L`opposition syrienne unie réclame un "changement national démocratique"

LE MONDE [17 octobre 2005]

InfoPour la première fois en Syrie, des partis et des personnalités arabes et kurdes d'obédiences politiques diverses viennent de se retrouver autour d'une plate-forme commune, dont l'appellation ­ "Déclaration de Damas pour le changement national démocratique" ­ annonce la couleur : l'objectif de la vingtaine de formations et personnalités signataires est le changement de régime par les voies "pacifiques et démocratiques", dans le but d'instaurer un "Etat de droit" . Les autorités les ayant empêchés d'annoncer leur alliance dans une conférence de presse, les signataires ont diffusé l'information, dimanche 16 octobre, sur un site Internet.Le pouvoir syrien aura du mal à crier à la manipulation ou à l'ingérence étrangère dans la mesure où les signataires ont derrière eux une longue histoire de lutte politique nationale qui leur a valu de ne pas être légalisés voire, pour certains d'entre eux, d'être emprisonnés. La direction exilée de l'association syrienne des Frères musulmans a aussitôt adhéré à la "Déclaration de Damas", dans un communiqué publié sur son site Internet.

A l'heure où le pouvoir syrien est mis en cause pour son ingérence au Liban et son soutien présumé aux insurgés et aux terroristes en Irak ­ ce dont il se défend ­, cet appel intérieur à des "changements radicaux" qui ne soient pas "de pure forme" accentue la pression sur le pouvoir.

L'appel à tous les partisans du changement au sein de la société et de la classe politique, y compris dans le giron du pouvoir, pour faire passer le pays de la "formule de l'Etat sécuritaire à celle de l'Etat politique", est dicté par l'urgence face "aux dangers sans précédent" qui guettent la Syrie, écrivent les auteurs.

LARGE COALITION

Ils dénoncent "le monopole du pouvoir" exercé depuis plus de trente ans par un régime "hégémonique, totalitaire et factieux" dont les politiques, qualifiées de "destructrices, aventureuses et à courte vue", ont entraîné un "isolement étouffant" au plan arabe et régional et une désaffection populaire pour la chose publique, des crises de plus en plus graves et le risque d'un effondrement économique.

Les signataires, qui vont du Rassemblement national démocratique ­ dont fait partie le Parti du peuple (ex-Parti communiste) du célèbre opposant Riad Turk ­ au député en détention Riad Seïf et à l'activiste des droits de l'homme Haïtham Al-Maleh, en passant par les sept partis représentant la minorité kurde et le chef religieux sunnite très respecté Jaoudat Saïd, se proposent d'instaurer "pacifiquement, progressivement, par le dialogue, l'entente et la reconnaissance de l'autre", un régime "démocratique", condition indispensable du changement.

Ils rejettent tout esprit totalitaire, toute violence en politique et toute hégémonie partisane, s'engagent à respecter la liberté et la souveraineté du peuple, bref à construire un "Etat moderne, fondé sur un nouveau contrat social", issu d'une nouvelle Constitution élaborée par une Assemblée constituante.

Ils prônent le multipartisme, l'octroi à la minorité kurde opprimée (1,5 million de personnes) de la citoyenneté pleine et entière, à égalité avec toutes les composantes de la société. L'islam étant "la religion de la majorité" des citoyens, il est qualifié de "constituant cultuel principal", toutes les autres composantes cultuelles et religieuses du pays devant être respectées.

Dans le but de parvenir à la plus large coalition possible de forces sociales politiques et syndicales désireuses de changement, les signataires précisent que ces lignes directrices sont ouvertes à la critique et à la discussion.

Mouna Naïm

Article paru dans l'édition du 18.10.05