Les sunnites déçus et frustrés par le gouvernement Jaafari

BAGDAD, 28 avr (AFP) - 16h33 - A peine né, le nouveau gouvernement dominé par les chiites et les Kurdes irakiens a suscité de vives critiques de représentants de la communauté sunnite qui estiment avoir été marginalisés et n'avoir obtenu que "des ministres d'opérette".Qu'est-ce qu'on a eu ? le ministère de la Culture, mais tout le monde sait qu'il n'y a plus de culture dans ce pays saisi par la violence, celui du Tourisme, mais de quel tourisme parle-t-on ?, s'est indigné Modhar Chawkat, un sunnite élu sur la liste chiite et qui vient de faire défection.

Le député, qui dit avoir quitté la liste de l'Alliance unifiée irakienne pour protester contre "sa sensibilité chiite religieuse" là où il aurait souhaité la voir représentative de tous les Irakiens, s'est dit déçu et frustré par le cabinet dont il dénonce à la fois le nombre pléthorique de ministres et le peu de place fait en son sein aux sunnites.

Il s'est interrogé sur l'utilité d'un gouvernement de 37 membres au sein duquel les sunnites n'occupent que quelques postes confiés, selon lui, à des "ministres d'opérette".

Dans la liste qui a obtenu le vote de confiance du Parlement, les chiites, grands gagnants des élections du 30 janvier, se taillent la part du lion avec quelque 16 ministères, suivis par leurs alliés kurdes qui en obtiennent neuf.

Le poste du ministre de la Défense, promis aux sunnites, n'a pas été pourvu et son intérim a été confié au Premier ministre et chef du parti islamiste chiite Dawa, Ibrahim al-Jaafari.

Dans une intervention après le vote, un député sunnite, Michane Joubouri s'est distingué par la violence de ses propos contre la nouvelle formation ministérielle, allant même jusqu'à accuser le vice-président sunnite Ghazi al-Yaouar d'"avoir trahi les siens" en l'approuvant.

"Je ressens une réelle douleur en constatant que ce gouvernement a fait l'impasse sur une composante essentielle du peuple irakien, que sont les Arabes sunnites", a déclaré ce député, l'un des rares à avoir réussi à se faire élire, notamment grâce a un apport de voix de la région du nord de Bagdad ou la guérilla est très active.

M. Yaouar a convoqué une conférence de presse pour défendre sa décision et exiger dans le même temps que les cinq postes non pourvus reçoivent des titulaires dans les "deux jours" et que les sunnites aient la liberté de choisir leurs candidats pour les postes de la Défense et des droits de l'Homme.

"Il est vrai que le nombre de ministères (alloués aux sunnites) est en deçà des espérances", a-t-il concédé, expliquant avoir accepté la liste en raison de l'urgence que constitue à ses yeux la formation d'un exécutif 12 semaines après les élections générales.

"Je ne suis pas totalement satisfait de ce gouvernement", a-t-il dit en reprochant à ceux qui l'ont formé de l'avoir fait sur une base confessionnelle.

"On était bien obligé de le faire de cette manière", a regretté M. Yaouar, dont la liste Iraqioun n'a remporté que cinq sièges au Parlement.

Dans les milieux sunnites, le chef des wakfs, les biens religieux, Adnane Dlimi, un modéré, a réagi à l'annonce du gouvernement par une simple phrase: "Les sunnites ont été marginalisés".

"Mais les sunnites se sont marginalisés eux même en boycottant les élections", a ajouté M. Dlimi qui s'est consolé en relevant que le gouvernement n'aura qu'une durée de vie de quelques mois.

Il a promis de s'employer à "sensibiliser (les siens) à la nécessité de participer au processus politique" en prévision des élections générales prévues en principe en décembre 2005 après l'adoption d'une Constitution permanente.