Paris veut faire condamner la Syrie par l'ONU

mis à jour le Mardi 7 juin 2011 à 10h20

Lemonde.fr avec AFP et Reuters

La France est prête à demander au Conseil de sécurité de l'ONU le vote d'une résolution condamnant la répression en Syrie, a déclaré lundi Alain Juppé à la Brookings Institution, un centre de réflexion à Washington, dans une intervention sur le printemps arabe.

"La situation est très claire. En Syrie, le processus de réformes est mort et nous pensons que Bachar [Al-Assad] a perdu sa légitimité à la tête du pays", a dit le ministre des affaires étrangères français. "Nous pensons, tous ensemble, que nous devons maintenant avancer et faire circuler ce projet de résolution au Conseil de sécurité", a ajouté le chef de la diplomatie française, estimant que cette résolution pourrait être adoptée par au moins 11 des 15 pays. "Nous verrons ce que feront les Russes. S'ils mettent leur veto, ils prendront leurs responsabilités. Peut-être que s'ils voient qu'il y a 11 votes en faveur d'une résolution, ils changeront d'avis. Il y a donc un risque à prendre et nous sommes prêts à le prendre." M. Juppé en a parlé lundi avec son homologue américaine Hillary Clinton.

Le projet de résolution exige la fin immédiate des violences contre les manifestants en Syrie et réclame la coopération des autorités syriennes avec une enquête de l'ONU sur des atteintes présumées aux droits de l'homme. Alain Juppé a souligné que la réaction initiale d'Al-Assad, qui semblait proposer des réformes politiques à ce mouvement inspiré des révolutions arabes, avait incité les puissances occidentales à retenir leurs critiques. Mais les derniers développements ont montré que le régime syrien n'allait pas changer sa façon de gouverner, a-t-il ajouté.

La répression des manifestations en faveur de la démocratie a fait plus de 1 000 morts chez les civils selon les groupes de défense des droits de l'homme. Des diplomates estiment que, pour obtenir une simple abstention de Pékin et Moscou – qui ont fait clairement savoir qu'elles n'étaient pas favorables à l'idée d'un texte revenant à un ingérence dans les affaires intérieures du gouvernement syrien –, le projet devra être amendé. M. Juppé n'a pas dit si cela était envisagé. Début mai, les Européens ne sont pas parvenus à faire adopter par le Conseil de sécurité une déclaration condamnant la répression en Syrie. La Russie, la Chine et l'Inde s'y sont opposés. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont déjà imposé des sanctions aux principaux dirigeants du régime syrien, dont Al-Assad.

LE RÉGIME ACCUSE LES MANIFESTANTS DE MASSACRES

Les autorités syriennes ont accusé lundi "des groupes armés" non identifiés d'être à l'origine de combats qui ont coûté la vie à 120 policiers dans le nord-ouest du pays, promettant de ne pas rester "les bras croisés" face à ce que des militants qualifient de mutinerie. Damas accuse régulièrement des "groupes terroristes" et des "étrangers" depuis le début des manifestations contre le régime de Bachar Al-Assad, le 15 mars. Théâtre d'un ratissage de l'armée depuis samedi, la ville de Jisr Al-Choughour est le théâtre lundi de violents affrontements entre policiers d'un côté, et "groupes armés" de l'autre. "Les groupes armés commettent un véritable massacre. Ils ont mutilé les cadavres et jeté d'autres dans [le fleuve] Oronte", indique la télévision d'Etat syrienne parlant d'édifices gouvernementaux brûlés dans cette localité du gouvernorat d'Idleb, à 330 km au nord de Damas.

Ces affrontements — que les médias étrangers ne peuvent pas couvrir directement en raison des restrictions imposées par Damas — ont lieu alors que le pouvoir a annoncé dimanche la création d'une commission chargée d'élaborer un projet de loi sur les partis politiques, selon l'agence officielle Sana. Le multipartisme est une revendication essentielle des opposants qui veulent la fin de l'hégémonie du parti Baas, au pouvoir depuis 1963, et qui est selon la Constitution" le dirigeant de l'Etat et de la société". Pressé par la communauté internationale de stopper ce bain de sang, le régime avait promis mardi dernier une amnistie générale. Plus de 450 prisonniers politiques et de conscience selon l'Observatoire. Les autorités ont annoncé en avril la levée de l'Etat d'urgence en vigueur depuis près de 50 ans, tout en continuant d'envoyer l'armée dans les villes touchées par la contestation.