Publications


Bulletin complet

avec revues de presse

Bulletin N° 173 | Août 1999

 

LE SÉISME D’IZMIT RÉVÈLE AUX TURCS LA CORRUPTION ET L’INCOMPÉTENCE DE LEUR ÉTAT

UN tremblement de terre de magnitude 7.3 sur l’échelle de Richter a fortement affecté les villes situées sur les côtes est de la mer Marmara, la région la plus peuplée de la Turquie. Un bilan officiel mais provisoire, fait état de " plus de 15.000 morts " tandis que d’autres sources parlent de 30 à 40.000 morts et de près de 600.000 sans abris. Les dégâts matériels sont considérables ; de 4 à 7 milliards de dollars selon une estimation américaine, de 7,5 à 12 milliards de dollars selon les autorités turques.

Les villes d’Izmit, Yalova, Adapazari et la base navale de Gölcük sont parmi les sites les plus affectés par ce séisme qui est le plus violent et meurtrier de l’histoire du pays depuis le tremblement de terre de 1939 qui avait fait 39.000 morts dans la province kurde d’Erzincan. La terre a même tremblé à Istanbul faisant plusieurs centaines de morts dans la banlieue d’Avcilar peuplée principalement d’immigrés et déplacés kurdes.

Au-delà des dégâts humaines et matériels, terribles, ce séisme a fortement choqué l’opinion turque sur au moins deux points :

1° La corruption et l’incompétence de l’Etat : La plupart des constructions affectées étaient de piètre qualité. Des entrepreneurs véreux, travaillant en association avec des mairies, des députés et des ministères corrompus avaient pu obtenir toutes les autorisations officielles, pour bâtir des immeubles souvent sans fondation véritable avec un béton-armé utilisant du sable et seulement 30 à 40% de l’armature de fer requise. Résultat : 90% de ces immeubles défectueux se sont effondrés comme des châteaux de cartes sur leurs habitants et ont entraîné leur mort.

Les entrepreneurs montrés du doigt par les médias sont connus par leurs hautes connexions et leur complicité avec les sommets de l’Etat turc. À force de purges politiques, le système turc a produit une classe politique formée pour l’essentiel d’affairistes sans scrupule considérant le pouvoir comme un moyen de se partager les marchés publics et la rente de l’Etat. À l’heure du bilan, la facture de ce système de malgouvernance s’est révélée particulièrement lourde pour les citoyens.

Ceux-ci ont aussi été choqués par l’incompétence et l’inefficacité de l’appareil de l’Etat. Quatre jours après le séisme, il n’y avait toujours aucune présence de l’Etat sur les lieux du sinistre. Les familles des victimes ont souvent dû chercher à mains nues ou avec le soutien des secouristes étrangers, les corps de leurs proches sous les décombres. L’opinion a découvert avec stupeur que les forces de sécurité et l’armée qui, ensemble, emploient plus de 1.200.000 personnes et absorbent près de 40% du budget du pays ne disposent pas, ni d’une unité ni même d’une équipe de secouristes pour les catastrophes naturelles. Une armée bien équipée pour des opérations aéroportées au Kurdistan turc ou irakien, capable de détruire au lance-flammes des milliers de villages kurdes n’a rien fait pour les populations sinistrées. D’où la colère de celles-ci, répercutée par les médias. Le haut commandement de l’armée a dû hausser le ton " afin qu’on ne sape pas le moral de l’armée ". Une chaîne de télévision privée a été interdite pour " critiques excessives " et les journaux rappelés à l’ordre.

Ces mesures administratives n’empêcheront cependant pas la population turque de ne plus faire confiance à l’armée et à l’Etat. Même le Croissant rouge turc, organisme de secours para-étatique pâtit lourdement de ce discrédit général de l’Etat turc. Celui-ci a poussé le zèle jusqu’à interdire les actions humanitaires de certaines ONG de la société civile, sous prétexte qu’elle sont de sensibilité islamiste.

2° Les gestes de solidarité des pays perçus jusque-là comme " ennemis " : L’extraordinaire élan de solidarité international a frappé l’imaginaire d’une population turque conditionnée dans la paranoïa " Le monde entier en veut aux Turcs. Les Turcs n’ont d’autres amis que des Turcs ". La solidarité des Etats amis ou alliés de la Turquie,comme les Etats-Unis, Israël, ou la France, a généralement été perçue comme des gestes politico-diplomatiques. En revanche celle des Etats " ennemis " comme la Grèce et dans une moindre mesure l’Arménie, a touché au cœur le public turc et provoqué un changement considérable de climat dans les relations entre la Turquie et ses voisins.

