont les résidents de ce camp reconnu par l’ONU qui avaient dû quitter la Turquie dans les années 90 en raison de la répression de l’État turc. Le lendemain, le maire du district d’Amêdî (Dohouk), Warshen Salam, a informé la chaîne kurde Rûdaw que des tirs d’artillerie turque avaient blessé deux peshmerga qui profitaient de leurs congés pour pêcher près de Shiladze.

Les opérations et frappes turques ont forcé l’évacuation de centaines de villages et provoqué d’importantes destructions. Selon une interview donnée à l’Agence Hawar News (ANHA) par Sarwar Qaradaghi, de l’ONG Kurdistan Nature, l’État turc a brûlé de manière intentionnelle depuis le début de ses opérations 35% des forêts du Kurdistan d’Irak, soit 626.000 hectares de terres forestières, et également détruit de nombreux champs cultivés. La deuxième semaine du mois, l’aviation turque a mené plusieurs frappes près de la frontière irako-turque, dans les districts d’Avashin et Darkar (Dohouk). À Suleimaniyeh, un cadre du PKK a été tué par balles le 17 et le 18 un autre membre de ce parti a été blessé. Le PKK a accusé Ankara de ces assassinats.

Sur une autre note, le GRK a salué la décision unanime du Conseil de sécurité des Nations Unies de prolonger d'un an le mandat de l'équipe des Nations unies chargée d'enquêter sur les crimes contre l'humanité commis par Daech, notamment le génocide des Yazidis. Cette prolongation, demandée par le gouvernement irakien, a été complétée par la nomination par le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, d'un avocat allemand, Christian Ritscher, comme nouveau conseiller spécial de la mission .

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IRAN: NOUVELLE ATTAQUE DU RÉGIME CONTRE LES PARTIS KURDES EXILÉS ; PLUSIEURS PRISONNIERS KURDES TORTURÉS À MORT

Le nouveau président iranien marque son arrivée au pouvoir par le lancement de nouvelles attaques contre les partis kurdes d’opposition exilés au Kurdistan d’Irak depuis des décennies. Le 9 septembre à 6 h du matin, avions militaires, artillerie et drones ont frappé plusieurs implantations du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI) à Sidakan et Choman (Erbil).

Le 6, le brigadier-général Mohammad Pakpour, commandant les forces terrestres des Gardiens de la révolution (pasdaran) avait lancé un avertissement aux «groupes terroristes affiliés à l’arrogance globale»: l’Iran n’entendait pas tolérer leur présence et leurs activités et se réservait le droit de les frapper de manière «décisive et écrasante». L’avertissement valait aussi pour le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK), accusé de tolérer ces groupes malgré plusieurs avertissements… et aux habitants, avertis de demeurer éloignés des cibles potentielles (Tasnim). Selon le témoignage de Kawa Bahrami, commandant des peshmerga du PDKI, six drones ont participé à l’attaque, et à Galala, un autre commandant en a compté quatre. Déjà en 2018, une dizaine de missiles tirés sur les sièges du PDKI et du PDK-I (deux partis résultant d’une scission du PDKI), à Koya, avaient fait 18 morts et plus de 50 blessés. Cette-fois, il semble qu’il n’y ait eu que des dégâts matériels (quatre drones ont été abattus), mais cette action prend valeur de nouvel avertissement pour l’avenir. De fait, le 13, profitant d’une visite à Téhéran du Premier ministre irakien Mustafa al-Kadhimi, le secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale d’Iran, Ali Shamkhani, a réitéré l’exigence d’un désarmement et d’une expulsion des groupes d’opposition kurdes d’Iran. Le 19, conforté par l’évacuation américaine d’Afghanistan, l’Iran a renouvelé ses menaces par la voix de son chef d’état-major des forces terrestres, le commandant de pasdaran Mohammad Bagheri, qui a menacé d’annihilation les «mercenaires américains et sionistes»…

Le Centre de coopération des partis politiques du Kurdistan iranien (CCIKP) a condamné l’attaque, accusant Téhéran de «fuir des dizaines de crises internes en en créant une autre».. Bagheri a d’ailleurs dans sa déclaration aussi appelé à l’expulsion de ceux stationnés sur la base aérienne de Harir (Erbil), déclarant: «Nous ne tolérerons pas la présence de la base de Harir près de nos frontières, où se tiennent des réunions de conspiration contre-révolutionnaire».

