Moustafa Hejri, du PDKI, milite pour un Iran fédéral et sans tutelle religieuse :

«La démocratie ne s'impose pas par les armes»



Par Marc SEMO - vendredi 23 juin 2006


Ses deux prédécesseurs ont été assassinés par les services iraniens, l'un, Abdoul Rahman Ghassemlou, à Vienne en 1989, l'autre, Said Charafkandi, à Berlin en 1992. Secrétaire général du PDKI (Parti démocratique du Kurdistan d'Iran), Moustafa Hejri dirige en exil le plus ancien et le plus prestigieux des partis kurdes de ce pays.

Malgré la répression et la concurrence parmi les Kurdes (10 % de la population) d'autres forces plus radicales, comme le Komaleh, le PDKI reste un pilier de l'opposition démocratique. Ces deux formations participent, aux côtés de partis baloutches, azéris, arabes et turkmènes, à un congrès regroupant les minorités nationales qui représentent en tout quelque 65 % de la population et combattent dans l'illégalité pour un Iran «fédéral, démocratique et sans tutelle des religieux». Depuis des mois, les incidents armés comme les protestations pacifiques se multiplient sur les marges du pays, au nord-ouest (Azéris et Kurdes) comme au sud-ouest (Arabes) ou au sud-est (Baloutches), alors que Téhéran accuse les Américains d'attiser les haines ethniques.

«Il y a une impatience croissante parmi les nationalités qui veulent la reconnaissance de leurs droits démocratiques et une réelle égalité. Nous vivons ensemble depuis des siècles, et cela ne peut que renforcer la cohésion du pays alors que l'actuelle situation encourage les poussées séparatistes. La volonté de changement monte aussi parmi les Perses, déçus par l'échec des réformistes. L'opposition démocratique est aussi démoralisée que divisée, et la coopération avec les partis des minorités prend donc d'autant plus d'importance», explique Moustafa Hejri.

Son parti mise sur «la résistance pacifique» d'une population kurde, d'autant plus encline à se mobiliser qu'elle peut voir au Kurdistan d'Irak, de fait totalement autonome, «tous les bienfaits de la démocratie et de la liberté». C'est là qu'est installée, depuis 1992, la direction du PDKI, après que la région a échappé au contrôle de Bagdad. Le parti dispose en outre d'une radio émettant vers l'Iran et d'une télévision satellitaire basée en Occident.

Alors que continue le bras de fer sur le programme d'enrichissement nucléaire iranien, il s'oppose à toute politique «d'apaisement». «Même si Téhéran accepte finalement un compromis sous la pression des Européens, de la Russie et de la Chine, il n'arrêtera pas son programme. Ce sera juste une concession pour gagner du temps. Le régime veut à tout prix arriver à l'arme nucléaire pour sanctuariser le pays face aux menaces américaines et affirmer son hégémonie vis-à-vis des Etats islamiques», assure le dirigeant kurde qui, en même temps, clame son opposition à toute intervention militaire américaine.

«La démocratie ne s'impose pas par les armes de l'extérieur, et un véritable changement ne peut se faire qu'au travers d'un mouvement pacifique de l'opposition démocratique et des nationalités. Mais elle a besoin d'aides et de soutiens politiques, notamment de la part des Européens», souligne Moustafa Hejri, venu à Paris en fin de semaine dernière pour un colloque de l'Institut kurde. Il n'a pu avoir aucun contact officiel avec les autorités françaises, mais il ne se faisait guère d'illusion : «Le gouvernement français est toujours très prudent vis-à-vis de l'Iran.»

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