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avec revues de presse

Bulletin N° 348 | Mars 2014

 

TURQUIE : BON SCORE DU BDP AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES

La campagne électorale en Turquie a été marquée par des mesures spectaculaires de tentatives de contrôle d’Internet de la part du gouvernement AKP, qui a d’abord bloqué twitter début mars, à la suite d'un jugement rendu le 26 février, à seule fin d'empêcher la diffusion sur les réseaux sociaux d’enregistrements téléphoniques compromettant pour le Premier Ministre car entérinant les accusations de corruption qui s’accumulent contre lui et son cabinet depuis des mois. 

 

Lors d’une interview télévisée en date du 6 mars, Recep Tayyip Erdoğan a même déclaré que l’interdiction pourrait s’étendre à Youtube et Facebook (ce qui eut effectivement lieu  un peu plus tard pour Youtube).

 

L’Union européenne, les États-Unis, les ONG et une grande partie de l’opinion internationale ont condamné ces mesures, par ailleurs peu efficaces, twitter et de nombreux sites et réseaux sociaux informant immédiatement des moyens techniques permettant aux internautes de Turquie d’avoir accès à sa plate-forme, par des messages diffusés en anglais et en turc. Conséquence : le traffic sur twitter en provenance de Turquie a connu une hausse spectaculaire, atteignant près de 39% de connexion dans ses pics de fréquentation.

 

Plus dramatique, la mort du jeune Berkin Elvan, un jeune Kurde alévi de 15 ans  est survenue le 11 mars et n’a fait qu’accroître les tensions : touché le 16 juin 2013 par une grenade lacrymogène, lors des manifestations de Gezi Park (auxquelles il ne participait pas) il était resté des mois dans un coma dont il n;est jamais sorti. Ses funérailles à Istanbul, le 12 mars, suivies par un cortège imposant, et relayées par des manifestations dans beaucoup d’autres villes turques ou du Kurdistan, ont été entachées par des violences policières qui ont fini par dégénérer, à la nuit, en affrontements entre jeunes supporters d’Erdogan et manifestants, faisant une autre victime à Istanbul, cette fois dans les rangs des supporters de l’AKP : Burak Can Karamanoğlu, âgé de 22 ans, a été tué à l’arme à feu dans des circonstances restant encore à déterminer, après l'arrestation d'un suspect dès le lendemain.

 

Mais la mort de Berkin Elvan n’a guère ému le Premier Ministre qui a tout bonnement qualifié le jeune garçon de « terroriste », l’accusant d’avoir le visage masqué lorsqu’il a été atteint par les forces de l’ordre, alors même que tous les témoignages de sa famille et de ses proches font apparaître qu’il n’était sorti de chez lui que pour acheter du pain.

 

Dans les régions kurdes, les célébrations du 21 mars, jour de Newroz, furent surtout marquées par le meeting du BDP et la lecture, comme l'année dernière, d’un nouveau message d’Abdullah Öcalan, le leader emprisonné du PKK, devant près de 300 000 personnes à Diyarbakir. Ce message-là ne fut pas, cette fois, un événement « surprise », mais une directive donnée, celle de poursuivre « le processus de dialogue » qualifié « d’important » par Öcalan, même si aucun accord concret n’a été encore conclu entre le PKK et l’État turc. 

 

Les « pratiques dilatoires du gouvernement, et l'exécution du processus d'une manière unilatérale, en évitant la mise en place d'une base juridique » ont été pointées par le président du PKK, ainsi que les menées d’une « conspiration internationale » pour faire échouer le processus (allusion à la confrérie Fethullah Gülen, à la fois fortement opposée à l’AKP et au PKK et à toute résolution de la question kurde).

 

Le 30 mars, les élections municipales ont eu lieu dans toute la Turquie et ce scrutin était vu d’emblée à la fois par le gouvernement AKP et par ses opposants comme un désaveu ou un soutien à Erdoğan et ses dérives autoritaires. Si les violences n’ont jamais atteint le niveau extrême des années 1990, plusieurs bagarres ont éclaté entre supporters de partis rivaux, d'Ankara à Iğdir, faisant quelques morts et des blessés, et surtout les accusations de fraude ont tout de suite fleuri, de la part des partis d’opposition, le BDP comme le CHP, d’autant que des coupures d’électricité ont plongé dans l’obscurité plusieurs villes du pays, d’Istanbul aux régions kurdes, et ce précisément à l’heure du décompte. Des bureaux de vote ont alors mystérieusement été mis à sac et des ballots de bulletin ont disparu. Ainsi, à Düzici, des sacs de bulletin on été retrouvés dans les poubelles de six écoles de la province d’Osmaniye, où avait lieu les votes, selon le Turkish Daily News… 

 

Dans la province de Siirt, district de Tillo, c’est même un candidat du Parti Saadet (SP), Behmen Aydin, qui a été assassiné à l’arme blanche quand des individus masqués, jaillissant d’un autre véhicule, ont assailli la voiture où il se trouvait avec 5 autres personnes, qui ont été blessées. C’est finalement le maire AKP, tout nouvellement réélu, Mehmet Mesut Memduhoglu qui a été arrêté en tant que suspect avec 15 autres personnes, une voiture de fonction municipales ayant été utilisée pour le crime.