Depuis l’annonce par le PDKI en 2015 de la reprise de la lutte armée contre le régime de Téhéran, les affrontements sont réguliers au Kurdistan d’Iran entre peshmergas et forces de répression. Le GRK s’est engagé à ne pas laisser les Kurdes d’Iran installés sur son territoire à envoyer de combattants côté iranien, mais ceux-ci nient tout envoi de combattants de l’autre côté de la frontière, affirmant que les attaques sont le fait de leurs membres déjà présents en Iran (Rûdaw). Par ailleurs, l’Organisation Hengaw pour les droits humains a signalé des affrontements entre pasdaran et PKK près d’Oshnavieh.

Les forces de répression du régime poursuivent aussi leurs assassinats de porteurs transfrontaliers kurdes à la frontière irano-irakienne ou irano-turque. Accusés de contrebande, ces kolbars, contraints par l’absence de ressources à pratiquer ce dangereux métier, sont abattus à vue alors que, généralement non armés, ils ne présentent aucun danger. Selon l’Association des droits humains du Kurdistan KMMK, au moins 5 ont été tués et 36 blessés en août. Le 4 septembre, deux ont été blessés à Baneh (WKI), le 5, un autre a été abattu près de Piranshahr (RojInfo). Le 11, un autre a été tué et 3 autres blessés près de Baneh. La veille, deux bergers avaient été blessés dans le même secteur. Un autre kolbar a été tué près de Marivan, et un autre s’est blessé en chutant dans un ravin près de Nowsud. Le 16, deux autres ont été tués, de nouveau près de Baneh et à Sardasht.

Une frappe aérienne turque a tué deux kolbars près d’Ourmia le 17, portant le nombre de kolbars victimes des militaires turcs à 15 depuis janvier. Le 21 cependant, un drone turc a tué deux porteurs supplémentaires lors d’une frappe sur un groupe originaire du village de Kuran (Ourmia), dont huit membres survivants, certains blessés, ont été faits prisonniers. Selon les données compilées par le Kurdish Human Rights Network (KHRN) dans son dernier rapport, depuis janvier, au moins 30 kolbars sont morts et 94 ont été blessés par des tirs de gardes-frontières ou dans des accidents et des maladies. Toujours selon le KHRN, en 2020, 147 ont été blessés et 52 tués dont 46 abattus par des gardes-frontières iraniens ou turcs (Rûdaw). Un récent rapport des Nations Unies sur la situation des droits humains en Iran compte quant à lui plus de 170 kolbars blessés et 60 tués, dont des enfants… L’ONU s’y inquiète du «recours excessif à la force» contre les kolbars, au nombre estimé à «70.000, principalement de la minorité kurde, [qui] dépendent pour leur subsistance de leur statut de kolbar, y compris les femmes, dont beaucoup de femmes chefs de famille».

Par ailleurs, arrestations, condamnations et exécutions se sont poursuivies au Kurdistan d’Iran. Dans son rapport, le KHRN estime qu’en août «la police iranienne, le ministère du Renseignement et le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI, [les pasdaran]) ont arrêté pour des motifs politiques au moins 47 civils, militants et anciens prisonniers politiques kurdes». […] Les forces de sécurité ont également détenu trois enfants à Javanrud, dans la province de Kermanshah, libérés après plusieurs heures de détention». Sont également signalés le meurtre de trois femmes dans les villes de Marivan, Sanandaj et Saqqez. Le KHRN fait également état de tirs d’obus des pasdaran qui ont provoqué des feux de forêt sur le mont Shaho. Enfin, le KHRN a condamné l’assassinat du responsable du PDK-I Mousa Babakhani, tué dans un hôtel d’Erbil, et dénombré durant le mois d’août au moins sept exécutions (Rûdaw).