Dans ce climat d’émotion et de solidarité, le PKK a annoncé qu’il n’attendrait pas le 1er septembre pour commencer le retrait de ses forces de la Turquie, " afin de contribuer à l’établissement d’un contexte de paix et de fraternité ". L’Irak a offert pour 10 millions de dollars du pétrole aux victimes du séisme. Le PDK de Massoud Barzani a lui aussi fait un geste avec un don de 2 millions de dollars de fuel pour les victimes. Les municipalités kurdes de Turquie, pourtant elles-mêmes durement touchées par les conséquences économiques et humaines de la guerre, ont organisé des campagnes d’aide aux victimes du tremblement de terre. D’ailleurs une bonne partie de celles-ci se trouvent être des immigrés kurdes, déplacés par la guerre, partis chercher du travail dans cette zone industrielle turque privilégiée appelée "La principauté de Marmara" en raison de sa concentration de richesses.

Nombre de commentateurs affirment qu’il y aura dans l’histoire de la Turquie un avant et un après le tremblement de terre d’août 1999, que l’Etat turc doit se réformer radicalement pour gagner progressivement la confiance de ses citoyens. D’autres posent crûment la question tabou : depuis sa création la République turque a constamment vécu sur un pied de guerre contre les ennemis intérieurs (nationalisme kurde, communisme, islamisme) et extérieurs, Comment pourra-t-elle survivre sans ennemis ?

M. KOH, SOUS-SECRÉTAIRE D’ÉTAT AMÉRICAIN AUX DROITS DE L’HOMME, A RENDU VISITE À LEYLA ZANA ET AKIN BIRDAL À LA PRISON CENTRALE D’ANKARA

E sous-secrétaire d’Etat américain pour les droits de l’homme, la démocratie et le travail, Harold Koh, en visite en Turquie et en particulier dans les provinces kurde a fortement irrité les autorités turques. Mettant l’accent sur le problème kurde, le responsable américain a préconisé un processus de dialogue politique. " La question du Sud-est ne peut pas uniquement être réglée par des moyens militaires. Un processus de dialogue politique est nécessaire (…). J’ai l’impression qu’une nouvelle phase débute. La question qui apparaît maintenant est complexe, comprenant le développement politique, économique et des droits de l’homme de cette région " a-t-il souligné. Il a également demandé au gouvernement turc d’éliminer toutes les restrictions qui entravent le développement des droits de l’homme en Turquie en soulignant que " les droits des citoyens turcs d’origine kurde constituent un important problème ". (cf. pp.8-12 de la revue de presse pour son interview à Turkish Daily News).

Par ailleurs, M. Koh a, le 5 août 1999, rendu visite à Leyla Zana, ancienne députée du parti de la Démocratie (DEP), condamnée à 15 ans de prison et à Akin Birdal, ancien président de l’Association turque des droits de l’homme (IHD), condamné à plus d’un an de prison, tous deux pour des propos pro-kurdes. Le sous-secrétaire américain est, depuis 1996, le premier responsable occidental à être autorisé à s’entretenir avec les prisonniers d’opinion. Jusqu’alors les portes de la prison centrale d’Ankara où sont incarcérés Leyla Zana, ses collègues et Akin Birdal sont restées interdites à tous les responsables et récemment à Joschka Fisher, ministre allemand des affaires étrangères. La demande de Harold Koh avait été refusée par les ministères turcs de la Justice et des Affaires étrangères mais devant l’insistance des autorités américaines la Turquie a pour la première fois cédé au représentant de son puissant allié. Cependant les propos de M. Koh ont suscité de vives réactions en Turquie, la presse turque s’est déchaînée : le journal Hürriyet affichait en sa Une, le 9 août, la photo d’une jeune Turque, " torturée incroyablement " par la police américaine et titrait en s’adressant à M. Koh : " Laisse Sirnak [ndlr : une des villes kurdes les plus dévastées par la guerre] regarde plutôt Utah ". Le lendemain c’était le tour de Milliyet qui exposait en Une la photo d’un Turc qui aurait été maltraité aux Etats-Unis par le FBI. Les éditorialistes turcs abondent aussi sur les discriminations à l’égard des Noirs et des Indiens aux Etats-Unis et disent aux Américains : " balayez d’abord devant votre porte ". En froid avec la plupart des capitales européennes, Ankara va-t-elle se brouiller avec Washington aussi ?