 

Répliquant aux accusations de fraudes à la faveur de ces fortuites coupures d’électricité, le ministre de l’Énergie, Taner Yildiz, a provoqué l’hilarité des réseaux sociaux, ceux-là mêmes visés par la politique de black-out d’Erdoğan, en expliquant qu’un chat, introduit dans un transformateur, avait été la cause de toues ces pannes, d’Istanbul à Mardin… Plus sérieusement, un article de Hürriyet, publiant la carte des coupures sur tout le territoire, établit clairement que les zones ayant connu ce fortuit black-out étaient celles alimentées en électricité par des compagnies gouvernementales.

 

Mais même entaché d'irrégularités et de bourrage d'urnes, la victoire d’Erdoğan semble acquise, malgré les manifestations de protestation, que ce soit à Ankara ou à Urfa. De toute l’opposition, le BDP kurde s’en sort bien, qui annonce avoir gagné onze villes par rapport aux municipales de 2009 (le parti pro-kurde s’appelait alors le DTP), dont Mardin, Ağri et Bitlis, prises à l’AKP, 68 districts et 23 sous-districts, même si tous les résultats ne sont pas encore définitifs en raison de toutes les plaintes déposées pour fraude. Au total, cela ferait 102 municipalités remportées par le BDP.

 

Dans les régions kurdes, l’espoir suscité par le processus de paix pouvait bénéficier à la fois à l’AKP et au BDP. C’est finalement le BDP qui a pris trois villes à l'AKP, hormis Urfa, qui reste au sein de la majorité. ainsi que d'autres régions et villes à population mixtes turco-kurde.

 

Par contre, le tout nouveau parti Huda Par, le « hezbollah kurde », n’a obtenu qu’un faible score, restant toujours en deçà de 8% dans ses meilleurs résultats, et il serait intéressant de déterminer si c’est à l’AKP que ce parti de néo-islamistes prend des voix plutôt qu’au BDP.

 

Au niveau national, l'AKP fait (pour le moment) autour de 45, 44%, le CHP 27, 77%, le MHP 15, 27%, le BDP allié au HDP 6, 48%.

 

En plus de remporter Mardin, Ağri et Bitlis, le BDP conserve Diyarbakir, Batman, Van, Dersim, Siirt, Hakkari, Şirnak et Iğdir.

 

Dernières estimations dans les régions kurdes ou à population mixte. (en 2009, le parti kurde était alors le DTP :

 

Provinces remportées par le DTP en 2009 et qui restent BDP :

– Batman, Dersim, Diyarbakir, Hakkari, Iğdir, Siirt, Şirnak, Van.

 

Provinces prises à l'AKP par le BDP :

– Ağri, Bitlis,  Mardin (avec Ahmet Türk en indépendant).

 

Provinces conservées par l'AKP :

– Adiyaman, Bingöl, Elazığ, Gaziantepe, Kahramanmaraş, Malatya, Muş, Urfa (remportée par un indépendant en 2009).

 

 

AKP : Parti de la Justice et du développement de M. Erdoğan.

BDP : Parti de la paix et de la démocratiqie pro-kurde

CHP : Parti républicain du peuple de M. Kılıçdaroğlu.

MHP : Parti d’action nationaliste, extrême-droite nationale turque.

 

ADIYAMAN :

AKP : 56, 46 % 

CHP : 21, 8

MHP : 12, 79

BDP : 6,2

(En 2009 : AKP : 49, 26 % ; SP : 24, 08 %; CHP : 13, 36 %)

 

AGRI :

BDP : 45, 92%

AKP : 45, 47%

(2009 : AKP : 36, 91% ; DTP : 32, 37%)

 

BATMAN :

BDP : 56, 35%

AKP : 30, 78%

HUDA PAR : 7, 80%

(2009 : DTP : 59, 67% AKP : 36, 65%)

 

BINGOL :

AKP : 58, 32 %

BDP : 26, 92%

MHP : 8.74 %

(2009 : AKP : 42, 84% ; DTP : 33, 79% ; SP : 17, 16)

 

BITLIS :

BDP : 44, 05 %

AKP : 39, 44%

HUDA PAR : 5, 58%

(2009 : AKP : 43, 10% DTP : 34, 43%)

 

DERSIM :

BDP : 42, 46%

CHP : 30, 80

(2009 : DTP : 30 % ; indépendant : 24, 47 % ; AKP : 21, 63 ; CHP : 15, 07)

 

DIYARBAKIR :

BDP : 57, 78%

AKP : 34, 31 %

HUDA PAR : 4, 78%

(2009 : DTP : 65, 43% AKP : 31, 57 %)

 

ELAZIG :

AKP : 55, 80

MHP : 29, 12

CHP : 7,3

(2009 : AKP : 47, 76% ; MHP : 23, 29%)

 

GAZIANTEPE :

AKP : 54, 6% 

CHP : 21, 47

MHP : 11, 88

(2009 : AKP  : 52, 53% ; CHP : 29, 97)

 

HAKKARI :

BDP : 66, 76 %

AKP : 26, 12%

(2009 : DTP  : 78, 97% et AKP : 15, 93%)

 

IGDIR :

 

BDP : 43, 89%

MHP : 42, 58 %

AKP : 15, 49%

(2009 : DTP : 36, 62% ; AKP : 30, 54 % ; MHP : 27, 08 %)

 

KAHRAMAN MARAS :

AKP : 58, 70

MHP : 30, 93

(2009 : AKP : 65, 31% ; MHP : 21, 97)

