Publications


Bulletin complet

avec revues de presse

Bulletin N° 245 | Août 2005

 

LE PARLEMENT DU KURDISTAN APPELLE À VOTER POUR LE PROJET DE LA CONSTITUTION IRAKIENNE

Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a, le 29 août, appelé à voter en faveur du projet de Constitution en rentrant à Erbil, après avoir participé aux négociations politiques sur le texte à Bagdad. « J'appelle l'ensemble du peuple du Kurdistan à voter oui lors du référendum sur la Constitution », du 15 octobre, a déclaré M. Barzani à la presse, affirmant que ce texte représente « une base solide pour bâtir un Irak démocratique, fédéral et pluraliste ». « Je ne peux pas dire que le texte est à la hauteur de toutes les aspirations du peuple du Kurdistan mais c'est un acquis pour notre peuple et celui de l'ensemble de l'Irak », a-t-il indiqué. « Je veux rassurer le peuple du Kurdistan en lui disant que ce texte lui apportera progrès et prospérité », a-t-il encore déclaré, affirmant que le projet de Constitution était meilleur que la Loi fondamentale qui régit actuellement le pays. A propos des sunnites, dont des négociateurs n'ayant pas de mandat électif ont exprimé de sérieuses réserves sur le texte, il a indiqué que « personne ne sait s'ils représentent ou non tous les Arabes sunnites ». « S'ils représentent la majorité des Arabes sunnites, le référendum le reflètera », a-t-il souligné.

Le président du Kurdistan Massoud Barzani avait affirmé le 6 août devant les 111 députés du Parlement kurde qu'il défendrait les exigences de son peuple lors de la réunion des leaders politiques sur la Constitution. Il avait énuméré plusieurs points à ce sujet : « L'identité de l'Irak, les frontières du Kurdistan, la question des peshmergas (combattants kurdes), les ressources naturelles et l'article 58 » de la Loi fondamentale qui stipule le retour des Kurdes dans la ville de Kirkouk, arabisée sous Saddam Hussein. « C'est une occasion rêvée pour les Kurdes et le Kurdistan et nous ne devons pas la laisser passer », avait-il déclaré avant de se rendre à Bagdad pour discuter de la Constitution avec la volonté de ne rien céder sur les frontières de son territoire, le maintien de ses combattants et l'identité kurde de la ville pétrolière de Kirkouk. « Les Kurdes n'accepteront pas que l'identité de l'Irak soit islamique. Nous respectons toutes les religions, notamment l'islam car c'est la religion de la majorité mais nous n'accepterons pas l'imposition de l'identité musulmane à l'Irak », avait-il ajouté.

Les Kurdes sont en majorité sunnites, avec une minorité de chiites (les faïli), mais ils refusent que l'Irak devienne un Etat théocratique comme l'Iran et ils rejettent la dissolution des peshmergas, qui ont combattu l'armée de Saddam Hussein et maintiennent l'ordre aujourd'hui au Kurdistan. M. Barzani avait rejeté également l'identité arabe de l'Etat irakien. « Que les régions arabes de l'Irak fassent partie de la Nation arabe, mais nous n'en sommes pas partie », avait-il souligné, en référence au Kurdistan. « Nous ne ferons pas de compromis sur ces droits du peuple kurde, ni d'ailleurs sur d'autres droits concernant le peuple irakien », comme les droits de l'Homme et ceux de la femme, avait indiqué M. Barzani. « Les autres parties irakiennes doivent comprendre que nous avons choisi de faire encore partie de l'Irak même si notre peuple veut l'indépendance et l'autodétermination », avait-il martelé. Les 111 membres du Parlement kurde avaient approuvé les propositions de M. Barzani, à l'issue de la séance qui a duré deux heures.

La Turquie avait exprimé le 5 août son inquiétude sur un communiqué selon lequel la Constitution irakienne en cours de rédaction pourrait accorder à la population kurde le droit de décider par référendum de son avenir. « La Turquie pense que le peuple irakien ne permettra pas cette éventualité », avait indiqué le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères Namik Tan lors d'une conférence de presse. « S'il y a des gens qui ont pour objectif la division de l'Irak à court ou moyen terme, cela ne sera pas seulement un problème irakien », avait-il ajouté. M. Tan avait indiqué que la Turquie considérait le processus politique en Irak et la préparation d'une nouvelle Constitution comme des efforts visant à garantir l'unité de l'Irak et son intégrité territoriale. Le projet de Constitution finalisé après d’ultimes tractations avec des personnalités sunnites sera soumis au référendum populaire le 15 octobre.

KIRKOUK : LES KURDES PROPOSENT AUX TURCOMANS LE POSTE DE GOUVERNEUR ADJOINT DE LA PROVINCE

Les responsables kurdes ont proposé le 1er août aux élus turcomans de désigner l'un des leurs comme gouverneur adjoint de la province de Taamim, dont la ville pétrolière de Kirkouk est la capitale. « Nous proposons à nos frères arabes et turcomans cinq postes importants au sein du Conseil de la province. Nous proposons aux Turcomans le poste de gouverneur adjoint, ainsi qu'un autre poste au sein du Conseil de la province, et trois autres postes pour les Arabes », a déclaré Rizgar Ali, l'un des responsables locaux de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). « La balle est maintenant dans leur camp, c'est à eux de désigner les titulaires de ces postes », a-t-il ajouté, à l'issue d'une réunion de médiation à Kirkouk, afin d'obtenir le retour des élus arabes et turcomans, qui boycottaient le Conseil de la province de Taamim depuis le mois de février.

Le 30 janvier, 26 Kurdes, 9 Turcomans et six Arabes avaient été élus au conseil provincial de Taamim, au cours d'une élection à laquelle les Kurdes, chassés de Kirkouk du temps de Saddam Hussein, avaient pu participer. Dans le cadre de sa politique d'arabisation, Saddam Hussein avait chassé de Kirkouk les Kurdes dans les années 80, pour y installer des chiites et des sunnites, changeant ainsi la représentation démographique de chaque communauté. Les Kurdes exigent de revenir à la situation antérieure et de pousser au retour sur leurs anciennes terres, moyennant compensation, les Arabes qui ont été implantés durant cette période.

Par ailleurs, des centaines de Kurdes ont manifesté le 14 août à Kirkouk et dans le Kurdistan pour demander que leurs revendications, notamment le droit à l'autodétermination, soient reconnues par la Constitution irakienne.

A Kirkouk, les manifestants, quelque 1.500 selon les organisateurs, fortement encadrés par les forces de l'ordre, ont brandi des banderoles réclamant un Etat laïc et des droits pour les femmes dans la Constitution. « Donnez-nous le droit à l'autodétermination », « Kirkouk est kurde » pouvait-on lire aussi sur les banderoles en arabe, en kurde et certaines en anglais. « A bas Jaafari », ont scandé les manifestants, vêtus des tenues traditionnelles kurdes et portant des drapeaux kurdes. Le rassemblement dans le centre de la ville est « un message clair au Comité de rédaction de la Constitution pour qu'il n'ignore pas les droits des Kurdes », a déclaré l'un des organisateurs Sattar Moustapha. Il a accusé le gouvernement de Ibrahim Jaafari d'avoir ignoré les demandes kurdes. « Il faut ramener les déplacés kurdes à Kirkouk et expulser les Arabes qui y ont été installés par le régime fasciste de Saddam Hussein », a-t-il ajouté. « Nous avons lutté pour nos droits, nous avons eu des dizaines de milliers de martyrs face à la dictature et nous sommes prêts à poursuivre notre lutte pour obtenir le droit à l'autodétermination », a affirmé de son côté Shirzad Abdel Khalek, de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK, du président irakien Jalal Talabani).

Des rassemblements similaires ont eu lieu à Souleimanieh, Erbil et Dohouk. « Les Kurdes ne font pas partie de la nation arabe mais de la grande nation kurde et, comme les autres peuples du monde, nous avons nos droits », a affirmé Bayane Mohammad, une fonctionnaire à Souleimanieh. « Nous avons décidé d'organiser ces manifestations pour faire entendre notre voix auprès des leaders irakiens et du monde, et pour leur dire que si une Constitution ne garantissant pas nos droits est imposée aux Kurdes, nous organiserons des manifestations, allant jusqu'à la désobéissance civile », a indiqué Helkewt Abdallah, l'un des animateurs du Mouvement pour le référendum.

