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Bulletin N° 215 | Février 2003

 

LEYLA ZANA ET SES TROIS COLLÈGUES SERONT REJUGÉS PAR LA COUR DE SÛRETÉ DE L’ÉTAT

La Cour de sûreté de l'Etat d'Ankara a, le 28 février, décidé que Leyla Zana, lauréate 1995 du Prix Sakharov du Parlement européen, et ses trois collègues, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, tous anciens députés kurdes élus au Parlement turc, emprisonnés depuis plus de neuf ans à Ankara, seront rejugés. Les juges ont décidé de donner suite à une demande déposée au début du mois par les avocats des ex-députés rejetant cependant un recours pour leur libération.

La Cour européenne des droits de l'Homme avait jugé leur procès inéquitable et le Conseil de l'Europe a demandé en janvier 2003 à Ankara de réviser leur procès. Le parlement turc, dans le cadre de mesures destinées à favoriser le rapprochement du pays avec l'Union européenne, a récemment adopté une loi autorisant de nouveaux procès pour les prévenus dont les sentences ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l'Homme.

ANKARA VEUT PROFITER DE LA GUERRE EN IRAK POUR ETOUFFER L’AUTONOMIE DU KURDISTAN IRAKIEN

L'armée turque dépêche des troupes à sa frontière avec le Kurdistan irakien tout en affirmant qu'il s'agit de “ mesures de précaution ” qui ne doivent pas être perçues comme une menace contre l'Irak. La Turquie envisage d'envoyer des dizaines de milliers de troupes dans le Kurdistan d'Irak sous couvert de vouloir assurer des missions humanitaires, notamment afin de retenir en territoire irakien un afflux de réfugiés à ses frontières.

Ankara a sonné le 6 février l'heure du ralliement à Washington lorsque le Parlement turc a autorisé des ingénieurs et techniciens militaires américains à travailler dans les ports et aéroports turcs pour les mettre aux normes pour une éventuelle utilisation par les troupes américaines. La Turquie compte permettre à quelque 300 avions américains d'utiliser ses bases en cas d'action militaire contre l'Irak, et s'apprête elle-même à envoyer quelque 80.000 soldats dans le Kurdistan d'Irak, écrit le 8 février le quotidien turc Milliyet. “ Si l'on reste en dehors de l'équation au début de l'opération, on pourrait ne plus en contrôler les développements à la fin ”, explique Recep Tayyip Erdogan, chef de file du parti de la Justice et du Développement (AKP). “ Les forces armées turques ne vont pas se battre en Irak ”, mais leur présence pourrait être nécessaire “ pour prévenir des massacres, des vagues de réfugiés et l'établissement d'un Etat (kurde) indépendant ”, affirmait pour sa part le Premier ministre turc Abdullah Gul.

Toutefois, la presse turque rapporte depuis plusieurs jours que les Etats-Unis sont hostiles à ce que les troupes turques soient dirigées par un commandant turc. Zalmay Khalilzad, le représentant du président américain auprès de l'opposition irakienne, en visite à Ankara au terme d'entretiens sur “ l'après-Saddam ” avec les responsables turcs et plusieurs hauts représentants de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), dont Jalal Talabani, leader de l’UPK et Nechirvan Barzani, Premier ministre du gouvernement régional kurde d’Erbil, a mis, le 7 février, en garde la Turquie contre une intervention militaire unilatérale, affirmant que “ toute action et conflit en Irak doit se faire dans le cadre d'un commandement coalisé ”. M. Erdogan a, le 10 février, répliqué que la Turquie considérera comme une “ insulte ” une éventuelle proposition américaine de commander les troupes turques dans le Kurdistan d’Irak en cas d'une éventuelle intervention militaire contre l'Irak. “ Une telle chose sera une insulte pour le peuple (turc). Nous considérerons une proposition en ce sens comme une insulte ”, a-t-il indiqué. M. Erdogan a souligné que l'armée turque était dotée de l'expérience et des forces nécessaires pour mener des missions dans cette région et a mis l'accent sur la présence militaire turque dans le Kurdistan d'Irak depuis années.

