Le kamikaze s'est fait exploser en serrant la main d'un responsable du PDK



ERBIL (Irak), 1er fév (AFP) - 19h18 - Un homme s'est approché du responsable kurde Shawkat Sheikh Yezdin, au milieu de la foule joyeuse, et lui a serré la main en lui souhaitant "bonne fête", puis tout a explosé, raconte un témoin.

Les kamikazes, soupçonnés d'appartenir à la mouvance islamiste extrémiste, ont profité d'un relâchement dans la sécurité à l'occasion de la fête musulmane de l'Aïd al-Adha pour décimer la direction du Parti démocratique du Kurdistan (PDK, dirigé par Massoud Barzani) et tuer 56 personnes à Erbil, fief du PDK.

"Le kamikaze a fait exploser sa ceinture au moment où il serrait la main et souhaitait une bonne fête à Shawkat Sheikh Yezdin ("ministre" des Affaires gouvernementales, NDLR) et Sami Abdel Rahmane (le "numéro trois" du PDK)", a affirmé à l'AFP Pichtiouan Sadek, chef de la sécurité du PDK à Erbil, qui a été blessé et se trouvait à l'hôpital.

Il était 10H30 locales (07H30 GMT) à Erbil, lorsque comme le veut la tradition, les gens endimanchés se pressaient pour saluer dans leurs locaux respectifs, les deux partis qui contrôlent la région kurde autonome, le PDK et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK).

"Depuis une quinzaine de jours, il y avait des postes de contrôle dans la ville, mais c'est une tradition : lors de cette fête, on ne fouille pas les visiteurs, c'est ainsi que les kamikazes ont pu se mêler aux invités et se faire exploser", a raconté à l'AFP Gérard Gauthier, responsable de l'Institut français des langues, en poste dans cette ville depuis 1999.

Les kamikazes ont profité de cette tradition d'hospitalité. A cinq minutes d'intervalle, ils ont fait sauter les explosifs dont ils étaient lestés. La déflagration a causé un carnage et pendant plusieurs heures, des ambulances se sont succédé pour évacuer les victimes.

Un journaliste de l'AFP qui s'est rendu aux urgences de l'hôpital d'Erbil a constaté que des blessés et des morts étaient étendus dans le couloir, faute de place. Les médecins ont été rappelés d'urgence et la population se pressait pour donner du sang.

Au siège de l'UPK, la verrière s'est effondrée, blessant ou tuant des invités, ont indiqué des témoins.

Les déflagrations ont causé un véritable carnage. "J'ai vu des gens couverts de sang sortir du bâtiment. Je suis rentré et j'ai vu une scène d'horreur. Il y avait du sang partout, des morceaux de chair, des cris, des gémissements", a raconté un peshmerga (combattant kurde), Haval Hussein, en faction au moment de l'explosion devant le siège du PDK.

Selon Saywan Barzani, représentant du PDK à Paris et neveu de Massoud Barzani, qui est en contact avec des responsables à Erbil, "c'est Sami Abdel Rahmane qui avait décidé que les visiteurs ne seraient pas fouillés ce jour-là", contrairement au plan généralement en vigueur

"Au siège de l'UPK, il y a eu moins de victimes et de dégâts car un garde a repéré le kamikaze et s'est jeté sur lui. L'homme a alors actionné le système explosif", a-t-il ajouté.

Cet attentat a décimé l'état-major du PDK, mais Massoud Barzani n'était pas présent à Erbil. Le chef du PDK se trouvait à Salaheddine, dans la montagne, où il recevait lui aussi des invités.

Outre Shawkat Sheikh Yezdin et Sami Abdel Rahmane, ont péri le gouverneur de la province Akram Mantak, son adjoint Mahdi Khochnaw, le "ministre" de l'Agriculture Saad Abdallah, le chef de la police de la ville Narimane Abdel Kader, selon des listes publiées par les deux partis kurdes.

Du côté de l'UPK, deux membres du bureau politique Shahwan Abbas, et Khosro Shera, ont également péri.

"C'est la plus grande tragédie qu'ait connue le peuple kurde et en particulier le PDK, c'est même plus grave que Halabja", s'est lamenté Osmane Abdallah Disini, 38 ans, en référence au gazage de 5.000 Kurdes par le régime de Saddam Hussein en 1988.