Ces manifestations interviennent au moment où les dirigeants politiques se trouvent engagés dans une course contre la montre pour achever un projet de Constitution supposé régler entre autres le statut de Kirkouk et les rapports entre le Kurdistan irakien et le gouvernement central.

LE PREMIER MINITRE TURC SE REND À DIYARBAKIR ET DÉCLARE RECONNAITRE LE « PROBLÈME KURDE » SANS PROPOSER DE SOLUTION

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, s’est rendu le 12 août pour la première fois depuis son élection à Diyarbakir et a promis d'engager des réformes démocratiques en faveur des Kurdes. Recep Tayyip Erdogan a assuré que la question kurde se résoudrait avec « plus de démocratie », malgré la recrudescence des opérations armées. « Je veux que vous sachiez que, au point où la Turquie est arrivée, il n'y aura pas de retour en arrière (...) Nous n'autoriserons pas de régression dans le processus démocratique », a déclaré M. Erdogan devant plusieurs centaines d'habitants de Diyarbakir. « Nous allons résoudre tous les problèmes avec plus de démocratie, plus de droits civils et plus de prospérité », a-t-il ajouté. La visite de M. Erdogan à Diyarbakir a été entourée d'importantes mesures de sécurité, avec quelque 3.000 membres des forces de sécurité déployés dans la ville. De nombreux policiers ont notamment été disposés tout au long du parcours emprunté par le Premier ministre de l'aéroport au centre-ville et des tireurs d'élite ont été postés sur les toits. M. Erdogan a indiqué qu'Ankara ne renoncerait pas à l'utilisation de l'armée pour contrer les activités du PKK. « Le terrorisme et la violence sont les pires ennemis de ce pays et ne seront jamais tolérés », a-t-il affirmé, prônant une « détermination inébranlable » pour s'opposer à la violence. Il a également souligné que des erreurs ont été commises par l’Etat, toute en reprenant la devise de l’Etat turc, « un seul Etat, une seule nation et un seul drapeau » devant les quelques centaines de personnes venues l’écouter. Le chef du gouvernement turc écarte ainsi une réponse strictement militaire mais ne précise pas pour autant le contenu de nouvelles mesures, susceptibles de témoigner auprès de l'UE de sa volonté d'ouverture politique.

Alors que de nombreux Kurdes se plaignent de l'incapacité du gouvernement à endiguer la pauvreté chronique dont souffre le Kurdistan, le Premier ministre a indiqué que le gouvernement ne prévoyait pas d'investissements industriels dans la région, appelant les hommes d'affaires locaux à prendre l'initiative en profitant de mesures d'incitation récemment mises en place.

Le maire de Diyarbakir Osman Baydemir, a salué l'engagement de M. Erdogan pour une résolution démocratique de la question kurde. « J'espère que ses déclarations vont mener à l'ouverture d'une nouvelle page », a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision NTV. Le PKK a pour sa part estimé dans un communiqué qu'après ses déclarations, le Premier ministre devait maintenant passer aux actes. « Nous trouvons cette déclaration d'Erdogan importante. Mais ce qui compte est la façon dont sera accompli ce qu'elle contient », affirme le communiqué, citant le chef du PKK Zübeyir Aydar. Le document rappelle que des prédécesseurs de M. Erdogan ont également « reconnu la réalité kurde » mais n'en ont pas moins envoyé leurs « tanks, hélicoptères et avions » dans le Kurdistan au lieu de résoudre pacifiquement la question.

Deux jours avant de se rendre à Diyarbakir, lors d'un débat télévisé avec des intellectuels, dont plusieurs écrivains, journalistes et militants des droits de l'homme, le Premier ministre turc avait déclaré que « les problèmes économiques et culturels (...) doivent être discutés dans le cadre des principes de la République et de l'ordre constitutionnel (…) Nous recherchons une solution dans le cadre d'une plus grande démocratisation et de davantage de réformes de l'ordre constitutionnel. Pour nous, le problème kurde est un problème de démocratisation ».

Dans le cadre de ses efforts pour entrer dans l'Union européenne, Ankara a entrepris de nombreuses réformes, comme la fin à 15 ans d'état d'urgence dans le Kurdistan turc, l’autorisation de la diffusion de programmes en kurde sur les chaînes publiques de radio et de télévision et l'ouverture de centres privés d'enseignement du kurde. Cependant l’application des réformes demeure très limitée et souvent purement formelle.

LE PROCÈS DE SADDAM HUSSEIN : LE JUGE D’INSTRUCTION SE REND AU KURDISTAN

Le chef des juges d'instruction du Tribunal spécial irakien (TSI) s’est rendu le 30 août dans le Kurdistan d'Irak pour réunir des preuves contre Saddam Hussein avant son procès pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. La visite du juge Raed Jouhi à Souleimaniyeh était destinée à inspecter le bureau du TSI et examiner les moyens de réunir des preuves sur les crimes de Saddam Hussein à l'encontre du peuple kurde. Le bureau du TSI à Souleimaniyeh est composé de quatre juges qui s'emploient à réunir des preuves auprès des victimes de l'opération Anfal, qui a fait 182.000 victimes, et du gazage de la ville kurde de Halabja, qui a fait 5.000 morts en 1988. Après Souleimaniyeh, le juge Jouhi doit effectuer une visite similaire à Erbil.

Saddam Hussein a été capturé par l'armée américaine en décembre 2003 dans la région de Tikrit, au nord de Bagdad. Depuis il est, ainsi que plusieurs de ses proches collaborateurs, détenu dans une prison gardée par les Américains près de l'aéroport de Bagdad. Son procès pourrait s'ouvrir dans les deux prochains mois, avait indiqué le 11 août une source proche du TSI, composé de magistrats irakiens.

En juillet, le dictateur déchu, chassé du pouvoir en avril 2003, avait été inculpé pour le massacre de Doujail, localité située au nord de Bagdad, où 143 chiites ont péri en 1982. Cette affaire est considérée comme relativement mineure au regard des autres accusations qui pèsent contre Saddam Hussein, notamment le gazage de 5 000 Kurdes à Halabja en 1988, l’assassinat de religieux et la répression sanglante des soulèvements chiites et kurdes de 1991. Les magistrats instructeurs considèrent cependant que les preuves sont faciles à rassembler et pourraient permettre, à elles seules et dans un délai rapide, la condamnation à mort du président irakien renversé en mars 2003.

Par ailleurs, la famille de Saddam Hussein a annoncé qu'elle avait décidé de réorganiser la défense de l'ancien dictateur irakien en prélude à son procès, en se séparant de l'équipe d'avocats internationaux qui était basée en Jordanie pour ne garder qu'un seul avocat. La famille de Saddam Hussein précise dans un communiqué daté du 8 août qu'elle a désigné l'avocat irakien Khalil Douleimi comme « seul et unique conseil légal » de l'ex-raïs. Douleimi faisait partie de l'équipe internationale d'avocats depuis un an et avait participé aux premières audiences préliminaires de Saddam Hussein à Bagdad. La famille a expliqué qu'elle devait « réarranger la campagne de défense étant donné l'unicité du cas ». Une source proche de la famille, qui a souhaité conserver l'anonymat, a ajouté que les parents de Saddam Hussein avaient été agacés par les multiples prises de parole des différents avocats et qu'ils voulaient désormais que sa défense parle d'une seule voix.

Saddam Hussein disposait d'une équipe de 1.500 juristes bénévoles, dont une majorité d'Arabes, et 22 avocats venus des Etats-Unis, de France, de Libye de Jordanie ou d'Irak. Parmi eux figuraient notamment l'ancien ministre américain de la Justice Ramsey Clark et Aïcha Moammar Kadhafi, fille du président libyen. Selon le communiqué, d'autres avocats pourraient être à l'avenir « explicitement autorisés par la famille » à faire des déclarations, ce qui laisse la porte ouverte à de nouvelles évolutions.

D’autre part, Tarek Aziz, ancien vice-Premier ministre irakien et figure éminente du régime de Saddam Hussein, a annoncé qu’il ne témoignerait pas contre le président déchu. « J’aimerais faire savoir très clairement (...) que je ne témoignerai pas contre qui que ce soit et, en particulier, que je ne témoignerai pas contre Saddam Hussein », écrit Aziz dans une note à son avocat, Badia Aref, qui en a divulgué le 9 août certains extraits.