 

MALATYA

AKP : 62, 88%

CHP : 16, 74

(2009 : AKP : 53, 08 % ; SP : 29, 05 %)

 

MARDIN :

Ahmet TURK : 52, 19 

AKP : 37, 39%

(2009 : AKP 45, 4% ; DTP : 36, 32%)

 

MUS :

AKP : 48, 25%

BDP : 41, 54%

(2009 : AKP : 50, 55% ; DTP : 37, 23%)

 

SIIRT :

BDP : 49, 53%

AKP : 41, 97

(2009 : DTP  : 49, 43% ; AKP : 45, 77%)

 

SIRNAK :

BDP : 59, 55 %

AKP : 29, 9%

(2009 : DTP : 53, 75% ; AKP : 42, 60 %)

 

URFA :

AKP : 60, 76%

BDP : 30, 7 

(2009 : indépendant : 44, 03% ; AKP : 39, 30%, DTP : 10, 49%)

 

VAN :

BDP : 54, 14%

AKP : 40, 84%

 

(2009 : DTP : 53, 54% AKP : 39, 16%)

 

SYRIE : ENCERCLÉ PAR EIIL, LE PYD SE RAPPROCHE DE L’ASL ET ACCUSE LE BAATH

Les attaques récurrentes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) contre le « Rojava », et la stratégie d'encerclement des trois enclaves kurdes déclarées cantons autonomes par le PYD, ont poussé finalement la branche syrienne du PKK à une forme d’alliance de terrain avec l’Armée syrienne de libération, l’adversaire d’hier. Le 19 mars, le commandement central des YPG a ainsi appelé tous les Kurdes à une « mobilisation générale » dans les trois cantons pour « protéger les valeurs de la démocratie et de la liberté et soutenir les YPG ». 

En plus des attaques contre les zones kurdes, le 21 mars, dans la province de Raqqa, où EIIL cherche à fonder son « État » et dont il occupe la capitale éponyme, près de 600 Kurdes ont fui leurs villages (Tell Akhdar, Tell Fandar et Tell Abyad), selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, en raison d’un ultimatum d’EIIL. Selon l’Observatoire, c’est près de 500 Kurdes qui seraient passés du côté de la frontière turque, ce qui fait penser à une volonté d'EIIL de nettoyer le terrain ethnique kurde autour de Kobanî ('Ayn Al Arab) afin de l'isoler d'avantage.

En déplacement à Oslo, le co-président du PYD, Salih Muslim, lors du conférence de presse donnée le même jour, indiquait qu’EIIL n’avait cessé de lancer des attaques et des attentats suicide depuis trois semaines, contre Qamishlo ou Kobanî ('Ayn al Arab), afin de couper les voies d’accès reliant les deux régions et que la phase prochaine de leurs plans serait d’isoler Afrin de la même façon. Rêdur Khalil, porte-parole des YPG, a confirmé le 24 mars que Kobanî était actuellement encerclé par l'EIIL, avec des troupes venues, entre autres, de Deir el Zor, Alep, Rakka et Lazkiye, et relaie les propos de Salih Muslim faisant mention de tanks déployés, avec lesquels les djihadistes ont lancé des attaques contre la partie orientale du canton.

Les passeports des islamistes capturés ou tués indiquent des provenances géographiques diverses, Arabie saoudite, Yémen, Kurdistan d’Irak, Algérie, Tunisie, Libye, Canada, Danemark, France, Allemagne, Turquie et Tchétchénie. Le même jour, le haut-commandement des YPG a appelé « tous les groupes kurdes à mettre de côté leurs différences » et à accomplir leur « devoir national » face aux attaques. Dans le communiqué, il est indiqué que le but d’EIIL est de prendre le contrôle des champs pétrolifères de Rimelan en plus de rompre les communications entre les cantons. Il a réitéré l’appel des YPG à tous les Kurdes, même les non-Syriens, à rallier leurs forces pour défendre les cantons. 

Cette fois, les « groupes kurdes » appelés à l’aide étaient nommément cités : la présidence du Gouvernement régional du Kurdistan d'Irak (GRK) et ses trois grands partis,  le Parti démocratique du Kurdistan d'Irak de Massoud Barzani, (PDK) l’Union patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani (UPK), Gorran de Nawshirwan Mustafa ; l’exécutif du Groupe des communautés du Kurdistan (KCK-PKK),), le Parti de la paix et de la démocratie (BDP) pour les Kurdes de Turquie, bref, tous les partis kurdes existants, sauf ceux d'Iran, mais sans préciser de quelle aide il s'agissait, en plus d'une aide humanitaire internationale, notamment du Croissant rouge en Turquie et l'ouverture des postes-frontière turcs. Ce type de déclaration et d’appel à la mobilisation s’est multiplié tout le mois de la part des responsables locaux du PYD et des YPG, mais toujours sans détailler, dans le fond, la teneur  de ce  « devoir national ». Réagissant à cet « appel à l’unité », Abdulhakim Bashar, le président du Parti démocratique du Kurdistan de Syrie (Al-Parti), proche du PDK d’Irak, a répliqué qu’ils étaient tout à fait prêt à s’unir contre EIIL, et de mettre fin à un conflit fratricide : « Nous sommes prêts à négocier avec le PYD. Il est vrai qu’il y a différentes opinions au sein des partis kurdes, mais protéger les régions kurdes des groupes terroristes est du devoir de tous…mais à condition que ce soit sous le drapeau du Kurdistan et au nom du Kurdistan. » » (BasNews), c’est-à-dire non sous la bannière des YPG et pour le compte du PYD, et donc en acceptant de former un front politique unifié des partis kurdes, afin d’appliquer les accords d’Erbil de novembre 2012 qui prévoyaient la formation d'une force militaire unie, au commandement partagé avec le Conseil national kurde. 