ABDULLAH ÖCALAN DEMANDE L’ABANDON DE LA LUTTE ARMÉE ET LE RETRAIT DU PKK DE LA TURQUIE

bdullah Öcalan a, le 3 août 1999, demandé par l’intermédiaire de ses avocats à ses partisans du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) d’"aban-donner la lutte armée et à se retirer hors des frontières (de la Turquie) pour le bien de la paix à partir du 1er septembre 1999 ". Il a appelé l’Etat turc à répondre positivement à ce " processus de paix et de fraternité " pour mettre fin au conflit kurde. Le conseil de commandement du PKK, de même que l’ARGK, la branche armée du PKK, avait annoncé, le 6 août 1999, qu’elle mettrait fin à ses opérations conformément à l’appel lancé par son dirigeant. " À partir du 1er septembre, nous appliquerons le plan proposé par notre camarade Abdullah Öcalan (…). Nous ne mènerons aucune opération armée, à l’exception de l’exercice de notre droit à l’autodéfense " peut-on lire dans le communiqué de l’ARGK.

Fidèle à la ligne de conduite de l’Armée turque, le Premier ministre Bülent Ecevit a refusé dès le lendemain de l’appel tout "marchandage " avec une organisation " terroriste ". Dans une interview accordée à l’hebdomadaire français, le Nouvel Observateur (voir pp. 45), il réaffirme son hostilité à toute idée d’autonomie culturelle kurde. Le président turc Suleyman Demirel a, quant à lui, affirmé clairement que l’Etat n’envisageait pas de réviser sa politique. Hüsnü Yusuf Gökalp, ministre de l’Agriculture et des Affaires rurales, membre du parti de l’Action nationaliste (MHP, ultra-nationaliste), deuxième parti du gouvernement de coalition tripartite, a déclaré que la Turquie continuera de traquer les rebelles du PKK en dépit de l’appel et ajouté : " nous capturerons ceux qui déposeront les armes pour les ramener (…). Ils se prennent pour qui pour proclamer une trêve avec nous ? ".

Face à cette fin de non recevoir opposée par les autorités turques, Abdullah Öcalan a réitéré le 6 août 1999 son appel. " Je voudrais souligner que je n’ai pas lancé cet appel pour de simples raisons tactiques. Il est stratégique." a-t-il déclaré en soulignant qu’il ne pouvait pas demander la reddition pure et simple de ses partisans car elle n’aurait été " ni réaliste, ni pratique ". Le PKK a de son côté annoncé le 9 août qu’il tiendrait un congrès pour adopter un programme à orientation plus politique sans donner ni date ni lieu. Son comité central a déclaré que " bien que la lutte armée soit parfois une nécessité, elle a perdu de sa nature dominante au cours du siècle (…). Elle a été remplacée par la lutte politique. Les forces incapables de changer deviendront insignifiantes ". De plus, le 9 août, le PKK a offert un cessez-le-feu au Parti Démocratique du Kurdistan (PDK) qui administre le nord du Kurdistan irakien et contrôle la frontière avec la Turquie. Cependant, le PDK accueille avec méfiance le retrait du PKK de Turquie, craignant être la destination la plus probable de ces combattants. Il affirme que le cessez-le-feu proclamé par le PKK n’était toujours pas mis en pratique, fin août.

La classe politique turque reste très mitigée sinon hostile à cet appel mais l’annonce de l’arrêt des combats place les autorités turques dans une position inconfortable. Ankara a toujours affirmé qu’il ne pourrait examiner les demandes culturelles kurdes tant que la campagne armée du PKK se poursuivra. L’Europe a invité à plusieurs reprises les autorités turques à trouver une solution pacifique à la question kurde et se voyait régulièrement répondre que le " terrorisme " justifiait sa politique répressive. Le gouvernement allemand en a appelé le 9 août à la " sagesse " d’Ankara et qualifié l’appel et la réaction des autorités turques d’" évolution politiquement intéressante ". Bon nombre de journalistes et d’intellectuels turcs, tout en restant dubitatifs sur les raisons ayant conduit Öcalan à faire cet appel, ont clairement demandé que l’occasion soit saisie et que la loi sur les repentis sorte des oubliettes. En attendant le procureur auprès de la Cour de cassation, Vural Savas, a demandé la confirmation de la peine de mort d’A. Öcalan et la cour a fixé au 7 octobre l’audience en appel.