De plus, la Turquie pourrait décider de reporter le vote autorisant des dizaines de milliers de soldats américains à prendre pied en Turquie. Le Parlement turc devait se réunir le 18 février pour voter l'autorisation, mais le ministre turc des affaires étrangères Yasar Yakis a affirmé, le 16 février, qu'il serait “ très difficile ” de respecter cet agenda. “ Il y a des difficultés concernant l'agenda... Nous avons expliqué que nous pourrions ne pas être en mesure de porter la question devant le Parlement dans une période aussi courte ”, a déclaré M. Yakis au cours d'une conférence de presse avec le ministre de l'Economie Ali Babacan. M. Yakis s'est exprimé à son retour de Washington où il avait rencontré le secrétaire d’Etat Colin Powell et d’autres responsables américains. La Turquie et les Etats-Unis ne sont pas parvenus à se mettre d'accord sur l'ampleur de l'aide économique que pourraient apporter les Etats-Unis pour amortir le choc d'un conflit irakien en Turquie, a affirmé, de son côté, M. Ali Babacan.

Les estimations sur le nombre de soldats américains varient de jour en jour, mais la presse turque laisse entendre que 10.000 à 20.000 GIs seraient autorisés à pénétrer en Irak à partir de la Turquie, tandis que le gros des forces américaines attaquerait Bagdad, au sud, depuis la région du Golfe. Selon la presse turque, Ankara souhaite que le nombre de soldats turcs au Kurdistan irakien soit supérieur à celui des soldats américains et qu'en aucun cas les Britanniques –accusés par Ankara d'être pro-kurdes-- ne se déploient dans cette zone.

Pour la Turquie, il faut avant tout éviter que les Kurdes irakiens, largement autonomes depuis qu'ils ont le contrôle de la région ne déclarent leur indépendance ou une quelconque autonomie. Si la Turquie avait occupé le Kurdistan irakien pendant la guerre du Golfe, “ nous n'aurions pas perdu autant de vies humaines et l'organisation terroriste (PKK) n'aurait pas pu s'implanter et se développer ”, affirme M. Gul. Pour rassurer leurs voisins, les dirigeants des deux partis kurdes qui administrent le pays proclament haut et fort leur attachement à un Etat unitaire en Irak. Jalal Talabani, a declaré à Ankara que lorsque “ l'armée américaine nous libérera de la dictature irakienne, il ne sera plus question (pour nous) de faire sécession ”.

Les Kurdes refusent avec véhémence que l'armée turque franchisse la frontière aux côtés des forces américaines et prenne pied durablement dans cette région sensible sous prétexte de guerre contre Saddam Hussein. “ Il n'y a aucune raison pour qu'une armée, turque ou d'un autre pays de la région, vienne ici, il n'en ressortira rien de bon et nous ne l'accepterons pas ”, a mis en garde Sami Abdoul Rahman, vice-Premier ministre du gouvernement régional kurde d’Erbil lors d’une conférence de presse le 12 février. “ Les Turcs n'ont pas l'intention de combattre les Irakiens, ils veulent simplement entrer [au Kurdistan irakien] par la porte de derrière ”, a estimé M. Abdoul Rahman qui rejette l'argument humanitaire : “ S'ils veulent nous aider pour les réfugiés, ils n'ont qu'à nous envoyer des organisations non-gouvernementales ou la Croix-Rouge internationale, mais pas des soldats ”. M. Abdoul Rahman a également ajouté “ les Américains nous ont promis de ne pas nous laisser tomber cette fois ”.

SYRIE : DEUX DIRIGEANTS DU PARTI KURDE YEKITI DEVANT LA COUR DE SURETÉ DE L’ETAT POUR AVOIR DEMANDÉ AUX AUTORITÉS DE « REVOIR LEUR POLITIQUE DISCRIMINATOIRE »

Deux dirigeants du parti kurde Yekiti (Unité) qui avaient été emprisonnés en décembre suite à un sit-in organisé à Damas, seront traduits devant une juridiction d'exception, la Cour de sûreté de l'Etat. « MM. Marouane Osman et Hassan Saleh doivent être traduits devant la cour de sûreté de l'Etat pour le délit d'avoir suscité des dissensions confessionnelles », a expliqué Me Anouar Bounni dans un communiqué daté du 9 février. « C'est un pas en arrière et une tentative de réactiver les juridictions d'exception », établis en vertu de la loi d'urgence en vigueur en Syrie depuis près de quarante ans, selon Me Bounni.