Faire entrer les troupes de peshmergas kurdes syriens entraînés au Kurdistan d'Irak n’est probablement pas dans les objectifs du PYD, mais jusqu’ici, se défendant d’avoir des liens « organiques » avec le PKK,  il ne faisait pas appel (en tout cas pas officiellement) à des combattants kurdes non syriens. Or Murat Karayilan a récemment appelé la jeunesse kurde d’Urfa (limitrophe de Kobanî) à se joindre à la « résistance kurde », de même que le reste des jeunes Kurdes du Nord (Turquie), ce que Rêdur Khalil présente comme une réponse normale à l’internationale jihadiste démontrée avec l'énumération détaillée des passeports d'ennemis saisis par ses troupes. Il n’y a pas eu, pour le moment de réactivation des accords d’Erbil, mais un des tournants politiques et stratégiques du PYD est l’alliance – au moins sur le terrain militaire – de l'Armée syrienne de libération et des YPG. Salih Muslim a en effet confirmé, dans une conférence de presse donnée en Suède, que « dans ce combat, l’Armée syrienne de libération nous soutient. La population est du côté des YPG. » Il faut se souvenir que, depuis le début de la révolution syrienne, les relations du PYD entre l’opposition syrienne arabe, que ce soit la Coalition et, sur le terrain, l’ASL, ont été, soit inexistantes, soit très mauvaises, se traduisant par de fréquents affrontements, notamment dans les régions mixtes kurdes et arabes, comme à Serê Kaniyê (Ras al ‘Ayn), ou bien dans les zones situées entre Alep et Afrin. Et l'un des principaux reproches que le PYD faisait à l’encontre du Conseil national kurde était sa ligne politique qui passait par une entente ou une alliance avec la Coalition syrienne et l’ASL, accusées par tous les organes officiels du PYD ou ses media, d’être noyautées par les islamistes (par exemple Jabhat al Nusra) et de faire le jeu de la Turquie. Mais Kobanî ('Ayn Al Arab) étant de plus en plus encerclé par l’EIIL, le PYD et les YPG se heurtent aux limites pratiques de leur isolement politique et militaire, qui ne peut se résoudre de lui-même, étant donné la situation d’enclavement géographique et ethnique des trois régions kurdes. Enfin, autre signe indiquant un glissement des alliances, la nouvelle charge du PYD contre le régime du Baath, cette fois, accusé de soutenir EIIL en sous-main afin d’affaiblir les Kurdes et d’empêcher l’autonomie des zones kurdes et «leur nouvelle expérience démocratique »,  accusations qui, de même, visaient auparavant l’ASL, tandis que le reste des Kurdes syriens et l'opposition arabe n'ont cessé de dénoncer la collaboration sur le terrain entre le Baath et le PYD.

Dans un entretien accordé au journaliste néerlandais Wladimir Van Wilgenburg à Al Monitor, Redur Khalil se retourne ainsi ouvertement contre le gouvernement syrien :  « Le régime essaie d’affaiblir les Kurdes. Ils savent aussi que nous combattons EIIL. Notre combat contre EIIL sert le régime sans aucun doute. » Redur Khalil accuse même l’Iran d’être derrière ces manœuvres ce qui indiquerait, là encore, un changement dans les proximités politiques, voire une tentative de rapprochement avec la Turquie. Ainsi, en février dernier, Asia Abdullah, coprésidente du PYD, se trouvait à Istanbul et déclarait que son parti cherchait le soutien turc et ne souhaitait pas affronter Ankara. 

De fait, une « réconciliation » avec le Kurdistan d'Irak qui verrait la réouverture du poste de Pêsh Khabûr ne servirait pas beaucoup à Kobanî qui, tout comme Afrin, n’ouvre que sur la frontière turque. Le seul moyen de relier les trois cantons seraient d’occuper des zones peuplées d’Arabes, de Turkmènes et de chrétiens. Mais il serait risqué de s’installer manu militari au milieu de populations qui ne sont pas toutes acquises au PYD ou à un Rojava autonome kurde, disséminées tout le long de la frontière turque entre les cantons du PYD. 

KURDISTAN D’IRAK : LA CRISE AVEC BAGDAD RAVIVE LA QUESTION DE L’INDÉPENDANCE

La décision du Premier Ministre irakien Nouri Maliki, de couper les salaires des fonctionnaires de la Région du Kurdistan afin de faire céder le gouvernement kurde dans le conflit qui les oppose au sujet de la gestion des hydrocarbures au Kurdistan continue de susciter l’indignation de la classe politique kurde qui pointe son caractère anticonstitutionnel, en usant de sanctions discriminatoires à l’encontre de certains citoyens, et Massoud Barzani, le président du Kurdistan, a même qualifié la décision de geler les salaires de « déclaration de guerre ».

