Sur fond d'instabilité, les Assyriens d'Irak fêtent l'année 6757


5 avril 2007

Les descendants des Assyriens célèbrent depuis le 1er avril dans le Kurdistan irakien et pendant 12 jours leur Nouvel an, un rite païen qui remonte à des millénaires et glorifie la résurrection et la vie, dans un pays marqué par l'instabilité et ravagé par les violences.

Dans l'impossibilité de se regrouper, en raison de l'insécurité, dans leurs anciennes capitales de Babylone ou Ninive, les Assyriens, un peuple dont l'histoire remonte à 3.000 ans avant Jésus-Christ, fêtent l'année 6757 au Kurdistan, une zone épargnée par les violences.

"Des gens viennent de Bagdad, Mossoul et Kirkouk pour participer aux festivités à Dohouk. Pour des raisons de sécurité, il était trop difficile d'organiser cela dans la plaine de Ninive", confie le porte-parole du Mouvement démocratique assyrien, Akad Mourad.

Vêtus de costumes traditionnels colorés, hommes et femmes défilent dans les rues et dansent, saluant le passage de l'hiver au printemps, l'éclosion des bourgeons et des fleurs, avant la chaleur infernale de l'été.

Officiellement bannis par les régimes successifs à Bagdad, les chrétiens assyriens du nord de l'Irak célèbrent ouvertement leur Nouvel an dans la région autonome du Kurdistan depuis la première guerre du Golfe en 1991. Le Nouvel An est l'événement le plus important pour cette communauté qui parle l'araméen, une langue sémitique proche de l'hébreu.

"Nous faisons la fête pendant 12 jours comme on le faisait à Babylone et Ashur", affirme Nissan Beghazi, président du Centre culturel de la ville de Dohouk, qui est pour la première fois au centre des animations.

Les célébrations ont débuté avec une parade à l'extérieur de l'église de la Vierge Marie à Dohouk. Sous Saddam Hussein, les Assyriens fêtaient le passage à la nouvelle année entre quatre murs à l'abri des regards.

Conformément à la tradition, ils écoutent des poètes qui retracent l'histoire de la création du monde. Une autre coutume pratiquée dans les villages chaldo-assyriens consiste à planter quelques semaines auparavant des graines de blé ou d'orge dans un vase, les poser sur un rebord de fenêtre et regarder pousser les jeunes plants en tant que symbole d'une nouvelle vie.

"Après le soulèvement de mars 1991, notre communauté a recommencé à célébrer ce jour historique. En 1992, le Parlement kurde a décrété que le 1er avril serait un jour férié mais cela n'est toutefois pas entré en vigueur", précise M. Beghazi.

Derrière ces festivités se cache aussi une certaine inquiétude quant à l'avenir, dans un pays où l'émigration de masse a durement affecté les minorités chrétiennes. Celles-ci bénéficiaient toutefois d'un statut relativement protégé sous l'ex-dictateur Saddam Hussein, pendu fin 2006.

"Cette année, nos célébrations ont lieu alors que les gens de notre communauté risquent d'être tués, kidnappés ou déplacés. Ce sont les plus cultivés et qualifiés qui risquent le plus dans cette violence", estime la Fédération de Mésopotamie.

En mars, une sexagénaire et une octogénaire vivant à Kirkouk ont été abattues par balles par des hommes armés qui avaient fait irruption dans leur maison.

L'émigration de masse a vu la communauté chrétienne d'Irak diminuer à quelque 600.000 personnes sur une population totale de 27 millions d'habitants.

Avant de se convertir au christianisme au 1er siècle et d'adopter le calendrier grégorien, les Assyriens célébraient le Nouvel an le 21 mars, comme les Kurdes marquant l'arrivée du printemps, de même que les Iraniens.