Le 3 septembre, le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits humains (OHCHR) a rapporté qu’un groupe d’experts de l’ONU avait appelé l’Iran à annuler la condamnation à mort du prisonnier politique kurde Heidar Ghorbani, accusé d’appartenance au PDKI et de «rébellion armée contre l’État» et à accepter qu’il soit rejugé. Son premier procès a été tout sauf impartial: arrêté en octobre 2016, Ghorbani, privé d’avocat, avait été torturé durant des mois dans le centre de détention de l’Etelaat (Renseignement) de Sanandaj, jusqu’à signer des aveux ensuite diffusés à la télévision. En août 2020, la Cour suprême a confirmé sa condamnation et refusé sa demande de nouveau procès. Selon son avocat, les bourreaux de Ghorbani n’ont jamais pu le forcer à confesser avoir pris les armes… En raison des conditions iniques de jugement prévalant en Iran, les experts ont demandé un moratoire sur toutes les exécutions.

Par ailleurs, les forces de sécurité ont mené un violent raid à Nagadeh sur la résidence d’une famille, blessant par balles deux membres de celle-ci. D’autres arrestations ont eu lieu à Marivan et Oshnavieh. La semaine suivante, les pasdaran ont torturé à mort l’activiste kurde Yasir Mangori à Ourmia (Hengaw): selon la famille de Mangori, celui-ci avait été arrêté le 17 juillet, mais sa mort n’a été annoncée à ses proches que début septembre, sans que ses circonstances ne soient précisées. Le corps du défunt n’ayant pas été rendu à sa famille, celle-ci a soupçonné qu’il était mort sous la torture. Al-Monitor, qui rapporte la nouvelle, cite un bilan d’activistes selon lequel depuis 2017, au moins 23 prisonniers kurdes, dont 15 détenus politiques, ont été torturés à mort en Iran. Par ailleurs, huit Kurdes ont été arrêtés à Mahabad, deux frères à Sanandaj, et deux autres personnes à Baneh et Sardasht. À Mahabad, Said Fathi a été condamné à quatre ans et deux mois de prison pour «appartenance à un parti kurde d’opposition» (WKI).

Le 15, une source proche de la famille du lutteur Navid Afkari Sangari a informé la radio Voice of America (VOI) en persan que le prisonnier, qui avait avoué un meurtre sous la torture, avait été exécuté le 11 sans que la famille soit informée et qu’elle puisse le rencontrer une dernière fois, comme le prévoit la loi. Sangari lui-même, qui avait appelé sa famille la veille, ne semblait pas savoir qu’il allait être exécuté, ayant seulement mentionné un «transfert». Ses avocats n’avaient pas non plus été informés. La manière dont Sangari a été exécuté n’a pas été révélée.

Le 21, le Washington Kurdish Institute a indiqué que deux prisonniers kurdes, Assad Ramin et Dawood Rahimi, avaient été torturés à mort par des officiers de l’Etelaat la semaine précédente. Ils avaient été arrêtés le 6 pour «appartenance à un parti kurde d’opposition». Le 26, l’association Kurdistan Human Rights Network (KHRN) a rapporté qu’un autre Kurde de 23 ans, Amir Hossein Hatami, originaire d’Ilam, avait subi le même sort dans la prison de Fashafoyeh, à Téhéran. Violemment matraqué à la tête au début de son incarcération il y a deux semaines pour un délit mineur, il avait été transféré à l’hôpital. La demande de la famille Hatami de le visiter à l’hôpital avait été refusée par l’administration pénitentiaire. Une petite foule de proches s’est rassemblée devant la prison pour demander aux autorités de traduire en justice les responsables de la mort du jeune homme. Située à 32 kilomètres au sud de Téhéran, la prison de Fashafoyeh est le plus grand centre de détention d’Iran avec environ 15.000 détenus .

Le 23, l’activiste kurde de Sardasht Naska Afkhami a été la cible d’une attaque à la grenade, lancée contre sa maison familiale, mais qui n’a fait que des dégâts matériels. Le motif semble être la dénonciation par la jeune femme de nombreux hommes ayant harcelé des femmes sur les réseaux sociaux. Suite à cette attaque, des dizaines de militants, bravant l’interdiction gouvernementale, se sont rassemblés le 25 pour manifester en ville et exiger des autorités qu’elles poursuivent en justice les personnes soupçonnées de crimes sexuels (WKI).