Le 10 décembre dernier, près de 150 Kurdes avaient manifesté devant le Parlement syrien pour demander aux autorités de « revoir leur politique discriminatoire » à l'encontre de la population kurde de Syrie. MM. Osman et Saleh ont été arrêtés cinq jours plus tard alors qu'ils se trouvaient au ministère de l'Intérieur pour y rencontrer le ministre Ali Hammoud, indique le Comité de défense des droits de l'Homme en Syrie (CDDS), dans un communiqué. « Les avocats ont demandé que MM. Osman et Saleh soient traduits devant un tribunal ordinaire. Ils ont souligné en outre que les accusés sont membres du bureau politique du parti Yakiti qui œuvre en public et en l'absence d'une loi sur les partis », a poursuivi Me Bounni.

En octobre 2002, dans une lettre ouverte au président syrien Bachar al-Assad, cinq partis kurdes, formant l'Alliance démocratique kurde de Syrie (ADKS), avaient réclamé que les autorités restituent à près de 200.000 Kurdes leurs cartes d'identité, qui leur avaient été retirées en 1962.

NEW-YORK : LE RAPPORT D’ETAPE DU DR. BLIX

Le dernier rapport du Dr. Hans Blix et Mohammed ElBaradei a été présenté le 14 février au Conseil de sécurité de l’ONU devant un parterre garni de ministres des Affaires étrangères et de journalistes de media internationaux. Les chefs des inspecteurs en désarmement affirment n’avoir trouvé aucune arme de destruction massive. Mais des zones d’ombres planent encore. « De nombreuses armes et produits interdits n’ont pas été retrouvés. On ne doit pas encore en conclure qu’ils existent. Cependant, cette possibilité ne doit pas être exclue », a expliqué Hans Blix.

Le chef des inspecteurs a également tenu à préciser que « jusque-là, aucune arme chimique n'a été trouvée » et « qu'aucune conclusion rapide n'est à prendre. » Certains points doivent toutefois être clarifiés, notamment en raison du manque de preuve que certains éléments proscrits ont bien été éliminés. Hans Blix invite donc « le gouvernement irakien à fournir le nom des spécialistes ayant procédés aux éléments prohibés. »

Quant aux interviews privées, certaines personnes ayant originellement refusé ces entretiens ont au dernier moment accepté ces rencontres. Toutefois, il existe toujours des opposants à ces interviews. Monsieur Blix « espère que cela pourra changer. »

Hans Blix souhaite également que les agences de renseignements occidentales collaborent plus avec les inspecteurs afin de pouvoir avoir de nouvelles informations. En effet, il y a plusieurs années, des lieux ont été visités sur recommandation de gouvernements étrangers. Certains lieux avaient alors permis de trouver des armes. D'autres avaient permis de prouver qu'il n'y avait aucune arme.

La tâche de désarmement devait être réalisée avant, mais il n'y avait pas de coopération complète. De ce fait, la coopération immédiate et inconditionnelle de l'Irak permettrait de terminer rapidement les inspections.

D’après Hans Blix, seul un petit nombre d’ogives vides, « qui auraient dû être déclarées et détruites » ont été retrouvées par les inspecteurs. Cependant, les inspecteurs n'ont pu mettre la main sur « de nombreuses armes et produits interdits ». Si ces produits existent, Hans Blix rappelle qu’ils doivent être remis aux inspecteurs pour être détruits, faisant notamment référence aux stocks d’anthrax, de gaz VX et de missiles à longue portée. L’Irak n’a pas apporté les preuves de leur destruction.

Concernant l’armement nucléaire, le directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed ElBaradei a déclaré que les inspecteurs n’ont « pas découvert » d’activité nucléaire en Irak. Mais là aussi des zones d’ombres persistent. « Un certain nombre de problèmes font toujours l’objet d’investigations ». Monsieur Mohamed ElBaradei a informé que l'Irak a ouvert sans condition tous les sites demandés. Des installations sur les sites inspectés ont été mises en place afin de pouvoir contrôler ces lieux en continu. De plus, il a tenu à indiquer que l'Irak avait précisé que les tubes d'aluminium avait été utilisés pour la fabrication d'armes normales et non de centrifugeuses. « Aucune preuve n'a été découverte que ces tubes ont été utilisées pour des centrifugeuses. »

D'autre part, certaines craintes se sont trouvées injustifiées. En effet, les inspections et analyses des experts n'ont pas permis de prouver que certaines fibres aient été utilisées dans le cadre de l'armement. Le personnel en fonction sera augmenté, tant du point de vue des experts que des interprètes.