ANKARA : SEPT MAIRES KURDES ONT ÉTÉ REÇUS PAR LE PRÉSIDENT TURC SULEYMAN DEMIREL

E président turc Süleyman Demirel a reçu, le 7 août 99, les maires HADEP de sept villes kurdes ; Diyarbakir, Van, Agri, Siirt, Hakkari, Batman et de Bingöl. Les élus kurdes ont exposé à M. Demirel les graves problèmes de leurs villes et demandé la mise en place de moyens financiers exceptionnels pour ces villes durement touchées par la guerre et son cortège de trois millions de déplacés. Le parti de la Démocratie du Peuple avait très largement remporté plusieurs municipalités kurdes aux élections d’avril 1999 malgré les pressions et une campagne très difficile. Il fait également l’objet depuis fin janvier d’une procédure d’interdiction pour " liens organiques " avec le PKK. Plusieurs membres du HADEP ont déjà été condamnés et certains, dont le maire d’Agri, ont dû mener leur campagne électorale en prison.

" Toute la revendication est légale si elle est faite dans le cadre de la Constitution. Sinon elle peut engendrer de gros problèmes (…). Tous les citoyens turcs jouissent des mêmes droits qu’ils soient originaires du Sud-Est ou de l’Ouest. Nous sommes dans l’obligation de préserver l’harmonie dans ce pays afin de ne pas détériorer la paix sociale " leur a déclaré M. Demirel. La Constitution turque actuelle a été imposée par les généraux turcs ayant orchestré le dernier coup d’État militaire en 1980. Elle prône un Etat unitaire, centralisé ayant un seul peuple, une seule langue et une seule culture sur le territoire. Le dialogue de sourds se poursuit donc en Turquie.

TÉMOIGNAGES TURCS : LE RÊVE D’UN JOURNALISTE LIBERAL

Zülfü Livaneli, éditorialiste au quotidien turc Sabah, écrit dans le numéro du 7 août 1999 ses espoirs depuis l’appel d’Abdullah Öcalan. Il débute son article tel le discours mémorable du Pasteur Martin Luther King : " J’ai fait un rêve ! ".

" Il y aurait des hommes d’Etat à Ankara ! Des hommes qui placent l’intérêt public au-dessus de tout, des hommes libérés de tout complexe personnel, de toute ambition, délivrés des pièges de l’argent et de la fortune, des hommes d’Etat qui ont su dépasser leur ego (…). Ces hommes sont conscients des problèmes grandissants de la Turquie. Ils refusent de porter la responsabilité d’un Etat qui est en conflit avec 11 pays voisins et qui s’isole de plus en plus. Ils sont sur le point de mettre sur pied une stratégie de paix et de conciliation. Une stratégie qui place comme vainqueur la culture de la paix en lieu et place de celle de la guerre. Ils ont l’intention de développer dans le pays ‘cette culture de conciliation et de la paix’ . Ils font valoir l’appel d’Abdullah Öcalan demandant l’abandon de la lutte armée et le retrait du pays (des combattants armés).

Pour donner une chance à la paix, ils mettent en application une période où on s’occupera de la population éprouvée du Sud-Est, où les habitants seront reconnus comme des citoyens de première classe dont la culture sera respectée, période que l’on peut résumer par ‘pansement de des plaies’. Pour que plus jamais nos enfants ne meurent et que plus jamais nous ne perdions 30 000 de nos citoyens (…). Nos chers hommes d’Etat passent en revue également nos relations internationales. Ils luttent obstinément pour en finir avec la situation de conflit que nous avons avec l’Europe, le monde islamique, les Scandinaves, les nations méditerranéennes, bref tout le monde hormis les Etats-Unis. Ils développent les relations bilatérales (…). Une Turquie qui a réussi la paix intérieure, a amélioré son casier des violations des droits de l’homme, et a résolu ses problèmes ethniques et religieux, annonçant fièrement au monde entier qu’elle est ‘un pays de la paix et du bien-être’ (…). Constatant ces progrès, le peuple reprend confiance en son pays (…). La Turquie s’enrichit, la répartition de la richesse atteint des niveaux culminants (..). Je suis désolé : même si ce n’est qu’un rêve je ne puis plus continuer. Car je souffre à l’idée de savoir que tout cela est possible mais pas réalisé. Les cadenas étant verrouillés dans les têtes et les cœurs, un grand pays est condamné à une croissance moindre, à l’inimitié et à être repoussé et à la pauvreté. "

AINSI QUE...

