Atmosphère lugubre au Kurdistan après le double attentat sanglant



DOHOUK (Irak), 2 fév (AFP) - 13h19 - Le ciel était noir lundi à Dohouk, capitale de la province la plus septentrionale d'Irak, comme les vêtements portés par ses habitants après le double attentat qui a ensanglanté la veille le Kurdistan, tuant une soixantaine de personnes, dont de hauts dirigeants politiques kurdes.

Toutes les dix minutes, un sombre "Allah est grand" s'échappe des minarets alors que, dans les mosquées, les familles des victimes du carnage d'Erbil reçoivent les condoléances.

Plusieurs personnes originaires de cette ville, fief du Parti démocratique du Kurdistan (PDK de Massoud Barzani), ont en effet péri lorsque les deux kamikazes ont actionné leur ceinture d'explosifs, tuant 65 personnes dont le "numéro 3" du parti Sami Abdel Rahmane.

Les chauffeurs de taxi ont accroché un petit tissu noir à leur antenne alors que d'autres ont collé un poster de la même couleur sur le toit de leur véhicule.

"Cela s'est fait spontanément. Nous avons voulu rendre hommage à tous ceux qui sont morts, à tous ces dirigeants qui ont combattu pour nous", explique Khalat Younes, un chauffeur de 30 ans.

"C'est tellement triste, car ils ne sont pas tombés sur le champ de bataille contre le régime baassiste de Saddam Hussein mais par la main de terroristes", ajoute-t-il.

Les drapeaux sont en berne sur les bâtiments publics et des bannières noires ont remplacé celles du PDK sur les permanences du parti. Les rues sont quasiment vides et dans les parcs désertés, les enfants ne portent pas leurs habits de fête comme c'est pourtant la tradition pour l'Aïd al-Adha (fête musulmane du sacrifice).

"Ce qui nous arrive est une catastrophe. Nous n'avons jamais pensé que les terroristes arriveraient jusqu'au Kurdistan. Nous pensions que notre région était protégée et stable", confie Azaz Mahmoud, un ouvrier de 39 ans.

"Avant, je craignais de me rendre à Mossoul (375 km au nord de Bagdad) ou Bagdad par crainte des attentats, mais j'ai bien peur que ces deux attentats ne soient le début d'une série", ajoute-t-il.

Le sigle de la télévision kurde a laissé la place à un carré noir et les présentateurs vêtus de couleurs sombres ont annoncé trois jours de deuil.

"Durant notre fête, des mains noires ont envoyé la mort et de très grands dirigeants du PDK et de l'UPK (Union Patriotique du Kurdistan de Jalal Talabani) ont péri. Cette attaque ne visait pas seulement le Kurdistan mais tout l'Irak", affirme un communiqué lu à l'antenne.

La télévision diffuse de la musique classique et des images rappelant le combat mené depuis des décennies par le peuple kurde.

"Les terroristes ont transformé notre grande fête en un immense deuil. Quand je marche dans la rue et que je rencontre des amis, je ne sais pas quoi leur dire, je me contente de présenter mes condoléances", souligne Karazne Mohammad, un étudiant de 21 ans.

Dans les cafés, les consommateurs attablés ne parlent que des attentats. Ils affichent tous une mine grave. Sur les murs de la ville sont placardés des faire-part avec les noms des victimes.

"Normalement, durant cette fête, je reçois chez moi des parents et des amis à qui j'offre des fruits, des bonbons et des gâteaux. J'avais tout préparé depuis une semaine, mais je n'ai pas le coeur à les proposer. Je sers seulement du café noir", confie une enseignante, Nawrouz Ramadan.

Dans les rues et devant les permanences des partis, les policiers et les peshmergas (combattants kurdes) sont nombreux. Aux entrées du Kurdistan, les voitures sont fouillées méticuleusement, y compris les moteurs. Mais la région autonome a montré sa vulnérabilité.