Enfin, la dernière semaine du mois, les forces de sécurité ont mené de nouvelles arrestations à Oshnavieh, Saqqez, Sanandaj et Divandareh. En outre, Hengaw a signalé que les autorités avaient torturé à mort un Kurde emprisonné, Shahin Nasri, pour avoir témoigné des tortures infligées au lutteur Navid Afkari Sangari. Dans le même temps, le tribunal révolutionnaire islamique de Bijar a condamné l’activiste kurde Danish Mawlawi à cinq ans de prison pour «propagande contre le régime» et «appartenance à un parti kurde d’opposition» (WKI).

Concernant l’épidémie de COVID-19, le nombre officiel de cas a atteint les 5 millions au 1er septembre, alors que le pays fait face depuis deux mois à une 5e vague, avec jusqu’à 500 décès quotidiens et un peu plus de 100.000 décès cumulés. À cette date, plus de 19 millions de personnes avaient reçu la une première injection vaccinale et quelque 9 millions étaient entièrement vaccinées (Financial Tribune). Contestant les chiffres officiels comme extrêmement sous-estimés par le pouvoir, l’opposition en exil du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), qui compile ses propres chiffres à partir de données régionales, a calculé à la même date un total de plus de 397.000 décès dans 547 villes. Au 30, la même source comptait 444.200 décès, soit environ 47.000 décès dans le mois, une moyenne de 1.560 chaque jour…

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ALLEMAGNE: QUATRE DÉPUTÉS D’ORIGINE KURDE AU BUNDESTAG

Quatre Kurdes ont été élus députés lors des élections législatives allemandes du 26 septembre dernier, dont trois jeunes femmes. Il s’agit de :

Gökay AKBULUT, née le 16/10/1982 dans la province de Kayseri (Césarée) dans une famille kurde alévie. Sa famille a émigré en Allemagne où elle fait son lycée à Hambourg, puis des études supérieures en Sciences Politiques et en Droit public à l’université de Heidelberg. Après l’obtention de son Master elle a été admise à faire un stage au siège de l’ONU à New York. Elue pour la première fois au Bundestag en 2017 sur la liste du parti de gauche Die Linke, elle vient d’être réélue brillamment.

Canan BAYRAM, née le 11/02/1966 dans la ville kurde de Malatya. Arrivée très jeune en Allemagne, elle a fait toutes ses études à Bonn. Devenue avocate en 2003, elle a exercé son métier à Berlin qui abrite une importante communauté kurde et turque. Élue en 2006 membre du Parlement de Berlin où elle est restée jusqu’à son élection au Bundestag en 2017 sur la liste du Parti Alliance 90/Les Verts. Elle était la seule députée des Verts à être élue directement par les électeurs plutôt qu’élue sur la liste du parti. Elle vient d’être réélue avec brio au Bundestag, toujours dans les rangs des Verts.

Sevim DAGDELEN, née le 04/09/1978 à Duisburg, dans une famille kurde originaire de Malatya, est une germano-kurde de deuxième génération très attachée à ses origines. Après des études éclectiques aux universités de Marburg, d’Adélaïde (Australie) et de Cologne, elle est devenue journaliste. En 2005, elle a été élue au Bundestag sur la liste du parti de gauche Die Linke. Depuis elle a été réélue régulièrement toujours dans les rangs de Die Linke.

Kassem TAHER SALEH, né en 1993, à Zakho, au Kurdistan irakien. Arrivé très jeune en Allemagne avec sa famille, il a grandi à Plauen en Saxe où il a fait ses études secondaires. Ensuite, il a obtenu un diplôme d’ingénieur en génie civil à l’Université technique de Dresden. II a joint le parti Die Grünen en 2019 où il est devenu co-porte-parole du Groupe de travail fédéral sur la migration, l’intégration et la lutte contre la discrimination. Présenté par les Verts comme le «meilleur candidat de la jeunesse verte saxonne», il a été élu député au Bundestag à l’âge de 28 ans.

Ces quatre députés germano-kurdes revendiquent publiquement leurs origines kurdes et consacrent une partie de leur temps à défendre le peuple kurde en quête de sa liberté. Ils servent de modèle pour l’intégration et l’engagement politique de nouvelles générations de la diaspora kurde.

