Saddam Hussein entame son deuxième procès


21 août 2006 à 07h41  

Alors que le verdict de son premier procès pour le massacre de chiites doit être rendu le 16 octobre, l'ex-dictateur irakien est jugé pour "génocide" contre les Kurdes en 1987 et 1988 dans le cadre de l'opération "Anfal".

POURQUOI UN NOUVEAU PROCES POUR SADDAM HUSSEIN ?
Les différents faits qui lui sont reprochés ont été disjoints. Le Haut tribunal pénal irakien, installé dans la "zone verte" ultra-sécurisée" de Bagdad, juge donc chaque dossier séparément. Débuté en octobre 2005, le premier procès, consacré au massacre de 148 villageois chiites en 1982, n'est toujours pas terminé puisque son verdict est attendu le 16 octobre prochain -la peine de mort a été requise.

POUR QUELS FAITS EST CETTE FOIS JUGE SADDAM HUSSEIN ?
L'ancien raïs doit répondre des accusations de génocide contre les Kurdes lors de la campagne militaire "Anfal" ("butin de guerre", selon une sourate du Coran). En deux ans (1987-1988), les huit offensives menées dans le cadre de l'opération avaient fait au moins 100.000 morts.

Selon l'accusation, l'objectif était d'étouffer les velléités nationalistes kurdes en s'attaquant aux populations civiles. Si les troupes irakiennes ont effectivement été accrochées par la guérilla kurde des peshmergas, elles sont accusées d'avoir concentré, sur ordre de Saddam Hussein, leur puissance de feu sur les villages et d'avoir utilisé des armes chimiques. Leur but était d'instituer des "zones interdites" au Kurdistan. Les villageois étaient transférés vers des zones pouvant être facilement contrôlées par Bagdad, alors que les "zones interdites" étaient bombardées, puis envahies.

Le parquet tentera également de prouver l'existence de camps d'internement et des exécutions en masse. "Les prisonniers étaient tués plusieurs jours ou même plusieurs semaines après que les forces de sécurité eurent atteint leur objectif", affirme l'organisation Human Rights Watch, en précisant que ces points sont des indices d'une volonté de génocide.

LE CAS D'HALABJA SERA-T-IL INCLUS DANS LES DEBATS ?
Non. L'attaque à l'arme chimique contre la ville avait fait 5 000 morts en 1988 et les images des victimes diffusées dans le monde entier. Mais elle n'étaient pas intégrée aux opérations officielles constituant la campagne "Anfal". L'armée irakienne a en effet gazé Halabja en représailles à la prise de la ville par des peshmergas soutenus par les Gardiens de la révolution iraniens.

AVEC QUI SADDAM HUSSEIN EST-IL JUGE ?
Comme pour le premier procès, il n'est pas seul à se trouver sur le banc des prévenus. Au total, six autres dignitaires de l'ancien régime seront jugés. Parmi eux, son cousin, le général Ali Hassan al-Majid, surnommé "Ali le chimique", chargé de mener les opérations au Kurdistan.

QUI COMPOSE LE TRIBUNAL ?
Le président est un chiite, Abdallah al-Ameri. Son nom a été tenu secret le plus longtemps possible pour des raisons de sécurité : le premier juge du premier procès avait démissionné en cours de procédure alors que trois avocats de la défense avaient été tués.

Une équipe de quarante avocats, dont quatre participeront aux débats, représente les parties civiles kurdes. Saddam Hussein et ses six co-accusés seront pour la part défendus par une équipe de douze conseils.

QUEL EST L'ENJEU DU PROCES ?
Outre celui de la reconnaissance du génocide, le procès devrait également avoir un fort écho politique. Depuis 1991 et la fin de la première guerre du Golfe, le Kurdistan jouit en effet d'une large autonomie qui était garantie en partie par la création d'une zone d'exclusion aérienne imposée par les Etats-Unis. Aujourd'hui, le Kurdistan est une province autonome de l'Irak, un pays gouverné par une fragile coalition d'union nationale, présidé par le Kurde Jalal Talabani.

Et l'avenir du Kurdistan est incertain. Le sort de Kirkouk, ville historique pour les Kurdes, mais habitée également par des turcomans, chiites et sunnites, pose un problème d'autant plus épineux que la région recèle du pétrole. Le procès pourrait rassurer les Kurdes sur la volonté politique de punir les exactions du passé contre eux. Mais il pourrait aussi rouvrir de vieilles blessures et relancer ainsi les velléités indépendantistees dormantes.

Selon les experts, comme pour le premier, ce procès pourrait être très long.