"Si tu meurs, je te tue" : comédie funèbre chez les Kurdes de Paris

mis à jour le Mardi 22 mars 2011 à 11h28

Lemonde.fr

On ne sait pratiquement rien de Philippe, le personnage interprété avec un charme intrigant par Jonathan Zaccaï (est-il simplet, opportuniste, ou tout bêtement généreux), sinon qu'il sort de prison. C'est pourtant sur lui que repose l'intrigue du huitième film de ce cinéaste kurde installé à Paris après avoir fui le régime de Saddam Hussein à dix-sept ans.

Philippe est un français comme Hiner Saleem les aime, bras ouvert aux exilés. Sur le zinc d'un bistrot, Philippe rencontre Avdal, un Kurde qui lui confie traquer un criminel irakien. A la dérive, fauché, traqué par sa logeuse à cause de ses loyers impayés et de sa petite gueule d'amour, Philippe n'en héberge pas moins Avdal et entreprend de lui trouver un job. Mais Avdal meurt brutalement, d'une crise cardiaque, laissant Philippe dans la mouise.

Car outre la responsabilité de la gestion du cadavre d'Avnar et de ses funérailles, Philippe doit affronter deux épreuves : accueillir Siba, la fiancée d'Avnar, et lui annoncer l'horrible nouvelle ; puis Cheto, le père éploré d'Avnar, un islamiste radical déterminé à ramener le corps de son fils et marier Siba au frère du défunt.

En quête de libération sociale, la féministe Siba n'entend pas repartir en Irak. Elle esquisse même une idylle avec Philippe. Muni d'une arme, Cheto traque bientôt les deux jeunes gens dans Paris. Son ex-future belle fille parce qu'elle se conduit comme une traînée, et l'ex-ami de son fils parce qu'outre l'infamie de séduire Siba, il a commis le crime de faire incinérer Aznar, alors que les musulmans ne brûlent pas les morts...

C'est sur le ton de la comédie qu'Hiner Saleem orchestre une intrigue à la godille, lorgnant du côté du burlesque, de l'absurde, des histoires fantaisistes et décalées d'Otar Iosseliani. Il y a un zeste de naïveté dans Si tu meurs, je te tue, quelques gags convenus et des libertés avec la vraisemblance, mais surtout un ton résolument facétieux qui illustre ce qui habite le cinéaste : l'humour, le goût de la musique et de la liberté. "Nous sommes un peuple qui finit toujours par faire ce qu'il ne veut pas", dit Cheto le père avec un rien de dérision.

De ce film voué à honorer un Paris populaire et des comédiens fétiches (Maurice Benichou, Mylène Demongeot, Jane Birkin et son "Jane B." diffusé en sourdine), on retient le meilleur : les dialogues cocasses du début, le dialogue de sourds avec l'employé municipal chargé des pompes funèbres, la présence récurrente d'œufs durs récalcitrants, la façon de dépeindre la diaspora kurde comme une bande de Dalton...


Film français d'Hiner Saleem avec Jonathan Zaccaï, Golshifteh Farahani, Billey Demirtas, Menderes Salancilar. (1 h 30.)

Jean-Luc Douin