L’Allemagne compte la plus importante communauté kurde d’Europe. Faute de statistiques fiables, l’importance numérique de celle-ci fait l’objet d’évaluations. Une étude intitulée Country Report on Ethnic Relations, Germany réalisée en 2008 pour le Parlement européen cite le chiffre de 2.397.400 pour la population allemande originaire de la Turquie. Sur ce nombre 700.000 étaient devenus citoyens allemands. Ceux-ci seraient d’après les statistiques turques, environ 900.000 en 2021 sur une population d’environ 2,7 millions originaires de la Turquie. Les chercheurs considèrent qu’environ un tiers de cette population est kurde, soit environ 900.000 Kurdes originaires de la Turquie. À cela s’ajoutent plus de 250.000 Kurdes syriens arrivés en 2015 ainsi qu’environ 150.000 Kurdes iraniens et irakiens vivant en Allemagne. Au total, on compterait actuellement 1,3 millions de Kurdes en Allemagne dont près de 500.000 sont devenus des citoyens allemands.

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ROYAUME-UNI, NORVÈGE: UN KURDE MINISTRE DE L’ÉDUCATION, DEUX KURDES ÉLUS AU PARLEMENT

Un Kurde devient Ministre de l’éducation de Grande Bretagne et deux Kurdes sont élus au parlement de Norvège.

À l’occasion du récent remaniement ministériel du Gouvernement britannique, Nadhim ZAHAWI, d’origine kurde irakienne, qui était jusque-là ministre chargé de la vaccination a été promu ministre de l’Éducation de Grande Bretagne. C’est la première fois qu’un Kurde accède à un poste de ce niveau de responsabilité dans un grand pays européen. Cette nomination intervient au moment où le président du Kurdistan Nechirvan BARZANI est en visite officielle à Londres à l'invitation du Premier Ministre britannique Boris JOHNSON.

Le processus d’intégration des Kurdes est également en bonne voie dans d’autres pays européens.  Ainsi, lors des élections législatives norvégiennes du 14 septembre, deux Kurdes ont été élus au parlement norvégien, le Storting. Il s’agit de Seher AYDAR, Kurde de Turquie âgée de 32 ans et Mani HUSSAINI, Kurde du Rojava âgé de 33 ans.

Née en Turquie, Ayder a grandi à Fredrikstad, en Norvège. Elle a commencé sa carrière politique au sein du «Front des femmes», la principale organisation féministe de Norvège, et a dirigé plusieurs projets, dont une campagne «Solidarité avec le Kurdistan», et est maintenant membre du Parti Rouge.

Mani Hussaini, membre du Parti travailliste, est né à Qamishli, au Rojava. Sa famille a d'abord demandé l'asile en Suède, puis s'est installée en Norvège en 2001. Il est depuis octobre 2014 le leader de la «Ligue de la jeunesse des travailleurs».

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CULTURE: PARUTIONS OU SORTIES RÉCENTES

La laveuse de mort, roman

Le 10e prix littéraire «Les Lorientales», dont l'objet est de favoriser la connaissance et la compréhension du monde oriental, a été attribué le week-end des 4 et 5 septembre à Lorient à l'écrivaine d'origine kurde Sara Omar pour son premier roman, La laveuse de mort, publié chez Actes Sud. D’abord publié en danois en 2017, le roman raconte l’histoire d’une fillette non désirée qui est confiée à sa grand-mère, une laveuse de mort chargée de s’occuper des corps que personne ne veut préparer ni même inhumer, ceux des femmes assassinées pour des motifs de «déshonneur». Il s’en était vendu plus de 100.000 exemplaires, dans un pays de moins de six millions d'habitants… (AFP)

Neuf jours à Raqqa, documentaire.

Sorti le 1er septembre, ce documentaire sélectionné pour le festival de Cannes 2020 fait un gros plan sur Leïla Mustapha, une ingénieure kurde devenue maire de Raqqa après la défaite de Daech, et montre les efforts pour la reconstruction de la ville. Celle-ci avait été choisie par l’organisation djihadiste pour devenir la capitale de son «califat». Depuis, des milliers de personnes y sont revenues et selon l’ONG Save the Children, la population en est maintenant estimée à au moins 270 000 personnes. Mais 36 % des bâtiments de la ville sont encore détruits. Leïla Mustapha a été récompensée le 14 par le World Mayor Jury Award 2021 (Prix du Jury mondial du maire) pour ses efforts de reconstruction de sa ville détruite par la guerre. Mustapha partage le Prix 2021 avec les mes maires de Rotterdam (Pays-Bas) et de Grigny (France) (Rûdaw).