TÉHÉRAN : L’ULTRA-CONSERVATEUR MAHMOUD AHMADINEJAD INVESTI À LA PRÉSIDENCE IRANIENNE

L'ultra-conservateur Mahmoud Ahmadinejad a été, le 3 août, investi président de la République islamique d'Iran par le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, à Téhéran. « Je félicite le peuple iranien pour son vote, je confirme ce vote et je nomme M. Ahmadinejad président de la République islamique d'Iran », a déclaré le Guide dans une déclaration lue par le président sortant, Mohammad Khatami. M. Ahmadinejad a ensuite reçu des mains de l'ayatollah Khamenei la confirmation de ses nouvelles fonctions et a baisé la main du Guide.

M. Ahmadinejad devient à 49 ans le sixième président de la République islamique dans un climat de forte crispation internationale à cause des activités nucléaires iraniennes, et de grande incertitude intérieure. Elu pour quatre ans, M. Ahmadinejad, ancien officier des forces spéciales de l'armée idéologique (Gardien de la Révolution) et ancien maire de Téhéran, est l’allié de la hiérarchie religieuse conservatrice qui détient le véritable pouvoir en Iran. Vainqueur inattendu de la présidentielle le 24 juin avec 61,69% des voix, contre Akbar Hachémi Rafsandjani, il prend ses fonctions alors que son pays est plus que jamais sous la menace d'être déféré devant le Conseil de sécurité de l'Onu après avoir repris des activités nucléaires ultra-sensibles. Ahmadinejad a mené une campagne centrée sur le respect des valeurs de la Révolution islamique de 1979. « Nous n'avons pas fait la révolution pour avoir une démocratie », avait-il martelé. Avant le premier tour du scrutin, le 17 juin, peu d'observateurs accordaient à Ahmadinejad, le plus conservateur des candidats, de sérieuses chances de l'emporter. A Téhéran, il avait rajeuni les équipes municipales et engagé la lutte contre les trafics. Il avait remplacé les centres culturels par des salles de prière et introduit la ségrégation des sexes dans les ascenseurs municipaux.

Avec M. Ahmadinejad, tous les leviers du pouvoir sont désormais entre les mains des conservateurs. Dans sa déclaration, le guide suprême a décrit la « participation massive » à la présidentielle comme « une gifle à la face de l'ennemi ». D'après certains observateurs, son arrivée au pouvoir risque de compromettre le règlement du différend sur le programme nucléaire de l'Iran, soupçonné par Washington de poursuivre des objectifs militaires.

La première loi proposée par le nouveau gouvernement a été la création d’un « fonds de l’amour », de 1,3 milliard de dollars pour aider les jeunes à trouver un emploi, se fixer et se trouver un logement.

LE KURDISTAN IRANIEN SECOUÉ FORTEMENT PAR DES TROUBLES

Les quelques 10 millions de Kurdes d’Iran, essentiellement répartis sur les provinces administratives du Kurdistan, de l'Azerbaïdjan occidental, de Kermanchan et de l’Ilam, subissent depuis quelques semaines une repression accrue après des troubles consécutifs à la mort d'un jeune Kurde. Les troubles se sont déclarés après la mort de Seyed Kamal Astom, abattu lors de son arrestation dans la première quinzaine du mois de juillet. Les photos de son visage tuméfié, mises sur Internet après sa mort, ont accrédité l'idée que le jeune homme, décrit comme un militant de la cause kurde par les organisations kurdes, avait été torturé.

Plusieurs jours d'agitation ont fait officiellement douze morts, dont huit policiers ou soldats mais selon des organisations non-gouvernementales, le bilan serait beaucoup plus lourd. Les villes comme Mahabad, Sanandaj, Ochnavieh et Saghez ont été secouées par les violences et des manifestations populaires. Des centaines de personnes ont été arrêtées.

Le 3 août, deux personnes ont été tuées par balles à Saghez et huit autres blessés - un membre des forces de l'ordre, un membre de la milice (islamiste) et six habitants- près de 150 arrêtées lors de troubles. Par ailleurs, deux journaux kurdes, le quotidien Achti et l'hebdomadaire Assou, publiés dans les deux langues persane et kurde, ont été interdits par la justice de Sanandaj, chef lieu du Kurdistan. « La raison de cette interdiction n'a pas été annoncée, mais elle est liée aux informations parues ces dernières semaines », a déclaré, le 4 août, Jalil Azadikhah, rédacteur en chef d'Assou.

Par ailleurs, un policier iranien a, le 17 août, été tué et cinq blessés dans l'explosion d'une mine qui aurait été posée par un groupe de combattants kurdes dans une localité de la ville de Sardasht proche de la frontière avec le Kurdistan irakien. Les autorités iraniennes ont imputé cette explosion à PEJAK, apparu il y a environ deux ans, un groupe peu connu qui serait lié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Huit soldats iraniens et deux civils ont été tués dans des affrontements ces derniers mois dans le Kurdistan iranien, selon les autorités iraniennes. Le 15 août, le chef de la police, le général Esmail Ahmadi-Moghaddam, avait déclaré que quatre policiers avaient été pris en otage dans l’Azerbaïdjan occidental par le PEJAK.

Au Kurdistan irakien, plus de 400 personnes se sont rassemblées, le 6 août, dans le centre de la ville à Souleymanieh, brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: « Nous condamnons le crime qui s'est soldé par la mort d'innocents dans le Kurdistan iranien » et « Mort à la République islamique d'Iran ». Les manifestants ont scandé des slogans de soutien à leurs frères d'Iran. Les organisateurs du rassemblement ont affirmé avoir demandé une autorisation il y a quelques jours aux services de l'ordre pour se diriger vers le bureau de l'ONU à Souleimanieh, mais elle leur a été refusée. « Nous appelons à la libération de tous les prisonniers politiques et à la fin de l'état d'urgence dans le Kurdistan iranien », a affirmé Mostafa Fatih, un Kurde iranien réfugié en Irak. « Nous appelons aussi les groupes de défense des droits de l'Homme et les organisations internationales à exiger l'arrêt des arrestations et de l'oppression des Kurdes aux mains des autorités iraniennes », a-t-il ajouté.

L'Iran a ouvertement accusé le 14 août les Etats-Unis et la Grande-Bretagne d'être les instigateurs des troubles dans le Kurdistan iranien mais également dans la province de Khouzistan à forte majorité arabe. Les autorités iraniennes ont mis en cause en vrac, des séparatistes arabes, les Moudjahidine du peuple (groupe d'opposition en exil combattant le régime islamique par les armes) soutenus par les Américains ou des baassistes fidèles à Saddam Hussein.

SYRIE : 47 KURDES ARRÊTÉS, TROIS AUTRES CONDAMNÉS PAR LES AUTORITÉS SYRIENNES

Au moins 47 Kurdes syriens ont été interpellés le 15 août à Serê Kaniyê (Aïn al Arab), 560 km au nord-est de Damas, après des heurts avec la police syrienne, selon un communiqué du Parti démocratique progressiste kurde de Syrie. Les Kurdes protestaient contre le refus des autorités syriennes de les autoriser à célébrer le 25ème anniversaire de la création de l'Union démocratique du Kurdistan, une formation kurde non reconnue en Syrie. Des voitures ont été endommagées lors de ces troubles alors que des manifestants ont lancé des pierres en direction des forces de police qui ont répliqué par des gaz lacrymogènes, selon l'Organisation arabe des droits de l'Homme (OADH).

Par ailleurs, la Cour de sûreté de l'Etat, un tribunal d'exception, a condamné le 28 août trois Kurdes, Moustapha Hanif Khalil, Abdel Karim Alo, Mohammad Naamane Mohammad Hanane, membres du Parti de l'Union démocratique, à des peines de deux ans et demi de prison pour appartenance à « une organisation secrète ». « C'est l'accusation habituelle portée contre tout Kurde qui comparaît devant ce tribunal. Elle est sans fondement car les Kurdes réclament une solution à leur problème dans le cadre de l'unité territoriale de la Syrie », a déclaré leur avocat Fayçal Badr. L'avocat a qualifié d' « anticonstitutionnels » les verdicts de la Cour de sûreté de l'Etat créée en vertu de la loi d'urgence.