HÜRRIYET : " NE PEINEZ PAS LES TORTIONNAIRES ! "


Oktay Eksi, président de l’Association des journalistes turcs, éditorialiste-en-chef du quotidien Hürriyet et proche des milieux militaires turcs, dénonce ouvertement dans ses colonnes du 10 août 1999 la torture comme étant une politique officielle du pays. Voici de larges extraits de son article :

" Le projet de réforme n’a pas eu un énorme écho dans la presse. C’est peut-être pour cette raison que cela n’a pas attiré votre attention. La commission de la Justice du Parlement a commencé, la semaine dernière, à discuter du projet de loi sur la ‘torture’ qui met la Turquie dans une situation telle qu’elle ne peut plus regarder les gens en face. En vérité la Turquie a été tellement fichée sur ce point là qu’hier Sükrü Elekdag [ndlr : journaliste du quotidien Hürriyet, ancien ambassadeur à Washington, spécialiste des questions économiques] écrivait dans ses colonnes : " le commerce extérieur et nos relations économiques externes " s’étaient également dégradés à cause de cela. Bref, les étrangers sont arrivés au point de dire : " nous ne vendrons rien à un pays tortionnaire ". Continuons à nous morfondre en rabâchant que " les étrangers ne nous comprennent pas ". En plus, il y a à peine quelques jours le ministre de la justice en personne, Hikmet Sami Türk a reconnu personnellement que " la torture est une des raisons pour lesquelles la Turquie est mal notée auprès de certaines organisations internationales ". Par ailleurs, tout le monde sait maintenant que les procès ouverts contre la Turquie sur cette base auprès de la Cour européenne des droits de l’homme ont conduit à sa condamnation à plusieurs reprises. Partant de cela, nul ne peut prétendre que " la torture n’est pas en Turquie le produit d’une politique officielle". Si ce n’était pas le cas la torture aurait été déracinée depuis fort longtemps. Cela étant pour la première fois ce gouvernement a pris sérieusement le sujet en main et a envoyé le projet de loi réformant les articles du code pénal et augmentant les peines des tortionnaires au Parlement.

Cependant la sous-commission sous la présidence de Yasar Topçu, du parti ANAP, a fait tout le contraire (…). Elle a séparé la notion de " torture " de celle de " traitement inhumain et dégradant " (…). [cette dernière notion] conduisant à une peine de 3 mois à 3 ans de prison tout officier qui traiterait " bestialement " le citoyen. Vous savez la raison de cela ? Turan Genç, directeur adjoint de la Direction générale de la sûreté, qui a participé aux discussions, a défendu la cause des officiers tortionnaires. " Eux aussi ont des enfants. Il ne faut pas jouer avec le pain des tortionnaires " a-t-il soutenu. Quelle conscience de " respect à l’homme " ont-ils ces députés du DSP, d’ANAP et du MHP pour qu’ils puissent approuver ces arguments stupides et baisser les peines de prison (prévues pour dissuader les tortionnaires) ? Voyez vous combien il est difficile d’être juste dans ce pays ? ".

UN DÉPUTÉ QUI A DÉCLARÉ PARLER LE KURDE S’EST VU RAPPELER À L’ORDRE


Les autorités turques qui déclarent à tout bout de champ que des députés d’origine kurde siègent au Parlement turc font une nouvelle preuve de l’intolérance. Les députés ultra-nationalistes du MHP n’ont pas supporté que dans les documents officiels du Parlement turc la langue kurde apparaisse. Interrogé par l’administration du Parlement turc sur son curriculum vitæ, Mehmet Fuat Firat, député islamiste d’origine kurde, avait déclaré parler "le turc, le persan, l’arabe et le kurde". Tollé dans les rangs des partis nationalistes majoritaires au Parlement, les députés MHP ont aussitôt saisi officiellement la présidence du Parlement pour demander que le kurde ne soit pas mentionné. Yildirim Akbulut, le président de l’Assemblée turque et ancien Premier ministre turc qui avait interdit la langue kurde pendant son gouvernement, vient de se plier à la demande. Pour lui le kurde n’est pas une langue mais " un patois " et ne peut être cité dans des documents du Parlement. La Turquie vient de donner une nouvelle fois la preuve que des députés kurdes se reconnaissant en tant que tels ne peuvent siéger au Parlement turc.