Le processus de contrôle sera donc encore plus efficace. Monsieur ElBaradei a lui aussi demandé une meilleure collaboration des Etats extérieurs à l'Irak, dont les Etats-Unis, sur les lieux où se trouveraient des armes.

Hans Blix a affirmé que « l’accès aux sites irakiens s’est fait jusqu’ici sans problèmes ». Mais les inspecteurs attendent davantage d’actions de la part du régime de Saddam Hussein. Rappelant que la résolution 1441 signifie « beaucoup plus qu’ouvrir les portes », Hans Blix a également souligné que Bagdad avait accepté l’offre sud-africaine de lui fournir des experts en désarmement.

En préambule à son intervention, Hans Blix a indiqué que les inspecteurs avaient visité 400 sites sans préavis en 11 semaines d’inspection. Rien, pour le chef des inspecteurs, ne laissait croire que les Irakiens avaient été au courant de leurs visites. L'Irak avait informé l'ONU de la présence de gaz moutarde et ce gaz est en cours de destruction ; il convient de relever que l'Irak avait gardé ce gaz sous scellés. Des armes ont toutefois été trouvées « sur la base des données fournies par l'Iraq, les deux variantes du missile Al-Samoud 2 sont en mesure de dépasser les 150 km de portée, système de missile ayant été interdit par les résolutions 687 et 715.

Par ailleurs, une semaine après l’intervention de Colin Powell devant le Conseil de sécurité, Hans Blix est revenu sur les « preuves » présentées une semaine auparavant par le Secrétaire d’Etat américain. Pour le chef des inspecteurs de l’ONU, les éléments présentés par Colin Powell ne sont pas irréfutables, de même que les images satellites censées prouver les accusations de Washington.

Le ministre français des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, a été applaudi à l'issue d'un long plaidoyer destiné à « laisser une chance à la paix ». « L'usage de la force ne se justifie pas aujourd'hui » contre l'Irak, a-t-il souligné avant d'appeler à une nouvelle réunion du Conseil de sécurité au niveau ministériel le 14 mars. « Il y a une alternative à la guerre : désarmer l'Irak par les inspections », a déclaré M. de Villepin, en soulignant qu'« un recours prématuré à l'option militaire serait tellement lourd de conséquences pour les hommes, pour la région et pour la stabilité internationale qu'il ne saurait être envisagé qu'en dernière extrémité ». « Ce que nous venons d'entendre à travers le rapport de MM. Blix et ElBaradei, c'est que les inspections donnent des résultats », a ajouté le ministre français. Puis il a fait un rappel des liens entre la France et les USA. « C'est un vieux pays, la France, un continent comme le mien, l'Europe (...) qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie. Un vieux pays qui n'oublie pas et sait tout ce qu'il doit aux combattants de la liberté venus d'Amérique et d'ailleurs ».

De son côté, Colin Powell, le secrétaire d'État américain, a affirmé que le Conseil de sécurité de l'Onu devait être prêt à envisager « dans un avenir très proche » de possibles « graves conséquences » pour l'Irak de son refus de se conformer aux décisions de l'Onu. Le chef de la diplomatie américaine a également réfuté l'argumentation de nombreux pays membres du Conseil, dont la France, la Russie et la Chine, pour prolonger et renforcer les inspections. « Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas de plus d'inspections. Ce dont nous avons besoin, c'est d'avoir un accès plus immédiat aux sites suspects, et une coopération totale et inconditionnelle de la part de l'Irak », a-t-il martelé.

Les ministres des Affaires étrangères des autres pays membres du Conseil ont pris la parole à leur tour. La majorité d’entre eux s’est prononcée en faveur de la poursuite des inspections.

L’OTAN EN CRISE SUR LA QUESTION D’AIDE À LA TURQUIE

Après une semaine de crise sans précédent entre alliés, l'Otan est parvenue le 16 février, à un accord autorisant la planification de mesures pour protéger la Turquie en cas de guerre en Irak. “ La solidarité de l'Alliance a prévalu ”, s'est félicité le secrétaire général de l'Alliance George Robertson après cet accord arraché à l'issue d'intenses tractations au sein du Comité des plans de défense (CPD) de l'Otan, dont la France ne fait plus partie depuis qu'elle a quitté la structure militaire intégrée de l'Otan en 1966.