S’exprimant le 4 mars aux Deuxièmes Rencontres de l’Université américaine de Suleïmanieh (où était aussi présent le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu), Nêçirvan Barzani a déclaré que cette idée de couper le budget du Kurdistan ne venait d’une seule personne » (sans la nommer).  Il a averti que cette crise pouvait entrainer un « effondrement de l’Irak » et qu’Erbil ne « reviendrait pas sur ses droits constitutionnels », malgré les « menaces directes » qu'il affirme avoir entendues lui-même de la part de Bagdad. 

La veille, le 3 mars, Nouri Maliki, s’exprimant à la télévision Al Iraqiyya, avait pourtant affirmé qu’il ne comprenait pas pourquoi ces problèmes avaient été autant exagérés : « Nous nous sentons responsables du Kurdistan et des Kurdes, même si le GRK ne le sent pas de cette façon. » Le Premier Ministre irakien a répété que le versement du budget était simplement « retardé » et non « coupé », et que la raison en était les 400 000 barils de pétrole que les Kurdes devaient livrer à Bagdad chaque jour. 
Le 11 mars, alors que la Région du Kurdistan célébrait l’anniversaire du soulèvement de 1991, Massoud Barzani, qui avait, il y a quelques jours, assisté aux funérailles de 93 des siens, assassinés secrètement en 1983 par Saddam Hussein et dont on a retrouvé les charniers, a rappelé, dans son discours, qu’une génération nouvelle avait grandi au Kurdistan et n’acceptait aucune forme de dictature et d’occupation, cherchant, au contraire, à assurer la liberté et le progrès dans son pays, après que des générations entières se soient sacrifiées pour cet objectif au Kurdistan.

Le président kurde visait bien évidemment le Premier ministre irakien qui tente de faire céder Erbil dans les âpres négociations sur la gestion des revenus pétroliers en coupant le salaire des fonctionnaires au Kurdistan. Le 20 mars, après une intense médiation américaine, le Premier ministre de la Région du Kurdistan annonçait, en « geste de bonne volonté », être prêt à exporter 100 000 barils par jours via l’oléoduc irakien, afin de relancer les négociations, toujours en cours, mais qui piétinent depuis des mois. « Les négociations avec Bagdad sur l'exportation du pétrole et les questions budgétaires sont en cours.

Ces négociations n'ont pas encore abouti à des accords acceptables. En tant que geste de bonne volonté, et afin de donner aux négociations le maximum de chances de succès, le Gouvernement régional du Kurdistan (KRG) a offert d'apporter sa contribution aux exportations des oléoducs irakiens ». Mais à ce jour, les exportations n’ont toujours pas reprises, en raison de l’état de cet oléoduc reliant Kirkuk au port turc de Ceyhan, qui a été régulièrement saboté l’an passé par les insurgés sunnites et n’est toujours pas prêt, de l’aveu du ministre irakien du Pétrole, à assurer les transferts de brut.

Mais la situation créée par le gel des salaires pourrait devenir préoccupante, selon des économistes, en raison du grand nombre de fonctionnaires dans la Région kurde, et de certaines faiblesses inhérentes au système économique du Kurdistan d’Irak, comme ne se prive pas de le souligner le parti Gorran (principal parti d'opposition toujours en pourparlers pour la formation d’un cabinet de coalition avec le PDK et l’UPK) qui se pose volontiers en réformateur des lignes politiques et des décisions économiques adoptées par ses rivaux depuis 2005. 

Un rapport d’un parlementaire de Gorran, Ali Hama Ali, expose ainsi de façon détaillée dans le journal Chawder News (pro-UPK) les failles de la réussite et du développement économiques de la Région qui emploie à elle seule, 679.939 fonctionnaires ce qui correspond à 22,6 % des fonctionnaires irakiens. Selon lui, le budget annuel du GRK ne peut suffire à payer ne serait-ce qu’un mois de traitement de tous ses employés. Ainsi, selon ce rapport, le revenu estimé, pour 2013, des employés de ministères, s’élevait à 651 milliards de dinars, alors qu’un mois de traitement nécessite environ 750 milliards de dinars. « Le GRK est endetté auprès de plus de 900 investisseurs et n’a pas d’argent à leur donner. Il n’y a pas de banque internationale pour leur prêter des fonds parce que le Kurdistan n’est pas un pays et aucun autre pays n’est prêt à devenir le garant du GRK. » 

Selon le rapport, la crise financière qui menace n’est pas seulement due au conflit avec Bagdad. 70% du budget de la Région va à ses employés ; le GRK a aussi alloué 3 milliards de dollars US à des entreprises, et a aussi dépensé des fonds sur plusieurs projets non planifiés, tels que le prêt pour l’accès à la propriété ou au mariage ou à des programmes de développement dont certains offriraient, selon Ali Hama Ali, plus de désavantages que d’avantages. De plus, les dépenses et les frais des deux partis historiques, le PDK et l’UPK, sont toujours à la charge du gouvernement, ce qu'il serait peut-être temps de réformer. En ce qui concerne les prêts aux sociétés locales de prospection et d’extraction pétrolière, le gouvernement ne peut leur avancer de l’argent et les investisseurs internationaux rechignent à le faire en raison des 70% du budget réservés aux traitements des fonctionnaires, ainsi que du conflit avec Bagdad sur les revenus du pétrole et l’exportation des hydrocarbures. Le contrôle des marchés, des importations et des exportations souffre aussi d’un manque d’organisation et de planification. Alors que d’importants privilèges sont octroyés à ces mêmes sociétés, étrangères comme locales, les frontières de la Région du Kurdistan sont ouvertes et laissent passer des produits, par exemple des milliers de véhicules, moyennant de faibles taxes et des contrôles techniques ou de qualité peu fiables et manquant de normes rigoureuses. 