Les Filles du Kurdistan, BD.

Cette bande dessinée de Mylène Sauloy (auteur) et Clément Baloup (illustrateur) présente les combattantes des YPJ (Yekîneyên Parastina Jin, Unités de protection des femmes), au Rojava. Au-delà de la lutte militaire, s’inspirant du documentaire réalisé par Mylène Sauloy sorti en 2016, La Guerre des filles, couronné par plusieurs prix, l’ouvrage se centre sur la dimension politique de la lutte de ces femmes, qui cherchent à refonder une société sur des bases féministes, démocratiques et écologiques.

Livre électronique Rojnamegerîya kurdî ya dîjîtal

Avec le soutien de Reporters sans frontières (RSF), Botan International vient de créer à Diyarbakir à destination des journalistes kurdes un «Bureau d'éducation aux médias». Ouvert le 28 août, le nouveau Bureau accueillera des formations, des séminaires et des ateliers sur le journalisme kurde (y compris des ateliers de podcast), et produira également des livres électroniques. Les journalistes y trouveront aussi un studio d'enregistrement et des bureaux à disposition gratuitement. La formation journalistique en kurde étant impossible à organiser officiellement en Turquie, le lieu répond à un important besoin.

Déjà, dans le cadre des ateliers organisés jusqu'à présent, des journalistes de divers médias tels que la BBC, le New York Times, Deutsche Welle (DW), Voice of America (VOA), l'Agence Mezopotamya, The Guardian, Reuters, Gazete Duvar et Bianet ont partagé leurs techniques et expériences dans leur langue maternelle, le kurde. Botan International a aussi publié les notes des formateurs sous la forme d’un premier livre électronique, intitulé Rojnamegerîya kurdî ya dîjîtal (Journalisme digital kurde), téléchargeable sur ce lien : http://botaninternational.com/wp-content/uploads/2021/02/book.pdf. (lien vers l’article originel Bianet : https://bianet.org/english/media/239027-kurdish-digital-journalism-ebook-is-now-out).

Festival du Film kurde de New York.

C’est aussi sur les femmes que s’est centré le 5e New York Kurdish Film Festival, qui a pris place dans la «Grosse Pomme» du 10 au 12 septembre. La programmation présentait principalement des œuvres réalisées par des Kurdes, mais aussi des perspectives occidentales sur la vie et la lutte des Kurdes. Mais au centre du programme, il s’agissait de montrer la contribution des femmes kurdes au développement du féminisme, des droits humains, de la littérature et d'une société égalitaire.

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LYON: UN HOMMAGE À HEVRIN KHALAF

La ville de Lyon a inauguré le 21 septembre une place portant le nom de la femme politique kurde Hevrin Khalaf, assassinée à l’âge de 35 ans par des membres de la faction islamiste soutenue par la Turquie Ahrar al-Sharqiya dans le Nord-Est de la Syrie en octobre 2019. Cette place est située à un carrefour de la rue de Marseille au cœur du très cosmopolite 7e arrondissement de Lyon. Outre la maire écologiste de cet arrondissement, l’adjointe au maire de Lyon chargée des relations internationales, des élus lyonnais et grenoblois, le président de l’Institut kurde et de nombreux Kurdes et Lyonnais ont assisté à cette inauguration. Le conseil municipal de Lyon avait décidé à l'unanimité en juillet dernier de donner le nom de Khalaf à cette place. Suad Mustafa, la mère de Hevrin Khalaf, a déclaré l'année dernière à Kurdistan 24 qu'elle souhaitait que les responsables du meurtre de sa fille comparaissent devant un tribunal international: «Un crime de guerre a été commis contre l'humanité, et la personne qui a donné les ordres à ces militants doit être tenue responsable devant un tribunal équitable», a-t-elle déclaré. Le Département d’Etat américain a mis cette faction islamiste sur sa liste d’organisations terroristes.

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