En juin, plus de 60 Kurdes avaient été arrêtés lors de manifestations à la suite de l'assassinat de cheikh Mohammad Maachouk Khaznaoui. Le religieux kurde était vice-président du Centre d'études islamiques à Damas et bénéficiait d'une grande popularité, y compris en dehors de sa communauté. Selon le porte-parole de l'Association arabe des droits de l'Homme, Amar Korbi, les 60 personnes ont été le 3 août libérées de la prison centrale de Hassaké.

Estimés à environ deux millions de personnes, les Kurdes de Syrie représentent environ 9% de la population du pays. Quelques 300 000 Kurdes demeurent sans papier, les autorités syriennes leur refusant la citoyenneté.

LE COÛT HUMAIN ET FINANCIER DE LA GUERRE EN IRAK AUGMENTE POUR LES AMÉRICAINS

Le nombre de soldats américains ayant péri en Irak a atteint en août un niveau inégalé depuis janvier, et des responsables américains prédisent une escalade des violences à l'approche du référendum sur la Constitution prévu à la mi-octobre. Au moins 84 soldats américains ont été tués en Irak en août, selon un bilan établi par l'armée.

Depuis l'intervention en Irak, en mars 2003, l'armée y a dénombré 1.879 décès dans ses rangs, a fait savoir le 31 août le Pentagone, qui évoque en outre le chiffre de 14.265 blessés. Le colonel Steve Boylan, porte-parole de l'armée à Bagdad, attribue cette hausse du nombre de décès chez les militaires aux opérations de grande envergure menées récemment contre les insurgés. Le seul mois où l'armée a essuyé plus de pertes dans ses rangs cette année fut janvier, où 107 soldats ont trouvé la mort à l'approche des élections législatives du 30. Depuis le début de la guerre, il y a près de deux ans et demi, le bilan moyen des pertes essuyées par les forces américaines est de 2,1 morts par jour. A ce rythme, le bilan atteindra en tout 2.000 morts fin octobre.

Ces chiffres demeurent bien en deçà des pertes essuyées lors de la guerre du Vietnam, où les Etats-Unis ont perdu 58.000 soldats. Mais ils sont également largement inférieurs au nombre de décès de civils irakiens pendant cette même période. Les Etats-Unis disposent d'environ 140.000 soldats en Irak. Le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld a fait savoir que le Pentagone ordonnerait certainement un accroissement temporaire des effectifs militaires dans ce pays pour renforcer la sécurité à l'approche du référendum.

Par ailleurs, le coût moyen par mois de la guerre en Irak serait désormais supérieur à celui du conflit des années 1960 et 1970 au Vietnam, à en croire le rapport, intitulé « Le bourbier irakien », réalisé par l'Institute for Policy Studies et le Foreign Policy in Focus, deux organisations opposées à la guerre. D'après elles, le coût des opérations militaires en Irak s'élève à 5,6 milliards de dollars par mois, soit l'équivalent de quelque 186 millions de dollars par jour. « Par comparaison, le coût moyen des opérations américaines au Vietnam pendant les huit années de la guerre était de 5,1 milliards de dollars par mois, en tenant compte de l'inflation », peut-on lire dans ce rapport. En revanche, la guerre du Vietnam était plus coûteuse par rapport au produit intérieur brut puisqu'elle représentait 12% du PIB annuel, contre 2% pour le conflit irakien. Toutefois, des économistes soulignent que la guerre en Irak est financée par le déficit, ce qui pourrait faire doubler sur les dix prochaines années le déficit du budget fédéral. Le Congrès américain a voté quatre projets de loi de financement de la guerre en Irak pour un montant total qui s'élève à présent à 204,4 milliards de dollars. Il devrait bientôt approuver un nouveau déblocage de fonds de 45,3 milliards de dollars. « Si l'on ramène le coût de la guerre par habitant des Etats-Unis, cela revient à 727 dollars par personne, ce qui en fait l'effort de guerre le plus coûteux des 60 dernières années », écrivent les auteurs Phyllis Bennis et Erik Leaver.

D’autre part, d’après des documents récemment publiés, le département d'Etat américain avait averti, dès avant l'offensive alliée sur l'Irak en 2003, le Commandement central de l'armée des « sérieuses lacunes dans la planification » de la sécurité après la guerre. Dans une note datée du 7 février 2003, un mois avant le début de la guerre, des responsables du Département d'Etat faisaient état de « sérieuses lacunes dans la planification de la sécurité civile après la guerre, et de l'assistance humanitaire entre la fin de la guerre et le début de la reconstruction ». « Un échec à aborder les problèmes de sécurité civile à court terme et d'assistance humanitaire pourraient aboutir à de graves violations des droits de l'homme, qui saperaient une campagne militaire autrement promise au succès, ainsi que notre réputation internationale », prévient le document. Cette note a été acquise par les Archives de la sécurité nationale de l'Université George Washington, et a été publiée le 17 août sur le site Internet du groupe de recherche. Elle a été écrite par trois chefs de bureau du Département d'Etat à l'intention de la sous-secrétaire Paula Dobriansky, mais également communiquée aux autorités militaires.

NEW-YORK: LA COMMISSION INDÉPENDANTE « PETROLE CONTRE NOURRITURE » AFFIRME QU’IL Y A EU CORRUPTION DANS LA GESTION DE L’ONU

La commission indépendante qui enquête sur le scandale « pétrole contre nourriture » a, le 8 août, affirmé qu’il y a bien eu corruption dans la gestion par l'ONU de son programme en Irak, son ancien directeur, Benon Sevan, en ayant « tiré de manière corrompue un bénéfice financier ». Dans son troisième rapport d'étape, la commission, dirigée par l'ex-président de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, indique que M. Sevan a bénéficié, pour un montant de 147.184 dollars, des allocations de pétrole accordées, à sa propre demande, à la compagnie African Middle East Petroleum (Amep), dirigée par l'Egyptien Fakhry Abdelnour, un cousin de l'ancien secrétaire général des Nations unies, Boutros Boutros-Ghali. Dans ces transactions, un ami de M. Sevan, Efraim Nadler, a joué un rôle d'intermédiaire.

Le rapport retrace le cheminement, entre fin 1998 et fin 2001, de sommes d'argent tirées des ventes d'environ 7,3 millions de barils de pétrole irakien par l'Amep, d'abord vers un compte bancaire à Genève contrôlé par M. Nadler, puis vers un compte appartenant à M. Sevan à New York.

C'est la première fois que M. Sevan, un Chypriote âgé de 67 ans, est directement accusé de corruption. Il a nié les accusations portées à son encontre. Un premier rapport d'étape de la commission d'enquête, en février dernier, avait accusé M. Sevan d'avoir enfreint les règles de l'Onu en intervenant indûment en faveur de l'Amep dans le processus d'attribution des contrats. Mais à l'époque, la commission n'avait pas établi s'il s'était personnellement enrichi. M. Sevan, qui a dirigé le programme « pétrole contre nourriture » d'une valeur de 64 milliards de dollars pendant toute son existence de 1996 à 2003, avait démissionné le 7 août de l'Onu et accusé M. Annan de l'avoir « sacrifié », selon son avocat, Eric Lewis. M. Sevan a quitté New York pour Chypre en juin, ce qui lui vaut d'être également accusé par la commission de non-coopération à l'enquête. Un procureur de Manhattan a ouvert une enquête criminelle à son encontre en juillet.

Par ailleurs, le rapport de la commission accuse de corruption un autre ex-employé de l'Onu, le Russe Alexander Yakovlev, qui a démissionné en juin. Selon le document, M. Yakovlev, qui travaillait au département des achats de l'Onu, a sollicité en 1996 un pot-de-vin, avec l'aide d'un Français nommé Yves Pintore, de la part de la Société générale de surveillance (SGS), une compagnie française qui était en lice pour obtenir un contrat de contrôle du pétrole exporté par l'Irak dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture ». La commission Volcker indique n'avoir aucune preuve que la SGS avait payé ce pot-de-vin, en principe destiné à lui faire gagner le contrat. La SGS n'avait pas obtenu ce contrat, qui avait été remporté par la firme Saybolt Eastern Hemisphere. Alexander Yakovlev a plaidé coupable le 8 août devant la justice américaine, selon laquelle il aurait reçu « au moins des centaines de milliers de dollars » de firmes souhaitant obtenir des contrats avec l'Onu.