La présence de milliers de travailleurs étrangers, principalement dans le bâtiment ou les emplois de service contribue aussi à ce déséquilibre des échanges monétaires.  Interviewé par la chaîne KNN, le leader du parti Gorran, Nawsirwan Mustafa, critique aussi l’économie « consumériste » de la Région qui la fait dépendre, pour sa survie, des 17% du budget national irakien, et non de son agriculture, de ses élevages ou de ses industries, quasi inexistants et dont le revenu ne couvrirait actuellement que 6% des dépenses du GRK. Les sureffectifs des fonctionnaires mettent ainsi Erbil à la merci du gouvernement central dans cette guerre économique. Malgré ces analyses pessimistes sur la capacité de la Région kurde à s'en sortir sans assistanat financier irakien, la crise avec Bagdad a relancé, dans les media comme dans les milieux politiques, la question d'une éventuelle indépendance et certains, même au sein de Gorran, envisagent le moment où la séparation du Kurdistan d’avec l’État central deviendrait inévitable. 

C’est ainsi que le même Nawshirwan Mustafa aurait déclaré à la Kurdistan Pas News Agency que le président Massoud Barzani lui avait confié envisager l’indépendance dans un délai de deux ans. Une autre source politique kurde, s’exprimant sous l’anonymat auprès du journal arabe Asharq al-Awsat, confirme que ces propos de Nawsirwan Mustafa ont été tenus lors d’un meeting de son parti, à Suleïmanieh, et qu’il avait dit, plus précisément, que l’indépendance du Kurdistan était « débattue comme une option ».  Selon cette même source, le mouvement Gorran, selon Nawshirwan Mustafa, « soutiendrait la déclaration d’un État [kurde indépendant] dès lors qu’il « y aura eu une préparation suffisante, y compris en termes d’économie et d’institutions », ce qui expliquerait les rapports et les analyses critiques en terme de viabilité économique du Kurdistan récemment publiées dans les media proches de ce parti ou exprimées dans la bouche de son leader, qui aurait ajouté :  « Nous ne voulons pas que le Kurdistan se retrouve dans une situation similaire à celle de Chypre Nord, dont l’existence repose principalement sur le soutien turc. Nous ne voulons pas perdre les gains obtenus à ce jour par la Région. »

Réagissant à ces propos, auprès du même journal Asharq al-Awsat, qui faisait un tour d'horizon des principaux blocs parlementaires irakiens, un député de la coalition État de droit, dirigé par Nouri Maliki a vivement critiqué Massoud Barzani, qui « agit comme s’il était plus important que l’État irakien » et dont les ambitions « pourraient rencontrer de nombreux problèmes, à commencer de la part des États-Unis ». Ali Al-Shallah a enfin rappelé que si le président Barzani « insiste pour proclamer un État, il le fera dans le cadre des frontières du 9 avril 2003 [date de la chute du Baath] ce qui exclut Kirkouk et les régions disputées ».

Un autre député irakien, cette fois de la liste sunnite Iraqiya, Hassan Al-Zoubai,a eu un ton plus modéré, en estimant que : « L’Irak, aujourd’hui, est plus proche d’une confédération que d’un gouvernement fédéral ». « Le problème est que la constitution irakienne donne la priorité aux régions et aux provinces sur le gouvernement central – et c’est ce qui a permis au Kurdistan irakien de se développer à tous les niveaux, de sorte qu’il est devenu plus important que le centre. L’Irak aujourd’hui est fait de régions, les Kurdes étant les plus puissants à tous les niveaux, y compris la force militaire des Peshmergas, l’économie et les investissements. »

Quant à Burhan Mohammed Faraj, député de la liste Kurdistan à Bagdad, il rappelle que « les Kurdes ont choisi volontairement de s’unir aux Arabes dans le cadre d’un Irak unifié. Le seul moyen d’assurer l’unité de l’Irak est de témoigner de son engagement envers la constitution irakienne et de l’appliquer pleinement. »

AMNESTY : L’IRAN ET L’IRAK PAYS « CHAMPIONS » DE LA PEINE DE MORT

Le rapport annuel de l’ONG Amnesty International sur la peine de mort dans le monde établit que l’Irak et l’Iran sont les deux pays « à l'origine d'une forte augmentation du nombre d'exécutions dans le monde en 2013, allant à l'encontre de la tendance mondiale à l’abolition de la peine de mort. Le nombre alarmant d'exécutions dans un groupe restreint de pays – principalement ces deux pays du Moyen-Orient – s'est traduit par près d'une centaine d'exécutions supplémentaires dans le monde par rapport à 2012, soit une augmentation de presque 15 %. »

Salil Shetty, le secrétaire général d'Amnesty International, qualifie « le rythme quasi frénétique des exécutions dans certains pays comme l'Iran et l’Irak » de « scandaleux ». En effet, mis à part la Chine, dont le nombre des exécutions est classé comme « secret d’État » et qui, depuis 2009, échappe ainsi aux statistiques, la hausse significative des exécutions entre 2012 et 2013 est à imputer largement à l’application en hausse de la peine de mort en Irak et en Iran. En ce qui concerne la Syrie, la situation ne permet plus, depuis 2012, d’enquêter sur les exécutions.

