Un palmarès cohérent au Festival de Saint-Sébastien

 03.10.06 | 16h15  •  Mis à jour le 03.10.06 | 16h15 SAINT-SÉBASTIEN (DONOSTIA) ENVOYÉ SPÉCIAL

Sur les bords de la Concha (le coquillage), la belle baie bordée de sable qui baigne Saint-Sébastien, Bahman Ghobadi fait désormais partie de l'élite du cinéma mondial. Pour la deuxième fois en trois ans, le jury du festival basque, présidé en cette 54e édition par Jeanne Moreau, lui a décerné sa récompense suprême, la Concha d'or. Contrairement à ce qui s'était passé en 2004, où Les Tortues volent aussi avait été le seul lauréat, le cinéaste kurde iranien a partagé le prix attribué à Niwemang (demi-lune) avec un néophyte, le Français Martial Fougeron, qui présentait son premier long métrage, Mon fils à moi.

 AFP/RAFA RIVAS
Le réalisateur iranien Bahman Ghobadi et l'actrice Hedye Tehrani lors de la présentation du film "Niwemang" au Festival international du film de Saint-Sébastien, le 28 septembre 2006.

Ces deux films comptaient sans aucun doute parmi les meilleurs des seize que le jury a dû départager. Niwemang raconte l'odyssée d'un vieux musicien kurde installé en Iran. Accompagné de ses dix fils, il tente de gagner Arbil, dans le Kurdistan irakien, pour y donner enfin un concert. Commencé comme une comédie picaresque, le film est ensuite repris par sa condition nationale, et la tragédie inhérente au destin kurde impose sa loi. Mon fils à moi est un début assez saisissant, qui montre comment l'amour d'une mère (Nathalie Baye) pour son fils préadolescent (Victor Sevaux) peut se dégrader en une relation destructrice. Dominé par le travail de Nathalie Baye, le film démontre au moins l'apparition d'un directeur d'acteurs.

La cohérence du palmarès, qui a aussi récompensé un habitué du festival, l'Argentin Carlos Sorin, pour El Camino de San Diego, ne correspond pas à l'inconstance d'une sélection officielle qui mêlait films à sujet (Poste frontière, du Croate Rajko Grlic, sur l'éclatement de la Yougoslavie), comédies américaines (Delirious de Tom DiCillo, Sleeping Dogs Lie de Bobcat Golthwait) et un fort contingent espagnol, qui ne témoignait hélas pas du regain attendu depuis longtemps. En revanche, la France n'était représentée que par Mon fils à moi et l'Italie était tout à fait absente.

Le directeur du festival, Mikel Olaciregui, assure avoir obtenu pour son festival les "films que nous voulions". Mais parmi les professionnels, acheteurs de films, distributeurs, beaucoup voyaient dans ces absences la conséquence de la concurrence qu'exerce cette année la nouvelle Fête du cinéma de Rome, qui doit commencer le 13 octobre. Plus riche (10 millions d'euros contre les 6 millions dont dispose Saint-Sébastien), la manifestation italienne a déséquilibré le jeu.

Pour autant, Saint-Sébastien ne veut pas renoncer à son statut de festival généraliste. Mais la manifestation s'appuie de plus en plus sur des sections spécialisées qui assurent sa spécificité et sur son succèspublic. Cette année, lessalles étaient pleines (230 000 entrées, pour moitié dues au public, pour le reste aux professionnels) et la manifestation basque reste un point d'entrée privilégié pour la production d'Amérique latine.

La section Horizontes latinos présentait dix-sept longs métrages et les ateliers Cine en construction permettent à des cinéastes latino-américains de trouver des financement pour mener à bien leurs projets. Enfin, Saint-Sébastien n'a pas failli à sa réputation de haut lieu du patrimoine cinématographique en présentant deux impeccables rétrospectives consacrées à Ernst Lubitsch et à Barbet Schroeder.

Thomas Sotinel
Article paru dans l'édition du 04.10.06