Enfin, M. Volcker a indiqué à la presse que l'enquête se poursuivait concernant M. Annan. Dans son deuxième rapport d'étape, fin mars, la commission avait relevé que d'après les éléments à sa disposition, il n'y avait pas eu trafic d'influence de M. Annan dans l'attribution de contrats de l'Onu en Irak à la société suisse Cotecna, qui employait son fils Kojo. M. Annan, qui a toujours affirmé qu'il ignorait que la Cotecna était candidate à un contrat, s'était estimé exonéré dans le scandale. M. Volcker a évoqué la découverte en juin d'un courriel « soulevant de nouvelles questions sur ce que savait le secrétaire général ». Dans ce courriel de décembre 1998, le vice-président de la Cotecna, Michael Wilson, évoquait une rencontre avec M. Annan fin novembre 1998 à Paris et assurait avoir alors reçu la garantie de pouvoir « compter sur le soutien » de M. Annan et son entourage. L'Onu avait à l'époque affirmé n'avoir trouvé aucune trace d'une telle rencontre dans les archives relatives à ce voyage à Paris de M. Annan et ce dernier avait dit n'en avoir aucun souvenir. Peu après, M. Wilson était lui-même revenu sur ses affirmations.

Le programme « pétrole contre nourriture » avait permis à Bagdad de vendre sous contrôle des quantités limitées de pétrole et d'acheter en échange des biens pour sa population, alors que le pays était soumis à un embargo international. Mais le gouvernement irakien avait perverti le système et plusieurs milliards de dollars avaient été détournés. Le scandale est une sérieuse source d'embarras pour l'Onu. De nombreux critiques de l'Organisation, notamment aux Etats-Unis, ont réclamé la démission de M. Annan. Celui-ci a affirmé à plusieurs reprises qu'il ne démissionnerait pas.

Par ailleurs, Kofi Annan a recommandé, dans une lettre adressée au Conseil de sécurité, de prolonger de 12 mois la mission de l'ONU en Irak. Actuellement, 260 civils et militaires travaillent en Irak pour cette mission, dont le mandat expire le 12 août. Il est presque certain que le Conseil de sécurité sera d'accord avec cette recommandation. Dans la lettre, datée du 4 août, Kofi Annan explique que la mission a étendu son travail au-delà de Bagdad depuis août 2004, malgré « d'importantes contraintes opérationnelles et sécuritaires ». Il souhaite augmenter le personnel de la mission, avec l'ouverture de nouvelles structures d'accueil à Bassorah et à Erbil.

D’autre part, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté le 4 août à l'unanimité une résolution condamnant fermement les récents attentats en Irak, y compris le meurtre de diplomates étrangers. Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à l'Onu, John Bolton, qui siégeait pour la première fois au Conseil, a saisi cette occasion pour souligner que la résolution démontrait « un large soutien international au gouvernement irakien » et pour appeler la Syrie et l'Iran à honorer leurs promesses d'oeuvrer pour assurer la stabilité de l'Irak. La résolution adoptée « condamne sans réserve et dans les termes les plus fermes les attentats qui ont lieu en Irak » et précise que de tels actes sont « une menace à la paix et la sécurité ». Elle appelle la communauté internationale à « soutenir pleinement le gouvernement irakien dans l'exercice de ses responsabilités de protection de la communauté diplomatique, du personnel des Nations unies et des ressortissants étrangers travaillant en Irak ». Au nom de la France, Michel Duclos, numéro deux de la mission française à l'Onu, a indiqué que Paris apportait « son plein soutien » à ce texte. Mais, a-t-il ajouté, « la France souhaite aussi rappeler sa conviction que seule une solution politique est de nature à rendre à l'Irak des perspectives de paix et de stabilité ». « Cette solution politique doit être fondée sur la réconciliation nationale, le rejet de toute forme d'exclusion ou de discrimination et sur l'association de tous les Irakiens à la transition », a-t-il indiqué.

CINEMA : LE CINÉASTE KURDE BAHMAN GHOBADI REMPORTE LE PRIX HASSAN II DU FESTIVAL INTERNATIONAL DU RABAT

Le long métrage kurde « les tortues volent aussi » réalisé par Bahman Ghobadi a remporté le 1er août le prix Hassan II de la 11-ème édition du festival international de Rabat pour la culture et les arts. Le jury du prix a également consacré les interprètes de ce film en langue kurde qui a fait l'ouverture de la compétition officielle du prix Hassan II de cinéma, en leur attribuant une mention spéciale en reconnaissance de leur excellent jeu.

« Les tortues volent aussi » retrace les péripéties de la guerre, ses répercussions sur l'évolution normale des enfants et des adolescents ainsi que les privations qui découlent de cette situation tragique. Le film se passe dans un village du Kurdistan irakien, à la frontière de l'Iran et la Turquie. Les habitants cherchent activement une antenne parabolique pour capter des nouvelles par satellite, car ils sont à la veille de l'attaque des Américains en Irak. Un garçon mutilé, venant d'un autre village, accompagné de sa petite soeur et son enfant, en fait la prédiction. Le long métrage met en scène un Kurdistan irakien que Bahman Ghobadi avait déjà filmée de façon impressionnante dans « Un temps pour l'ivresse des chevaux » et « Les chants du pays de ma mère ».

LU DANS LA PRESSE TURQUE : « LE PROBLÈME KURDE »

Hasan Cemal, journaliste turc respecté et observateur privilégié de la situation politique en Turquie, habitué des arcanes du pouvoir turc, analyse dans ses colonnes du journal Milliyet, la politique kurde d’Ankara en revenant sur les récentes déclarations du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Lors de son voyage à Diyarbakir, M. Erdogan a parlé pour la première fois du « problème kurde » en Turquie et reconnaissait les erreurs de l’Etat. Voici de larges extraits de cette analyse publiée du 23 au 28 août sous le titre de « problème kurde » :

« Qu’a dit le Premier ministre ? Il a parlé de la question kurde. Il ouvertement donné au problème son nom, devenant ainsi le premier Premier ministre à parler du problème kurde sans contorsion et sans langue de bois. Il a fait la différence avec les hommes d’Etat qui jusqu’ici affirmaient « il n’y a pas de problème kurde mais un problème de terreur » ou encore à l’instar d’Ecevit (ancien Premier ministre turc) « il n’y a pas de problème kurde mais un problème du Sud-est ».

Il a ensuite annoncé que « la question kurde sera résolue avec plus de démocratie, plus de citoyenneté et plus de prospérité »

Et puis, il a indiqué que « l’Etat a également commis des erreurs dans le passé ». « Ne pas reconnaître les erreurs du passé n’est pas digne des grands Etats. Les grands Etats avancent vers l’avenir à la lumière de leurs péchés. Il ne faut pas hypothéquer l’avenir sur les actions du passé ». Cette affirmation est également une première et une première très importante…Jusqu’ici, on n’hésitait pas à affirmer que l’Etat était blanc comme neige et pendant des années on justifiait les actions par « la nécessaire lutte contre la terreur ». Ce n’était nullement convainquant mais largement allégué. C’est pourquoi, le fait que le Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, admette des erreurs commises par l’Etat dans le passé, à Diyarbakir, devant les citoyens kurdes de la République de Turquie, est un point à souligner à l’encre noir.

D’autre part, en séparant nettement la question kurde de la terreur, Erdogan se différencie encore une fois de ces prédécesseurs –exception faite et dans une certaine mesure de Turgut Ozal. Tout en condamnant très fermement la terreur et la violence, il a insisté sur le fait qu’il n’y aura « pas de rupture sur la voie de la démocratie » concernant la question kurde…

La politique officielle de l’Etat a placé (la lutte contre) la terreur avant la démocratisation. A chaque fois qu’on évoquait la démocratie, la justice et les droits de l’homme, aux différents Premiers ministres, ils nous répliquaient « c’est impossible, ce sera considéré comme une faveur aux terroristes (…) ».

Le fait de conjuguer la lutte contre la terreur avec des actes en faveur d’un Etat de droit démocratique n’a jamais vraiment été pris en considération- même si Ankara envoyait de temps en temps quelques signaux différents.

En d’autres termes : L’Etat n’a jamais mis en doute de ce qu’il avait appris par cœur. Pendant des années, il a géré la situation en lançant des mensonges en forme de ballon de baudruche dirigés à occuper l’étranger. (…)

En affirmant vouloir lutter contre la terreur tout en poursuivant son action sur la voie de la démocratisation pour résoudre la question kurde, Erdogan a également déclaré que tout cela se fera dans le cadre de l’unité de la République de Turquie, c'est-à-dire un seul Etat, une seule nation et un seul drapeau. (…)

Si la démocratie, la paix et la prospérité doivent se réaliser en Turquie, le Premier ministre Erdogan se doit d’appuyer ses propos par une détermination et une volonté politique. Va-t-il pouvoir le faire ?