Dans un ultime baroud d’honneur, la France, l'Allemagne et la Belgique, qui avaient auparavant opposé leur veto à l’aide de l’OTAN à la Turquie, ont affirmé dans une déclaration commune que cet accord “ ne préjuge en rien des efforts en cours ” à l'Onu pour un règlement pacifique de la crise irakienne. Dans ce texte, les trois pays “ soulignent en particulier que l'usage de la force ne pourrait constituer qu'un ultime recours, et que toutes les possibilités offertes par la résolution 1441 n'ont pas encore été exploitées ”.

Les mesures d'aide à la Turquie concernent principalement le déploiement à titre préventif de batteries de missiles antimissiles Patriot fournis par des Etats membres et d'avions-radars Awacs en possession de l'Alliance. Lord Robertson a cependant assuré que ces mesures restaient “ purement défensives ”. “ L'incapacité de l'Otan à adopter une position commune sur la question turque n'aura aucune conséquence pour la sécurité de la Turquie ”, avait pourtant estimé, le 14 février, le chef de la diplomatie turque Yasar Yakis, qui a ajouté que son pays obtiendrait ce dont il a besoin pour se protéger, si nécessaire par des accords bilatéraux. “ L’armée turque est de toute façon très puissante. Nous n’avons pas du tout besoin d’eux. Notre force est l’une des plus fortes du monde ” avait fièrement déclaré le Premier ministre turc Abdullah Gul dans le journal Hurriyet du 12 février.

Par ailleurs, la Turquie a accueilli le 16 février une nouvelle fois le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz de retour de Rome. Il a eu un entretien imprévu d'une heure à l'aéroport d'Istanbul avec son homologue turc Mehmet Ali Sahin et Recep Tayyip Erdogan, selon la presse turque.

La question irakienne a été âprement débattue au sommet de l'Union européenne le 17 février à Bruxelles par la présidence grecque pour tenter de dégager une position commune, en présence du secrétaire général de l'Onu Kofi Annan.

Le président français Jacques Chirac et le Premier ministre britannique Tony Blair ont publiquement proclamé leurs divergences. M. Chirac a, en arrivant au sommet, déclaré que Paris « ne peut que s'opposer à une deuxième résolution » préconisée par la Grande-Bretagne. Le désarmement de l'Irak devra être réalisé « par la force » s'il ne peut pas l'être de manière pacifique, a répliqué, également dès son arrivée au sommet, le Premier ministre britannique Tony Blair. « Je pense que le plus important en ce moment est d'envoyer un signal de détermination et non de faiblesse. C'est le langage que Saddam Hussein comprend et c'est aussi notre meilleure chance d'éviter un conflit », a soutenu M. Blair.

M. Chirac a déclaré devant la presse : « Il n'est pas nécessaire aujourd'hui d'avoir une deuxième résolution à laquelle la France ne pourrait que s'opposer ». En accord, le chef de la diplomatie allemande Joschka Fischer avait précisé qu'il revenait au Conseil de sécurité de l'Onu et non à l'Union européenne de déterminer si un délai à la mission des inspecteurs des Nations unies en Irak était nécessaire. Finalement l’Union européenne a annoncé que « la guerre n’était pas inévitable » et que « la force devrait être utilisée seulement en dernier ressort », tout en précisant que « les inspections ne peuvent pas continuer indéfiniment en l’absence d’une complète coopération irakienne », sans toutefois préciser qui devait décider de l’arrêt des inspections et quand ces inspections pouvaient s’arrêter.

PARUTION D’UNE ETUDE DE REFERENCE : « GÉNOCIDE EN IRAK : LA CAMPAGNE D’ANFAL CONTRE LES KURDES »

À l’heure où la question irakienne domine l’actualité internationale, les éditions Karthala viennent de publier, avec le soutien de l’Institut kurde de Paris, la version française d’un document exceptionnel préparé par l’organisation des Droits de l’homme Middle East Watch, intitulé « Génocide en Irak- La campagne d’Anfal contre les Kurdes ».

