Russie-Irak, un vaste maillage de corruption

Info- LE MONDE [11 avril 2006] 13h59

La Russie a été, de loin, le premier bénéficiaire de "Pétrole contre nourriture". Des sociétés russes ont obtenu le droit de vendre du pétrole irakien pour un montant total de 19,3 milliards de dollars, soit environ 30 % des transactions autorisées dans le cadre du programme onusien, indique le rapport Paul Volcker.

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Les Russes "envoyaient les plus grosses délégations aux Conférences de Bagdad. Il y avait de tout, des pétroliers, des politiciens, des responsables du gouvernement, des représentants de l'Eglise orthodoxe", raconte un témoin, évoquant les colloques qu'organisait le régime irakien tous les six mois.
 
Le Kremlin, pendant les années 1990, tentait de peser à l'ONU pour un allégement des sanctions, espérant favoriser l'octroi de champs pétrolifères irakiens à la société Loukoil. Ex-chef de l'administration présidentielle russe, Alexandre Volochine, en poste jusqu'en octobre 2003, est mis en cause par le rapport Volcker : 4,2 millions de barils de pétrole lui auraient été attribués. Les enquêteurs de l'ONU ont obtenu une lettre du 19 décembre 2002, à en-tête du Kremlin, demandant une allocation de pétrole pour la société Impexoil, signée par M. Volochine, lequel assure que sa signature a été contrefaite.

Le Parti communiste russe, le parti pro-Poutine Edinstvo, l'Eglise orthodoxe, le parti de l'ultranationaliste Vladimir Jirinovski (auquel ont été alloués 73 millions de barils, selon les archives du ministère irakien du pétrole), la structure commerciale Emercom, rattachée au ministère russe des situations d'urgence, et le groupe Alfa Eco, ont tous trempé dans le système de corruption des officiels irakiens.

D'après le rapport Volcker, des liasses de dollars rétribuant des officiels irakiens étaient remises à l'ambassade d'Irak à Moscou. L'argent était transféré vers Bagdad dans des sacs diplomatiques de couleur rouge. A elle seule, la société pétrolière russe Zarubejneft, contrôlée par l'Etat, aurait versé 7,9 milliards de dollars de surcharges, en liquide, à l'ambassade d'Irak.