(…)

Pourquoi se fâche-t-on contre le Premier ministre Erdogan ? Simplement parce qu’en tant que Premier ministre, il a qualifié le problème kurde sans circonlocution et parce qu’il a reconnu les erreurs passées de l’Etat devant la population concernée…

Selon les contempteurs d’Erdogan, il y a un problème de terreur et non pas un problème kurde en Turquie ; il n’y a donc pas de problème d’identité, mais des problèmes sociaux et d’emploi (…) Évoquer le problème kurde, parler du problème kurde et relever à ce propos des erreurs commises par l’Etat dans le passé, est impardonnable pour ces derniers (…) Vous serez qualifié de traître à la nation…deviendrez-vous séparatiste tout à coup. Vous serez sans « honneur » …

Il vaut mieux s’accrocher à la réalité des choses, puisque le problème kurde se place à la tête des problèmes sérieux de ce pays. Et s’il persiste jusqu’à nos jours, c’est que les erreurs commises par la République de Turquie ont également leur part. Mais quelles erreurs ?

Tu as nié l’existence des Kurdes. Tu as affirmé durant des années « Il n’y a pas de Kurde, il y a des Turcs ! ». Tu as nié l’existence de la langue kurde et interdit son utilisation dans le service public, tu as même été jusqu’à élaborer des lois contre la langue kurde.

Tu as également interdit l’enseignement de la langue kurde, interdit les prénoms kurdes aux nouveaux nés, inscrit des noms turcs dans leur état-civil sous la dictée de la loi, turquisé les noms des villages, hameaux et les lieux d’habitation kurdes.

Pendant de longues années, tu as interdit les chansons kurdes et jamais autorisé la diffusion en langue kurde. Tu as même interdit aux gens de porter leurs couleurs rouge, jaune et vert. On a rapporté des descentes de police dans des fêtes de mariages où les invités arboraient ces couleurs.

En résumé : En tant qu’Etat, tu as considéré que l’identité et la culture kurdes n’existaient pas. Tu l’as nié. Et que s’est-il passé ? Les Kurdes, la langue kurde et l’identité kurde n’ont pas été anéantis. Ils continuent d’exister. Pour comprendre la situation, il n’est pas nécessaire d’être grand clerc. Il suffit de prendre un avion pour Diyarbakir, de discuter avec les commerçants de la ville et de prendre un café avec les citoyens kurdes.

Si tu daignes faire cet effort, tu pourras comprendre ce qu’est un Kurde, la langue kurde, l’identité kurde, les aspirations des citoyens kurdes, bien sûr si tu te mettais à leur place quelques instants. (..)

Depuis la fondation de la République sur ces terres, il y a eu 28 insurrections kurdes plus ou moins importantes. La dernière en date serait donc la vingt-neuvième. (Le 9ème président turc Suleyman Demirel fait la même affirmation). Si tu affirmes ne pas avoir de problème, comment qualifies-tu ce qui se passe sur le territoire ? Si le problème n’existe pas, alors pourquoi tant de larmes et tant de sang? Si le problème n’existe pas, pourquoi avons-nous décrété que la langue, la littérature, les chansons kurdes n’existent pas ? Pourquoi avoir nié l’identité kurde ?

Si tu ne parvenais pas à te poser ces questions, cela voudrait dire que ton cerveau est pris en otage par les clichés…Tu peux continuer à vivre la tête dans le sable comme une autruche. Mais ça ne changera rien ! La question posée est le « problème kurde », la question posée est le « problème de la terreur ».

Pour résoudre le premier de ces problèmes, il faut comme l’a affirmé le Premier ministre Erdogan, plus de démocratie, plus de droit à la citoyenneté, plus de prospérité, c'est-à-dire plus de travail et du social. Pour résoudre le deuxième problème, il faut faire appel à la sécurité avec un corollaire militaire et policier.

(…)

Supposons que nous n’employons plus jamais le mot kurde, que nous ne prononcions pas le mot « kurde », qu’on parle jamais de la langue kurde, des intellectuels kurdes et qu’on n’évoque pas le problème kurde. Supposons que nous fermions tous les cours privés de langue, interdisions à nouveau la musique kurde, effacions partout les couleurs rouge, jaune, vert, mettions fin à toute diffusion, toute publication de la langue kurde, que nous revenions au précédent état légal en emprisonnant pour « séparatisme » toute personne qui parlerait des Kurdes et de la langue kurde (…) Pensez-vous que vous allez être plus tranquille ?

Avez-vous jamais traversé le poste frontière du Habur pour passer au Nord de l’Irak (Kurdistan) ? Je l’ai fait pour la première fois en 1992 et pour la dernière fois en 2003.

En 1992, j’avais fait mon entrée au Kurdistan irakien, selon l’appellation des Kurdes, en passant devant un panneau qui souhaitait la « Bienvenue au Kurdistan » en turc et en anglais. Puis à Erbil, j’ai rencontré le président du Parlement du Kurdistan et le Premier ministre du Kurdistan. Mes articles ont alors été publiés dans le quotidien Sabah.

J’ai fait ensuite plusieurs visites dans la région. J’avais eu l’occasion de suivre brièvement les opérations de notre armée en 1995 dans le nord de l’Irak. Mes dernières visites datent de la chute de Saddam en mai et puis en novembre 2003. Savez-vous que les Kurdes d’Irak disposent de plusieurs universités, à Duhok, à Erbil, et à Suleymanieh ? Ils ont également des écoles primaires, des collèges et des lycées, ils disposent aussi de chaînes de télévision, de radios, de journaux, de revues et de livres. Ils lisent et apprennent leur langue, leur littérature et leur histoire et tout cela juste de l’autre côté de nos frontières. Si aujourd’hui je me mettais à édicter des lois prohibitives sur tout, à quoi cela pourra-t-il servir ?

Penses-tu pouvoir empêcher nos Kurdes de regarder les chaînes kurdes diffusées de l’autre côté de la frontière sans avoir recours aux paraboles ? Peux-tu éviter le passage des journaux, des revues, des livres qui peuvent être livrés en un pas ? Peux-tu les empêcher d’écouter leur musique en kurde ? Peux-tu les empêcher d’apprendre leur langue, leur histoire et leur littérature au moyen de la télévision ou de l’Internet ? Tu ne peux rien contre tout cela. D’ailleurs, tu n’avais rien pu faire dans le passé.

Sais-tu qu’on assiste petit à petit au Sud-est (Kurdistan turc) à une immigration en matière éducative et d’emploi vers le nord de l’Irak (Kurdistan irakien) ? Certains jeunes kurdes, même si le nombre reste encore faible, partent au nord de l’Irak (Kurdistan irakien) pour bénéficier de l’enseignement en kurde. On m’a même rapporté que quelques-uns s’étaient inscrits à l’académie militaire…Et certains hommes d’affaires kurdes se rendent au nord de l’Irak (Kurdistan irakien) serviette sous le bras, essayant de faire des affaires (…)

De toute manière, lorsque tu as interdit tout cela, tu n’as pas récolté ce que tu espérais. A Diyarbakir ou à Istanbul, on continuait à vendre sous le manteau des livres d’histoire et de littérature en kurde, à l’aide d’une parabole on pouvait également regarder les chaînes kurdes.

En France, en Suède, en Hollande, en Allemagne, en Russie, aux Etats-Unis, en Arménie, dans tous ces pays, des instituts kurdes avaient pu promouvoir l’identité kurde. Le nationalisme kurde a été sous les projecteurs depuis le début du siècle dernier.

A chaque fois qu’en Turquie nous avons opposé un refus, à chaque interdit, ces organisations à l’étranger ont pendant des années fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faire la promotion (des Kurdes) pour des raisons académique, humanitaire ou encore politique, et continuent de le faire.