« Près de 80 % des exécutions recensées dans le monde ont eu lieu dans seulement trois pays : l’Arabie saoudite, l’Irak et l’Iran », alors que la tendance générale, dans l’ensemble des pays, tend vers l’abolition. En Irak, « les exécutions signalées ont augmenté de près de 30 % ; 169 personnes, peut-être davantage, ont été mises à mort. » Mais le chiffre réel est « probablement beaucoup plus élevé, car beaucoup de condamnations à mort ne sont pas rendues publiques ». En 2013, 35 personnes ont été condamnés à mort, dont une femme. D’après un rapport du ministère irakien des Droits de l’homme, « les juridictions pénales ont prononcé plus de 2 600 condamnations à mort entre 2004 et 2012, plus de 280 par an en moyenne. »

En Iran, « au moins 369 exécutions ont été reconnues officiellement, mais plusieurs centaines d’autres ont été signalées par d’autres sources. » Le nombre des exécutions a augmenté de 18% mais « des éléments crédibles montrent qu'un grand nombre d'exécutions ont eu lieu en secret et, selon des sources fiables, au moins 335 autres exécutions ont eu lieu (concernant des femmes dans 18 cas au moins). Ceci porterait le nombre total d'exécutions à 704 au moins pour l'année 2013 ». Avec l’Arabie saoudite (où ont eu lieu 79 exécutions en 2013), ces deux pays sont responsables « à eux seuls de 95 % des exécutions confirmées dans la région ».

Pour l’Irak comme pour l’Iran, le mode exécutoire est la pendaison. En Irak, « les exécutions sont souvent réalisées en série et dans des délais très courts après que l'intéressé a été averti. Réagissant à l'exécution de 21 hommes dans la même journée, en avril, la haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies a déclaré que le système judiciaire irakien comportait ‘de trop graves lacunes pour permettre une application même limitée de la peine de mort, a fortiori pour des dizaines d’exécutions à la fois. Exécuter ainsi des gens par lots entiers est indécent. Cela s’apparente à de l’abattage de bétail’ ».

L’Iran a pratiqué plusieurs exécutions en public : « au moins 44 exécutions se sont déroulées en public, le plus souvent par le moyen d'une grue soulevant dans les airs le condamné auquel on avait passé une corde autour du cou, devant une foule de spectateurs. Il est possible que certains des condamnés aient été des mineurs (au moins 11 des prisonniers exécutés). Il est en tout cas établi qu’en Iran, des détenus se trouvant dans les couloirs de la mort étaient mineurs au moment des faits qui leur sont reprochés.

L’Irak, comme l’Iran, ont recours à la torture pour extorquer des aveux, et dans les deux pays, ces « confessions » sont parfois retransmises à la télévision, « avant le procès, au mépris du droit à la présomption d’innocence. Pour l’Irak, « il est fréquent que des « aveux » soient obtenus sous la torture ou d'autres mauvais traitements, dont, selon des informations fiables, les décharges électriques sur des endroits sensibles du corps, la suspension par des menottes, les coups de crosse de pistolet et de câble assénés sur la plante des pieds (falaqa) et l'utilisation de perceuses. »

En Iran, pays tout aussi tortionnaire, la peine de mort peut être un châtiment obligatoire. Or, rappelle Amnesty international, « l’imposition obligatoire de cette peine n’est pas compatible avec la protection des droits humains puisqu’elle ne laisse aucune possibilité de tenir compte de la situation personnelle de l’accusé ou des circonstances du crime ». Par ailleurs, les « crimes » qui encourent, parfois de façon automatique la peine de mort en Iran ne sont pas toujours des homicides, mais peuvent être des délits liés au trafic de stupéfiants, ou bien des viols. Il y a aussi les crimes à caractère politico-religieux, comme l’« inimitié à l’égard de Dieu », la « trahison », les « atteintes à la sécurité nationale », la « collaboration » avec une entité étrangère et autres « crimes contre l’État ».

« La majorité des exécutions pratiquées en 2013 ont concerné des personnes condamnées pour meurtre, trafic de drogue, viol, espionnage, « inimitié à l'égard de Dieu » ou « corruption sur terre », ces deux dernières infractions étant définies en des termes vagues. L'« inimitié à l'égard de Dieu » vise principalement l'insurrection armée. Dans la pratique, toutefois, ce chef est utilisé contre des personnes n'ayant pas pris les armes mais à qui l'on reproche des liens avec des organisations interdites en Iran. Le champ d’application de la peine de mort en Iran restait large et comportait, entre autres, le meurtre, l’« adultère par une personne mariée », l’« apostasie » et la « sodomie », autant d'actes qui n'entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » à laquelle font référence les normes internationales et qui ne devraient même pas être considérés comme des infractions.

En mai, le président Ahmadinejad a promulgué une loi modifiant le Code pénal islamique. La peine de lapidation pour le « crime » d'« adultère » était maintenue dans les nouvelles dispositions. » « En ce qui concerne les exécutions, des avocats signalent qu'ils ne sont pas toujours informés au préalable de l'exécution de leur client, malgré l’obligation légale de les avertir 48 heures à l’avance. Les familles n'ont pas toujours la possibilité de rendre une dernière visite à leur proche. Elles ne sont pas systématiquement informées de l'exécution à l'avance, ni même parfois après.