À partir des archives irakiennes saisies par la résistance kurde, l’étude établit que Halabja fait partie d’une campagne génocidaire plus vaste d’éradication de la population du Kurdistan. Le livre met également en lumière la campagne Anfal qui selon le principal artisan, Ali Hassan Majid, cousin de Saddam Hussein et « vice-roi du Kurdistan » a fait environ 100 000 morts au cours des seules années 1987-1988 avec l’utilisation, une quarantaine de fois, des armes chimiques contre les Kurdes.

« Il s’agit d’un livre d’histoire, fondé sur des sources irrécusables » permettant de faire « l’histoire de ce qui s’est passé dans le Kurdistan irakien de mars à septembre 1988 : arrosage de villes et de villages au gaz, massacre des hommes, des femmes et des enfants, établissement des camps de concentration… » écrit Pierre Vidal-Naquet dans la préface du livre. Ces sources sont les archives des services irakiens saisies par les Kurdes lors de leur soulèvement de mars 1991, entreposées depuis aux Etats-Unis.

AINSI QUE...

LE PREMIER MINISTRE TURC OFFRE L’ASILE À SADDAM HUSSEIN


Selon la presse turque, le Premier ministre Abdullah Gul a fait part des garanties pour la survie de Saddam Hussein à Taha Yasin Ramazan, vice-Premier ministre irakien, en visite éclair clandestine le 10 février à Ankara. Le quotidien turc Hurriyet daté du 12 février rapporte que M. Gul a assuré à Saddam Hussein toute garantie sur sa survie en cas d’exil en Turquie ou dans tout autre pays. “ Nous vous offrons toutes les garanties que vous désirerez ” aurait déclaré le Premier ministre turc à son homologue irakien. Malgré les démentis du Premier ministre, son entourage confirme l’information en déclarant “ Ce ne serait pas diplomatiquement chic de la part du Premier ministre de déclarer publiquement une chose pareille ”.


LE PAPE ENVOIE UN EMISSAIRE À SADDAM HUSSEIN. ET SE PRONONCE POUR LE STATU QUO


Le cardinal français Roger Etchegaray, émissaire de Jean Paul II, est arrivé, le 11 février à Bagdad, porteur d'un « message personnel » du pape appelant le président irakien Saddam Hussein à coopérer plus étroitement avec les inspecteurs en désarmement des Nations unies. A son arrivée à l'aéroport international Saddam de Bagdad, Mgr Etchegaray a précisé qu'il avait aussi un message pour tous les dirigeants politiques du monde, à savoir que la guerre « serait la pire des solutions ». « J'arrive à Bagdad comme messager du pape Jean Paul II et porteur d'un message personnel au raïs Saddam Hussein », a-t-il expliqué. « Je viens également encourager les hommes politiques de tous pays et de tous bords à poursuivre sans cesse leurs efforts pour la paix. »

Le prélat basque, habitué des missions diplomatiques du Vatican, a été accueilli à l'aéroport par le ministre irakien de la Justice, Munthir al-Chaoui. Le cardinal français, âgé de 80 ans, président émérite du Conseil pontifical pour la justice et la paix, a encore souligné que le pape avait décidé d'explorer « les dernières limites de l'espoir ». Le Vatican a manifesté à maintes reprises son opposition à une guerre en Irak, plusieurs dignitaires du Saint-Siège estimant qu'un conflit engagé à titre préventif n'aurait aucune justification légale ou morale. Jean Paul II a lui-même déclaré qu'une telle guerre constituerait une « défaite pour l'humanité ».

Jean Paul II doit rencontrer, le 7 février, le vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz, jour de la présentation par les chefs des inspecteurs de l'ONU de leur nouveau rapport devant le Conseil de sécurité. Une rencontre est également prévue le 18 février entre le souverain pontife et le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan.


LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME TROUVE JUSTIFIÉES LA DÉCHÉANCE DE L’ANCIEN PREMIER MINISTRE TURC NECMETTIN ERBAKAN ET LA DISSOLUTION DU PARTI ISLAMISTE REFAH


La Cour européenne des droits de l’homme a, le 13 février, rejeté la demande du parti de la Prospérité (Refah-islamiste), dissous par un arrêt du 16 janvier 1998 par la Cour constitutionnelle turque au motif qu’il était devenu un “ centre d’activités contraires au principe de laïcité ”. La Cour européenne a statué qu’“ il existait des raisons convaincantes et impératives pouvant justifier la dissolution du Refah et la déchéance temporaire de certains droits politiques prononcée à l’encontre des autres requérants. ” Il en résulte que la dissolution du Refah peut être considérée comme “ nécessaire dans une société démocratique ”.