Depuis un certain temps, les Kurdes et la question kurde ont pris place sur la scène internationale que ce soit aux Nations Unies, au Conseil de l’Europe, à la Cour européenne des Droits de l’Homme, aux Etats-Unis ou encore dans l’agenda de l’Union européenne. La question kurde va continuer à occuper une place dans l’agenda de différents Etats et des organisations internationales…

En somme : Une politique prohibitive ou anti-démocratique n’a aboutit à aucune solution. C’est d’ailleurs invraisemblable qu’elle soit menée encore aujourd’hui. Ceux qui préconisent une politique de la matraque dans la conjoncture actuelle tant à l’intérieur qu’à l’étranger, devraient rapidement abandonner cette idée … Cela mettrait la Turquie dans un beau pétrin. Elle deviendra instable, la paix civile, l’harmonie, l’économie et bien d’autres choses iront en se dégradant.

La Turquie est sur la bonne voie aujourd’hui. Elle agira dans le cadre de la démocratie car elle se doit de le faire. La Turquie évoluera sur le chemin de l’Europe car elle se doit de le faire.

(…)

C’était en 1991, durant la première semaine du mois d’avril à Diyarbakir. Nous étions quatre journalistes à discuter avec le Premier ministre de l’époque, Suleyman Demirel, dans le salon des convives au dernier étage de la maison de la culture qui héberge également le Théâtre de l’Etat.

La coalition entre le parti de la Juste Voie (DYP-droite) et le parti socio-démocrate du peuple (SHP-centre gauche) venait de s’installer. Demirel et Inönü (respectivement leaders du DYP et du SHP) avaient effectué leur première visite nationale à Diyarbakir. Demirel déclare : « Nous allons élaborer une nouvelle Constitution conforme aux Droits de l’homme et à la Charte de Paris ». Et puis, il se lance dans une déclaration explosive : « On ne peut pas s’opposer à l’identité kurde. Nous devons reconnaître la réalité kurde ». Le Premier ministre fait cette déclaration pour qu’elle soit rapportée par la presse… Le lendemain, accompagné d’Erdal Inönü, il réitère ses propos du haut de la tribune tout spécialement dressée …

Un vent de bonnes intentions plane. Le ministère des Affaires étrangères et le service du protocole traduisent en anglais les parties du programme du gouvernement relatives à la démocratisation sous le titre de : « La réalité kurde » et l’envoient à Bruxelles, aux capitales de l’Union européenne et le distribuent au Conseil de l’Europe. Quelques mois après, je couvrais la visite du ministre turc des affaires étrangères, Hitmet Cetin, au Conseil de l’Europe à Strasbourg. L’atmosphère était particulièrement propice, les sourires partout… Mais il n’y avait rien au bout !

Les déclarations restent couchées sur le papier. Il n’y a pas de nouvelle Constitution conforme aux Droits de l’homme et à la Charte de Paris. Demirel ne répétera plus « réalité kurde ». Les espoirs s’effondrent, à l’intérieur comme à l’étranger.

Je m’étais demandé à l’époque : Est-ce que la déclaration du Premier ministre concernant la réalité kurde fait partie de la « politique des mensonges gris » pratiquée par notre Etat lorsqu’il se trouve en mauvaise posture ou encore pour gagner du temps ?

Je sais qu’Ankara recours parfois à cette politique tout particulièrement lorsqu’il s’agit du problème kurde. C’est pourquoi je ne peux m’empêcher de me demander si la dernière sortie du Premier ministre, Erdogan, sur le problème kurde ne fait pas partie d’une telle politique ? Je ne le pense pas. Le gouvernement d’Erdogan a fait preuve d’un courage politique comme jamais aucun parti politique ne l’a fait jusqu’ici. C’est pourquoi je pense probable qu’il poursuivra sa volonté politique (..) car le problème contient visiblement des aspects internationaux.

Je veux dire ceci : Plus de démocratie, plus de citoyenneté, plus de prospérité, c'est-à-dire plus de social et d’emploi, tout cela peut ne pas mettre un terme définitivement au problème, au problème kurde. Le terreur et la violence pourraient continuer à exister même en remportant des batailles et même en les marginalisant (…)

Pour illustrer cela, on peut prendre comme exemple le problème basque en Espagne. Si tu parles de la démocratie, la démocratie est là, le droit de la citoyenneté, ce droit est là, pour ce qui est de la prospérité, on parle de près de 20 000 dollars de revenu national par personne…Mais le problème basque perdure. Il y a encore des gens qui demandent l’indépendance et l’ETA a toujours recours à des actions violentes. Partant de l’exemple basque, certains chez nous s’opposent à la démocratisation et au droit en ce qui concerne la question kurde. Cette attitude mène à l’impasse ! (…)

L’Espagne a pu sortir de l’impasse parce que justement elle n’a pas failli à l’exigence démocratique concernant le problème basque et a enregistré des progrès en matière économique et politique parce qu’elle a poursuivi la route de l’Europe. La Turquie doit emprunter le même chemin.

(…)

Une des personnalités politiques en vue de Diyarbakir, m’a déclaré au téléphone hier matin : « Je suis kurde mais en tant que kurde je ne peux vivre sans Istanbul et Izmir. Ce que je désire par-dessus tout, en tant que Kurde, est que l’on tienne compte de moi en tant qu’individu, que l’Etat me considère en tant que citoyen … Le jour où l’on réussira cela, je vous assure que beaucoup de choses vont changer » (…)

Un autre me demande : « Pourquoi le festival de la culture et de l’art de Tunceli, programmé chaque année, a-t-il été annulé cette année ? Pourtant ce festival avait eu lieu durant les deux dernières années de l’état d’urgence … ». « Est-ce que tu connais les Yerel Gundem 21 (Agendas locaux 21) ? Ce sont des assemblées municipales consultatives, fondées par la loi, rassemblant aussi bien des élus que des commis nommés par l’Etat. Des préfets, des maires d’agglomération, de petites villes, des directeurs de dispensaires, des dirigeants de la société civile se réunissent à des intervalles réguliers pour discuter des problèmes de leur province et ils remettent au préfet ou au maire des propositions sous forme de rapport. Ces Agendas locaux ont eu des succès notables à Bursa ou encore à Antalya » (…) « Mais ça ne fonctionne pas à Diyarbakir car la préfecture ne participe pas aux réunions. L’adjoint au préfet a assisté une ou deux fois et c’est tout…Pourquoi est-ce que les représentants de l’Etat n’arrivent pas à se réunir avec les représentants du peuple ? (…) Que peut penser la rue de cette situation ? L’Etat ne prendrait-il pas en considération les hommes qui ont été élus par nous ? » (…)

Un Premier ministre qui sortirait renforcé du rendez-vous du 3 octobre fixé par l’Union européenne devrait pouvoir faire d’avantage pour résoudre le problème kurde, dit-on (…) »

AINSI QUE…

TURQUIE-UE : ANKARA REFUSE DE RECONNAITRE NICOSIE ET FAIT MONTER LE TON.


La Turquie a, le 4 août, répété son refus catégorique de reconnaître Chypre avant le début de ses négociations d'adhésion à l'Union européenne et elle s'est dite « attristée » par cette « nouvelle condition » posée par la France. Réagissant pour la première fois en public aux propos du Premier ministre français Dominique de Villepin, qui a, le 2 août, jugé « inconcevable » l'ouverture de négociations sans une reconnaissance formelle de Chypre par Ankara, son homologue turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré: « Nous sommes attristés par les déclarations du Premier ministre français et du président (Jacques) Chirac. » « Il est hors de question pour nous de discuter ou d'envisager toute nouvelle condition en vue du 3 octobre », a-t-il ajouté, en se référant à la date prévue pour le début des négociations entre la Turquie et l'UE.

Ankara, qui ne reconnaît que la partie turque de l'île méditerranéenne, a signé le 29 juillet le protocole élargissant son union douanière aux dix nouveaux Etats membres de l'UE, dont Chypre, dernière condition posée par le Conseil européen, en décembre dernier, à l'ouverture des pourparlers. Mais la Turquie a immédiatement souligné dans une déclaration que la signature du protocole n'avait pas valeur à ses yeux de reconnaissance officielle du gouvernement de Nicosie. Pour la Turquie, une telle reconnaissance ne peut intervenir qu'à la suite d'un règlement définitif de la question chypriote dans le cadre des efforts entrepris sous médiation de l'Onu. Sur ce point, Ankara estime avoir rempli son contrat en incitant les Chypriotes turcs à accepter par référendum le plan de paix proposé par les Nations unies, lequel a cependant été rejeté par les Chypriotes grecs lors d'une consultation simultanée en 2004. Chypre est divisée en deux depuis l'intervention de l'armée turque en 1974 à la suite d'un coup d'Etat de Chypriotes grecs soutenus par la junte militaire alors au pouvoir à Athènes.

