Situation juridique de Leyla GÜVEN et ses conditions de détention

mis à jour le Mardi 15 février 2022 à 16h34

Active sur le terrain politique kurde depuis les années 90, Leyla Guven a été arrêtée et placée en garde à vue à plusieurs reprises.

 

 

Tout d’abord, lorsqu’elle était maire de Viransehir en 2009, elle a été arrêtée dans le cadre des opérations organisées dans toute la Turquie contre l’Union des communautés du Kurdistan (KCK). Elle a subi à cette époque une détention provisoire de 4 ans et demi.

Sa deuxième arrestation fut en raison de ses critiques contre les opérations militaires turques dans le canton d’Afrin, en Syrie. Elle a publiquement déclaré que ces opérations représentaient une invasion.  Cette fois-ci, sa détention provisoire a duré plus d’un an et demi. Malgré son statut de députée de Hakkari – elle a été élue en 2018 -, elle fut maintenue en prison. Quelque mois plus tard, elle a déclaré avoir entamé une grève de la faim en prison. Après sa libération en 2019, elle a poursuivi sa grève de la faim en dehors de sa cellule. Elle ne stoppera que 200 jours plus tard, appelant tous ceux qui s’étaient joint au mouvement à la suite des appels d’Ocalan.

Elle poursuit ses actes politiques en tant que députée jusqu’au 4 juin 2019, où son immunité parlementaire est levée dans le cadre du procès contre KCK, qui avait fait l’objet de sa première détention, et dont elle avait presque terminé sa peine. C’est à ce moment que va débuter sa troisième détention. Rapidement (au bout de 5 jours), elle sera remise en liberté. En ce qui concerne cette peine, ses avocats ont fait une demande individuelle à la Cour Constitutionnelle en raison de la violation de son droit à un procès équitable. Mais cette dernière l’a rejeté. Son dossier sur la violation susmentionnée est maintenant devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

Concernant sa dernière arrestation - l’objet de sa deuxième détention provisoire - elle a été jugée et condamnée par le tribunal turc le 21 décembre 2020 à 22 ans et 3 mois de prison pour « appartenance à une organisation terroriste armée » et « propagande » en faveur de cette organisation. Cette condamnation a été confirmée par la Cour d’Appel. Le dossier se trouve maintenant devant la Cour de Cassation. Il s’agit d’une procédure pénale dont ses discours et ses critiques dans le cadre de la liberté d’expression faisaient l’objet.

Toutes ses détentions suscitent des violations des droits fondamentaux. Ses avocats ont fait un recours individuel à la Cour Constitutionnelle sur la poursuite de sa procédure pénale durant son mandat parlementaire. Elle a annoncé qu’elle rendait sa décision sur Guven le même jour où elle la rendait sur le député de HDP, Omer Faruk Gergerlioglu. Cependant, la décision de la Cour Constitutionnelle sur Guven est attendue depuis 3 ans.   

En ce qui concerne ses conditions actuelles de détention, le lendemain de son arrestation, elle etait transférée à Elazig, à 160 km de Diyarbakir. Beaucoup de familles de détenus font face à des difficultés générées par l’éloignement qui leur imposé. Comme tous les détenus en Turquie, elle a subi des pratiques arbitraires et injustes en prison. Par exemple une robe fleurie jaune, rouge et verte (les couleurs kurdes) lui a été envoyée le 20 septembre 2021. Elle n’est jamais arrivée, en raison de ses couleurs. Durant la pandémie de Covid-19, les droits sociaux des détenus ont été restreints dans toute la Turquie. En ce sens, elle en a été totalement privée. De sa détention en 2020 jusqu’au 21 décembre 2021, la famille de Guven n’a pas été autorisée à faire de visite contact en parloir, en raison des restrictions en cours dans toutes les prisons.

En addition, le 16 août 2021, une procédure disciplinaire a été ouverte contre Leyla Güven et neuf détenues par l’administration pénitentiaire d'Elazig au motif qu'elles ont dansé et chanté en kurde. A l’audience du 15 septembre 2021, Guven et des autres détenues ont demandé à se défendre elles-mêmes en langue kurde. La Cour l’a refusé puisqu’elles parlent turc et ne couvrent pas les frais de traduction. La Cour considère cette demande comme un « droit de garder le silence ». A la suite de cette procédure disciplinaire, Leyla Guven et les neuf détenues ont été condamnés à une peine de privation de communication d’un mois. Ainsi, elle n’a pas été autorisée à recevoir ou à envoyer du courrier, ni à téléphoner aux membres de sa famille tout au long du mois de novembre 2021. Un autre recours individuel devant la Cour Constitutionnelle a eu lieu sur cette peine disciplinaire par les avocats de Guven.

En raison de ses discours politiques, ses procédures pénales se poursuivent. Elle a été condamnée à 5 ans à cause d’une conversation en kurde datée au 15 février 2020 à Hakkari sur l’isolement d’Ocalan. Dans le procès-verbal de cette condamnation il a été écrit une phrase du discours de Guven : « Cizre, Botan, Gever, Nusaybin, collectivement, tout le Kurdistan ensemble, debout, en agissant ensemble tout le monde dit que « le leader Ocalan est notre volonté ». Le motif de sa condamnation est de dire cette phrase et utiliser le mot Kurdistan, et également de parler d’Ocalan comme « notre leader » dans le texte du discours qui est traduit du kurde vers le turc par la police. Les avocats ont déclaré qu'ils avaient de sérieux doutes quant à la traduction correcte du discours. La demande des avocats visant à ce que le discours soit traduit par des personnes impartiales et la demande de temps pour préparer la défense ont été rejetées par le tribunal turc. Donc elle a été condamné au total à 27 ans et 3 mois. Son dossier de la peine de 5 ans, lui, est maintenant devant la Cour d’Appel.

Lors d’une visite contact en parloir avec sa fille le 11 janvier 2022, Leyla Guven a rapporté avoir explicitement menacée après qu’un accrochage soit intervenu avec un surveillant pénitentiaire. Concernant cette menace elle a déposé une plainte pénale contre lui. Cependant ce surveillant pénitentiaire a également porté plainte en retour. Aucune sanction n'a été prononcée contre lui alors qu’une enquête disciplinaire a été ouverte contre Guven, et elle a été condamnée à 11 jours d’isolement cellulaire. Concernant cette décision, ses avocats ont fait appel, et elle a témoigné le 11 février 2022 devant le tribunal via le système d’information sonore et visuelle (SEGBİS).