La Cour a estimé que l’ingérence dans le droit à la liberté d’association des requérants reconnu par l’article 11 de la Convention était prévue par la loi et poursuivait un but légitime. La Cour conclut en outre que les ingérences en cause ne peuvent être considérées comme disproportionnées aux buts visés. La Cour a souligné qu’un “ parti politique peut promouvoir un changement de la législation ou des structures légales ou constitutionnelles de l’Etat à deux conditions : premièrement, les moyens utilisés à cet effet doivent être légaux et démocratiques et, deuxièmement, le changement proposé doit lui-même être compatible avec les principes démocratiques fondamentaux. Il en découle nécessairement qu’un parti politique dont les responsables incitent à recourir à la violence ou proposent un projet politique qui ne respecte pas la démocratie ou qui vise la destruction de celle-ci ainsi que la méconnaissance des droits et libertés qu’elle reconnaît, ne peut se prévaloir de la protection de la Convention contre les sanctions infligées pour ces motifs. ”

“ La Cour estime aussi que les statuts et le programme d’un parti politique ne peuvent être pris en compte comme seul critère afin de déterminer ses objectifs et intentions…C’est pourquoi la Cour a rappelé qu’on ne saurait exclure que le programme politique d’un parti cache des objectifs et intentions différents de ceux qu’il affiche publiquement. ”


L’IRAK TENTE DE GAGNER DU TEMPS EN AUTORISANT POUR LA PREMIÈRE FOIS L’INTERROGATION D’UN DE SES SAVANTS PAR DES INSPECTEURS DE L’ONU


L'Irak a, le 6 février, fait un geste envers les Nations unies en autorisant pour la première fois un de ses savants à être interrogé en privé par des inspecteurs. Le général Amer Al-Saadi, conseiller du président irakien Saddam Hussein, a créé la surprise dans la soirée en annonçant aux journalistes qu'un savant biologiste irakien était interrogé par les inspecteurs en désarmement en l'absence d'officiels irakiens, comme l'exigeait depuis longtemps l'Onu.

Bagdad a ainsi donné satisfaction aux inspecteurs de l'ONU qui, depuis leur retour en Irak le 25 novembre, avaient sollicité une quinzaine d'entretiens privés avec des chercheurs irakiens mais, à chaque fois, ceux-ci avaient exigé la présence de représentants irakiens.


LE PKK APPELLE À LA “ RÉSISTANCE ARMÉE ”


Le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) a averti qu'il reprendrait les armes contre l'armée turque et les Kurdes irakiens si on cherchait à les expulser du Kurdistan d'Irak, où ils sont réfugiés, a rapporté le 10 février le journal Ozgur Politika. Selon le journal, le commandant du PKK, Osman Ocalan a affirmé que si les troupes turques pénétraient dans la région, les combattants du PKK rentreraient en Turquie. “ Si la Turquie... lance une guerre d'extermination, (...) notre résistance armée sera menée sur le territoire le plus vaste possible ”, a-t-il déclaré. Le PKK a fixé un ultimatum au 15 février, en demandant aux autorités turques d’autoriser les visites des avocats à Abdullah Ocalan empêché de les rencontrer depuis 11 semaines. Plusieurs dizaines de personnes ont été placées en garde-à-vue à la suite des manifestations à Batman et Mardin.

Par ailleurs, une délégation du Conseil de l'Europe, en visite le 17 février à Istanbul pour enquêter sur les conditions de détention A. Ocalan, a été empêchée de rencontrer le détenu, officiellement pour des conditions de météo défavorables. La délégation comprend des membres du comité du Conseil pour la lutte contre la torture.

Des milliers de Kurdes ont manifesté le 15 février en Turquie mais aussi en France et en Grèce pour réclamer la libération d’A. Ocalan. Les manifestations en Turquie ont été marquées par quelques incidents et plus d’une centaine interpellations à l'occasion du quatrième anniversaire de la capture du chef du PKK.