La question chypriote est extrêmement sensible en Turquie, et nombreux sont les spécialistes qui affirment qu'Ankara pourrait renoncer à ses très vieilles ambitions européennes si l'Union revenait sur ses engagements et exigeait la reconnaissance immédiate du gouvernement chypriote grec. La récente démission de Murat Sungar, le principal diplomate turc chargé de l'UE, pourrait augurer un infléchissement de la position du gouvernement, qui tendrait à préparer l'opinion à un report de l'ouverture de ces négociations.

Le commissaire européen à l'Elargissement, Olli Rehn, s'est déclaré le 9 août « raisonnablement confiant » pour que les négociations d'adhésion débutent comme prévu le 3 octobre. De fait, les dirigeants de l'UE n'ont jamais posé la reconnaissance de Chypre comme un préalable aux négociations avec la Turquie, mais comme une évolution naturelle à attendre en marge de celles-ci. Les ministres ne devraient donc guère s'écarter de cette ligne. L'Union européenne a indiqué le 31 août qu'elle allait toutefois répliquer au refus de la Turquie de reconnaître Chypre et Nicosie a menacé de s'opposer à l'ouverture des pourparlers d'adhésion d'Ankara à l'Union si la réponse de Bruxelles ne le satisfait pas.

STRASBOURG : LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME JUGE QUE LA RESPONSABILITÉ DE LA TURQUIE EST ENGAGÉE DANS LA DISPARITION DES DEUX CADRES D’UN PARTI PRO-KURDE À SILOPI.


La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a, le 2 août, condamné la Turquie pour violation du droit à la vie après la disparition en 2001 de deux responsables du parti démocratique du peuple (HADEP- parti pro-kurde dissous en mars 2003 par la Cour constitutionnelle pour « liens organiques » avec le PKK). La Cour a jugé que la disparition restée inexpliquée des deux hommes et l'absence d'enquête constituait des violations de l'article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle a également estimé que l'angoisse éprouvée par leurs proches, restés depuis dans l'ignorance sur leur sort, était contraire à l'article 3 interdisant les traitements inhumains ou dégradants.

Serdar Tanis et Ebubekir Deniz, qui étaient respectivement président et secrétaire du HADEP de Silopi (province de Sirnak) avaient disparu le 25 janvier 2001. Selon leurs proches, ils avaient reçu des menaces de mort de la part du commandement de la gendarmerie de Silopi et du régiment de la gendarmerie de Sirnak en raison de leurs activités politiques. Ils s'étaient rendus à la gendarmerie dont ils n'étaient jamais revenus.

La Cour a estimé que « la responsabilité de la Turquie était engagée dans la disparition des intéressés » en raison du contexte des disparitions et du fait que « quatre ans plus tard l'on continue d'ignorer leur sort », mais aussi de « l'absence d'enquête sérieuse et d'explication plausible des autorités sur ce qui s'est passé ». Elle a accordé à chacun des quatre requérants 20.000 euros pour dommage moral et des sommes allant jusqu'à 40.000 euros aux épouses et à la compagne des deux disparus.

DES COUPABLES INTEGRISTES DU MASSACRE D’INTELLETUELS ALEVIS À SIVAS EN 1993 COULENT DES JOURS HEUREUX EN TOUTE IMPUNITÉ.


La presse turque a retrouvé les traces d’un Turc, condamné par la justice de son pays pour le massacre à caractère intégriste commis à Sivas en 1993, l’un des plus graves crimes à caractère fondamentaliste commis en Turquie dans l’histoire récente. Muhammed Nuh Kilic, qui vit en Allemagne depuis plusieurs années, avait été condamné par la justice turque à près de huit ans de prison pour son implication dans le massacre de 37 intellectuels, de confession alevie, brûlés vifs le 2 juillet 1993 dans un hôtel de Sivas par des intégristes islamistes. Le feu avait été allumé par la foule, encouragée par des intégristes, pour protester contre les propos d'un écrivain satirique, Aziz Nesin, qui avait mis en doute l'originalité du Coran au cours d'un débat dans le cadre du Festival Pir Sultan Abdal, un poète alévi, organisé pour l'anniversaire de sa mort, au 16e siècle. Au terme d'un marathon légal qui a duré plus de sept ans, 31 personnes ont été condamnées à mort pour leur participation à l'attaque mais certains restent officiellement introuvables par la justice turque.

Le ministère turc de la Justice, a, le 18 août, annoncé que la Turquie cherchait à obtenir d'Allemagne son extradition, bien qu’il ne soit jamais inquiété par les autorités turques, obtenant même le renouvellement de son passeport auprès du consulat de son pays en Allemagne. « La traduction des documents nécessaires pour l'extradition de Muhammed Nuh Kilic est en cours et ceux-ci seront envoyés au pays concerné par voie diplomatique », a précisé un communiqué du ministère turc. La Cour fédérale de justice de Karlsruhe a cependant refusé de placer l'homme en état d'arrestation provisoire, demandant les documents relatifs à sa demande d'extradition.

LE FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL APPELLE L’IRAK À SE DOTER RAPIDEMENT D’UNE CONSTITUTION.




Le Fonds monétaire international (FMI), qui a publié le 16 août son premier rapport sur l'Irak en 25 ans, a appelé les responsables politiques irakiens à se doter d'une Constitution pour faire face aux « colossaux » défis économiques du pays. « L'Irak continue de faire face à des risques et des défis colossaux dans la reconstruction de son économie », souligne le Fonds dans son rapport sur l'économie du pays (Chapitre 4).

Lorenzo Perez, le chef de la dernière mission du FMI à Bagdad, a de son côté souligné « l'effet très important et très positif pour l'Irak » qu'aurait un accord sur la Constitution. « L'approbation de la Constitution (serait) une étape importante pour le processus de développement politique et économique de l'Irak », a estimé M. Perez, l'un des co-auteurs du rapport du FMI, lors d'une conférence de presse. Plusieurs points essentiels, tels que la répartition des richesses provenant du pétrole, risquent d'être difficile à résoudre. « Mais dans l'ensemble cela aurait un effet positif sur le climat économique », a-t-il assuré.

Dans son rapport, le FMI souligne que « le rythme de la reconstruction et de la reprise dépendra dans une large mesure de l'évolution de la situation politique et sécuritaire ». « L'économie reste fragile, et il y aura beaucoup de travail à faire pour transformer l'Irak en économie de marché, fermement engagée sur la voie d'une croissance durable », ajoute le document. Il appelle les autorités à « mettre en place les réformes structurelles les plus urgentes », notamment à instaurer un cadre budgétaire « visant à donner la priorité à l'utilisation des ressources disponibles ».

Tout en reconnaissant « le contexte politique et social difficile », le FMI souligne que l'un des grands défis est d' « éliminer les distorsions des prix », notamment en éliminant « aussi vite que possible les importantes subventions gouvernementales sur les produits pétroliers ». « Le niveau de subventions en Irak est probablement le plus élevé du monde », a souligné M. Perez, tout en en reconnaissant que les Irakiens souffriraient à court terme d'une hausse des prix. « Il faut ajuster les prix graduellement, en s'assurant que dans le même temps le filet de sécurité se renforce pour protéger les pauvres, et expliquer aux gens pourquoi tout cela a lieu », a-t-il ajouté. « C'est vraiment un arbitrage entre subventionner le pétrole ou avoir plus d'argent pour les hôpitaux et les écoles », selon M. Perez.

Le rapport souligne également « la nécessité d'arriver à un accord sur le refinancement de la dette » avec les créditeurs privés et hors du Club de Paris qui soit « comparable à celui trouvé l'an dernier avec les créditeurs du Club de Paris ».

Les responsables du FMI ont « pris note » du désir des autorités irakiennes de parvenir à un accord de stand-by d'ici la fin de l'année 2005. Cela « aiderait à soutenir un cadre macro-économique sain pour la poursuite de la reconstruction et de la reprise irakienne », selon le document. Mais les autorités irakiennes doivent d'abord travailler à « relancer les réformes structurelles et les mesures destinées à améliorer la bonne gouvernance et le fonctionnement administratif et institutionnel du pays », souligne le rapport.