Très souvent, le seul indice de l'imminence d'une exécution est le transfert d'un condamné à mort vers une cellule d'isolement, appelée la « salle d'attente de l'exécution ». Il arrive que le corps de la personne exécutée ne soit pas rendu à sa famille, et que celle-ci ne soit pas informée du lieu où il a été inhumé. Ainsi, en octobre 2013, Le prisonnier politique kurde Habibollah Golparipour arrêté en 2009 et condamné à mort en 2010 lors d'un procès qui avait duré cinq minutes, sur le chef d'« inimitié à l'égard de Dieu » lié à sa collaboration supposée avec le Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), a été exécuté sans que sa famille ait été informée. Les autorités ont refusé de lui restituer le corps. Amnesty International a rassemblé des informations sur de nombreux cas dans lesquels la peine de mort a semble- t-il été utilisée comme moyen de répression contre des représentants politiques ou culturels des minorités ethniques du pays – Arabes ahwazis, Baloutches et Kurdes notamment. »

Concernant l’Irak, comme pour l’Iran, la peine capitale ne sanctionne pas toujours des homicides, mais « l'immense majorité des exécutions pratiquées ces dernières années concernent des personnes condamnées sur la base de l'article 4 de la Loi n° 13 de 2005 relative à la lutte contre le terrorisme, parmi lesquelles un certain nombre de ressortissants d'autres pays arabes. Cette loi sanctionne notamment des actes définis en des termes vagues comme le fait de provoquer, de planifier, de financer ou de commettre des actes terroristes, ou le fait d’encourager d'autres personnes à commettre de tels actes.

La position du gouvernement est que la peine de mort est nécessaire dans un contexte marqué par le nombre élevé d'attaques de groupes armés contre des civils. Or aucun élément ne permet d'affirmer que la peine de mort a un effet dissuasif sur la criminalité ou les attentats. La situation sécuritaire a d'ailleurs empiré dans le pays ces dernières années. […] Dans de nombreux cas les condamnations à mort interviennent à l'issue de procédures contraires aux normes d'équité les plus élémentaires, au cours desquelles les prisonniers n'ont pas accès à une représentation juridique digne de ce nom. » Par contre, « aucune exécution n'a eu lieu depuis 2008 dans la région du Kurdistan d’Irak. »

SOUDAN : UNE COMMUNAUTÉ KURDE QUASI-OUBLIÉE EN QUÊTE DE SES ORIGINES

Un reportage publié dans le journal Basnews part à la rencontre des Kurdes du Soudan en interviewant Jalal Jawhar, qui est originaire de Khartoum, où il a suivi ses études et vit actuellement à Raniah, qui présente sa communauté et l’histoire assez ancienne de son implantation dans le pays.

La première mention connue de Kurdes arrivés au Soudan sont les troupes accompagnant le prince ayyoubide Touran Shah, frère de Saladin, venant prendre possession du pays en 1171, après la mort du dernier calife fatimide. Il est dit que Touran Shah y installa un gouverneur nommé Ibrahim al-Kurdî, qui mourut tôt mais dont les descendants restèrent sur place.

Il est aussi probable que des Kurdes vinrent plus tard, via l’Égypte, à l’époque de l’empire ottoman. Ainsi le leader historique Osman Digna (v. 1840-1881), qui fut une grande figure de la révolte mahdiste contre les Brianniques, avait pour père un Kurde originaire de Diyarbakir, un marchand d’esclave qui épousa une femme de la tribu des Hadendowa (cette origine kurde du côté paternel est attestée par l’Encyclopédie britannique) : « Il fut la première personne à vaincre l’armée britannique et ses techniques militaires furent plus tard enseignées dans les académies britanniques. Les Kurdes ont encore des positions importantes dans le gouvernement actuel. Par exemple, le Dr. Ali Mohammed Ali al-Kurdi est un militaire de haut rang et un homme politique qui a des fonctions au ministère de l’Intérieur. » explique Jalal Jhawher qui relie le nom de la province ‘kordufan’ aux Kurdes. Même si des linguistes y voient plutôt un terme nubien (kordu= homme), il y a en tout cas, dans la province, de nombreuses localités portant la nisbah Al-Kurdi : Shawwaf al-kurdi, Wadi Buheyrat al Kurdi, etc.

« Il y a environ 100 000 Kurdes qui vivent aujourd’hui au Soudan, principalement à l’est du pays. Malheureusement, ils ont oublié leur culture kurde et la langue que plus personne ne parle aujourd’hui. Des années auparavant, nous avions l’habitude de célébrer le Newroz, mais cela a disparu. » Ces Kurdes du Soudan sont particulièrement actifs dans le commerce et l’industrie. C’est ainsi qu’une fameuse fabrique de savon s’appelle Al-Kurdi et les Kurdes se vantent d’y avoir apporté nombre de techniques et d’outils agricoles. Jalal Jawher a émis le souhait que le Gouvernement du Kurdistan d’Irak ouvre un centre culturel au Soudan pour que la langue kurde y soit à nouveau enseignée et que des émissions en arabe soient émises sur les chaînes kurdes afin que ces Kurdes d’Afrique puissent renouer avec leur culture, leur identité et leur tradition. Il a, entre temps, créé une page sur Facebook, Kurds in Sudan, qui recense les biographies des Kurdes qui s’illustrèrent dans l’histoire soudanaise.